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"La colère", un texte signé Marie-Noëlle FARGIER

Publié le par christine brunet /aloys

"La colère", un texte signé Marie-Noëlle FARGIER

La colère se trompe souvent de destinataire. Elle est comme une lettre paumée que le facteur distrait, a distribuée dans la première boîte à lettres d'une quelconque rue.

Dès sa première lecture, elle valdingue dans vos oreilles, chargée de tous ses maux, qui essaient de s'éliminer par votre bouche ouverte et muette devant tant d'humeur maladive ! "L'umor", ce fluide diabolique, s'infiltre dans vos veines et votre coeur s'emballe, des moiteurs dégoulinent de vos mains. Votre bouche toujours ouverte, parle avec des lèvres tremblantes, mais sans aucun son. Le mal s'amplifie jusqu'à ce qu'un mot encore plus terrible que les maux, surgisse de votre langue asséchée, sorti des profondeurs de la stupeur. Ou bien votre corps prend le relais, par un "je raccroche", un claquement de porte, une fin.

Après quelques minutes, voire quelques heures, voire quelques jours ou plus, l'umor s'en va. Votre anatomie reprend sa cadence rythmée par votre bonne humeur et votre claire pensée. Enfin vous réfléchissez ! Vous disant que cette lettre paumée ne vous était pas destinée. Mais à qui, pouvait-elle donc s'adresser ? Vous prenez l'annuaire, cherchant déjà dans votre quartier, puis dans votre ville, mais tellement de noms sont inscrits ! Cependant, un nom, gravé en gras, bondit et retient toute votre attention.

Une idée vous vient : "Si cette colère vous était réellement adressée...?"

Alors vous repassez tous les mots et maux échangés, et vous ne trouvez rien. Du moins, rien qui ne justifie une telle "umor". Même quelquefois au contraire ! Que de beaux mots et bienveillance et amour se sont propagés entre vous et cet expéditeur.

Ensuite, le poumon de la raison vous souffle : "Si cette lettre était en fait destinée à l'expéditeur ?" Vous refusez cette idée. Elle voudrait dire que ce pauvre expéditeur est si mal face à lui-même qu'il perd la notion de la vérité, de la réalité, qu'il ne sait plus qui il est ... Qu'il est empli de toute cette "umor" et va-t-il en guérir ? Car vous l'aimez cet expéditeur ! Et puis il doit être chargé de culpabilité face à ces maux dont il vous a accusé, véritablement ses propres maux.

Les maux de ne pas savoir être, de ne pas pouvoir faire, mais pour quelles raisons ? Ces raisons que vous avez tellement cherchées en vain; vous ne pouviez les trouver, elles ne vous appartenaient pas ! Les connait t-il lui même ? Sûrement ou peut-être pas ?

Oh et puis raz le bol !!! Vous n'avez pas envie que l'umor s'infiltre à nouveau dans votre lymphe, surtout que vous n'en êtes pas le déclencheur. Vous voulez bien la partager mais la porter seule, c'est trop demander !!! STOP STOP.....

Etes-vous en train de vous énerver ? Il ne faudrait pas que vous envoyiez une lettre de maux à un quelconque destinataire pour vous décharger de ce mal ? Et de ce fait, trouver un autre bouc émissaire ? Bouc émissaire qui pourrait encore lui-même s'interroger et faire de même pour s'alléger.....

L'umor serait-elle contagieuse ?

Pauvre facteur, quel poids dans son sac de messager ! :)

Marie-Noëlle Fargier

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Un extrait de "Sale temps pour les héros" de Jaques Degeye

Publié le par christine brunet /aloys

Un extrait de "Sale temps pour les héros" de Jaques Degeye

EXTRAIT de « SALE TEMPS POUR LES HÉROS. Le prix de la liberté sous le règne de M. Poutine », Chloé des Lys Collection, 2016, 571 p.

À part elle, personne n'osait plus relever la tête depuis 2004. Très peu se montraient encore en sa compagnie. Elle était devenue la pestiférée. Ceux qui se confiaient à elle le faisaient en catimini. Elle les défendait à découvert. Anna : une parole et des actes libres. Son mari Alexandre Politkovski et son amie d'enfance Elena Morozova rapportèrent sa parole fameuse : « Je suis une personne créative et libre ». Alors que des millions de personnes avaient marqué publiquement leur solidarité avec Andreï Sakharov après sa mort, le 14 décembre 1989 – un effet de la perestroïka et de la glasnost ? –, trois mille personnes accompagnèrent la dépouille mortelle d'Anna au cimetière moscovite de Troyekourovski. L'Église orthodoxe fut muette. Seul le pope, qui célébra la messe des obsèques, sauva son honneur. La vérité que proclamait Anna était à ce point incongrue dans un pays muselé et somnolent.

« Cette courageuse opposante politique à Poutine » était une journaliste exigeante. Elle transcendait son métier. Comme Ernest Hemingway, Anna avait haussé le reportage au niveau d'un art. Une écriture simple en apparence. En réalité, dépouillée jusqu'à atteindre son but : relier son lecteur à l'humanité douloureuse, susciter son horreur du mensonge, de l'injustice et de la corruption, réveiller sa conscience, lui redonner le goût de la liberté sans se laisser gagner par le mépris, être utile à ses semblables par des gestes fraternels. Anna Politkovskaïa se reconnaissait dans les poètes Marina Tsvetaeva et Ossip Mandelstam. Marina s'était suicidée pendant l'invasion hitlérienne, le 31 août 1941, à Elabouga, dans le dénuement et la solitude. Ossip succomba au typhus et à une crise cardiaque, le 27 décembre 1938, au camp de transit 3/10 de Vtoraïa Retchka près de Vladivostok.

Jacques Degeye

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Résurrection – Edmée De Xhavée

Publié le par christine brunet /aloys

Résurrection – Edmée De Xhavée

Bien sûr que je sais qui je suis. Quelle absurdité. Comme si en perdant mon visage et mes proches j’avais cessé d’être moi. Mais à quoi bon le leur dire ? Qu’est-ce que ça changera à qui je suis ? A ce qui me fut arraché ? A ce à quoi je vais devoir m’accrocher… Est-ce que ça me donnera un autre passé ? Ou un autre présent ? Quant à l’avenir… sera-t-il celui de l’inconnue ou … le mien ? Ça doit être le même… Je le leur ai bien dit… Je ne veux rien savoir de personne.

Je me souviens des yeux bleus de ma mère, de la couleur céruléenne des myosotis. J’ai les mêmes, et je ne reconnais qu’eux dans mon visage qui ne me parle plus, transformé par l’incertitude. Ils sont comme le reflet d’une boule de cristal qui me rendrait mon existence en secret. Elle avait, aussi, les joues qui se couvraient du rouge de l’émotion, en taches comme des coquelicots qui auraient jailli à la surface du lait.

Je me languis et me souviens de mon frère et de mes sœurs. De la chaleur de leurs mains lorsque nous dansions en cercle, de leurs voix qui se parcellaient en rires heureux. De cette robe de soie brodée que j’ai reçue pour mes quinze ans. Et du collier de perles au fermoir en diamants que j’ai pu porter par-dessus pour la première fois ce jour-là. Je n’ai pu relever mes cheveux comme mes sœurs le faisaient déjà, trop jeune pour offrir ma nuque et mon profil aux regards d’hommes. Et ces chaussures de chevreau, avec une bride en ruban tressé et une boucle de nacre, délicate comme un nuage matérialisé… J’avais, dit-on, une façon particulière de regarder… un air espiègle. J’étais, alors, tellement sûre de mon avenir…

Vous imaginez-vous que je ne mangeais, alors, qu’avec des couverts en argent ? Aux armes de mes parents, lacis de lettres en creux, si fin que seul le jeu d’ombre et de lumière le rendait visible. Autre chose que cette vaisselle aux bords éclatés, et usée par la brosse et le savon. Que j’avais des domestiques, des femmes de chambre, un précepteur, un professeur de danse, et un autre de piano ? Que j’avais appris à regarder les jeunes gens de l’aristocratie qui nous approchaient, mes sœurs et moi, en sachant qu’un jour peut-être je dormirai contre l’un d’eux et lui donnerai des enfants… aux yeux myosotis si Dieu le voulait aussi. Savez-vous qu’alors, lorsque voulant rêvasser je posais mon front sur la vitre si fraiche de la fenêtre, mon regard ne survolait que de belles choses, depuis la verrière encerclée de statues juste en-dessous de ma chambre, aux colonnades de la pergola et de la descente vers les pelouses bordées d’arbres aux feuillages luxuriants ? Jamais alors je n’imaginais que, dans quelque coin du monde, il y avait des tramways grinçant leur fatigue sous des fenêtres sans grâce à la vitre emplie de défauts, et que je chercherai le réconfort du souvenir en y appuyant mon front fiévreux, pour ne voir que la grisaille, des murs, des trottoirs et des gens fatigués de la vie dans leurs vieux manteaux sentant l’humidité.

Fräulein Unbekannt. C’est mon nouveau nom, dans une langue qui n’est même pas la mienne. Dans un âge que je ne reconnais pas comme le mien, puisque j’ai perdu ma vie dans la panique et les pleurs, les aboiements de Jemmy le petit chien de ma sœur, les cris d’angoisse de soldats qui ne comprenaient plus, le crépitement des balles et l’éventrement des murs tapissés de papier à rayures fait aux baïonnettes. Et surtout le silence de mes parents qui, leurs oreillers de voyage devant eux, couraient sans expression vers le plan de sauvetage. Je suis tombée, presqu’étouffée et aveuglée par l’odeur de la poudre et de la sueur, de la peur et de la confusion. Ma mère posa sur moi son regard si bleu et pur, posa son doigt sur les lèvres qui esquissaient ce sourire primesautier qu’elle avait toujours.

Nous en avions parlé le soir précédent, du plan. Et tant de jours avant aussi. Mes sœurs, dont on avait coupé puis brûlé les cheveux la veille en même temps que les miens, couraient vers leur futur, dans les robes que nous avions achetées aux filles de cuisine. Mais moi j’ai trébuché sur un homme tombé à terre qui a retenu ma cheville pour me diriger ou me retenir, je ne saurai jamais. Et quelque chose m’a cloué le pied au plancher. J’en ai encore le sceau, une étoile boursouflée là où un jour la bride de soie de mon escarpin de chevreau avait posé sa caresse. Et c’est lui qui m’a sauvée. Qui m’a assuré cette survie dans une mort interminable. Une mort qui recommence à chaque réveil. Il m’a sauvée en me roulant, abrutie d’horreur et de désespoir – ma famille tant aimée… où allais-tu sans moi ? -, dans une couverture sale qui sentait la terre et le cheval, puis me hissant sur une charrette alors que dehors, le chaos explosait en cris d’agonie, effluves de sang, coups de feu, hurlements de douleur et de rage. Chants d’ivrognes.

Le soldat tchécoslovaque, au nom si prolétaire, aux mains sales, à l’haleine d’oignon, au regard cependant habité par quelque chose que je ne connaissais pas. Peur, intimidation ? Possession ? Adoration ? Rancœur ? Comment savoir ? J’étais si jeune quand il a forcé son chemin dans mon corps pour faire de moi sa femme, une femme qu’il prit dans un cri qui ressemblait à un pleur pendant qu’il faisait un massacre de la jupe de laine rustique, du jupon si fin que j’avais voulu garder, de la culotte d’enfant riche que j’avais crue hors d’atteinte. Il pleurait et m’embrassait comme devenu fou, pour finir par me gifler en hoquetant des mots que je ne comprenais pas – et ne voulais comprendre. Je venais de disparaître d’une vie. Je n’étais pas prête à celle qui commençait.

Oui… Je suis la mère de son enfant, qu’à sa mort j’ai déposé dans un orphelinat. Comment aurais-je pu m’occuper d’un enfant, moi qui n’avais pas eu le temps de cesser d’en être un? Moi qui vivais les vêtements de tissu rêche, la nourriture sans finesse, les odeurs corporelles d’où montaient les remugles des derniers repas, comme un voyage en enfer ? On avait tué Anastasia. Elle est là pourtant, secrètement enclose dans mes yeux, qui sont ceux de ma mère la jolie Alix. Mais aux yeux du monde, c’est Fräulein Unbekannt qui a émergé du canal où s’est noyée la plus jeune des filles de Nicolas, puis a pris l’occupation d’un corps qui a perdu l’habitude des câlineries de cette autre vie, celle où il appartenait à Anastasja Nikolaievna Romanov. Justement dite, hélas, la ressuscitée.

Je suis en exil de ma vie.

Edmée de Xhavée

edmee.de.xhavee.over-blog.com

https://edmeedexhavee.wordpress.com

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L'extrait d'un conte, tiré du recueil de Christina Previ, "Temps d'aventures"

Publié le par christine brunet /aloys

L'extrait d'un conte, tiré du recueil de Christina Previ, "Temps d'aventures"

Un extrait du livre "Temps d'aventures" qui est un recueil de contes pour enfants.

C'est un morceau du troisième conte intitulé : "Les disparus de Vencolin"

L'extrait d'un conte, tiré du recueil de Christina Previ, "Temps d'aventures"

Les disparus de Vencolin.

Il existe un beau et lointain pays, au milieu de douces collines arrondies comme le dos de gros éléphants endormis. Le vent léger qui y circule est parfumé de jasmin et, certains soirs, son souffle léger chante en se faufilant dans les arbres.

Un soir dans le joli village de Vencolin, eurent lieu des phénomènes inquiétants. Une musique étrange emplit l'air, elle venait du côté du cimetière.

Ensuite, eurent lieu des disparitions… La première, fut celle de la petite Leslie qui, malgré l’interdiction de ses parents, s’était faufilée dans le jardin pour appeler son chat, l’avait suivi et n'était pas rentrée. Ses parents l’appelèrent en vain, tout le village la chercha mais on ne trouva aucune trace d’elle.

Quelques jours plus tard, la triste mélopée s’était à nouveau fait entendre. Le jeune Damien un peu éméché, suite à une dispute avec sa fiancée, s’était dirigé vers le cimetière puis, évaporé sans laisser aucun indice ! La troisième fois, ce fut le tour du vieil Amédée qui était un peu sourd. Il était sorti se promener en bougonnant mais on ne le retrouva ni lui, ni sa canne, pas plus que son chapeau.

Ces disparitions firent le tour du pays, et les habitants de Vencolin furent pris de panique.

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Un texte court signé Michel Beuvens

Publié le par christine brunet /aloys

Un texte court signé Michel Beuvens

CARTE POSTALE

Deux bleus. L’un profond (c’est normal), l’autre bleu ciel (c’est normal aussi). Pourquoi ne parviennent-ils pas à se mélanger ? C’est cette ligne minuscule qui leur interdit ?

Sur l’un, on distingue un petit point pointu, immobile et tout blanc, qui berce peut-être des plaisanciers se saoulant de ces deux immensités.

Plus loin, beaucoup plus loin, un petit rectangle gris progresse, millimètre par millimètre, sur la crête: c’est un cargo ?

L’équipage qui le manœuvre doit être fait d’hommes qui ne sont pas dupes: ils savent, eux, que ces deux bleus peuvent devenir gris, noirs, puis se mélanger, comme les couleurs d’une aquarelle, et casser le fil trop tendu de l’horizon.

Michel BEUVENS

Roman « La Posologie des sentiments »

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Carine-Laure Desguin revisite le Petit Prince

Publié le par christine brunet /aloys

Carine-Laure Desguin revisite le Petit Prince

Chapitre XXVIII : Le messager

— Toi, tu reviens de la chasse aux papillons !

Le petit bonhomme que j’avais devant moi ne répondit pas. Il rougit. Avec cette écharpe dorée qui lui cachait le nez, ces boucles d’or qui tourbillonnaient tout autour de la tête, il était bien ce petit prince extraordinaire dont mon ami m’avait tellement parlé. Et puis, mon ami, il l’avait dessiné, cet être hors-norme. Je ne pouvais me tromper. Oui, depuis cinq jours, je glandais ici dans ce désert du Sahara, sous ce soleil de plomb. Oui, il y avait cette fatigue, bien sûr. Mais c’était lui, c’était lui. Je savais qu’il viendrait, si je me crashais. J’avais en moi cette certitude. C’était même autre chose qu’une certitude, c’était une espérance. C’était pour moi une façon de ressentir la présence de mon ami. Je repris mes esprits et je lâchai :

— Dis-moi, et cette fleur ? Car bon Dieu, il s’en est voulu, tu sais, je parle d’un ami disparu que tu as croisé…Il s’en est aperçu bien trop tard qu’il avait oublié de te dessiner une courroie de cuir. Mille fois mon ami a pensé : « Que s’est-il passé sur la planète du petit prince ? Peut-être bien que le mouton a mangé la fleur… »

Ce silence. Ce silence me confortait dans mon idée. Ce bonhomme perdu dans le désert était bien le petit prince. Le temps d’un éclair, je fis un demi-tour sur moi-même. Pas de mur, pas de puits, pas de serpent ! Et ce silence, ce silence. Le petit prince me tendit alors une feuille de papier sur laquelle il avait dessiné…Et là, il n’y eut plus l’ombre d’un doute. Du tac au tac et avec l’espoir que ma réponse lui arracherait un mot ou deux, je lui dis :

— Ça, ce n’est pas un chapeau, c’est un boa qui a avalé un éléphant !

— S’il te plaît, dessine-moi une courroie de cuir…

— Oh mon bonhomme, mais bien sûr que je vais te dessiner une courroie de cuir !

Je sortis alors de ma poche une feuille de papier et un crayon. Un pincement au cœur... D’émotion, ma main trembla. Je m’appliquai au mieux et une courroie de cuir vit le jour. Voilà ! lui dis-je tout fier de mon œuvre, en lui tendant le dessin.

— Merci ! Avec cette courroie, le mouton ne mangera pas ma fleur.

— Et ce globe ? Il n’y a donc pas un globe qui protège ta fleur ?

— Oui, il y a un globe qui protège ma fleur mais ma fleur doit vivre et respirer, elle aussi. Et sur ma planète, il y a un tas de choses à faire. Je sais que tu sais que ma planète est si petite !

— Des tas de choses importantes, c’est ça, n’est-ce pas ?

Le petit prince ne répondit pas à cette question. Il rougit. Il riva son regard lumineux sur le dessin. Oh, j’aurais pu lui parler des étoiles et des cinq cents millions de grelots, j’aurai pu lui parler de sa rose qui n’avait que quatre épines pour se protéger du monde. J’aurai pu lui dire tellement de choses. Mais je me tus, moi aussi. Je sentis des larmes me brouiller la vue. C’était cette histoire de renard. Dix minutes que ce gosse était planté là et je l’avais déjà apprivoisé. Mais je ne voyais pas ce fameux mur. Ni ce puits. Ni ce serpent.

Le petit prince replia les deux feuilles et les glissa dans sa poche.

— Ne les perd pas ! lui dis-je, tout en retenant mes sanglots. Car je savais qu’il allait partir, lui aussi. Il l’avait eu, son dessin…

— Merci ! murmura-t-il. Grâce à toi mon ami pourra s’occuper de ses livres. Il ne sera plus obligé de passer son temps à protéger notre fleur lorsque j’enlève les mauvaises herbes.

— Tu n’es donc plus seul sur cette planète ? Et tu as un ami qui écrit des livres ?

Le petit prince rougit encore. Puis il dit :

— Oui, il écrit des livres. Il écrit de belles histoires, des histoires de voyages. Avec les dessins, il a encore des difficultés. À cause des grandes personnes qui lui avaient dit de mettre de côté ses dessins et de s’intéresser à la géographie, à l’histoire, et à la grammaire.

Je tombai à genoux et me frottai le visage entre les mains. Je fus alors envahi par un sentiment mystérieux. J’étais à la fois très heureux et très malheureux. Lorsque je relevai la tête, je vis un serpent qui se faufilait entre deux pierres. Je regardai alors le ciel et les étoiles. Et je souris.

Carine-Laure Desguin

*****

— Alors Carine-Laure, tu as donc revisité l’histoire du Petit Prince ?

— Oui, je trouvais le challenge assez sympa et pour participer à ce concours, j’ai relu Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Un régal. Une histoire à relire plus souvent, on zappe souvent un passage ou l’autre alors que l’on devrait s’arrêter à chaque page et respirer tout ça.

— Et ce concours, il était organisé par qui et pourquoi et avec qui et quel en était le thème ?

— Oh, en juillet, j’ai vu cette proposition sur le net. Il s’agissait d’inventer un 28 ème chapitre au Petit Prince. Pourquoi pas ? ai-je pensé…C’était la bibliothèque de Welkenraedt qui lançait ce concours, en partenariat avec la Bull’dingue.

CEC La Bull'dingue
Rue de la gare 10 - 4840 Welkenraedt
Tél. 087 88 24 67 - Fax 087 88
39 32
labulldingue@gmail.com
http://ceclabulldingue.canalblog.com
https://www.facebook.com/labulldingue
https://www.pinterest.com/labulldingue

http://www.welkenraedt.be/culture-et-loisirs/commune/services-communaux/bibliotheque

— Comment t’es venue l’idée de ce 28ème chapitre car, avouons-le, il est pas mal ficelé ?

— Oh, une fois le livre relu, la suite de l’histoire m’est apparue assez rapidement mais je laisse au lecteur la joie de découvrir mon texte…

— Beaucoup de participants ? ?

— Oui, beaucoup de participants et dix textes sortaient du lot…C’est une animatrice très enthousiaste de la Bull’dingue qui m’a téléphoné, mon texte Le messager faisait partie des textes sélectionnés. Quelle joie !

Et de plus, un recueil de ces textes est édité. Ça, c’est super…

Retrouvez les activités de Carine-Laure Desguin sur son blog :

http://carineldesguin.canalblog.com/pages/press-book/32061526.html

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Janna Réhault nous propose quelques extraits de son roman "La vie en jeu"

Publié le par christine brunet /aloys

Janna Réhault nous propose quelques extraits de son roman "La vie en jeu"

Chapitre : La rivale virtuelle

(…) Mes vieilles craintes se sont réalisées : j’ai eu une rivale. Je l’ai compris le jour où Max m’a informé solennellement qu’il avait enfin rencontré la femme de ses rêves. Certes, ce n’était pas la première fois que je l’entendais parler de ses petites copines virtuelles. Mais cette fois-ci, d’après lui tout était « différent ». Il avait enfin réussi à trouver et à programmer son idéal féminin.

Et moi dans tout cela ? Depuis quatre ans qu’on se connaît, je cherche sans cesse à attirer son attention d’homme... aucune réaction. Je vais bientôt finir par me sentir comme un être asexué à ses yeux. J’aurais beau faire un strip-tease devant lui, je ne serai jamais que sa « meilleure amie ». (…) A dire vrai, je ne sais même pas comment je dois le prendre : je ne peux pas en être jalouse quand même ? Rien n'est plus stupide que de jalouser une femme virtuelle.

(…)

Je me suis mise à fouiller dans les programmes personnels de Max. (…) Sans trop de peine, j’ai trouvé le fichier qui m’intéressait. Il contenait plusieurs dossiers : « Informations générales », « Physique », « Caractère », « Ressources vocales » et ainsi de suite. Je clique sur « Physique ». Quelques dizaines de mes photos en 3D apparaissent sur l’écran. De face, de profil, de dos, en pied, dans un angle, dans un autre, etc. Etape suivante : « Caractère ». Bien qu'il m’arrive de manquer d’objectivité dans mon auto-estime, je me suis reconnue dans le caractère programmé. Plus la peine de continuer l’enquête, tout était clair comme le jour : ma rivale était ma copie conforme.

Hum, ce serait drôle si ce n’était pas si triste… Et moi, j'étais quoi dans cette histoire ? Un matériel de base pour version numérique de la femme idéale ? Avant je voyais Max comme une espèce de Pygmalion. On pouvait reprocher à Pygmalion d’être un pervers incapable d’aimer d’autres choses que sa propre création, mais il y avait dans sa puissance créatrice quelque chose de sublime, de surhumain. Max on ne pouvait même pas se dire créateur, il m'avait seulement plagiée. C'était un pervers, c’est tout. (…)

Donc, les conclusions suivantes s’imposent. Primo : je dois être bien à son goût. Secundo : soit Max n’ose pas avoir de relations avec moi, soit il préfère ma version de synthèse. A supposer que la deuxième hypothèse soit juste, cela veut dire que Max est tout simplement incapable d’aimer une femme réelle. (…) Peut-être est-ce toujours cette peur de perdre alors ? Moi je peux bien le perdre, mais pas lui, il aura toujours avec lui mon duplicata. J’aurais beau partir à l’autre bout du monde, vivre avec un autre mec, devenir alcoolique ou nymphomane, peu importe. Il lui restera toujours mon autre… enfermée dans son ordinateur quoi qu’il arrive. La femme qui ne le quittera jamais et ne le trompera pas une seule fois. Copie fidèle doublée de copine fidèle.

Je me demande ce qu’en aurait dit Freud. Il a eu de la chance finalement, à son époque de tels cas n’existaient pas encore. Il se serait définitivement perdu dans ses théories et aurait muni la psychanalyse, déjà bien tarabiscotée, de notions supplémentaires du genre : « le moi et la copie du moi », « le sur-virtuel-sur-moi », « le ça virtuel », « complexe de réalité », « fixation au stade virtuel », « virtuel clivage du moi » et ainsi de suite.

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"Cerise au royaume d'Anis", un conte à quatre mains signé Louis Delville et Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

Il était une fois une jeune fille que ses parents avaient appelé Cerise, car depuis sa naissance elle avait refusé toute nourriture à l'exception des cerises. Elle les aime tellement qu'elle engloutit des kilos de ce fruit sans prendre la peine de les dénoyauter. Un jour, en la coiffant, sa maman constate que quelque chose de vert pousse sur sa tête. "C'est un cerisier, j'en suis sûre ! Tu vois ce qui arrive à force de manger les noyaux !"

Au cours d'un jeu télévisé auquel elle participe, Cerise apprend qu'il existe un pays appelé le Royaume d'Anis où les cerisiers sont inconnus. "Quel dommage que ces pauvres gens ne connaissent pas ce fruit délicieux !" Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle prend la bateau avec pour seul bagage un gros cageot de cerises.

"Halte-là ! On n'entre pas ainsi chez le roi !

Le gardien est inflexible.

- J'ai un cadeau pour le roi.

- Et vous croyez qu'un cadeau va vous ouvrir la porte du palais ?

- Dites au roi que j'ai un cadeau extraordinaire pour lui.

- Le roi n'a pas le temps. Toute cette semaine, il reçoit des jeunes princesses pour choisir une compagne pour Ricard, le prince héritier. Et ce n'est pas vous avec cet arbre bizarre sur la tête qui risquez d'être choisie.

- Goûtez ceci et vous changerez d'avis."

Le gardien est conquis.

"Que c'est bon ! Je suis persuadé que notre prince Ricard appréciera."

Et c'est ainsi que Damoiselle Cerise est autorisée à rencontrer Pastis 51, le roi ! Dès qu'il goûte le fruit inconnu, il est enthousiasmé lui aussi et décide que Ricard, le prince héritier, épousera Cerise.

On fait venir des cerises de partout dans le monde et le repas de noce est somptueux. Pour être sûr de ne jamais en manquer, chaque sujet du roi doit avoir au moins un cerisier dans son jardin.

Des années plus tard, quand le roi Pastis 51 meurt, Ricard lui succède et Cerise devient reine. Hélas, la nouvelle souveraine n'arrive pas à porter dignement la couronne de diamants, héritage de la reine-mère Absinthe ! Cela est pourtant indispensable pour les cérémonies du couronnement.

"Ma Reine, acceptes-tu que je coupe ce petit cerisier qui couronne ton royal visage et qui n'est d'aucune utilité ?"

"Oui, mon roi !"

Aussitôt dit, aussitôt fait ! Les festivités ont duré trois jours et trois nuits. Je le sais, j'y étais invité, moi, le jardinier du royal verger…

Un an plus tard, le roi a fait couper plusieurs fois le fameux cerisier qui repousse toujours avec vigueur. Pourtant, la couronne de la reine reste toujours de guingois…

Pour résoudre le royal problème, Ricard promet la main de sa sœur, la jolie princesse Anisette, à qui trouvera une solution.

On ne se bouscule guère car l'obstacle semble de taille. Seul un candidat se présente…

Quelques jours après, la reine Cerise arbore une superbe couronne faite de branches de cerisiers entrelacées.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Moi, le jardinier du royal verger, je suis devenu l'époux comblé de la princesse Anisette !

Conte écrit à quatre mains par Micheline Boland et Louis Delville

"Cerise au royaume d'Anis", un conte à quatre mains signé Louis Delville et Micheline Boland"Cerise au royaume d'Anis", un conte à quatre mains signé Louis Delville et Micheline Boland
"Cerise au royaume d'Anis", un conte à quatre mains signé Louis Delville et Micheline Boland"Cerise au royaume d'Anis", un conte à quatre mains signé Louis Delville et Micheline Boland

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Le messie, un texte signé Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

LE MESSIE

Inventez une histoire dont la dernière phrase sera : "Plus jamais, il n'eut envie de se réincarner".

"Le Premier ministre de sa Majesté…"

La phrase résonne dans la grande salle. Tout le monde tourne les yeux vers le nouvel arrivant. Costume noir strict, chemise blanche immaculée, petites lunettes d'écaille noires et surtout le nœud papillon… !

Les femmes sont subjuguées par ce personnage à l'allure racée qui sourit de toutes ses dents. Les hommes admirent sa classe. Pourtant il est connu de toutes et de tous, Angelo ! Cela fait près de cinq ans qu'il exerce sa fonction et le pays s'en porte bien. Le chômage a presque disparu, les gens vivent bien, l'industrie est prospère et tout cela grâce à lui, Angelo Musso, fils d'immigré italien qui a gravi tous les échelons de la politique. Certains disent qu'il incarne la réussite.

En ce jour de la fête nationale, cette manifestation publique où le gratin de l'intelligentzia se réunit autour de lui, est le couronnement (actuel) de sa carrière.

Le roi a fait son éloge et tout le monde a longuement applaudi.

"Je suis presque le Messie, pense-t-il dans sa tête de politicien de gauche… Messie, un souvenir de son éducation religieuse de base. Quatre années chez les Jésuites, cela vous forme un homme !

Les semaines et les mois passent et de lourds nuages s'amoncellent au-dessus du royaume. Les accords internationaux volent en éclat, les islamistes d'en mêlent, le Vatican menace et le chômage reprend de plus belle. Angelo voit avec effroi l'approche des élections…

Ce dimanche-là, les résultats commençaient à arriver et cela tournait vraiment à la catastrophe.

Une défaite plus que cuisante. Le parti du Premier ministre sortant prend une belle raclée. Vers minuit, le leader de l'opposition annonce qu'il compte former un gouvernement sans Angelo et ses amis.

Le lundi, Angelo était encore groggy des événements de la veille et de son éviction.

Angelo reprit son métier de professeur dans l'enseignement secondaire. Il abandonna la politique, les honneurs et même son rôle de Messie, sauveur du peuple. Foi de Jésuite !

Plus jamais, il n'eut envie de se réincarner.

Louis Delville

Le messie, un texte signé Louis DelvilleLe messie, un texte signé Louis Delville

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Janna Réhault nous propose un résumé de son roman "La vie en jeu"

Publié le par christine brunet /aloys

Janna Réhault nous propose un résumé de son roman "La vie en jeu"

Le présent roman est une sorte d’anti-utopie. A première vue il s’agit d’un meilleur des mondes qu’on peut s’imaginer selon nos aspirations d’aujourd’hui : la violence est minimisée ; les crimes ne se font pratiquement plus ; la vie humaine et les droits de l’homme sont sacralisés ; les maladies sont vaincues par l’ingénierie génétique ; ceux qui subissent une mort non naturelle « ressuscitent » grâce au clonage ; ceux qui subissent des chocs psychologiques se font libérer de leurs traumatismes grâce à la modification de mémoire, etc. Pas de totalitarisme, ni d’asservitude des hommes par les robots.

L’action se déroule dans les années cinquante du 21ème siècle dans la Fédération Européenne. Les gens voient leur vie se déplacer progressivement dans les espaces virtuels dont les prototypes sont des métavers d’aujourd’hui. C’est là que se vit la vie sociale, professionnelle, sentimentale. La plupart des résidents des métavers ne quitte le monde virtuel que par nécessité, pour satisfaire le minimum de leurs besoins vitaux. Ils identifient leur personnalité à leurs avatars dans le métavers, la soi-disant « e-identité », pendant que leur être du monde réel se considère plutôt comme une enveloppe matérielle, un support de leur existence virtuelle.

La principale héroïne Alexandra est une jeune « normale » qui vit comme les autres, sans trop se poser de questions, jusqu’au jour où elle s’éveille. Son frère Théo (avec qui elle est extrêmement proche) se fait cloner après sa mort survenue suite à un accident. Cela sert de déclencheur, l’entraînant dans une quête intellectuelle et un questionnement sur le monde qui l’entoure et sur l’essence de la vie en général.

Plusieurs actions se déroulent simultanément. L’une d’elles commence par la participation d’Alexandra au mouvement des biophiles. Ce mouvement rassemble des jeunes « rebelles » autour d’un suicidaire Ruud qui réclame un droit de ne pas être cloné en cas de suicide. Or dans ce monde, le clonage d’un être humain est obligatoire s’il meurt d’une mort non naturelle. S’en suivent des manifestations, des débats télévisés, un procès et, au final, une décision de tribunal autorisant Ruud d’échapper au clonage après le suicide.

Une intrigue parallèle concerne la relation d’Alexandra avec son meilleur ami Max dont elle est secrètement amoureuse. C’est un jeune intellectuel qui se veut profondément humaniste mais qui reste le défenseur le plus ardent de cette société. Défendant les visions complétement opposées, ces deux protagonistes mènent tout au long du roman un duel idéologique. Alexandra dénonce ce qu’elle qualifie de nécrophilie sociale, en parlant de la société où le non-vivant (virtuel ou mécanique) devient l’objet des affections de l’homme, et où, grâce aux substituts tels que jeux vidéo, télé réalité, feuilletons, etc., on ne vit que par procuration. Quant à Max, il n’attache pas beaucoup d’importance au mode de vie des gens ; pour lui l’essentiel est qu’ils se plaisent dans leur monde (peu importe, réel ou virtuel) et que rien ne les fasse souffrir.

De même, leur relation évolue sur le plan sentimental. Max crée une femme virtuelle qui incarne son idéal féminin et dont il tombe follement amoureux. Jalouse au début, Alexandra apprend que pour créer son idéal, Max s’est servi d’elle comme d’un modèle, c’est-à-dire qu’il l’a programmé en se basant sur le physique et le caractère d’Alexandra. Une question s’impose : pourquoi au lieu de tenter la vraie relation avec la vraie Alexandra, Max préfère-t-il sa copie numérique ? Par timidité ? Ou bien parce qu’il est incapable d’aimer une femme réelle, et ne peut s’attacher qu’aux entités virtuelles ?

En ce qui concerne Théo, Alexandra est partagée entre l’amour pour son frère et une animosité envers son clone. Elle ne parvient pas à accepter ce dernier en tant que frère mais s’accroche à l’espoir que Théo continue à exister à travers lui. La barrière psychologique qui les sépare depuis, l’empêche d’aborder le problème directement et l’incite à chercher des moyens détournés. C’est donc dans l’espace virtuel que leurs retrouvailles devraient avoir lieu. Alexandra se lance dans un jeu vidéo en parallèle avec Théo, sans que ce dernier sache que le deuxième joueur est sa sœur.

Une autre controverse gravite autour de la modification de la mémoire, un procédé servant à éliminer les souvenirs traumatisants chez les individus. Son objectif peut paraître judicieux : libérer l’homme des souffrances du passé. En même temps, effacer les souvenirs négatifs n’équivaut-il pas à limiter, rétrécir ou réduire sa personnalité ? De même, en ce qui concerne les criminels : on ne les punit plus, on leur modifie la mémoire. On a abolie la tradition carcérale considérée comme inhumaine et inefficace. Cependant, est-ce tellement mieux d’enlever de force les souvenirs à un homme et ainsi l’obliger à être « gentil » ? L’éthique et le discernement moral ne doivent-ils pas rester plutôt dans le cadre d’un choix libre et personnel de l’individu ?

D’autres questions soulevées dans le roman portent sur l’art (vaut-il tous les sacrifices ? peut-on qualifier d’art celui créé par des machines ? etc.), sur les critères permettant de définir le bien-être d’une société, sur les responsabilités individuelle et collective (la tendance à rejeter la faute sur la société ne nous fait-elle pas perdre de vue la responsabilité individuelle de chacun ?), etc.

Le roman se termine par une victoire des biophiles. Ruud gagne son procès et peut dès lors se suicider tranquillement, sans se faire « ressusciter » par la suite. A cette occasion, une fête est organisée, ce qui annonce un happy-end éphémère, tout en mettant en évidence la contradiction idéologique de ce mouvement : ceux qui se disent biophiles – donc « aimants la vie » - finissent par célébrer la mort. La même ambigüité pour la part d’Alexandra : malgré l’échec évident de toutes ses entreprises, on peut dire qu’elle l’emporte tout de même sur le plan spirituel. Au bout du compte, elle trouve ce qu’elle cherchait tout au long de ses périples - le savoir aimer la vie.

Pour conclure, je voudrais dire que le contexte « futuriste » n’a pas été choisi par pure passion pour la science-fiction. C’est plutôt un moyen « technique » permettant de pousser à l’extrême les tendances de la société d’aujourd’hui afin de les remettre en cause. De la même manière que les scientifiques utilisent la modélisation pour simplifier une réalité complexe afin de pouvoir utiliser les lois sur les éléments modélisés, je fais abstraction de nombreux phénomènes majeurs, tels que la dégradation écologique, la misère du tiers-monde ou les conflits armés, dans l’hypothèse utopique qu’on parvienne tout de même à construire un monde sur les valeurs les plus sûres d’aujourd’hui. Il paraît judicieux alors de s’interroger : ce monde imaginaire serait-il celui dans lequel on voudrait vivre ?

Publié dans Textes

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