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"Elle avait une jupe de grand vent", une nouvelle de Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

boland photo

 

ELLE AVAIT UNE JUPE DE GRAND VENT…

 

Elle avait une jupe de grand vent, une jupe dont les nombreux jupons et la soie sauvage moirée s'envolaient au moindre souffle, à la moindre brise. On aurait toujours dit qu'elle dansait.

 

Quand elle passait, elle laissait dans son sillage, un parfum de lilas. Elle avançait d'un pas léger, ne prêtant aucune attention aux passants qu'elle croisait. Depuis plusieurs semaines, chaque jour, elle se rendait dans le parc. De temps en temps, elle s'agenouillait pour ramasser une feuille, un pétale, un bout de papier, une plume.

 

Ce jour-là, pour la première fois, elle s'assit sur un banc. Son regard voyageait d'arbre en arbre, de parterre en parterre. Comme chaque jour, je l'observais de la fenêtre de mon appartement. Je me décidai à la rejoindre. Lorsque je fus dans le parc, j'allai m'asseoir auprès d'elle. Je dis "bonjour". Elle me répondit mais ne tourna pas la tête vers moi. Elle enchaîna : "Aujourd'hui, cela fait un an qu'il est parti…"

 

Ne sachant de qui elle parlait, je tentai de la réconforter et de la distraire du chagrin que je devinais. Je répondis : "Comme vous avez une jolie jupe ! On dirait une toilette prévue pour un bal. Je vous vois chaque jour. Je vous admire. Vous êtes si élégante, si gracieuse. J'étais un peu pareille à vous dans ma jeunesse. Aujourd'hui, j'ai quatre-vingt-quatre ans et je repense souvent à ce temps si ancien."

 

Elle fit comme si elle ne m'avait pas entendue. Elle poursuivit : " Il y a un an qu'il est parti. Quand il se rendait à la banque pour y travailler, il passait toujours par le parc. C'est ainsi que nous nous sommes rencontrés. Notre histoire n'aurait jamais dû finir. Pourquoi les plus belles histoires d'amour finissent-elles ? Il y a un an, il m'a dit alors que nous venions de terminer le repas du soir et que nous restions silencieux l'un près de l'autre : 'Je vais partir. Je crois qu'on n'a plus rien à se dire. La vie devient trop monotone.' J'ai imploré : 'Reste, reste,…' mais lui, il est allé faire son bagage et s'en est allé après m'avoir adressé un baiser du bout des doigts. Je l'ai cherché, cherché. Au début, chaque matin, je suis allée à la banque sans oser m'informer. Puis, j'ai eu l'audace de demander si je pouvais le voir. J'ai appris qu'il n'y travaillait plus. Je l'ai appelé sur son portable, il ne m'a jamais répondu, c'était toujours sa boîte vocale. Je crois que je vais devenir folle si je n'ai pas d'explication. J'ai pensé louer une page entière d'un quotidien national pour lui lancer un appel au secours. Je voudrais comprendre. "

 

J'étais bouleversée. J'ai songé à ma propre histoire d'amour qui avait connu le même type de fin.

 

J'ai dit : "Il faut vous ressaisir. Il y a tant de choses à faire… La vie peut être belle." Elle m'a répondu : "Depuis qu'il est parti, je ne peux dire où j'en suis."

 

Elle s'est levée. Elle avait une jupe de grand vent, elle sautillait, elle appelait "Rémy, Rémy…" en envoyant des baisers aux arbres, aux oiseaux, aux fleurs. Je l'ai regardée s'éloigner, puis juste avant d'atteindre la limite entre le parc et le boulevard, s'élever dans les airs. Peu à peu, elle était devenue pareille à un cerf-volant. Alors que je la perdais des yeux, j'ai ressenti une forte douleur dans ma poitrine et je me suis affaissée sur le banc…

 

Micheline Boland

Site : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits

Blog : http://micheline-ecrit.blogspot.com

 

Publié dans Nouvelle

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Philippe Desterbecq: 'L'écriture invente un monde, la photographie le fixe pour l'éternité"

Publié le par christine brunet /aloys

Philippe D. ... Voilà comment j'ai fait sa connaissance. En apprenant qu'il avait écrit un conte pour enfant, ma curiosité a fait le reste... voilà un genre qui m'a toujours attiré, peut-être parce que toute mon enfance a été baigné de contes que je relisais en boucle jusqu'à les connaître par coeur. Plus grande, je me suis toujours demandée comment naissaient les ogres, les sorcières et les chats parlants...

 

Aujourd'hui, j'ai l'opportunité de croiser la route et les mots avec l'un de leurs concepteurs... Alors je m'arrête et je le questionne, bien évidemment.
http://www.bandbsa.be/contes2/etoilemagiquerecto.jpgDepuis quand écris-tu ? Quoi et pourquoi ? Un déclencheur ?

Je serais tenté de dire que j’écris depuis toujours : des poèmes, une histoire d’indiens que j’ai illustrée en découpant des photos dans des magazines. Mais je me suis arrêté d’écrire dans mon adolescence à part un journal intime que je cachais bien de peur qu’il ne soit lu.

J’ai retrouvé l’envie d’écrire vers 20 ans, seul en vacances à l’étranger, pour passer le temps d’abord, par goût retrouvé ensuite.

N’ayant pas trouvé d’éditeurs pour mes trois  premiers romans, j’ai encore abandonné l’écriture me disant « à quoi bon ? » jusqu’au moment où j’ai découvert les concours de nouvelles en 2001. Le genre me convenait (j’avais peu de temps pour écrire, une nouvelle est vite bouclée).  Je n’ai plus arrêté d’écrire depuis cette année-là.

Dernier genre littéraire : les textes de slam. J’en suis aux balbutiements.


Décris ton univers littéraire

Je lis beaucoup essentiellement des romans. La plupart du temps, la poésie me laisse dedester1.jpg marbre mais je me soigne. J’en lis, j’espère toujours qu’elle me touchera au fond de moi.

Je lis des polars, des romans d’amour, des récits historiques, des romans du terroir et d’autres écrits susceptibles de me toucher.

Citer mes auteurs préférés serait trop long. Quand je découvre un auteur, je lis toutes ses œuvres. Ma bibliothèque gémit et pleure ; elle crie « stop, je craque ! » mais je n’ai aucune pitié pour elle. Les livres continuent à s’entasser.

De par mon métier, je découvre aussi la littérature enfantine. Là, je peux vous citer mon auteur préféré : « Yaël Hassan ».


 Ton rapport à l'écriture : comment écris-tu ? Ordi, papier, la nuit, le jour ?

J’écris quand je suis seul et quand j’ai le temps c’est-à-dire pas souvent.  J’écris essentiellement sur papier. Je ne tape pas assez vite à l’ordi pour coucher toutes les idées qui me viennent. Les mots défilent dans ma tête. Si je ne les note pas à la vitesse où ils viennent à moi, ils m’abandonnent lâchement.


Comment tes proches appréhendent-ils ton côté auteur ?

J’ai peu de discussions avec mes proches au sujet de mes écrits. On dirait qu’une certainetextes-et-nouvelles-de-moi.jpg pudeur nous empêche d’en parler.  Par contre, mes collègues sont très contents pour moi et me le font remarquer.


Beaucoup de corrections ?

Je vais sans doute t’étonner mais je ne corrige presque rien lors de la relecture de mon texte. Quelques mots, quelques répétitions , lorsque je tape mon histoire, un temps mal employé mais c’est à peu près tout. Mais j’ai un correcteur : mon père qui, même s’il me fait rarement un commentaire sur le fond, surveille la grammaire et l’orthographe.


Où puises-tu tes idées ?

Je trouve rarement une idée toute seule. En général, je pars sur un thème donné, une phrase de départ.  Dans les concours de nouvelles, le sujet est rarement libre.

Une idée m’arrive parfois comme ça sans que je m’y attende. Il faut alors que j’écrive le texte tout de suite ou que je note le sujet sinon il risque de s’envoler pour ne plus revenir.

Lorsque je me mets à écrire, j’ai l’impression qu’un être posé sur mon épaule me souffle les phrases. Ce n’est pas vraiment moi qui écris. Quand je relis un texte bien des années après lêtre posé sur mon épaule me souffle les phrases. Ce n’est pas vraiment moi qui écris. Quand je relis un texte bien des années après l’avoir écrit, je me dis souvent :  « Ce n’est pas possible, ce n’est pas moi qui ai écrit ça ! »


Comment parviens-tu à te glisser dans la peau de tes jeunes lecteurs ? Pas compliqué pour un adulte ?

C’est sans doute très compliqué pour un adulte, beaucoup moins pour un instituteur. Je sais ce qui plait aux enfants. Je sais, par expérience, qu’ils aiment  mon « Etoile magique » et je sais aussi que cette histoire ne plait pas nécessairement aux adultes ; du moins à ceux qui ont fini de rêver et qui ne savent plus entrer dans les contes.


Justement, ton rapport aux lecteurs. Pour toi, instit, aller vers les enfants, ce doit être desterbecq3.jpgun exercice facile... Ecris-tu pour eux ou avant tout pour toi ?

J’ai écrit pour moi, uniquement pour me faire plaisir. Ensuite j’ai testé mon histoire en la lisant à mes élèves sans leur dire que j’en étais l’auteur. Devant leur réaction enthousiaste, je me suis dit qu’elle mériterait peut-être d’être éditée. L’aventure a commencé comme ça.

 

Tu me donnerais une définition... ta définition de l'écriture, s'il te plait ?

photo-phD1.JPGL'écriture est un voyage dans un autre temps, une plongée dans un monde imaginaire, irréel où on peut s'amuser avec les personnages et prendre avec eux toutes les libertés qu'on désire. On peut transformer quelqu'un en monstre poilu ou en montgolfière (ce que j'ai fait dans "L'étoile magique"), lui casser une jambe ou même le trucider sans autre forme de procès. L'écriture est donc la liberté des mots, le vent qui nous entraine là où on le désire (même si les personnages semblent jouer leur propre rôle).

Tu as une autre passion, la photo à laquelle tu dédies un blog... Tu m'en parles ? 

J'aime énormément la nature et le seul moyen de la garder intacte, c'est dephotoD3.JPG l'immortaliser sur une photo. Une fleur est bien éphémère, un paysage devant lequel je tombe en extase s'évanouit bien vite. La photographie est un moyen de les immortaliser.
J'aime les voyages qui sont une fuite, un saut en dehors de la réalité, du quotidien et qui me permettent de découvrir le monde. Les souvenirs s'effacent vite. La photographie me permet de les retrouver.
Je ne suis qu'un simple amateur, je n'ai aucune connaissance photographique.

Crois-tu qu'il existe un lien entre l'écriture et la photo ?

Je n'en vois pas. L'écriture invente un monde, la photographie le fixe pour l'éternité.

 

Difficile de conclure après pareille phrase... Tiens, du coup, je vais mettre un extrait de L'étoile magique", choisi par les élèves de Philippe... Juste quelques phrases pour réveiller votre âme d'enfant...

 

" Lulu, qui se levait toujours dès la première sonnerie, accourut dans la chambre de son frère.

Lève-toi, il est l’heure pour …

Mais il s’interrompit aussitôt et fit demi-tour.

Où es-tu ? cria-t-il.  Maman ? Tu n’as pas vu Pierrot ?

Je suis ici idiot ! répondit l’aîné.

Lulu ouvrit à nouveau la porte de la chambre.  Son œil scruta les quatre coins de la pièce mais il ne vit rien.

Où te caches-tu ? lança le petit.

Mais je suis ici, juste devant toi ! Tu es aveugle ou quoi ?

Pierrot comprit alors immédiatement la situation.  Il courut vers son miroir mais son image ne s’y refléta pas.

Lulu ?

Maman, j’ai peur ! hurla le petit.

Que se passe-t-il encore ? cria maman de la cuisine.  Dépêchez-vous ou vous serez à nouveau en retard.

Ne bouge pas, dit Pierrot à son frère et surtout, ne dis rien.  Je suis là.  Avance ta main et touche-moi.  Tu me sens ?

Lulu hocha la tête sans ouvrir la bouche.

Je suis invisible, continua l’aîné.  Tu ne peux pas me voir mais je suis bien là et tu peux m’entendre.  C’est l’étoile, tu comprends ? Je lui ai demandé … Allons, ne pleure pas ! J’ai besoin de ton aide.  Tu vas dire à maman que nous n’avons pas faim, qu’il est tard et que nous partons tout de suite.  Dis-lui que je suis déjà sur le chemin et que je t’attends.  Ne lui dis surtout rien d’autre. O.K. ?

Lulu hocha à nouveau la tête sans mot dire.  Il n’était toujours pas rassuré.

Pierrot ne prit même pas la peine d’ôter son pyjama et descendit l’escalier en prenant bien garde de ne pas faire grincer les marches.  Il attendit son frère sur le chemin.

 

Pierrot et son frère arrivèrent à l’école dix minutes après huit heures.

Eh, les copains, vous êtes là ? cria Pierrot.

Ah ! Enfin ! répondit la voix de Jojo.  Nous sommes tous là sauf Luc.  Il a dû lui arriver quelque chose.

Je suis là, répondit celui-ci mais il faut absolument qu’on redevienne visibles.

Tu es fou, intervint le petit Michel.  On n’a pas encore commencé à s’amuser !

Moi si, dit Charles le gros.  Je me suis réveillé très tôt ce matin, il faisait encore noir.  Je me suis levé pour aller aux toilettes et, stupeur, je n’avais plus de corps ! Enfin, je n’avais plus de reflet dans la glace.  Je me suis alors recouvert d’un drap blanc et j’ai réveillé mes frères et sœurs.  C’était la première fois qu’ils voyaient un fantôme.  Ils ont eu la trouille de leur vie ! Ce que je me suis marré ! Je vous jure que je me suis bien vengé de toutes ces années où ils se sont moqués de moi et de mon embonpoint !

Moi, c’est pas si drôle, l’interrompit Luc.  Ma mère, ne me voyant pas dans mon lit ce matin, a averti la police.  Ils ont lancé un avis de recherche.

Mes parents croient à une fugue, dit Fred.  Ils ont dit qu’ils avertiraient la police si je n’étais pas rentré ce soir.

Les miens se disputaient tellement fort qu’ils n’ont rien remarqué, dit Charles le mince.

Ecoutez les gars, on sonne, coupa Jojo.  Il paraît qu’on a un nouveau prof.  Allons lui faire sa fête !

 

Les enfants s’installèrent à leur place. 

Mes enfants, je m’appelle Monsieur Cournebuche, dit l’instituteur étirant légèrement les lèvres du côté droit ; je suis le remplaçant de Monsieur Ansiau.

Monsieur Tournebouche ? lança Marco qui se trouvait à l’extrême droite de la classe.

Des rires commencèrent à fuser.

Silence ! tonna le nouvel enseignant.  Je vous prie de lever le doigt pour demander la parole.  Et je rectifie, je m’appelle Monsieur Cour-ne-buche, articula-t-il.  Qui a parlé ?

Tous les regards se tournèrent vers le côté droit du local mais personne n’était assis de ce côté-là.

Monsieur Tournebouche ? lança Fred assis à l’extrême gauche de la classe.

Les regards se tournèrent de ce côté.  Mais là encore, ils ne rencontrèrent que le vide.

Qui a parlé ? demanda l’instituteur rouge de colère.

Aïe ! cria Géraldine, la fille assise au premier banc.

Que se passe-t-il mademoiselle ?

On m’a pincée, monsieur !

Petite sotte ! Comment pouvez-vous donc dire une chose pareille ? Il n’y a personne à côté de vous.  Si c’est pour distraire vos camarades, je vous préviens que …

Il ne put terminer sa phrase.  Une craie venait d’atterrir sur son bureau.

Qui a lancé ce projectile ? demanda-t-il.

Cette craie a bougé toute seule, monsieur, dit Géraldine.  Je l’ai vue se déplacer.  Elle était dans la rainure du tableau.  Tout à coup, elle s’est soulevée et … Regardez !

Géraldine montrait du doigt le frotteur qui se soulevait lentement.

Monsieur Cournebuche se retourna et vit le frotteur tomber sur le sol.

Ce frotteur était mal placé, c’est tout ! dit l’enseignant intrigué.

Mais je vous assure qu’il s’est soulevé ! répondit Géraldine.

Je l’ai vu aussi, dit Julien, le frère jumeau de Géraldine.  Nous sommes dans une école hantée.  Vous ne le saviez pas ?

Taisez-vous, je ne crois pas aux …

A ce moment, toutes les lampes s’allumèrent et s’éteignirent d’un coup.

C’est un faux contact, assura Monsieur Counebuche.  N’ayez aucune crainte !

Il fut interrompu par un cri.  C’était Lucie, la première de classe, la plus sage et la plus attentive, qui se débattait avec un agresseur invisible.  Celui-ci lui défaisait son chignon si bien placé sur sa tête.

Mais que faites-vous mademoiselle ? demanda l’instituteur.

Mais je vous assure, monsieur, que …

Et elle tomba dans les pommes.  Monsieur Cournebuche se précipita pour la relever mais, au moment où il fit le premier pas, un pied invisible le fit trébucher et il s’étala de tout son long.  Les rires retentirent dans toute la classe.

L’instituteur se releva et se planta devant le tableau.  Tout rentra dans l’ordre.  Monsieur Cournebuche commença sa leçon.  Il prit une craie, écrivit au tableau mais, au fur et à mesure qu’il copiait, ses écrits s’effaçaient.  Il n’avait pas le temps d’écrire une ligne complète que celle-ci disparaissait mystérieusement.

Le pauvre homme ne se laissa pas démonter.  Il était décidé à percer le mystère.

Prenez votre cahier de dictées et copiez : « L’automne.  L’automne est ma saison préférée, … ».

A ce moment, la porte extérieure s’ouvrit toute grande ; un vent froid s’engouffra dans la classe, amenant avec lui une grande quantité de feuilles mortes qui recouvrirent quelques bancs.

C’est l’automne qui entre, cria une voix venant de la cour.

L’instituteur se précipita dehors mais il ne vit pas une âme.  La porte claqua dans un grand fracas et des forces invisibles la maintenaient fermée.  Il avait beau pousser de toutes ses forces, elle ne cédait pas.  Tout à coup, il entendit une voix qui disait : « Lâchez tout ! ». La porte s’ouvrit d’un coup et Monsieur Cournebuche se retrouva le visage contre terre… "

 

Philippe Desterbecq, "L'étoile Magique", Editions Chloé des lys, 2011

 


philibertphotos.over-blog.com

philippedester.canalblog.com

 

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

 

www.aloys.me

www.passion-creatrice.com

 

Publié dans interview

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Le ponton, une nouvelle de Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

delvilletete

 

LE PONTON

 


 

Au bout du ponton, la liberté, au bout du ponton, la fin des souffrances, au bout du ponton, les retrouvailles…

 

Depuis plusieurs années, je suis seul au monde. Mes parents décédés, j'ai décidé de déménager au bord du lac.

 

J'en ai fait des parties de pêche avec des "amis". En général, ils venaient chez moi uniquement pour cela. Je ne les intéressais que par ce ponton situé au bout du jardin. Certains venaient en voiture, d'autres accostaient sans prévenir et quel que soit le temps, je devais faire bonne figure, abandonner tout pour la pêche.

 

Un jour, une belle tempête a détruit le ponton et comble de malheur, la municipalité a décidé de le reconstruire aux frais de la communauté… Il faut dire que le seul médecin des environs se rendait volontiers chez ses clients en utilisant un petit bateau et que c'était devenu un lieu d'accès facile pour lui.

 

Fichu médecin ! Il ne l'a jamais beaucoup utilisé ce ponton ! Par contre, les autres, les pique assiette, les pêcheurs du dimanche, sans parler des gosses qui durant tout l'été s'en donnaient à cœur joie, le lieu était plus fréquenté que l'église paroissiale !

 

Tout cela a duré des mois et des mois jusqu'au jour où j'ai rencontré Aude, une gentille fille de la ville. Très vite, elle s'est installée à la maison et les visites d'amis se sont espacées et leur nombre a fondu comme neige au soleil. La paix, j'avais la paix, une gentille compagne que j'aimais et la vie nous souriait ! Quelques mois après, Aude m'a annoncé qu'elle attendait un enfant. Le bonheur continuait à inonder la maison.

 

Aujourd'hui, Aude est tombée dans le lac. Elle m'attendait sur le ponton et a glissé sur les planches humides… J'ai retrouvé son corps près de ce ponton maudit…

 

Alors, j'ai sauté dans l'eau glaciale, je me suis agrippé à son corps déjà froid et j'ai attendu…

 

 

Louis Delville

louis-quenpensez-vous.blogspot.com

Publié dans Textes

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Vinca Milange se présente...

Publié le par christine brunet /aloys

" Si un classique " questions-réponses " me rebute et a le don de me rendre mutique, certaines rencontres impromptues basculent mes défenses.
Elle a donc eu de la chance, cette dame sympathique installée sur un brise-lame, jouissant, comme moi-même, de ce premier octobre exceptionnellement ensoleillé ?
Pas si sûre ! 
La pauvre ne pouvait plus m'arrêter après m'avoir lancé : 
  - Vous écrivez ? 
J'étais restée, comme souvent, plusieurs jours sans parler à personne, absorbée par l'écriture d'un nouveau roman. D'un coup, spontanément, j'ai répondu, m'épanchant avec prolixité: 
  - Oui, c'est le plus souvent comme cela que les premiers jets d'idées de mes histoires sont notés : dans la nature, sur la plage, dans les bois, etc... Je m'arrête et pour ne pas perdre le cadeau de l'instant, vite, j'écris sur des feuilles que j'ai toujours dans mon sac. 2011-10-31-005--Blankenberghe---Vinca-.jpg
Souvent aussi, me délectant des rayons solaires, attablée sur une terrasse, face à la mer - puisque j'ai la chance d'habiter à la côte. Et puis, bien sûr, suit un travail de recherche, vérification au dictionnaire, à la maison. Tout est en grande partie terminé au moment d'ouvrir mon ordinateur. Quand  j'y brode directement tout un chapitre et que je le perds, c'est en râlant contre la technologie que toute tremblante, je recommence.
  - Cela s'est produit pour ce livre qui va bientôt paraître chez Cloé des Lys ? 
  - Oui ! Il portera doublement bien son nom : Le Chant des Larmes
  - Je pressens la signification du titre, m'a-t-elle dit. Il retrace l'évolution intérieure. 
  - C'est exact. L'être humain est enclin à s'attirer involontairement la souffrance. C'est par les épreuves de la vie qu'il acquiert le discernement indispensable pour chanter la sérénité retrouvée. c'est pourquoi, mes personnages auront déjà voyagé sur le chemin de vie avant de se rencontrer, se perdre et se réunir.
 - Tu pourrais m'en dire un peu plus ?
Devant mon hésitation, elle me confie alors que, lors de déjeuners-littéraires à la Sabam, elle lit des extraits d’œuvres. Ceci avec l'accord des auteurs, bien sûr. C'est avec eux qu'elle choisit les extraits et un résumé.
Je ne m'étonne plus de son habilité à interroger les auteurs et je lui laisse lire quelques extraits :

(Insérer les extraits que j'ai précédemment envoyés et le résumé du dos du livre)


- Je suis impatiente de lire le roman en son entier. Sous quel nom va-t-il paraître et pourquoi chez Chloé des Lys ?
- J'avais reçu une liste d'éditeurs par un ami dont une connaissance a publié chez cet éditeur.
Comme il connaît ma situation financière précaire, il a souligné un avantage : cette maison d'édition publie à charge d'éditeur. Il m'a en outre assuré de son honnêteté.
Voilà !
- Et sous quel pseudonyme ?
- Vinca Milange.
Vinca : un souvenir d'un premier amour qui me l'a choisi... Finalement, bon nombre de personnes m'appelle " Vinca " et surtout depuis que je signe mes tableaux ainsi.
- Tu peins également ?
- Oui, c'est un autre hobby qui était devenu une activité quand j'ai perdu une partie de l'audition. J'ai participé à quelques expositions. J'y joignais parfois un recueil de poésies-chansons personnels.
Depuis 2003, je me consacre exclusivement à l'écriture ou presque.
- Tu m'as expliqué " Vinca " mais Milange ? Cela fait penser à " mille anges " ?
- Ce serait bien présomptueux ! Je me suis beaucoup amusée en l'inventant. J'ai repensé à un copain qui me disait : " Je ne sais jamais si je vais retrouver l'ange ou le démon quand je te rejoins... Tu es si imprévisible ! "
Il faut en convenir, j'ai la réputation de passer d'une grande gaieté au sérieux profond et je ne mâche pas mes mots face à des situations qui me révoltent.
- Donc, si je comprends bien : Milange contient un "L" d'euphonie et " mi-ange " suppose " mi-démon " ?
- Exactement ! ... Et révèle un caractère assez fantasque et contrasté. Je suis aussi d'une distraction légendaire. Je m'efforce pourtant à développer des qualités et donc à m'améliorer sans cesse.
- Il est beaucoup question de musique et de danse dans ce livre...
- J'adore la musique. J'ai eu des copains musiciens que j'allais régulièrement écouter. Une de mes filles a suivi une formation musicale et nous avions un piano à la maison. Elle a aussi suivi une formation de ballet classique ainsi qu'une de mes petites-filles.
Je suis une mère divorcée et déjà grand-mère.
Comme je me rembrunissais, elle s'est inquiétée de ma mine " tristournette ".
- J'ai très peur de devenir totalement sourde. C'est déjà une perte auditive importante qui a provoqué des problèmes de travail : je ne pouvais plus être éducatrice ou donner des cours de français sous forme de jeu.
Les activités créatives m'ont sauvées. Quand une porte se ferme, une autre porte s'ouvre !  

- Tu lis beaucoup, tu m'as dit. Quels auteurs ?
- Plus jeune, Barjavel a été mon auteur préféré. A présent, divers auteurs retiennent mon attention comme Houllebecq, Irène Frain... 
mais je consacre aussi du temps à l'étude du symbolisme, l'ésotérisme, la philosophie et parfois des revues comme le " Science et Vie". Les revues " Nature " m'intéressent beaucoup,
sans négliger les grandes promenades et l'observation de la nature elle-même, sur le terrain.
Pour ce livre qui va paraître dont l'histoire se déroule essentiellement en Novège, j'ai utilisé les notes et les descriptions écrites là-bas avant de revenir vivre en Belgique.

Ais-je raison d'écrire ? J'ai parfois des doutes. Mais je suis consciente qu'il n'y a jamais de certitude dans la vie.Que sont les chose importantes ?  Pour citer Paulo Coelho : " Si les forces te manquent, l'audace sera ta gloire. Dans les grandes choses, le seul fait d'avoir oser, suffit !" 
Je pense que tout ce qui touche aux sentiments est essentiel. Il faut donc oser aimer et que nos entreprises soient empruntes de nos sentiments croissants. "

 

En forme de postcriptum.... Des explications quant au Pseudo ?

Je crois maladroit l'explication concernant " Milange ". Le côté " mi-démon " qu'il suppose peut être mal interprété sans explication complémentaire.

A l'époque où j'ai été amenée à choisir ce pseudonyme, j'écrivais un dialogue pour un autre livre qui concerne précisément le " daïmon " selon les anciens grecs.
La notion qu'ils en avaient ne dépeint pas un mauvais caractère mais plutôt cette force intuitive provenant de la conscience individuelle qui nous pousse au-delà des interdits, des jugements, de la morale sociale vers un absolu, une sorte d'infini.
Beaucoup de gens, hélas, qualifient cette attitude de "désagréable" et "caractériel" dès lors qu'elle s'oppose à des conventions trop bien établies. 
Pourtant nous possédons tous ce " daïmon " plus ou moins développé en nous. C'est pourquoi, l'on pourrait dire que tout être humain est un " daïmon " c'est-à-dire un intermédiaire entre " divin " : le haut idéal, et " le diable " : l'épreuve de la matière ou du corps. 
C'est, je pense, l'immatériel qui a pour tâche de façonner un corps à son image jusqu'à l'obtention d'un équilibre harmonieux... et non l'inverse !

" Milange " ferrait donc allusion à une notion perdue,le " daïmon " à ne pas confondre avec " le diable " bien  qu'il y soit lié comme à la notion de " dieux " et " Dieu " et encore le " Vide " (qui n'est pas néant) et qui contient le " Plein " : l'essentiel. 
Je m'arrêterai là ! Ceci fait partie d'un ouvrage en cours.

En ce qui concerne le choix de l'éditeur, je n'ai pas invoqué les raisons irrationnelles : à tort !
Donc, le nom me parlait ainsi que le sigle. Dans un ouvrage que je n'ai pas soumis au comité de lecture, je fais découvrir graduellement la signification du " Lys ". L'évocation de cette fleur m'interpellait donc par sa valeur symbolique.

Publié dans présentations

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Marie-Claire George : pourquoi écrire ? C'est une vie en plus...

Publié le par christine brunet /aloys

Marie-Claire George, auteur de L'ange gardien, édité aux Editions Chloé des Lys... Une fiche qui serait restée anonyme si... Oui, parce qu'il y a deux "SI"...

9782874595103_1_75.jpgSI je n'avais pas remarqué le drôle de petit objet en première de couverture... Vous ne l'avez pas encore vu? Qu'à cela ne tienne, n'est-ce pas...

Voilà une bonne entrée en matière pour l'interview: un objet mystère. J'interroge alors l'auteur à ce sujet:

La couverture de l"L'ange gardien" a été réalisée par une amie, Roseline Deback. Elle a photographié un petit objet à suspendre au sapin de Noêl, qui représente un ange aux traits sud-américains. Il va comme un gant à la première nouvelle du recueil, celle qui donne son titre au livre. Il y est en effet question d'un ange gardien qui ne trouve plus de protégé à son nom chez nous et s'en va chercher en Colombie. J'étais ravie !

Mais je vous ai parlé de deux "SI"... le second, c'est le petit résumé qu'elle m'envoie. Elle y parle voyages et, une fois de plus, je ne peux résister...

Pourquoi tous ces voyages dans mes nouvelles ? Je n'y avais jamais réfléchi mais c'est vrai, mes personnages bougent beaucoup  ! Les voyages, je les ai toujours aimés même si les circonstances aujourd'hui ne me permettent plus de courir le monde. Ce qui m'attire dans un voyage, ce sont les ambiances dépaysantes, les gens, un quotidien souvent bien éloigné du nôtre mais des aspirations qui au fond se ressemblent. Je suis fascinée aussi par des personnalités intrépides qui bravent les difficultés matérielles et le qu'en dira-t-on pour aller à la découverte des autres... et ainsi d'eux-mêmes.

Il ne reste plus qu'à faire plus ample connaissance... Je vois que son "Ange gardien" est un recueil de nouvelles. je prends alors mon interrogatoire à l'envers...

Pourquoi as-tu choisi d'écrire des nouvelles ?

J'aime beaucoup lire et écrire des nouvelles. C'est un genre qui exige de la concision, l'économie de mots, qui oblige donc à suggérer et laisse ainsi une part active au lecteur, surtout si la fin est ouverte. Pour cela, il faut beaucoup travailler : cerner rapidement le cadre et les personnages, ne pas laisser de temps morts dans le déroulement de l'histoire, choisir le terme exact, la phrase qui porte, amener une chute... Mais j'aime faire tout cela ! C'est aussi l'art de l'élagage : "less is more" !
Et maintenant un roman. L'idée m'est venue de plusieurs personnes qui avaient lu une de mes nouvelles et s'étaient déjà attachées aux personnages. Le danger de se baser sur une nouvelle pour écrire est roman est de tomber dans le délayage et de finir par lasser le lecteur. Mais pour une fois, les circonstances que vivaient mes héros leur ouvraient grand la porte sur une vie peu banale et je me suis lancée... sans savoir où ils allaient me mener.Tournai-la-page-MC-George.jpg Ecrire un roman, c'est une entreprise !  Il faut accepter que les personnages vivent leur vie et nous mènent où on ne l'imaginait pas. Cela oblige aussi à tenir une chronologie stricte des événements, à se renseigner sur les lieux où se déroulent l'histoire, éventuellement le mode de vie à l'époque (cela va de la façon de faire ses courses ou de manger à la dispositition d'une maison, aux moyens de transport, aux expressions locales...) C'est beaucoup de recherches, il ne faut pas être pressé, mais beaucoup de plaisir aussi ! J'espère que, quand il sera fini, il procurera aussi un bonheur de lecture !
Pour moi, la nouvelle et le roman sont deux genres différents qui n'ont en commun que de proposer une histoire complète. C'est une autre écriture et je me fais plaisir en passant de l'une à l'autre !

Puisque tu parles depuis un moment de tes personnages, quels sont tes rapports avec eux ?
 Je les crée volontiers à partir d'une photo que j'observe attentivement. Photo choisie dans une revue, un album, ... Je dispose ainsi de caractéristiques physiques (que je modifie évidemment parfois), j'imagine leur personnalité, leur cadre de vie habituel, les circonstances qui entourent le moment de la photo. Je peux aussi tomber sur une réflexion, dans mes lectures, dans la vie ou dans mes cogitations, et l'imaginer dans la tête ou dans la bouche de quelqu'un. Après quoi, je pense à leur créer un entourage. Une famille, des voisins. Et souvent, les choses viennent alors toutes seules : un drame dans leur existence, une faiblesse, des aspirations... L'aventure commence ! Du moins pour un roman. Pour les nouvelles, c'est différent. Je pense plutôt à un thème et je collecte des mots, ou je choisis au hasard une phrase dans un livre et qui me sert d'incipit.

        Je serais tentée de dire que mes personnages n'ont rien de moi. Je me refuse en effet aux textes autobiographiques, ce n'est même pas une tentation. Pourtant, on glisse forcément une part de soi-même dans ses écrits : dans le thème, le comportement de certains personnages, le cadre choisi pour l'histoire, dans la façon d'écrire aussi...

        Je n'ai pas encore beaucoup d'expérience : je n'ai encore publié que des nouvelles et je suis seulement en train de terminer mon premier roman, mais j'ai déjà le début de deux autres sur papier. Pour celui que j'achève, oui, les personnages me sont proches : voilà un an et demi que je vis avec eux ! J'aurai en effet du mal à les abandonner ! Ce que j'espère, c'est que les lecteurs s'attacheront à eux autant que moi !

Est-ce que tu crois qu'écrire crée-t-il des liens ?
Je ne compte plus les bonnes relations et les amis que je me suis faits depuis que je me mêle d'écrire ! Partager la même passion nous met facilement sur la même longueur d'ondes. On se comprend, on fait part de ses doutes, on échange des impressions, des conseils, des tuyaux... Internet facilite les échanges mais on a aussi plaisir à se rencontrer en vrai, c'est même parfois l'occasion de voir du pays !

Quel est le regard des autres sur ta passion d'écrire ?
Positif, à cent pour cent. Même si au départ je sentais un peu de condescendance de la part de certaines personnes, je crois que tous ceux qui les ont lues ont pris plaisir à découvrir les nouvelles de mon "Ange gardien". Etre éditée est aussi une "reconnaissance publique". Et puis, je ne me présente pas comme candidate au prochain Goncourt : j'ai du plaisir à écrire, je veux le partager donc j'écris "de mon mieux". Et les lecteurs lisent mes écrits pour ce qu'ils sont : sans prétention mais je l'espère, intéressants (à l'un ou l'autre titre) et bien tournés.

Est-ce que que ça veut dire que tu écris avant tout pour toi ou pour être lue ?

   D’abord pour moi, je n’avais jamais pensé à publier mes nouvelles jusqu’à ce qu’un ami m’y incite. Mais il est évident qu’être lue est une satisfaction, une reconnaissance. Et qu’il faut respecter le lecteur en ne lui balançant pas n’importe quoi. Il ne faut pas le décevoir, donc pour moi cela implique de lui offrir une histoire intéressante, de susciter chez lui une émotion (le rire, la peur, la tendresse, le chagrin, ...) et de mettre mon écriture au service de tout cela. Je travaille beaucoup mes textes mais j’espère que cela ne se voit pas.

Tu parles de faire passer tes émotions à tes lecteurs... Comment ? Définis ton style...

  Classique. Ce n’est pas moi qui figurerai un jour dans les anthologies pour avoir expérimenté de nouvelles formes d’écriture ! Pour moi, ce qui compte ce n’est pas le style en soi, mais le style au service de l’histoire. Mais classique ne signifie pas banal, j’espère, et j’ai le souci de le rendre vivant et agréable.

  

Ton univers littéraire ?

  J’admire les grands auteurs du XIXe siècle : Balzac, Zola, Maupassant, ... Bien sûr, l’époque a changé et tout doit aller plus vite, mais voilà des gens qui savaient raconter. Plus proches de nous, je citerai Henri Troyat, Bernard Clavel, Jeanne Bourin, Isabel Allende, Thrity Umrigar (« Tous ces silences entre nous »), Khaled Hosseini (« Les cerfs-volants de Kaboul »), Irène Nemirovsky (« Suite française »), Eric-Emmanuel Schmitt, Françoise Chandernagor, Catherine Hermany-Vieille, Anny Duperey, ... Mais je m’en veux de ne pas lire assez...

Retravailles-tu beaucoup tes textes ?


 Je travaille beaucoup mes textes, oh oui ! Même en écrivant le premier jet, je rature déjà beaucoup ce qui fait que je n'avance pas vite. Je me dis qu'à ce stade, je ne devrais pas me préoccuper de détails mais c'est plus fort que moi. Puis, par la force des choses (mes droits d'auteur ne me permettent pas encore d'engager une gouvernante pour prendre en charge les viles tâches ménagères), le texte se repose et quand je le relis, les défauts m'apparaissent mieux : répétitions inopportunes, longueurs, manque de vivacité du récit, ... C'est aussi une partie du travail que j'aime bien, me corriger, et je peux revenir dix, quinze, vingt fois sur un texte pour en changer un détail. Certaines personnes (celles qui n'écrivent pas, ou peu) estiment que le premier jet a nécessairement plus de force qu'un texte retravaillé. C'est loin d'être mon avis. Je pense à ces mannequins faussement débraillés qui semblent sortir de leur lit mais dont le négligé est le résultat de bien des heures de travail pour une équipe de maquilleurs, coiffeurs,... Que de travail pour donner l'illusion du naturel !

        Pour la trame de l'histoire, je n'y pense pas vraiment au départ. Ou si j'ai l'une ou l'autre idée, je m'en éloigne fatalement au fil de l'écriture. Ce sont les personnages qui vivent leur vie, c'est à moi de les suivre et il peut arriver tellement d'"accidents" que bien malin est celui qui peut prédire leur évolution, en tout cas pas moi. J'ai l'impression (mais d'autres conçoivent les choses autrement, il n'y a pas qu'une recette) que si je prévois tout des personnages dès le début, il n'y aura jamais de surprise et l'histoire sera sans intérêt.

        Ca, c'est mon travail... Il faudra juger sur pièces du résultat !

A présent, la question que je pose toujours au début, celle que j'avais oubliée et qui, pourtant, est sans doute la plus importante : pourquoi écris-tu ?

J’ai toujours aimé écrire, à l’école j’adorais les rédactions : elles me valorisaient davantage que le système métrique ou les démonstrations de géométrie ! A l’école primaire, j’ai d’ailleurs remporté deux concours insignes : l’un sur les biscuits Delacre, l’autre sur le drapeau belge... Puis j’ai enseigné et me suis davantage penchée sur la prose de mes élèves que sur la mienne, avec le souci de leur donner le goût de la lecture et de l’écriture. Bref, je n’ai plus rien écrit pendant des années jusqu’au jour où j’ai appris l’existence d’un cours par correspondance de créativité écrite organisé par la Communauté française. Un révélateur ! Ces cours, très bien conçus, variés et progressifs, m’ont permis de renouer avec le plaisir d’écrire et aussi de mieux me connaître au point de vue littéraire. J’ai alors participé à quelques concours où je ne me suis pas montrée mauvaise.

Alors, pourquoi écris-tu ? 


   C’est surtout pour me faire plaisir. Plaisir d’inventer une histoire, des personnages, d’essayer de les faire vivre. ; c’est pour moi une vie en plus. Mais aussi plaisir de chercher la phrase la plus percutante, le mot le plus juste, le ton le plus efficace, les sonorités les plus adéquates ou les plus harmonieuses. Et aussi plaisir d’être lue, de partager quelque chose avec le lecteur. Ecrire crée aussi des liens d’amitié !


            Je ne suis pas poète, même si j’ai le goût des images et des sonorités. Jusqu’ici, j’ai surtout écrit des nouvelles et des contes. Je préfère être dans la fiction et dans l’action, qu’il se passe quelque chose. Je suis d’ailleurs en train de terminer un roman, mon premier. Depuis un an et demi que j’y travaille, je me suis attachée aux personnages que j’ai créés. J’espère qu’un éditeur voudra bien d’eux et que les lecteurs les aimeront....


            Un déclencheur ? Je ne dirai pas qu’écrire est pour moi un besoin irrépressible, qu’une journée sans écriture est une journée manquée. Il y a d’abord la vraie vie avec les autres et, même si cela me manque, je reste parfois une ou deux semaines sans écrire une ligne (sauf à mes amis, la correspondance tient une grande place dans ma vie.) Je cherche donc ces déclencheurs : un atelier d’écriture, une proposition de concours, une exposition, une photo. Ou bien j’ouvre un livre au hasard et j’y choisis une phrase qui me sert d’incipit...
 
J'ai commencé par la première de couverture, je termine logiquement par la quatrième... 

Marie-Claire George a longtemps enseigné le français, en Afrique et dans la région du Centre. 

Elle se consacre aujourd’hui à l'écriture, mêlant dans ce recueil des textes aux tonalités variées dont la tendresse est le fil conducteur.

"A votre âge, Arthur, vous pouvez prendre vos responsabilités. Je vous laisse quarante-huit heures pour découvrir une nouvelle vie à accompagner. Hâtez-vous, nous n'avons que faire d'anges oisifs. Le monde est aujourd'hui d'un danger ! Croyez-moi, il y a de l'ouvrage pour tout le monde au paradis !"

 

 

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

 

www.passion-creatrice.com

www.aloys.me




Publié dans interview

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Amer Hic, un texte de Carl trottier

Publié le par christine brunet /aloys

Amer hic

 

Il a de l’eau bouillante dans la tête. Il ne veut pas cent fers. Il fait les cent pas entre ses deux oreilles. Il est prince hier, décalé.

 

Envoûté par la langue écrite apparue dans son univers, langue qui n’a rien de classique ni du futuriste, il languit. Il se fait prosaïque, fade, pour ne point l’épeurer. Ne veut point non plus se métamorphoser en quiconque. Rester lui-même. Il ne reste pas en place, regardant par la fenêtre hublot de son appartement, voyant s’approcher le nouveau-né où tu l’as mis ton sang froid ?

 

Ses menottes sont sur la table, sur la mappemonde dessinée par Christophe Colomb. Il est de l’équipage au retour de l’Amérique. Ils se présenteront devant le monarque d’Espagne qui a une fille à marier. On arrache les planches du bourlingage, on y met le feu pour réchauffer les matelots. Lui grelotte, gémit, a forte fièvre. On craint pour sa vie. Lui craint aussi, de la perdre après un si long voyage.

 

 

Carl Trottier

 

chaboum

Publié dans Textes

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Joyeux noël !!!! Et pour aujourd'hui, un conte... signé Raymonde Malendreau

Publié le par christine brunet /aloys

Je vous souhaite à toutes et à tous un joyeux noël !!!!

 

Pas de folie avec le champagne et le foie gras !

 

 

 

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LE TRAINEAU PERDU

 


Chouette ! A leur réveil, les jumeaux Dimitri et Florent s’aperçoivent qu’il a neigé toute la nuit. Ils vont tout de suite chercher leur luge au grenier.

Ils s’apprêtent à partir mais Maman les arrête. « Ah non, ce sera pour tantôt ; il fait encore trop froid. Et si vous sortez maintenant, écharpe et bonnet. Compris ? »

Un « Oh » déçu. Tans pis. Alors, en avant pour une bataille de boules de neige avec les garçons d’à-côté.

Leur dîner à peine avalé, ils s’habillent chaudement et partent vers le bois. Ils savent qu’il y a là un chemin creux en pente, idéal pour les descentes rapides. Il fait froid et sec. Le soleil brille sur les tubes de givre qui entourent chaque brindille. L’air sent bon la résine. Leurs pas sont les premiers à marquer la neige et, dès qu’ils frôlent une branche, une cascade blanche leur dégringole dans le cou.

Le silence est impressionnant. On n’entend que le croassement des corneilles noires qui se poursuivent au-dessus des arbres et se disputent on ne sait trop pourquoi.

Dim et Flo remontent le traîneau tout en haut du chemin et se laissent descendre. La neige se tasse peu à peu et tout va de plus en plus vite. Parfois, la luge cale sur une pierre cachée et les envoie rouler jusqu’en bas de la pente. Ils rient comme des fous et glissent encore et encore.

Ils en oublient l’heure et la nuit les surprend soudain. Le soleil a disparu et ils frissonnent.

Il est grand temps de rentrer. D’autant plus que la forêt s’anime de bruits inquiétants : murmures, courses secrètes dans les buissons et même d’horribles grognements.

Les sangliers !!! Le cœur battant, Dim et Flo se hâtent.

* C’est quoi, ces lueurs vertes ? demande Flo brusquement.

* Où ça des lumières vertes ?

* Là, regarde, vers la droite.

* Ça, ce sont des yeux de renards.

* Tu crois ? Les renards ne sont pas si grands. Cela pourrait être des loups, non ?

* Tu veux rire. Tu sais bien que Grand-père a tué le dernier il y a plus de cinquante ans.

* Et… s’ils étaient revenus ?

Les lueurs vertes se rapprochent vite. Pris de panique, les jumeaux abandonnent leur traîneau et se mettent à courir à travers bois en aveugles. Ils entendent le halètement des animaux sur leurs talons. Ils manquent de tomber plusieurs fois en trébuchant sur des souches. A la dernière seconde, ils avisent un arbre creux où ils se réfugient, hors d’haleine. Sauvés !

Petit à petit, le froid mordant et l’humidité leur tombent sur les épaules. Dans sa course, Flo a perdu un gant et il souffle sur sa main qui gèle déjà. Dehors, on entend la neige craquer sous des pattes.

Soudain, la lune se lève et c’est comme au théâtre. Maintenant, ils les voient bien. Deux grands loups, l’un sombre, l’autre clair, sont assis et attendent. Une vapeur blanche leur sort de la gueule. Le troisième, un louveteau gris, joue tout seul. Leurs ombres se dessinent en noir sur la neige qui brille.

Les jumeaux se taisent. Ils n’en avaient jamais vu auparavant, sauf dans les films ou à la télé, bien sûr. La peur les tenaille. Et cette peur-là, elle vient de loin et de longtemps.

Pourtant, les loups n’ont pas l’air méchant ; on dirait juste deux grands chiens.

Le louveteau s’arrête de jouer. Il s’approche de leur cachette et les renifle. Puis Il se dresse sur ses pattes arrière et avance prudemment le museau. Il tient quelque chose entre les dents.

- Regarde Flo ! Il te rapporte ton gant !

Les grands loups rappellent leur petit, se lèvent, tournent la tête vers eux et se mettent en route. C’est clair, ils invitent les deux frères à les suivre. Dim et Flo ont peur. Vont-ils courir ce risque ? Ont-ils le choix ? S’ils restent là dans leur arbre, ils mourront de froid avant qu’on ne les retrouve.

La troupe se met en marche. Les animaux se retournent de temps à autre comme pour vérifier qu’on les suit bien. Les garçons marchent en silence. Ils ignorent où on les mène ; ils ne reconnaissent pas le paysage. Dans leur fuite, ils ont perdu tous leurs repères.

Et puis les loups s’arrêtent … autour de la luge abandonnée.

Maintenant, les jumeaux savent où ils sont. Il n’y a plus qu’à continuer tout droit et, au bout du long chemin, il y a la maison avec sa chaleur et ses lumières rassurantes.

Quand ils veulent remercier leurs compagnons, ceux-ci ont disparu comme par magie.

- Pourquoi ils sont partis si vite ? se demande Flo.

- Oui, c’est dommage ! J’aurais bien aimé leur dire merci et surtout caresser le petit loup.

- Mais peut-être que ses parents n’auraient pas voulu qu’on le touche et qu’ils se seraient fâchés ?

- C’est vrai, on ne sait pas. Mais qu’est-ce qu’on va pouvoir frimer chez les copains !

Après un silence et tandis qu’ils se dépêchent, Dim reprend

- Tu sais, il vaut mieux qu’on ne dise rien.

- Parce qu’on ne nous croira pas et qu’on se moquera de nous ?

- Évidemment qu’on nous traitera de menteurs.

- Mais de toute façon, on finira bien apprendre que les loups sont revenus ?

- Bien sûr. Et que se passera-t-il quand on le saura ?

- On les attrapera pour les mettre dans un zoo ou quelque chose comme ça ?

- Voilà. C’est pour ça qu’il ne faut rien dire. Il ne faudrait pas que ce soit de notre faute, tu comprends ? Donc silence ! OK Flo ?

- OK Dim. Regarde, Maman nous attend sur le perron. Elle doit être vraiment inquiète. On va se faire drôlement punir !

- Sûrement ! Et ça va commencer par : « C’est à cette heure-ci qu’on rentre ???!!! »


Ils rient tous deux en douce en s’approchant de la maison avec un air coupable

 

 

Raymonde Malengreau

 

http://www.bandbsa.be/contes2/balancoirerecto.jpg

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Une nouvelle d'Adam Gray... L'amour au-delà...

Publié le par christine brunet /aloys

 

PHOTO pour 4me de COUVERTURE (ADAM GRAY)

 

 

L’Amour au-delà… 

 

– Non, coupa Helen, de grosses larmes affluant, pareilles à la marée aux pieds du Mont Saint-Michel, dans ses grands yeux gris-vert.

– Ne vous méprenez surtout pas… Je comprends ce que vous ressentez. Je le comprends parfaitement mais… ce n’est pas sa volonté, répondit le chirurgien d’une voix bien trop mécanique pour simuler une réelle empathie. Vous devez le laisser partir. Demain, il nous faudra débrancher Aidan. Demain, Helen.

– Je ne suis pas prête, répondit-elle irritée.

 

Le praticien tourna les talons et quitta la chambre 408, où seule une photo d’un couple très heureux, ceinte d’un cadre rococo couleur camion de pompier, donnait à la pièce immaculée, blafarde, un dérisoire semblant de chaleur. Les fleurs dans le vase, des roses rouges, étaient mortes de soif depuis déjà plusieurs jours ; Helen avait complètement oublié de s’arrêter en acheter chez le fleuriste dans le hall de l’hôpital, au rez-de-chaussée.

Se penchant sur son jeune et bel époux, elle posa une joue sur son torse athlétique abîmé par une longue cicatrice, l’embrassant, tout d’abord, et se remit à pleurer, dans le plus pur silence que la pluie sur les vitres, un peu grasses, ne tarda pas à venir briser. Cruellement.

 

La journée défila, s’égrainant avec les allers et retours du personnel hospitalier, plus ou moins impassible, et, avec cette nouvelle et sombre journée, défilèrent les souvenirs…

La soirée était bien avancée.

La pluie avait cessé.

Helen se cala dans son fauteuil, ne cessant de veiller son époux, immobile dans son lit et relié à d’horribles et froides machines, imperturbables et menaçantes. Elles semblaient bien plus vivantes que son Aidan dans sa mortifère pétrification. Méduse n’aurait pas fait mieux…

 

Au moment de cesser sa lutte contre Hypnos et son fils, Morphée, Helen, les cheveux quelque peu défaits, prononça quelques mots. Ces mots : « Je ne veux pas te laisser partir. Je ne peux pas. »

Et, finalement, elle se mit à rêver…

De leur rencontre, alors qu’ils étaient tous deux étudiants en droit – lui, pour faire plaisir à sa famille car tout ce qui l’intéressait, dans la vie, c’était de devenir, clamait-il : « Un dieu du surf ! »

Lui revinrent leurs premiers mots échangés à la cafétéria, un jour de décembre ; il venait, se prenant les pieds dans le sac qu’elle avait négligemment jeté à terre, de lui renverser son plateau sur le pull-over blanc tout neuf qu’elle s’était acheté la veille. Revinrent, bien sûr, le tout premier fou rire et, surtout, le tout premier baiser quelques jours après dans la voiture d’Aidan. Elle rêva même du tout premier repas avec ses parents – ses parents à elle –, et se souvint à quel point sa mère avait été séduite. Et pour cause : Aidan était très avenant et plein d’humour, grand et beau garçon. Le gendre idéal, en somme. Helen, très belle avec un beau visage ovale encadré d’une longue chevelure blonde, et Aidan formaient un fort plaisant couple, alliant beauté et gentillesse, générosité, avec des rêves plein la tête. Entre autres, partir un jour à la découverte du Kilimandjaro. Peut-être Shanghai… Et surfer sur les vagues australiennes ! Ils auraient fait plein de photos pour ennuyer leurs familles avec des : « Ça, c’est Helen dans le jardin Yuyuan ! », et des : « Ça, c’est Aidan qui est tombé de sa planche à Bondi Beach ! »

Ils auraient fait un enfant, un soir, après le coucher du soleil, sur une plage de carte postale, derrière une dune… Un petit James ou une petite Kristen.

 

Helen dormait profondément.

 

Inconsciente d’être dans les bras de Morphée, elle poussa une porte qui venait de se matérialiser devant ses yeux, s’ouvrant, étrangement, sur le campus où ils avaient étudié…

– Aidan ? C’est… C’est toi ? s’étonna-t-elle, quoique très heureuse.

– Bien sûr, répondit ce dernier d’une voix enjouée. Ça me fait tellement plaisir de te voir ! Tellement de choses à te montrer… Comme tu es belle…

– Belle ? Tu parles !… À me montrer, dis-tu ? À quoi diable fais-tu allusion ?

– Ah ! Tu vas voir ! Ce soir, amour, nous allons faire le plus beau des voyages… Féerique ! Fantastique ! Magique !

Helen se mit à rire.

– C’est une nouvelle robe ? enchaîna-t-il rapidement.

– Elle te plaît ? s’enquit-elle en tournant sur elle-même.

– Beaucoup. Tu es merveilleuse. Mais comme toujours. L’heure tourne… Allez ! Ne perdons pas une minute…

– Ton côté énigmatique, derrière ce sourire qui te rend si sûr de toi, c’est peut-être cela que j’aime le plus chez toi. Et quand tu relèves ton sourcil gauche, également…

Aidan, alors, prit sa moitié par la main et la pria de fermer les yeux.

– Tu as confiance en moi, n’est-ce pas ? demanda-t-il. Où aimerais-tu être, en ce moment ?

– Où j’aimerais être ? Hum… Laisse-moi réfléchir. Ah ! Oui ! Sur cette plage dont tu m’as si souvent parlé, en Australie.

– Très, très, très bon choix, se satisfit-il. Ouvre les yeux et… regarde !

Helen hallucina, littéralement. Aidan et elle y étaient : à Bondi Beach. Le soleil se couchait, donnant une belle couleur vermeille et dorée au pays des kangourous, et ils étaient seuls au monde. Complètement.

– Je dois rêver, murmura-t-elle, se blottissant contre le corps tout chaud de son époux.

– C’est bon de rêver, affirma-t-il. Et ton maillot de bain est… très sexy…

– Ça alors ! s’exclama Helen en baissant les yeux. Mais… c’est de la magie !

Réalisant que son époux était dévêtu lui aussi, elle lui murmura qu’il était… très viril dans le sien…

– Tu veux qu’on aille affronter les vagues ? la pressa-t-il avec l’impatience d’un enfant.

– Quoi ? Les vagues ? Tu es fou ! J’ai bien trop peur des requins ! C’est plein de requins et de crocodiles, ici ! Et pas des petits !

Aidan se moqua gentiment.

– Puis il fait nuit… Et des vagues, des vagues… il n’y en a pas ! poursuivit-elle.

Il releva les yeux, claqua des doigts… et le soleil chassa brusquement les ténèbres naissantes. Il faisait jour, à nouveau, et un vent idéal faisait se soulever les vagues de l’océan Pacifique.

– Satisfaite ? Il fait jour, y a des vagues… et il n’y a aucune bestiole affamée dans l’eau.

– Mon Dieu… Ou je rêve ou je deviens folle…

– Mais tu n’es pas folle, Helen, rassure-toi. Sinon de moi, j’espère bien !

Souriant, Aidan se pencha sur sa femme et l’embrassa passionnément, comme la toute première fois, quand deux corps étrangers se touchent et se découvrent, fusionnent, explosent, provoquant les plus intenses, les plus incroyables et les plus inoubliables des frissons…

Deux anges sur le sable.

Du doré et du bleu à perte de vue ; véritable paradis anamorphosé, comme un acrylique qui prendrait vie…

– Je t’aime, dit Helen sur le ton de la confidence.

– Moi aussi, dit Aidan. Plus que tout au monde.

Helen surfait sur de hautes vagues avec l’homme qu’elle aimait. Son dieu du surf à elle toute seule… Ils glissaient, tous les deux, sur la même planche. Sur le Pacifique. Aidan se mit à crier d’excitation et de bonheur. Helen, d’ordinaire sage, l’imita. Ils étaient heureux. Le monde leur appartenait.

– Je n’ai jamais éprouvé un tel bonheur, avoua Helen en resserrant ses bras autour de la taille d’Aidan. On devrait faire cela bien plus souvent !

– On le fera, promit-il. Mais ferme les yeux, maintenant.

Helen s’exécuta, exaltante. Lorsqu’elle les rouvrit enfin, ils avaient atterri en plein milieu… d’un carnaval… Dans les rues de la Nouvelle-Orléans ! Et des airs de jazz fusaient ! Et des gens costumés s’amusaient tout autour.

– Tu aimes ?

– C’est incroyable, dit Helen.

– Alors… pense très, très, très, très fort à un costume, n’importe lequel, et claque des doigts ! Je vais faire la même chose.

– Tu es sérieux ?

– Ai-je l’air de plaisanter ? (Il releva son sourcil gauche.)

Helen baissa les yeux, amusée, et pensa très fort à cette actrice dont elle avait oublié le nom mais qu’elle avait adorée dans les trois premiers volets de Pirates des Caraïbes. Puis elle claqua des doigts.

– Mademoiselle Swann ! s’exclama Aidan. J’adore…

Helen se mit à rire en découvrant le costume sur son corps tout fin, apparu, encore une fois, comme par magie. Aidan claqua des doigts et se retrouva, lui, dans le costume de Brad Pitt dans Troie.

– Mon Achille ! s’écria Helen.

– Plutôt cool, non, tous ces gros muscles ? plaisanta-t-il. Allez ! Profitons de la fête et… dansons !

Les deux amoureux virevoltaient, insouciants, pris dans la folie nocturne de ce carnaval étourdissant de couleurs et de sons.

Les rues de la Nouvelle-Orléans étaient très colorées et ornées d’accessoires de fêtes et de ballons de toutes les formes. Il y avait des cracheurs de feu, des clowns et des acrobates, des cajuns qui marchaient sur des échasses et l’on pouvait admirer, de-ci de-là, un James Bond, une Angélique, un Robin des Bois et même… des morts-vivants ! Quelques enfants, d’ailleurs, étaient déguisés en Michael Jackson et lui rendaient hommage en exécutant, plus ou moins bien, la célèbre chorégraphie de Thriller.

– Je voudrais que cette nuit ne s’achève jamais !!!!!! hurla Helen, s’efforçant de couvrir le son des instruments de musique.

– IDEEEMMM !!!!!! cria Aidan encore plus fort.

Il la serra dans ses bras, très fort contre son cœur, et caressa sa chevelure, s’enivrant de sa douce odeur de miel.

 

Toute la nuit, Aidan emmena Helen dans des lieux réellement exceptionnels : aux pieds des Pyramides, sur la Grande Muraille de Chine, au sommet de l’Himalaya et, bien sûr, du Kilimandjaro, pour finir dans un somptueux jardin japonais.

Tout était définitivement possible : nager au milieu des dauphins ou prendre le thé en plaisantant de bon cœur avec la Reine Mère… Pourquoi s’en étonner, après tout ?

 

– Es-tu heureuse ? demanda Aidan. Je veux dire… As-tu assez de belles images, dans ta tête ? Dis-moi…

– Que dois-je comprendre, Aidan ? s’inquiéta-t-elle alors, revenant immédiatement à la réalité.

– Parce qu’il est l’heure.

– L’heure ? L’heure de quoi ? marmotta-t-elle. Mais elle savait.

– L’heure de nous dire au revoir, Helen. Un ange m’a accordé cette nuit. Tout ce condensé de souvenirs avec toi. Il nous a offert ce qu’aurait dû être notre vie, de beaux moments et même… davantage. Tout cela en quelques heures à peine.

– Tais-toi, supplia-t-elle.

– Tu dois me laisser m’en aller, poursuivit-il. Tu dois me débrancher et continuer ta vie sans moi… Tu m’entends ? Helen ?

Les lèvres rouges carmin de la jeune femme furent prises de tremblements. Elle se mit à pleurer.

– Je ne peux pas, Aidan. Je ne peux pas… Comment je pourrais ?

– Il le faut, amour. Je ne suis déjà plus ici. Ce n’est plus que mon corps, et ce corps est vide…

– Arrête, je t’en supplie. Tu me brises le cœur. Pourquoi tu me brises le cœur ?

– Un cœur si plein d’amour ne peut se briser, Helen. Pourquoi tant de désespoir ? Ce n’est pas un adieu, tu le sais bien. Quand l’heure sera venue, nous nous retrouverons. Je serai là. Je t’attendrai.

– Mais moi ? Que vais-je faire, toute ma vie, sans toi à mes côtés ? Que vais-je faire, toute ma vie, sans jamais plus entendre le son de ta voix ? Sans venir t’embrasser le matin quand tu te réveilles ? Sans cet enfant que nous ne ferons jamais ensemble ?

– Je vois, dit-il.

Il fronça les sourcils et se remit à parler.

– N’as-tu pas remarqué des changements, ces derniers temps, Helen ?

– Des changements ?

Elle réfléchit, fébrile.

– Tu t’en souviens, de cette nuit ? Il y a deux mois avant mon accident de moto. Tu t’en souviens ?

Helen fronça les sourcils. Hésita… Puis elle toucha son ventre, le caressa, et réalisa… Elle portait leur enfant. C’était une certitude. Il sourit, tout en versant une larme qui vint effleurer sa lèvre supérieure. Elle éclata en sanglots, tout en souriant d’une joie paradoxalement… « retrouvée ».

– Tu vas vivre une longue et belle vie, amour. Avec notre James, ou notre Kristen. Tu seras une mère exceptionnelle et ça, vois-tu, je le sais. Je le sais comme un et un font deux. Tu vas aimer notre enfant et il va t’adorer, comme moi je t’ai adorée. Tu vas être forte pour lui, pour moi. Mais moi, mon heure est venue. La tienne, non… Promets-moi d’être heureuse. Promets-le-moi.

– Je suis triste… Je suis en colère !… Comme je t’aime, Aidan. Comme je t’aime… Je te le promets, oui, sanglota-t-elle. Mais pourquoi diable ne peux-tu pas te réveiller ?

– Ça va aller, n’ai pas peur. Embrasse-moi une toute dernière fois, s’il te plaît. Nous n’avons plus beaucoup de temps, elle arrive…

Helen, désemparée, embrassa son Aidan une dernière fois. Elle sentit une incroyable chaleur l’envahir, douce et bienfaisante. Régénératrice…

Une intense lumière dorée entoura le corps d’Aidan et le souleva du sol, l’arrachant des bras d’Helen. Elle voulut crier mais il lui sourit. On aurait dit le dieu Apollon prenant place sur son char solaire… Alors, elle s’obligea à être forte. À son tour, elle esquissa un sourire, comme un ultime geste d’amour. Le corps d’Aidan devint une image évanescente et il disparut.

Pour de bon…

 

Dans la matinée qui suivit, quand l’infirmière de jour se présenta dans la chambre 408, Aidan, libéré, souriait dans son repos éternel, ses parents à ses côtés.

Helen, elle, s’était éclipsée, rassérénée, les laissant dire au revoir à leur fils, leur Aidan, et se préparer, déjà, au premier jour du reste de sa vie avec son James. Car c’était un p’tit mec, dans son ventre ; elle en était sûre. Et ce serait un dieu du surf.

 

Dehors, le soleil brillait de mille feux.

 

 

Adam Gray

 

https://www.facebook.com/pages/Adam-Gray-Officiel/139154696110371

Publié dans Nouvelle

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Jean-Michel Bernos se présente et nous parle de son ouvrage "Merci Monsieur Leacock !"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

http://www.bandbsa.be/contes3/bernostete.jpg

 

Voilà,

 

J’écris depuis trop longtemps des choses… non pas affligeantes, mais un peu… austères ! Des études historiques, romans de société ou même un peu de philosophie.

 

Pourtant, comme Stephen Leacock, éminent économiste Canadien du début du XXe siècle, je me sens à mes heures, l’âme légère.

 

Pour lui rendre hommage et le remercier d’avoir si souvent comblé mes moments de lecture d’une évasion salutaire, j’ai voulu publier cet ouvrage : Un recueil de 40 histoires, explorant des mondes diversement consternants, m’abandonnant dans des contes bucoliques, des récits béats, me rependant en calembours et balivernes.

 

Merci Monsieur Leacock !

 

 

Ça commence comme ça…

 

 

Dans la vie, il faut parler de choses sérieuses et de choses amusantes, ce qui laisse peu de place aux choses tristes.

 

Les histoires ici présentées, parfois rigolotes, peuvent néanmoins réussir à vous faire sourire, ce qui est un accident culturel car je trouve le sourire un peu trop intellectuel.

 

Elles sont émaillées de non-sens et de tentatives d'humour décalé dont d'illustres auteurs, qui sont mes modèles, ont usé avec bonheur.

Car n'est-ce pas ce dont on essaye de parler ici : le bonheur !

 

Certains y découvriraient de l'humour anglais, mais c'est bien la seule chose que je reconnais de bien chez les britanniques.

Si j'étais indochinois, je préfèrerais les nems, au saumon fumé.

En réalité, j'ai un penchant pour le sang de martien, gélatine fruitée élevée au rang de dessert par les Angles et les Saxons. Suis-je Teuton pour autant ?

 

Sans doute vous évaderez-vous dans le cours des récits et des contes où m’ont mené mes réflexions obscures, étranges ou saugrenues, ne tentez pas cependant de donner un sens à mes propos. Peut-être trouverez-vous un message, mais ce n'est qu'un accident de plus.

 

C'est bien parce que j'aime profondément l'humanité que je lui reconnais le droit inaliénable d'émettre un son saccadé en se tapant les cuisses. J'ai longtemps hésité à écrire ceci plutôt qu'un traité sur l'amplitude réglementaire du rictus.

Il se peut que vous passiez votre chemin, en regrettant de vous être si longtemps attardé à me lire – Mais l'esprit fera son œuvre, et vous vous surprendrez un jour ou l'autre à -raconter une histoire aromatique à votre voisin.

 

Alors j'aurai gagné mon pari !

 

Jean-Michel Bernos 

 

http://jeanmichelbernos.over-blog.com/

 

http://www.bandbsa.be/contes/interview/bernos-interview.htm

 

 

 

 

Jean-Michel Bernos

Ouvrage : Merci Monsieur Leacock

Couverture officialisée le 21.11.2011

Maquette texte en cours de validation chez CDL

Publié dans présentations

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Premier chapitre "les rendez-vous de Marissa" de Claude Danze, partie 1

Publié le par christine brunet /aloys

 

http://www.bandbsa.be/contes2/danze3.jpg

 

 

Louxor : le complot I

 

 

 

Saadia souriait dans la cuisine de la Villa. Le bruit du journal, que feuilletait Nick sur la terrasse, était révélateur. Il ne perdait jamais son sang-froid. Sauf le vendredi soir, chaque fois qu’arrivait le vol de la Flying en provenance de Shannon.

 

Il vérifiait sur le web les arrivées des vols, téléphonait à Ramadan au contrôle aérien de Louxor, scrutait le ciel invariablement bleu, changeait les clefs de la 504 de poche, oubliait la seconde d’après ce qu’il en avait fait, marmonnait d’improbables imprécations contre le temps qui ne passait pas et, finalement, se mettait en route bien trop tôt.

 

Lorsqu’elle entendit démarrer la Peugeot, Saadia sourit à nouveau : le gag se répétait chaque semaine mais, aujourd’hui, il battait des records, le patron.

 

Il pestait contre le trafic de Louxor aux heures de pointe et contre le convoi d’Abydos et Dendérah qui dispatchait au petit bonheur ses autocars de touristes pressés le long de la Corniche. Un peu avant le musée archéologique, il prit à droite, vers l’aéroport, évitant soigneusement chevaux, cochers et calèches, qui stationnaient là en permanence.

 

Sur la voie rapide, invisibles à l’intérieur des virages, des ouvriers peignaient des marques au sol, sans signalisation, sans vêtements de sécurité. D’improbables charrettes de canne à sucre tirées par des ânes occupaient la route au petit bonheur. Le train ramenant la récolte traversait interminablement la chaussée. Pas question de foncer, il pesta de plus belle.

 

Il arrêta le break 504 près de l’aérogare et regarda sa montre : il lui faudrait encore attendre au moins deux heures. Des cars finissaient de déverser leur flot de touristes revendicateurs. Il les évita et se dirigea à pied vers la clôture pour guetter l’arrivée de l’A320 de la Flying.

 

L’avion blanc et rouge aux lettres de bronze se présenta à l’atterrissage. Nick retint sa respiration. Comme il ne pouvait plus être aux commandes, il se crispait à chaque fois. L’appareil se mit à rouler tranquillement vers le tarmac de service, il expira en gonflant les joues.

 

La porte avant s’ouvrit et elle fut là, sur la passerelle qu’on venait d’amener. Les mains sur les hanches, très élégante, très « pro », Marissa Whelan sembla, d’un regard circulaire, prendre possession de la terre égyptienne. Elle remonta ses grandes lunettes de soleil au-dessus du front, rentra dans la carlingue pour prendre congé des passagers, s’occuper de la paperasse.

 

Il passa saluer son copain Ramadan, qui finissait son service. Ils bavardèrent quelques minutes, puis Ramadan partit vers sa voiture en riant. Toujours aussi cinglé, celui-là, décidément…

 

Dans l’heure qui suivit, il vérifia la concordance de tous les appareils susceptibles de confirmer l’heure de sa montre. Quand l’équipage se pointa enfin à la sortie, il vint ranger la 504 le long du trottoir, juste derrière la navette du Sheraton. L’équipage complet semblait avoir choisi l’hôtel et le chauffeur chargeait déjà les bagages dans le minibus. Même la valise jaune de Marissa, qui pourtant venait systématiquement à la Villa, manière d’économiser sur son forfait séjour. Logan, le commandant, et Michael, le chef de bord, saluèrent leur ancien collègue tandis que Clare, la copilote, discutait ferme avec le chauffeur du Sheraton pour récupérer la petite valise jaune et la mettre dans le coffre de la 504. Même Julie-Ann, la collègue de Marissa, dut y ajouter son grain de sel.

 

Marissa, furieuse, les fusilla toutes deux du regard. Aujourd’hui, elle avait décidé de ne pas aller à la Villa, et voilà que ses collègues l’y poussaient… Pourquoi ne venaient-ils pas, eux ? Elle était trop lasse pour discuter. Qu’ils en profitent, de la piscine du Sheraton. Rien à foutre, moi.

 

Elle salua Nick d’un bref signe de tête et s’assit sur la banquette arrière en rabattant sèchement ses grandes lunettes solaires à monture rose sur son nez mutin.

 

« Pas de bisou aujourd’hui ? »  lança-t-il, moins désinvolte qu’il ne l’aurait souhaité.

 

Marissa lui répondit d’un « pfft »  limite méprisant et regarda avec obstination l’immensité des champs de canne à sucre.

 

Contrairement à l’habitude, elle oublia de dénouer sa queue de cheval tout en secouant la tête de gauche et de droite pour encadrer équitablement son visage de ses cheveux châtain. Nic adorait l’observer faire ce geste à son insu via le rétroviseur. Elle semblait alors émerger de son style « hôtesse de l’air » et se détendre pour retrouver un sourire authentique. Elle n’était jamais plus belle qu’à cet instant où renaissait la vraie Marissa …

 

La 504 démarra au quart de tour, malgré ses 35 ans dans les rotules. Le trafic restait dense mais les journaliers des plantations étaient rentrés chez eux et les autocars du convoi avaient regagné leurs hangars depuis longtemps.

 

Il roula vers le soleil couchant, passa à l’extrémité sud du temple de Louxor, enfila la rue Khaled Ibn El Waleed, suivant de près la navette du Sheraton, où ses collègues se retournaient et le regardaient d’un air entendu, auquel justement il n’entendait rien. Toujours un peu rigolards, sans doute se réjouissaient-ils de le laisser à Marissa et à ses états d’âme. Bizarre, ce vendredi soir. La navette vira à droite vers l’hôtel et la 504 poursuivit sa route vers la gauche.

 

Peu avant le carrefour avec la route d’Assouan, un peu en aval du pont aux quatre Horus de pierre, il tourna dans l’allée de la Villa, arrêta la voiture sous l’auvent de toile déteint. Marissa passa sa mauvaise humeur sur la portière arrière droite, qu’elle claqua sans ménagement. Elle se précipita dans la Villa, sans un regard pour Nick ou sa valise. Elle monta au premier, dans la foulée.

 

Nick prit la valise et monta à son tour. Il pensait trouver sa pensionnaire au salon (sa vue imprenable sur le Nil, son incessant trafic fluvial, son crépuscule flamboyant). Saadia passa par là, d’un air inquiet. Elle frappa à la porte de la salle de bain où, apparemment, Marissa s’était réfugiée sans explication ni bonjour. Ne recevant pas de réponse, Saadia ouvrit prudemment la porte, sous l’œil interrogateur de Nick, la valise jaune à la main, debout au milieu de nulle part. Saadia entra, referma la porte.

 

Nick s’aperçut qu’il avait toujours la valise à la main, la déposa dans la chambre de Marissa. En repassant devant la salle de bain, il entendit des voix. Elle ne s’était toujours pas calmée : elle parlait bas mais avec véhémence. Saadia, en bonne mère égyptienne, lui parlait calmement, sur un ton de ça va s’arranger. Il était encore plus inquiet que discret, quand il s’agissait de Marissa.

 

Saadia sortit avec Marissa, au visage plein de larmes. Saadia lança à Nick un regard de reproche et il redescendit au rez-de-chaussée sans vraiment comprendre.

 

Il croisa Belaid, le mari algérien de Saadia, qui rentrait du jardin au bord du fleuve. Il venait d’amarrer sa felouque et de contempler un instant le coucher de soleil qui flamboyait de plus belle sur le Nil. Nick n’aurait jamais imaginé que la jolie Marissa, toujours de si bonne humeur, puisse un jour être si malheureuse. Il aurait tout donné pour effacer sa tristesse d’un geste de la main, qu’il fit d’ailleurs machinalement en ne brassant que l’air.

 

 

Les rendez-vous de Marissa

Chapitre 1/2

 

claude-danze.over-blog.fr

 

http://www.bandbsa.be/contes2/rvmarissa.jpg

 

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