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Texte 7 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

L’enlèvement.

 

Je me retrouvais là, nu sur ma pelouse humide. La lumière blafarde du réverbère m’indiquait que c’était la nuit. J’avais froid. J’étais fatigué. Tandis que les étoiles commençaient à tourner, j’ai entendu le crissement des pneus sur les gravillons des voisins puis une voix familière :

— Ho ! Chéri ! Regarde ! C’est Claude. Il faut appeler les ...

 

— Il reprend connaissance.

— Monsieur Charpentier ! Je suis le docteur Besson. Comment vous sentez-vous ?

— Bien, je crois.

Autour de moi, les murs sont blancs. Un flacon suspendu m’indique qu’une perfusion est reliée à mon bras droit. Je suis à l’hôpital.

— Que vous est-il arrivé Monsieur Charpentier ? Vous en rappelez-vous ?

 

Que m’est-il arrivé ? Que m’est-il arrivé ?

Les souvenirs me glacent, me perturbent. Une douleur insiste. Des regards attendent des réponses.

Je commence mon récit mais je bafouille, tant je suis bouleversé. Des blouses blanches, attentives, m’écoutent. Par moment, elles se regardent en hochant la tête comme si... comme si je n’avais pas toute la mienne. Et pourtant...

Je n’aime pas cela. J’ai besoin de réfléchir et de me remémorer seul les événements.

Après leur avoir expliqué ma promenade nocturne pour cause d’insomnie, le bruit strident consécutif à un flash qui m’a laissé aveuglé quelques minutes, la sensation qu’on me saisissait et qu’on m’emportait dans les airs à une vitesse qui m’en a retourné les tripes, le retour de ma vision accompagné d’une frayeur en me retrouvant face à des créatures monstrueuses, j’ai ajouté :

— Je suis fatigué.

Puis j’ai fermé les yeux, comme si je tombais dans un profond sommeil.

 

Maintenant que le silence et la solitude habitent ma chambre, je peux passer en revue ce lieu incroyable, là-haut, quelque part. Celui que ma personne, choquée, a gravé dans ma mémoire.

Une lumière rouge et chaude éclaire une pièce ronde aux cloisons qui semblent onduler en vagues régulières. C’est très étrange et même dérangeant. Cela me donne la nausée mais moins que les créatures qui me maintiennent debout avant de commencer à me déshabiller avec brusquerie. Elles sont à la fois légèrement collantes et rêches.

— LÂCHEZ-MOI !

Tandis que je me débats, on me tâte, on me pince avant de m’attacher sur un support mou et spongieux.

 

Malgré ma vision encore perturbée de points lumineux, j’essaye de détailler de grandes, fines et poilues créatures qui m’observent d’un œil noir, central et irisé de vert. Au dessus, perchés sur des antennes mobiles, deux sortes d’yeux globuleux font des mouvements saccadés de concert avec leurs cils épais qui bougent sans cesse.

Ces globes semblent être des organes pour communiquer.

 

Je crie. Je supplie. Ces monstrueux bipèdes ne réagissent pas. Sont-ils sourds ?

Ils observent ma bouche. Une patte velue vient la toucher.

Eux, ils ont une trompe, fine et enroulée comme celle de certains insectes. Mon orifice buccal semble être une découverte. Un ongle crochu insiste et inspecte ma langue. Un goût âcre m’écœure. Je mords. Le membre supérieur, semblable à la patte d’une mouche, se retire.

Cette comparaison me glace. La panique monte. Je voudrais m’échapper mais maintenant je suis comme englué par des liens verdâtres.

Les créatures parcourent tout mon corps sans tenir compte de ma pudeur. Elles me tournent sur le côté. Elles tâtent mes fesses. Leurs globes s’agitent.

Elles s’intéressent à cette partie charnue de mon corps. Je crie mais elles ne m’entendent pas. C’est sûr. Elles sont sourdes.

— A A Ah !

On me pique !

— Aïe !

On m’injecte quelque chose qui me brûle.

C’est horrible. J’ai mal.

J’ai l’impression qu’on m’arrache mes chairs, je m’évanouis.

 

Quand je me réveille, je grelotte. On dirait que je suis fiévreux. Je suis dans la pénombre. Mes membres sont libres. Ma fesse droite me lance. Ma main y découvre un trou sanguinolent.

Ces bestioles m’ont-elles goûté ? M’ont-elles bouffé ?

La panique monte.

Certains de leurs organes : leurs yeux, leurs pattes m’ont fait penser à des mouches. Mais ont-elles des ailes ? Je ne me souviens pas en avoir vu.

Elles arrivent. Non, elles en sont dépourvues.

Si ce sont des sortes de mouches, mangent-elles de la même façon, en injectant des enzymes pour dissoudre les chairs ?

Je pense à ma fesse. Je tremble d’effroi. Les créatures m’observent. De leurs globes mobiles, elles semblent échanger sur ma personne. Que me veulent-elles enfin ?

JE VEUX rentrer chez moi.

Tandis que des sueurs froides envahissent mon dos et mon front, je tente le tout pour le tout. Je me mets à cligner des yeux tout en bougeant mes globes oculaires de haut en bas et de gauche à droite.

Ça y est ! J’ai capté leur attention. Je continue de plus belle.

Les créatures partent soudain. Ont-elles compris que je suis doté de raison ?

 

Après un temps qui me semble une éternité, elles reviennent.

De nouveau, on m’emporte. Je me retrouve sur un sol transparent au dessus des nuages.

Tout à coup ! La surface élastique se dérobe

— AU SECOURS ! JE TOMBE !

NON ! Je ne veux pas m’écraser sur notre belle terre !

C’est à ce moment là que tout est devenu noir puis je me suis réveillé dans mon jardin.

 

Je touche ma fesse pansée dont la douleur persiste. Dans le couloir j’entends :

— Il a du se faire mordre par un chien. La fièvre l’a fait délirer.

— Oui, mais que faisait-il nu dehors ?

Si je leur dis la vérité, je risque d’être interné pour folie.

Somnambule ! Mais bien sûr.

Je leur dirai qu’il m’arrive de souffrir de crise de somnambulisme.

 

Je garderai pour moi mon incroyable enlèvement.

 

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Texte 6 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type - Votes jusqu'au 15/09 minuit

Publié le par christine brunet /aloys

Rencontre du troisième type


 

Les paupières mi-closes, je voyais à peine tant le soleil me brûlait les yeux.

Tout ce sable devant moi semblait se perdre jusqu’au-delà de l’horizon. Un navire à moitié enseveli, la coque couleur rouille, des ailes et des carlingues d’avions posaient sur le flanc, les hélices tordues et des dizaines d’objets plus hétéroclites les uns que les autres empilés au pied d’un tas montagneux ressemblant à une pyramide… feuillue.

Mon corps allongé me semblait être en apesanteur, mon esprit vacillait dans un trouble complet et incompréhensible, ne me permettant plus de mettre les choses dans un ordre logique.

J’étais mal dans ma peau, mon estomac me remontait jusque dans la gorge, mes muscles manquaient totalement de force, mon sang chauffait mon corps plus fort que le soleil. Des idées farfelues me traversaient la tête, j’avais l’impression de vivre un cauchemar de haut vol, rien de rationnel, étais-je sur une autre planète, chez les petits hommes verts ? Ce décor n’était certainement pas celui d’un conte de fées, était-ce un châtiment divin ou une renaissance impie. Je ne comprenais rien à cette situation extraterrestre.

Soudain sans les avoir vues arriver, trois ombres de statures différentes, une petite nerveuse, une grande mince et une moyenne plus… dodue apparurent dans les reflets du soleil.

Ces trois ombres parlaient ma langue et c’est à ce moment précis que tout était devenu beaucoup plus clair.

Le premier petit type bizarre me dit

« Tu viens jouer avec moi dans le bac à sable, j’ai sorti tous mes jouets ?»

Puis le second type me dit

« Ta bouteille de vodka est vide, je te la remplace ? »

Et la rencontre avec le troisième type me fut fatale

« Ah non alors ! Votre père doit encore tondre la pelouse, ramasser ce tas de feuilles et il est déjà complètement bourré ! »

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Texte 5 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

LA RENAISSANCE D'ONCLE XAVIER


 

Depuis ma plus tendre enfance, un immense surgélateur occupait toute une cave chez ma grand-mère. J'ai quinze ans et je ne l'ai jamais vu ouvert alors que deux autres recèlent des trésors de crèmes glacées et gâteaux. Je ne sais pas ce qu'il contient. Il faut dire que Mamy m'a toujours interdit de l'ouvrir. D'ailleurs, comment aurais-je pu y parvenir puisque seul un code en permettait l'accès ?

Ce jour-là, il y a une réunion familiale chez Papy et Mamy. Par la fenêtre du living, j'aperçois un jeune homme barbu qui se balade dans le jardin. Il ressemble étrangement à mon oncle Xavier : le regard pétillant, les cheveux noirs abondants, la mèche sur le front ne peuvent me tromper. Ce jeune homme, je ne le connais que pour l'avoir vu en photos. Toujours en troisième position en partant de la gauche, ce qui me faisait rire quand j'étais petit. Je me souviens de la réaction de Mamy face à mon étonnement : "Tu sais, c'était mon troisième enfant et à l'époque la tradition voulait que les enfants soient rangés par ordre d'âge. C'était très facile ! Ça évitait les disputes inutiles !"

J'avais déjà tenté d'en savoir plus au sujet d'oncle Xavier. Mamy m'avait alors répondu : " Xavier, c'est le frère de ton père. Il a disparu, il y a bien longtemps." J'avais repris : "Disparu ? Comment ça ? " Mamy avait juste dit :"C'est tellement vieux. On n'aime pas d'en parler. Quand tu seras plus grand, tu sauras…"

Je brûle d'envie de sortir pour bavarder avec le jeune barbu et en savoir plus à son sujet. Petit problème : pour quitter la maison, je dois passer par la cuisine et cela Mamy ne l'apprécierait pas du tout. Je m'approche de la fenêtre, je fais un signe en essayant d'attirer son attention, mais il ne me remarque pas.

Dans la maison, l'ambiance est festive. Tout le monde boit du champagne et mange de délicieux petits gâteaux. Les conversations vont bon train. La bonne humeur règne. Mes grands-parents, mes parents, mes oncles, mes tantes, mes cousins, tous semblent joyeux en attendant la surprise et le speech de seize heures précises promis par Papy. Un moment d'inattention et je suis dans le jardin. Personne n'a rien vu ! Je vais à la rencontre du jeune barbu.

"Bonjour. Je m'appelle Axel. J'ai vu votre photo dans un album. Vous êtes mon oncle Xavier ?

- Bien sûr que je suis oncle Xavier. Et toi, tu es qui ?"

Je n'ai pas le temps de répondre. Déjà quatre heures sonnent au clocher voisin. Xavier m'entraîne et nous entrons. Tous sont tournés vers mon grand-père qui vient de commencer son discours. Apparemment, personne n'a remarqué notre présence. Papy annonce : "Retournez-vous ! Je vous avais promis une heureuse surprise et je tiens ma promesse. Xavier, notre fils; Xavier, votre frère; Xavier, votre oncle; Xavier, votre cousin; Xavier que chacun croyait disparu est là et bien là. Approche-toi, Xavier… Je suis heureux de constater que tu as déjà fait connaissance avec Axel, le plus jeune de mes petits-enfants. Vois-tu Axel, Mamy et moi vous avions fait croire qu'il avait disparu. En fait, Xavier avait eu un accident de moto et était très mal en point. Les médecins nous ont conseillé de garder Xavier dans une armoire de cryogénisation. En attendant, prétendaient-ils, que la médecine ait fait suffisamment de progrès pour qu'on puisse le ramener à la vie. Il y a quelques semaines, nous avons reçu l'excellente nouvelle : Xavier allait être sauvé. Aujourd'hui, nous l'accueillons donc ! Faites connaissance avec lui et amusez-vous bien ! N'oubliez pas que Xavier est bien plus vieux qu'il ne le paraît !"

Les retrouvailles ont été inoubliables… Tous nous avons entouré Xavier, l'avons tour à tour serré dans nos bras et embrassé très fort. Puis il est passé de petit groupe en petit groupe. Nous avons terminé la soirée assis l'un à côté de l'autre dans le canapé et Xavier m'a confié : "Je n'ai gardé aucune séquelle de mon accident. Je reprends ma vie là où je l'avais laissée, mais j'ai l'impression que beaucoup de choses ont évolué en vingt-deux ans. Ce ne sera pas facile. Mais tu pourras peut-être m'aider à me mettre au courant, n'est-ce pas ?"

Xavier et moi sommes restés très liés ! C'est chouette d'avoir un oncle à peine plus âgé que soi et de pouvoir lui apprendre plein de choses !

Le grand congélateur a disparu.

Mon grand-père m'a expliqué : Mamy et lui s'étaient mis sur la paille pour sauver leur fils. Pendant vingt-deux ans, ils n'en avaient parlé à personne.

À présent, je regarde les photos de famille avec beaucoup plus d'attention. Mes yeux sont inévitablement attirés par le troisième personnage en partant de la gauche.

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Texte 4 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

La vieille dame tranquille


 

Cette adorable vieille dame, un peu rigolote, me faisait invariablement penser à la maîtresse de Titi et de Gros Minet, avec ses cheveux blancs impeccablement tirés en arrière et retenus par un chignon en boule, ses petites lunettes sur le bout du nez et le gros camée épinglé sur le haut de son corsage immaculé. C’était madame Vialet.

Une voisine sans histoire, incroyablement discrète, que je voyais régulièrement aller et venir à pas menus, les jours de marché, tirant un caddie en tissu écossais dont les roulettes tressautaient sur les aspérités de l’allée mal entretenue.

Elle vivait seule avec son chat, un matou ébouriffé aussi noir que les chemisiers de sa patronne étaient blancs, et j’avais beau fouiller dans mes souvenirs, je ne me rappelais pas avoir jamais vu quiconque lui rendre visite. Et plus j’y pensais, plus je sentais comme une espèce de tristesse m’envahir. Aussi, le jour de la fête des voisins, je n’y tins plus. Plein de compassion, un carton de pâtisseries à la main, je grimpai avec détermination les trois marches me séparant de la terrasse pour aller appuyer sur la sonnette.

Elle vint m’ouvrir au bout d’une petite minute, entrebâillant prudemment la porte, le regard étonné mais aussi souriante qu’à l’accoutumée. Puis son sourire s’élargit en apercevant le paquet que je tenais délicatement par le ruban doré qui le fermait. « Oh ! » s’exclama-t-elle, visiblement ravie.

Elle s’effaça pour me laisser entrer. « Comme c’est gentil, monsieur ! » ajouta-t-elle en m’invitant d’un geste à la précéder dans un couloir assez sombre. Jetant un coup d’œil amusé sur la tapisserie à fleurs passablement défraîchie, un peu gêné malgré tout, je pénétrai bientôt dans une salle à manger qui sentait le renfermé et l’encaustique. Et là, là…

Je lâchai mon paquet qui heurta le carrelage avec un bruit mat. Saisi de stupeur, en proie à toutes sortes de sentiments contradictoires dont la très désagréable impression d’être victime d’un sinistre canular, je contemplai bouche bée, la gorge sèche, les deux grosses créatures insectoïdes commodément installées sur le canapé de cuir synthétique, à côté du chat en train de se lécher consciencieusement le bout des pattes.

« Ah oui… » intervint gaiement la vieille dame. « Suis-je étourdie… J’ai omis de vous avertir que j’avais des invités ! »

Des invités… Ces longues antennes et ces yeux globuleux qui me fixaient comme s’ils me transperçaient, cette carapace chitineuse, ces larges membres antérieurs qui leur donnaient l’allure de mantes religieuses… Non, c’était trop énorme, ça ne pouvait pas être vrai ! J’avalais difficilement ma salive.

« C’est… c’est quoi, ça ? » parvins-je à articuler, paralysé d’effroi.

« C’est qui, voulez-vous dire ? » répondit-elle en riant. Puis, facétieuse : « Je les ai appelés Dupont et Dupond car ils sont inséparables ! »

Surréaliste… C’était à devenir fou !

« Mais… mais enfin, bonté divine, d’où sortent ces… ces horribles choses ?

- Heureusement qu’ils ne comprennent pas vos paroles, ils pourraient bien se vexer, vous savez ! » fit-elle remarquer sur le ton de la plaisanterie. « Je crois qu’ils viennent de Sirius, monsieur…

- Comment ça, de Sirius ? Que me racontez-vous là ? Vous vous moquez de moi…

- Pas du tout ! Je crois qu’ils viennent de Sirius, parce que…

- Bon, ça suffit ! De Sirius ou d’Alpha du Centaure, peu importe ! Que foutent-ils là et quand sont-ils arrivés ? Pourquoi n’avez-vous pas immédiatement averti les autorités ?

- Mais pourquoi faire ?

- Pourquoi faire ? » m’étranglais-je. « Pourquoi faire ? Deux extra-terrestres débarquent chez vous et vous trouvez normal de ne rien dire à personne ? Vous êtes complètement inconsciente, ou quoi ? Quand je pense à toutes ces polémiques à propos de leur possible existence… »

Elle prit un air attristé.

« Ils m’ont fait comprendre à chaque fois qu’ils ne reviendraient plus me voir si je faisais ce que vous dites.

- Parce qu’ils étaient déjà venus ? » m’exclamai-je, au comble de l’ébahissement.

« Oh oui, souvent ! Ils dissimulent leur petit vaisseau dans le jardin, derrière la maison, et nous passons un bon moment ensemble ! Des gens charmants… Si vous saviez tout ce qu’ils m’ont appris !

- Mais… » soufflai-je, incrédule. « Vous avez dit vous-même qu’ils ne pouvaient pas comprendre ! Ce qui n’a rien d’étonnant…

- C’est parce que ça ne se passe pas du tout comme ça. Il faut toucher leurs antennes pour qu’ils puissent transmettre des images directement dans notre cerveau ! Eux lisent facilement nos pensées… Allez-y, faites-le, vous verrez ! »

Je reculai instinctivement.

« Quoi ? Venir plus près de ces affreuses bestioles ? Les toucher ? Vous êtes sérieuse ?

- Je vais vous montrer… » déclara-t-elle en se dirigeant tranquillement vers le canapé.

Puis elle tâta à plusieurs reprises l’antenne de l’un des arthropodes qui ne broncha pas.

« À vous, maintenant ! Vous voyez, ils ne m’ont pas mangée… Ils sont si gentils ! Alors, pourquoi devriez-vous craindre quoi que ce soit ? »

Effectivement… Malgré l’incoercible répulsion que j’éprouvais, je sentis qu’il allait devenir difficile de me dégonfler. La boule au ventre, je m’approchai et m’exécutai avec une infinie délicatesse, prêt à bondir en arrière au moindre frémissement de l’un des deux aliens.

Alors, dans un éblouissement, je vis. Je vis une multitude de mondes très différents, plus merveilleux les uns que les autres, avec de vastes forêts d’étranges végétaux, des fleurs d’une stupéfiante beauté, des lacs scintillants sous des soleils pourpres, oranges, ou bleus, des rivières et des cascades. Je vis des villes splendides dont les tours gracieuses s’élançaient très haut dans un ciel bariolé, et d’immenses spatioports envahis d’essaims d’objets volants se déplaçant à la verticale avec d’incroyables accélérations.

Et puis, je vis soudain tout autre chose. J’eus d’un coup l’impression de pouvoir lire à livre ouvert dans l’âme de la vieille dame, de m’imprégner de sa candeur, de la pureté de ses sentiments, de son inébranlable probité, de son total désintéressement. En un mot, de sa sainteté, qualificatif qui ne me serait jamais venu à l’esprit avant d’éprouver ce que je venais d’éprouver.

Le temps de commencer à m’en remettre, ce fut mon tour… Mes mesquineries, mes lâchetés, mes mensonges, mes trahisons, mon égoïsme, mes pensées délétères… Tout ça et bien plus encore me sauta violemment à la figure, me laissant complètement sonné, comme sous l’effet d’une terrible gifle. Grand Dieu… étais-je un tel monstre ?

Sérieusement ébranlé, je sortis à reculons du salon et quittai précipitamment le domicile de la vieille dame, sans plus écouter cette dernière qui tentait gentiment de me retenir. L’humble, l’obscure madame Vialet qui avait eu l’honneur de recevoir les premiers visiteurs de l’espace. Elle et non pas le président de la République, les membres du gouvernement ou les représentants du parlement. Ou moi-même, habitant juste à côté et n’en ayant jamais rien su…

Je passai le reste de l’après-midi à guetter, derrière les vitres, le départ du vaisseau spatial. Je ne vis absolument rien, finis par aller me coucher sans rien pouvoir avaler et ne réussis pas à fermer l’œil.

Le lendemain matin, épuisé, je constatai avec dépit l’absence de la vieille dame. Bien décidé à contacter le journal local pour la forcer à raconter son invraisemblable histoire, et tout en prenant grand soin de son matou, j’attendis impatiemment son retour pendant des jours, des semaines, des mois. Mais nul ne la revit jamais ni ne fut capable d’émettre la moindre hypothèse sur ce qu’elle avait bien pu devenir.

Mais son chat et moi avons notre petite idée et, à la nuit tombée, nous observons ensemble, pendant de longues heures, dans la constellation du Grand Chien, l’étoile la plus brillante du ciel.

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Texte 3 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

La Luciole

 

La Luciole était une de ces petites extra-normes aux origines bousculées, dont le présent aussi la secouait comme une centrifugeuse. Certainement, sa vie ne comportait pas d’il était une merveilleus fois, par un beau matin d’été, elle s’éveilla souriante, sa mère la prit dans ses bras pour la couvrir de baisers, son père était une présence grande et forte, ses frères et elle passaient d’interminables après-midi à jouer dans les prés avoisinants

Elle voulait bien faire, voulait bien croire. Était forcée de faire confiance, et puis forcée de constater qu’elle s’était plantée cette fois aussi. Mais bon, de cette manière, elle avait avancé, en âge en tout cas.

Quand je l’ai connue (le temps d’un repas sidérant), elle venait de se faire prendre en main par un sinistre voyou de la haute (très haute) société française, un comte (oui) hurluberlu et amoral qui se vantait d’un ancêtre auteur d’un livre sur la démonologie, d’une ancêtre devenue Sainte en Italie, de fantômes et esprits malfaisants dans le château, et plus tard de sbires à sa solde qui s’en allaient casser les jambes de ceux que monsieur le comte n’aimait pas ou plus. À l’époque, je ne connaissais pas encore tout son pedigree, je savais juste qu’il était drôle, infidèle (à une épouse qui, actricette de télévision, l’était tout autant), et toujours prêt à une sortie qui ne ressemblerait à aucune autre. Il avait aussi l’avantage d’être plus âgé que notre petit groupe, et surtout celui que nous soyons encore, nous aussi, assez crédules.

Bref, un jour il se présente chez moi avec la Luciole. Une fille au look de titi des rues, toute jeunette, et toute soumise à son destin. Ce type si gentil qui lui avait sans doute dit être fou amoureux d’elle, et qui cherchait à la loger chez ses amis, quelle aubaine, quel seuil menant à la porte du château et la respectabilité. Sa femme comprendrait bien vite, il le lui avait affirmé, et elle habiterait avec lui dans les quartiers Est du château, ceux avec la tour et l’escalier en colimaçon. Il ne voulait plus qu’elle mène cette vie sans amour, lui en était plein, d’amour, elle était sauve ! Oui, sauve, car il l’amène chez moi en me demandant si elle peut loger chez moi le temps qu’il trouve une solution, car tu sais, ma femme, il faut d’abord que je lui en parle. Gloups ! Jamais vu la fille, la fille toute jeune mais délurée à sa façon, et je refuse, offrant toutefois qu’ils restent pour le repas, avec un couple d’amis et mon mari.

La pauvre Luciole se croit dans son futur environnement, avec ses nouvelles relations, et s’efforce d’avoir les manières les plus stylées possible. Elle tient son verre avec le petit doigt tendu comme une pince de crabe, elle se tamponne les lèvres en bouton de rose avec un millimètre carré de serviette, elle écoute poliment nos conversations peu édifiantes sans doute… Le comte la présente, résume à sa façon son existence tirée de Sans famille et Je suis née dans les favellas, et finalement en confiance, la Luciole prend un air très sophistiqué, appuie ses coudes sur la table pour y poser gracieusement son menton, et dans un clignement de paupières détendu me demande : « Et vous, madame, vous avez déjà été en maison de correction ? »

 

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Texte 2 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

Jeune femme cherche prince vaillant

 

 

Du plus loin que je m'en souvienne, j'ai toujours rêvé du prince charmant. Enfant, j'aimais l'imaginer beau, grand, drôle et intelligent, bravant les plus improbables périls, tantôt chevalier tranchant d'un coup d'épée la gorge d'un redoutable dragon, tantôt traversant les déserts mortifères pour me délivrer d'un cruel sultan.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'abus de contes de fées avait fait de moi une écervelée.

Heureusement les années ont passé.

Mon adolescence connut son lot de désillusions et de déboires, tant et si bien que la vérité s'imposa : la gent masculine grouillait de médiocrité. Je revis donc mes ambitions à la baisse et me concentrai sur un seul critère, impérieux : la vaillance. Mettre de côté les charmes physiques et intellectuels m’était acceptable, mais je ne pouvais supporter la compagnie d’un être pusillanime.

Evidemment, ce ne fut pas si simple.

J’avais la détermination et l’humeur versatiles, et les hommes, inlassablement, me décevaient dès le premier émoi.

C’est un cerisier qui changea le cours de mon existence.

Alors que trente-cinq ans me séparaient de ma naissance, que je vivais toujours sous le toit maternel, et que, comme tous les matins, je buvais mon café dans la tasse en porcelaine de mon enfance, debout, nue, face à la baie vitrée donnant sur notre beau jardin verdoyant, pour la première fois, je ne vis que lui. Lui, et lui seul. Le cerisier en fleurs.

Je fondis en larmes.

Des trombes de désespérance dégoulinèrent sur mes joues et mon cou. D’une fatalité accablante. Des heures à pleurer sur mon sort, ma solitude, sur cette épaule masculine que je ne parvenais pas à trouver, et sur toutes ces années passées et futures déposant partout, sur moi et en moi, la sale poussière du temps.

Satané cerisier en fleurs.

Satané symbole de fécondité.

 

Il fallait que je prenne mon destin en main, sans quoi continuer à vivre me serait insoutenable. Contre l’avis maternel, le bon sens, la prudence, la quiétude et autres pensées réfractaires, ma décision s’imposa.

Au petit matin, je quittai mon toit de toujours. Et ma campagne.

 

Je choisis de m’installer au cœur d’une grande ville. Une petite annonce de colocation avec “une jeune femme, les pieds parfois sur terre, et aimant la fête” me sembla opportune pour exaucer mes vœux de rencontres.

Emma était étonnante de bonne humeur et d’esprit d’aventure. Et quel sens de la persuasion ! Une semaine, pas une de plus, lui suffit pour me convaincre de l’accompagner à un rendez-vous singulier. Je mis ma crainte de la déconvenue de côté et me laissai gagner par l’insouciance.

 

C’était un soir d’été.

Je me souviens encore du ciel paré de ses plus belles étoiles.

Nous entrâmes dans une salle de restaurant tamisée, tout en velours. Du sol au plafond, partout, la douceur des tissus invitait au toucher. Un écrin sensoriel parfumé subtilement de vanille et coloré de flammes en bougeoirs.

Le jeu pouvait commencer.

Je pris place à une petite table ronde face à un homme charmant. Arnaud. Trop charmant, pensai-je. D’emblée, il me trouva ravissante et me conta fleurette. Sans hésitation, je l’éliminai de la liste des prétendants. Je cherchais un homme différent de mes précédentes rencontres, et certainement pas la parfaite réplique de l’archétype romantique. Paul, le deuxième, était maigre comme un clou. Isidore, le troisième, avait des mains de danseuse. N’allez pas imaginer que je m’attardais sur le physique, non, simplement sur ce qu’il laissait suggérer. Le contraire de la vaillance.

Le cinquième fut celui que je retins.

Certes, Palamède portait une chemise saillante qui mettait en évidence son corps sculpté, mais surtout, il avait dans le regard ce je-ne-sais-quoi d’étrange. Un vert électrisant. Hypnotisant. Il approcha sa chaise de la mienne, s’y assit, et vint chuchoter à mon oreille des mots d’une saisissante virilité : ”Je te ferai l’amour toute la nuit, parce que, moi, je ne suis pas un homme comme les autres.”

 

Je fis un petit signe de la main à Emma, pour lui signifier mon départ, et nous quittâmes les lieux, main dans la main. Palamède avait la paume puissante, la peau épaisse, l’ongle court, et une curieuse démarche, mélange de longues enjambées et de petits pas de course.

Je laissai le choix de l’hôtel à mon partenaire.

Dès que nous fûmes dans la chambre, Palamède m’embrassa avec fougue, promenant sa langue sur la mienne, ses mains sur mes seins, et sans que je comprenne pourquoi, il me demanda de patienter nue sur les draps, le temps qu’il se dévêtit dans la salle de bain. Qu’eussé-je pu refuser à pareil regard électrisant ?

C’est alors que Palamède surgit tel un gorille en pleine jungle, l’instrument en éveil, et moi, frétillante, impatiente de virevolter dans le tourbillon des plaisirs assouvis.

A la seconde où nous ne fîmes plus qu’un, je fermai les yeux pour prier mon corps d’être doux, prier son corps d’être puissant, mais rien n’y fit. Palamède hurla de douleur dans un cri court et strident. Le même que tous les autres hommes avant lui.

Son corps lourd s’effondra sur le mien.

Pauvre homme.

Et pauvre de moi !

           Même ici, loin de ma campagne et de mon monde, une fois de plus, ma flore carnivore avait eu raison de mon prince vaillant.

 

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Texte 1 du concours "Les petits papiers de Chloé" : Rencontre du troisième type

Publié le par christine brunet /aloys

L’oasis aux camélias


Une nouvelle journée est en train de s’ouvrir sur le monde. Un timide bourgeon de lumière entré par la lucarne prend possession de la pièce, petit à petit. À quatre heures du matin, le portable à la main, Céline ne dort pas. «Cher Kic, qu’en est-il de tes recherches célestes ? Moi, quand je regarde le ciel, je choisis une étoile et lui parle ainsi : je te sens ici, tout près de moi, tu es mon unique rayon de soleil dans cet univers sombre qui me tient prisonnière. De quel coin de l’univers me protèges-tu ? Le matin, quand je me réveille, mon âme ne tombe plus dans le vide, elle tombe dans ton âme, comme dans la paume d’un Dieu». 
Céline se glisse hors du lit, tandis qu’Emmanuel se prépare à clôturer le rêve du petit matin. Dans une demi-heure il entre dans la cuisine où Céline lui a déjà préparé le café et sa tartine beurrée. Il boit, mange, ensuite il prend son sac et part au travail, « au revoir, chérie, à ce soir » crie-t-il sur le seuil de la porte. Peu après, comme tous les jours, Céline nettoie la table, range la vaisselle, s’habille en vitesse et part au boulot. Des jours tous pareils, sans surprises. Mariés depuis plus de vingt-cinq ans, Emmanuel et Céline se sont déjà installés dans le confort tueur d’amour où nulle émotion authentique ne trouve plus de place. À chacun ses petits joies et ses grands agacements, de plus en plus loin l’un de l’autre. 
Le soir, de nouveau chez elle, Céline ouvre son portable pour voir si Kic lui avait répondu. Oui, son message était là : 
« Chère KicA, ce soir le ciel brille dix fois plus fort que d’habitude. Le Cygne hurle de bonheur en m’envoyant sa lumière, mais non, c’est ta lumière, car c’est grâce à toi qu’elle est tellement brillante à cette heure-ci. On ne se connait que virtuellement, mais c’est comme si on se connaissait depuis une vie entière. Mes collègues d’institut me regardent perplexes : mais qu’est-ce qui t’arrive ?! T’as rajeuni de vingt ans. Si tu savais combien je t’ai attendue… Je ne désire rien de plus pour l’instant, mais je rêve déjà à cet instant magique quand je te serrerai dans mes bras pour te dire à l’oreille… ».
Cela fait juste un an que leur histoire a commencé sur «Votre étoile jumelle», un site de rencontres peu banal qui se présentait ainsi : « Vous n’êtes pas que des poussières d’étoiles sans lueur. Chaque terrien porte en lui un brin d’éclat d’un soleil du Cosmos. Le jour où vous êtes nés vous avez capté l’une de ces miettes divines, ainsi vous abritez tous une minuscule étoile. Elle vous guidera toute votre vie mais, le moment venu, vous devrez la rendre enrichie. Vous êtes ici pour trouver votre étoile jumelle, car ces « binaires de contact » finissent toujours par fusionner. Ayez confiance et fiez-vous à votre instinct ». Pour s’y inscrire, il fallait remplir un formulaire avec les données complètes de naissance (lieu, date, heure) en fonction desquelles on attribuait à chacun une étoile, celle qui avait veillé sur sa venue au monde. Ensuite, à cette étoile on cherchait la paire, car la plupart des étoiles ont une jumelle. Par exemple, Achird est la jumelle du Soleil, Mizar est le double d’Alcor, Kic est l’étoile jumelle de KicA, de la constellation du Cygne et ainsi de suite. Les couleurs des étoiles doubles s’intensifient quand elles se rapprochent. C’est pareil pour les âmes humaines quand elles se rencontrent et s’aiment d’un amour véritable et indestructible.
Passionné d’astres, Kic était venu sur ce site par simple curiosité. Parmi les dizaines de photos alignées en colonnes, il n’a pas choisi la plus belle, mais la plus seule. À côté des dizaines de visages souriants, aux grosses lèvres rouges et aux yeux lourds de mascara, une photo semblait s’y être égarée par erreur : c’était un arbre desséché au milieu du désert qui s’appelait KicA. « Voilà quelque chose qui me ressemble » se dit-il. Et à l’instant même il a écrit à cet arbre-là : « 
KicA, j’ignore si tu es mon étoile jumelle, mais c’est ce qu’on dit ici. Je suis moi aussi un arbre seul, dans un désert. Veux-tu qu’on cherche une oasis ensemble ? Une oasis pour deux solitudes…». Depuis lors, pas à pas, les centaines de messages qui s’en suivirent les ont rapprochés de plus en plus, en les rendant indispensables l’un à l’autre.
Céline avait commencé sa journée comme d’habitude, à quatre heures du matin, en écrivant sur son mobile : 
« Cher Kic, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Comment ai-je pu tomber amoureuse de quelques phrases astucieuses? N’empêche. Ce bonheur qui m’inonde me suffit pour vivre. Je ne mange plus, je ne dors plus, je ne vis que d’un amour parfait et pur. Je croyais que ça n’existait que dans les livres. Et pourtant… Heureusement, mon mari ne soupçonne rien, je sais me cacher. Il est devenu froid, cynique et il est parfois brutal quand il me parle. Il ne sait plus rêver, ni aimer. On dort dans le même lit, pourtant il habite à des milliers d’années-lumière. J’aimerais tellement qu’on se voie... Moi, j’habite à Huy. Toi ?... »
Le soir, au message de Kic « Chère KicA, j’habite sur la constellation du Cygne, quelle question ?! Où voudrais-tu que l'on se voie ?», elle répondit sur le coup : « Si tu es d’accord, je te propose le Grand Parc du centre de Huy. Comment arriveras-tu depuis le dos du volatile jusque-là je ne sais pas, peut-être au bord d’un vaisseau spatial surperformant, comme dans le film Rencontre du troisième type. Je t’y attendrai quand même demain vers 17 heures, un camélia rouge à la main ; et, pour que je puisse te reconnaître, tu en porteras un à la boutonnière. Ainsi, nos fleurs jumelles feront refleurir les arbres que nous sommes ». 
À 17 heures la lumière satinée du soleil se glissait chancelante à travers le feuillage des chênes et des châtaigniers du parc. Céline s’avançait dans l’allée d’un pas timide, son camélia rouge à la main. Son cœur battait si fort qu’elle pouvait l’entendre. Nerveuse déjà, elle tressaillait au moindre souffle de vent, tandis que ses yeux scrutaient inquiets tantôt sa montre, tantôt les coins ombreux du parc. Vers 18 heures elle s’assit fatiguée sur un banc et mit le camélia sur ses genoux. Continuant à regarder sa montre d’une façon obsessive, des appels au secours partaient de ses doigts qui pressaient inconsciemment le camélia. À 19 heures il n’était pas là, ni à 21 heures. « Que je peux être stupide »se disait-elle, « depuis un an je n’avale que des mensonges et de vaines illusions ». Quelques larmes retenues trop longtemps sous les paupières surgirent tout à coup sur ses joues pâles. 
Vers 22 heures le parc commença à se vider des passants. Céline marchait en se dandinant quand, tout à coup, un jeune homme courut vers elle : « avez-vous besoin d’aide, madame ? », mais elle ne lui répondit pas. En serrant le camélia froissé contre son cœur, elle accéléra le pas vers la maison. Avant d’appuyer sur la clenche, elle effaça ses larmes d’un geste furtif de la main et rangea ses cheveux un peu décoiffés par le vent. « Emmanuel, où es-tu ? » annonça-t-elle sa rentrée, mais personne ne lui répondit. Elle monta, fatiguée, vers la chambre. Quand elle ouvrit la porte… 
… À côté de leur lit couvert de camélias, Emmanuel l’attendait une fleur à la boutonnière. « Mon vaisseau a pris du retard, pourtant j’y étais et je t’ai vue… J’étais trop ému, trop bouleversé pour te parler ». Les yeux baignés de larmes, il l’a prise dans ses bras et lui murmura à l’oreille : « Tant d’années sans te connaître… Pardonne-moi, Céline! Dis-moi que ce n’est pas trop tard ». 
C’était en l’an 2022 quand les deux jumelles Kic et KicA fusionnèrent d’une façon spectaculaire dans la constellation du Cygne. Une nouvelle étoile, une superbe nova de couleur rouge était née. Les télescopes saisirent cette nuit-là un grandiose éclat de lumière, 10 000 fois supérieur aux étoiles d’origine et 100 fois plus brillant que l’étoile Polaire. Il était parti vers nous il y a 1800 ans et il venait juste d’arriver dans le ciel terrestre. 
Même si cela prend du temps, la lumière arrive toujours à sa fin ultime : faire fleurir une oasis quelque part.

 

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Résultats du concours "Derrière la porte"

Publié le par christine brunet /aloys

Texte n°1 : Séverine Baaziz

Texte n°2 : Carine-Laure Desguin

Texte n°3 : Edmée de Xhavée

Texte n°4 : André Elleboudt

Texte n°5 : Christian Eychloma

Textes n°6 et 7 : Micheline Boland

Texte n°8 : Antonia Iliescu

Texte n°9 : Jacques Westerlin

Texte n°10 : Isabelle Chevalier

Texte n°11 : Viktoria Laurent-Skrabalova

*

Résultats :

LA GAGNANTE EST...

Carine-Laure Desguin !!!! 

Les textes ayant obtenu les voix des lecteurs...

Texte 3 : 1 vote

Texte 8 : 2 votes

Texte gagnant... Le n°2 !!! avec 4 voix ! Bravo à Carine-Laure DESGUIN !!! 

 

Un énorme merci pour tous les auteurs participants et les lecteurs votants ou non... 

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Dernier texte (n°11) concours Les petits papiers de Chloé - Votes dans les commentaires de ce texte jusqu'à 19h

Publié le par christine brunet /aloys

 

Derrière la porte

 

Enfin seule. Encore! Je me cale au lit avec un livre. J'aurai le temps de le finir avant qu'il ne revienne à la maison. Je prévois de m'épuiser en me débattant dans les vagues des lignes. Mon inconscience appelle la fatigue. Je la supplie de passer outre l'absence d'un être chéri. Comme d'habitude, j'aurai du mal à m'endormir. Un grand lit pour moi toute seule. Et... Orphée me boude! Que faire pour l'attirer dans mes bras? Je me tortille. Je joue à la crête, paf d'un côté, paf de l'autre. Rien n'y fait. Je commence sérieusement à m'interroger sur l'utilisation d'un placebo. Un moyen de tromper l'habitude. Une énorme peluche de nounours à placer dans mon lit. Juste le temps qu'il revienne. Je me lève pour réaliser mon idée quand un bruit se fait entendre. J'ai oublié! Un appartement vide, une femme seule, la proie idéale. Pour qui? J'en sais rien. Des cambrioleurs, violeurs, fous,... au choix.

Ça vient de la porte d'entrée. Un grattement, un coup contre le bois. Assez résistant, j'ose espérer. Je me cache sous une couverture. Le tic-tac du réveil prend de l'ampleur. Chaque craquement de meubles me fait sursauter. Et si c'était un fantôme?! C'est encore pire qu'un violeur! Je tomberai raide de peur. Le téléphone est à deux pas. Mais non. Je ne vais pas l'appeler. Il se moquerait de mon imagination.

Encore des frottements. Le palier cache des mystères. La cuisine n'est pas loin. Quel outil ferait l'affaire pour m'armer contre ma peur? Je me vois avec une casserole derrière la porte. S'ils arrivent à pénétrer dans l'appartement, aurais-je le temps de me glisser sous mon lit? Je pèse le pour et le contre de chaque option.

Les coups se calment. Le silence revient. Si ça se fait je n'aurai pas de place sous le lit. Mon chat, ce gardien de pantoufles, doit déjà y être. En même temps, d'habitude il profite de l'absence de mon chéri pour prendre sa place. Mais...

Un miaulement plaintif retentit. Ils ont enlevé mon gentil chat, quels salauds! Un afflux de courage m'envahit. Je m'approche de la porte. Des grattements, frottements, coups. Je surmonte ma peur pour jeter un œil à travers le judas. Il est là! Une boule de poils assise toute penaude sur le paillasson des voisins. Quand j'ouvre, il entre en flèche en me lançant un grondement de reproche. Il a voulu accompagner mon chéri et je l'ai enfermé dehors. Andouille!   

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Texte n°10 concours "les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Derrière la porte.


Derrière la porte, je vais entrer dans un autre univers. Je vais retrouver un regard affectueux que je sais troublant comme un bord de mer à l’eau limpide, profond comme un océan de connaissances et frétillant de vie, malgré des déferlements de vagues qui l’ont tourneboulé au cours des nombreuses tempêtes passées.
J’aimerais que le bonheur lové dans mon cœur transparaisse dans mes yeux, tel un souffle de caresses d’un vent de printemps tiède et délicat qui transporte de suaves parfums de tendresse.

Derrière la porte, que pense-t-il de moi ? Suis-je sa petite fée comme il m’appelle ? Son bouquet de gentillesse ?
Cette idée me fait rire. Je suis moi tout simplement. Je viens parce qu’elles sont là. Celles qui se sont incrustées. Celles qui coupent l’appétit quand un voile humide floute les aliments. Celles qui réveillent la nuit quand des cauchemars surgissent. Celles qui angoissent quand un pied bute contre un tapis ou à chaque pas incertain. Celles qui font haïr le téléphone silencieux ou la télévision trop bruyante.
Non ! Elles ne doivent pas occuper toute la place.
Non ! Elles ne doivent pas en faire à leur guise.
Si l’une se montre au grand jour, l’autre se devine sous la pudeur.
C’est à cette dernière que j’en veux.
Et celle-là, je peux la combattre.
Alors, derrière la porte, je m’incruste souvent.

D’ailleurs, j’ai ma place dans le fauteuil rouge. Il m’attend avec son plaid à carreaux qui cache son tissu élimé. Il m’offre deux coussins qui servent à combler le vide de l’usure. 
Près de la cheminée, je me love entre les deux imposants accoudoirs. 
Dans le crépitement du feu, je m’installe. 
Dés lors, je suis ailleurs, dans un espace proche, tout proche du mien mais pourtant si lointain pour beaucoup.
Me voilà prête à voyager dans le temps en chevauchant sur des mots et des phrases qui vont se bousculer dans une impatience contenue trop longtemps. Il me suffit de poser une question ou simplement de sourire pour que le tic-tac passé d’une vie résonne. 
Souvent, je me rappelle de certains passages. Je les redécouvre en savourant l’intonation qui image ces « avant » et ces « hier » lointains. 
Dans la musique des récits souvenirs, je suis à côté de lui.
Ces richesses d’une existence qui s’étire me plaisent.
Grâce aux photos encadrées de dorure, je l’imagine. Je le vois avec son charme d’antan.
En l’écoutant, j’apprends ce qu’il fut un jour, ce qu’il est toujours à l’intérieur.

Mon doigt sur la sonnette, je souris.
Derrière la porte, pépé Guy, mon cher voisin, va apprécier ma venue.
Sa vieillesse et sa solitude n’ont qu’à bien se tenir.
Ensemble, nous ferons un pied de nez à la première et nous éloignerons la seconde.

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