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"Les vacances", une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

Les vacances


 

En voilà une belle destination de voyage, la Loire et ses châteaux qui font rêver : Chambord, le plus grand… Chenonceau, le plus poétique… Blois, le plus chargé d'histoire…

Parlons-en de Blois, une ville surprenante que j'ai revue sous le soleil. Nous logions en pleine ville dans un hôtel situé sous le mur du château et nous avions décidé qu'après une bonne nuit de repos, nous irions à la découverte de cette bâtisse aux styles nombreux et au passé prestigieux.

Chaque fois que je fréquente ce lieu que je connais par cœur, notre première rencontre date de plus de cinquante ans, j'ai toujours l'impression que le guide a vécu les événements qu'il se plaît à raconter. On s'attend toujours à ce qu'il sorte une photographie d'époque représentant le Duc de Guise agonisant dans le cabinet vieux entouré par ses assassins ! N'aurait-il pas aussi un enregistrement de la phrase prononcée par Henri III : "Il est encore plus grand, mort que vivant" ?

Ce que j'apprécie aussi c'est juste à côté du château le musée consacré à Robert Houdin, un enfant du pays, grand magicien du 19e siècle. Cette année, le "son et lumière" mêle magie et histoire…

Le seul problème est que l'éléphant que le magicien fait apparaître dans la cour s'est révélé bien vivant ! Croyez-moi, ça fait du dégât un éléphant dans un vénérable château et c'est vers minuit que le cornac est parvenu à s'en rendre maître !

Demain, après la grasse matinée, nous allons à Cheverny, le château de Tintin et Milou qui est un animal bien plus calme. Les seuls autres animaux sont les chiens de la meute mais, vu les circonstances, je m'attends au pire !


 


 

Louis Delville

Publié dans Nouvelle

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"26 jours pour revivre", une nouvelle de Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

26 jours pour revivre


 

Toute ma vie a été placée sous le signe du nombre 13.

Je suis né un 13. Je me suis marié un 13. Je suis mort un 13.

Eh oui, je suis mort. Laissez-moi vous raconter.

 

Je me suis retrouvé très vite devant une grande porte marquée 13 ! Le vieux bonhomme, qui m'a ouvert et a remarqué mon regard fixé sur la petite plaque, m'a rassuré : "Tous les jours on change de numéro ! C'est plus facile pour mes statistiques !"

Je suis entré et c'était vraiment chouette… All inclusive, comme on dit maintenant : boissons, nourriture à volonté et quand on en a envie. Je me suis fait plein d'amis mais un jour j'en ai eu marre. Je suis allé voir le vieux bonhomme. Connaissant mon nombre fétiche, il m'a offert de passer 2X13 jours sur terre pour comparer. Cela a débuté le 17 février 2020.

En bas, j'ai vite déchanté. Toute la famille m'avait déjà oublié. Les jours passaient si lentement ! J'avais compté 17 février + 26 jours = 14 mars. Le vieux bonhomme avait rompu le sortilège et j'en étais heureux à l'avance ! Tout allait enfin réussir pour moi.

La seule chose qu'il avait oublié le vieux bonhomme c'est que cette année 2020 est bissextile.


 

Louis Delville

Publié dans Nouvelle

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Quelques haïkus signés Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

QUELQUES HAÏKUS

 

Le merle moqueur

chante le temps des cerises

je croque une pomme.

 

Soleil de midi

la neige fond goutte à goutte

mon pull est bien chaud.


 

Tous les bruits du fleuve

ses clapotis, ses rumeurs

une part de moi.


 

Où va l'écureuil ?

Écoute le vent d'automne

et tu le sauras.


 

Balade au jardin

le mélange des odeurs

souvenirs d'enfance.


 

Fraîcheur de septembre

saisir entre pouce et index

un grain de raisin.


 

Caresser le chat

rêver de l'odeur des lys

frémir de bonheur.


 

Rien que toi et moi

ta main froide dans la mienne

nos odeurs mêlées.


 

Dans le froid nocturne

le crissement de nos pas

messe de minuit.


 

En noir et en blanc

les photos de mon enfance

~des chansons affleurent.


 

Après la récré

dans la grande cour d'école

si seul l'oisillon


 


 

Micheline Boland


 

 

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Grand-mère est partie avec un militaire Conte à quatre mains écrit avec Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

Grand-mère est partie avec un militaire

Conte à quatre mains écrit avec Micheline Boland


 

Tous les jours, grand-mère sortait de chez elle et allait chez le marchand de journaux situé à une centaine de mètres. Tous les jours, elle achetait les deux mêmes gazettes. Tous les jours, elle lisait et relisait les articles concernant les attentats récents ou anciens qui avaient eu lieu de par le monde. La perspective d'un attentat l'effrayait tant !


 

Quand elle sortait de chez elle pour faire ses courses, en plus de son grand parapluie, elle emportait toujours un couteau, une bombe au poivre et un sifflet. Dès qu'elle avait mis un pied hors de chez elle, elle était aux aguets. Dès que quelqu'un d'inconnu se présentait devant elle, elle faisait un détour pour l'éviter.


 

Ce jour-là, elle doit se rendre au centre commercial pour déjeuner avec Benjamin, son petit-fils. À quatorze heures, Benjamin la quitte car il doit reprendre son travail au collège. Et voilà grand-mère toute pâle qui tremblote. Elle ne sait plus par où aller pour rejoindre l'arrêt du tram ! Elle s'affole : " À l'aide, à l'aide."


 

Un bel homme, jeune, grand, costaud lui propose son aide.

"Calmez-vous ! Je suis là… Il n'y a rien à craindre ! Où voulez-vous vous rendre ?"


 

Et c'est ainsi que grand-mère est partie avec un militaire jusqu'à l'arrêt du tram.


 


 

Louis Delville

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L'INTERVENTION IMAGINAIRE D'UN ARCHER AUX FUNÉRAILLES DE LOUIS, une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

L'INTERVENTION IMAGINAIRE D'UN ARCHER

AUX FUNÉRAILLES DE LOUIS


 

Louis est un exemple pour nous tous puisqu'il s'est initié au tir à l'arc alors qu'il avait déjà plus de trente ans.
 

Lors de ses nombreuses conférences, il citait aussi bien Einstein que le Cardinal Gartompi, grand prêcheur de Vérone et confesseur de deux papes.
 

La musique lui était indispensable. Je l'ai vu réaliser une série de 180 points, le maximum, alors qu'il fredonnait le premier mouvement de la 7e symphonie en ut majeur, opus 60 de Dimitri Chostakovitch.
 

Les crises d'alcoolisme qui ont marqué sa vie lui ont aussi valu de connaître la prison. Il avait eu l'idée saugrenue de poser son petit-fils sur la tête d'une pomme.
 

Si tout cela se termina sans drame, c'est grâce au sang-froid de sa compagne qui s'était coupé le sein gauche pour lui faire plaisir et lui garantir une jouissance parfaite lors de l'acte sexuel.
 

Louis passait de la joie la plus grande au découragement profond uniquement en fonction de sa réussite en tant qu'archer.
 

Ses dernières paroles ont été pour Beethoven qui, hélas, n'en a pas saisi un traître mot !
 

Repose en paix, cher ami archer et fais flèche de tout bois, là où tu es !
 

Je terminerai par quelques phrases de l'excellent livre de Louis, "Le tir à l'arc et moi", grand prix de la F.I.T.A. (Fédération Internationale de Tir à l'Arc) qui fait toujours autorité :

 

… "Mes élèves dans les différentes disciplines que j'ai pratiquée au long de ma vie (que dis-je mes élèves, mes disciples) m'ont enseigné toutes et tous la patience du cobra, la vivacité de la veuve noire et le regard de l'aigle.

 

Patience : pendant de longs instants, répéter la même phrase musicale pour qu'elle devienne parfaite et en adéquation absolue avec les autres choristes.


Vivacité : prendre une bonne décision en étant sûr que c'est la meilleure. L'électronique moderne ne se contente plus d'à-peu-près ! Faire mieux que la concurrence et moins cher.
 

Regard : Se fier à ce que l'on voit alors que notre position d'archer est chaque fois identique. Mon défi de tirer les yeux fermés est toujours d'actualité pour les experts de l'art qu'est le tir à l'arc" …


 


 

Louis Delville

Blog : http://louis.quenpensez-vous.blogspot.com/

Publié dans Textes, Nouvelle

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Christine Brunet a lu "des hauts et des bas", le nouveau recueil de nouvelles de Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Ce texte m'intriguait, je dois l'avouer, d'autant que les personnages de Micheline Boland sont toujours ballottés, espèrent et désespèrent tout à la fois. 

Cette fois, je dois dire que Micheline nous gâte avec des héros de tous les jours, humains, sujets aux affres de la jalousie, de l'amour trahi, de l'envie, du désir. Les situations sont vraies et les réactions humaines, mesquines, suspicieuses avec des élans de tendresse et de raison qui en font un ouvrage moins noir que les précédents. 

Ce fondement de réalité est assuré par des endroits vrais... "La vieille ferme" aux Ancizes, le chemin Fais'Art, n'en sont qu'un petit exemple (petit souvenir du passage de Micheline et Louis Delville en Auvergne).

Et puis il y a ces textes tendres (je pense à ce matou qui décide de s'échapper par manque d'affection ou encore le petit Juju qui rêve d'être grand) qui font sourire parce que nous avons tous vécu ça ! Enfin, pas le matou, encore que le chien du voisin, mal aimé, ne rêve que de venir chez moi, mais plutôt cette envie de grandir vite... 

L'écriture est visuelle et on se prend à tourner les pages pour voir jusqu'où l'auteur... non, en fait, pas l'auteur mais les personnages vont nous entraîner. 

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

 

Publié dans Fiche de lecture, Nouvelle

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LA DÉCOUVERTE DU JEUNE SAM, une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

LA DÉCOUVERTE DU JEUNE SAM

Une langue que je porte en moi


 


 

Cela faisait des années qu'ils cherchaient. Les enfants avaient succédé à leurs pères depuis des générations et toujours ils cherchaient.
 

Les plus petits, les moins malins ne savaient même plus ce qu'ils cherchaient. Les anciens, les sages savaient…
 

Le désert avait suivi la jungle, les villes tentaculaires avaient laissé leur place aux huttes en paille. Les couleurs de peau avaient défilé devant eux et même les dieux les avaient croisés. Rien ne semblait pouvoir leur ouvrir les yeux. Rien ni personne.
 

Un matin comme tous les autres, le jeune Sam se présente devant le grand conseil en déclarant : "Je crois avoir trouvé…"
 

On le questionne, on s'empresse autour de lui, on l'écoute. Sam est bien connu de tous pour sa subtilité et son intelligence.
 

"Voilà… Nous errons depuis trop longtemps à la recherche de ce que nous avons probablement en nous depuis le début. Que nous manque-t-il ? Une terre ? Nous en avons foulé des centaines, une capitale ? Nous avons été accueillis partout. L'espoir ? Nous l'avons ancré au plus profond de nous."

 

"Ce qui nous manque, c'est l'amour et nous le transportons depuis toujours. Prenons-le, il est là à portée de main."

 

Le jour se terminait et tous s'arrêtèrent. Ils avaient trouvé…


 


 

Louis Delville

Blog : http://louis.quenpensez-vous.blogspot.com/

 

Publié dans Textes, Nouvelle

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Christina Previ nous propose une nouvelle "Objets perdus"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Objets perdus

 

 

 

La porte était fermée et pourtant tous savaient que c’était bien là, chez Voltaire, que l’on retrouvait les objets égarés, à des kilomètres à la ronde. Il suffisait d’entrer, de chercher et vous retrouviez vos clés, sacs, doudous, chapeaux, foulards, MP3, téléphones portables et que sais-je encore.

D’ailleurs, Voltaire avait été rebaptisé depuis fort longtemps déjà. Pour tout le village, il était « l’escamoteur ». Il aurait été malvenu de l’appeler voleur ; bien entendu, il dérobait ou plutôt il chapardait, il s’appropriait… mais il restituait toujours l’objet de son délit !

 

La première fois que ça lui prit, il n’avait que vingt-quatre ans, la tentation fut irrépressible, incontournable ; il empoigna un vieux parapluie, laissé là, à la porte de l’épicerie. Il y avait un soleil de plomb, ce jour-là, pas un souffle de vent et une lourdeur capable d’avachir un vice premier ministre raide et austère.

L’épicière pensa qu’il voulait s’en servir comme parasol, qu’il ne supportait pas ce soleil ardent et qu’il le lui rapporterait… Hé bien, ce parapluie-là, à l’heure qu’il est, l’épicière l’a oublié depuis fort longtemps et je crois bien qu’il se trouve toujours chez Voltaire…

 

Sa manie devint vite incontrôlable. Voltaire ne pouvait apercevoir un objet isolé, sans s’en emparer. Il faut préciser qu’il ne glissait jamais la main dans un sac. Il n’était pas malhonnête Voltaire, non, il était juste pris d’une irrésistible pulsion qui l’obligeait à tendre la main vers les choses perdues, posées par inadvertance, oubliées même l’espace d’un instant, et qui faisaient l’objet de sa tentation.

L’on avait très vite remarqué sa manie, son entourage l’avait réprimandé. On lui conseilla une thérapie ; rien n’y fit, Voltaire continuait de dérober et d’entreposer chez lui le fruit de ses rapines.

 

On l’enguirlanda, le sermonna, ce fut peine perdue… Voltaire continua sur sa lancée. Paradoxalement, il devint très vite un atout précieux pour ses voisins. Il faut dire qu’il ne camouflait rien, tout était à vue chez lui, même les objets de valeur…

Il advint un jour, qu’un homme, se lamentant d’avoir perdu ses clés de voiture, fut invité par Voltaire, lui-même, à venir chez lui. L’homme fut surpris de voir traîner trois porte-clés, avec chacun son lot de sésame !

« Les voici ! » s’écria le conducteur rayonnant : « Merci Voltaire, Je n’ai jamais retrouvé mes clés égarées aussi vite qu’aujourd’hui ! »

Puis, ce fut le tour d’une voisine, éplorée qui ne retrouvait pas son sac de courses.

« Va voir chez l’escamoteur ! » lui avait glissé malicieusement le conducteur chanceux. C’est ce qu’elle fit et elle retrouva son fourre-tout avec ses marchandises et son porte-monnaie intacts.

À partir de ce jour, au village, personne ne s’inquiéta plus de grand-chose… sur le plan matériel, tout au moins ! Un marmot était en larme, sans doudou le soir ? « Allez donc voir chez l’escamoteur ! » était la réponse toute trouvée et bien rare était l’enfant qui ne retrouvait pas le sourire !

Une dame avait égaré son collier ? « Faites donc un tour chez Voltaire ! »

Un étranger de passage oubliait sa carte routière ou son portable sur le parking ? « Venez avec moi, mon brave, je sais où il faut aller ! »

Peu à peu, il était devenu la célébrité des lieux.

 

Le notaire lui-même ayant, un jour, perdu un dossier rare, faillit aller le chercher chez Voltaire… Bon mais, il l’avait oublié, à la poste, tôt le matin, à l’heure ou Voltaire n’était pas encore levé ! Le postier avait bien failli lui téléphoner… Non, pas au notaire, à Voltaire… Puisque l’on retrouvait toujours absolument tout chez lui !

Mais un notaire, c’est un notaire et il n’est pas censé oublier ses affaires ! Donc, il retourna d’are d’are chez le postier, qui lui rendit son dossier rare. Le stylo du notaire, par contre, durant sa course ventre à terre, fut éjecté sur le banc du square et se retrouva vite chez Voltaire !

 

Bref, pour ceux qui suivent, ils savent que personne n’aurait jamais eu l’idée ou même intérêt à se plaindre de Voltaire. Il était « leur escamoteur » et bien que l’on puisse, normalement, désapprouver cette déviance, dans ce cas précis, chacun y trouvait son compte !

 

L’obsession de Voltaire a longtemps servi sa petite communauté, jusqu’au jour où, lui-même, s’est mis à oublier. Il perdit ses clés, son chien, son heure et jusqu’à son nom. La course du temps l’avait rejoint, Alzheimer l’avait atteint. Le lièvre, cette fois, avait rattrapé la tortue.

 

Ce fut au tour des voisins, de devoir ramener Voltaire. L’étape suivante fut la maison de repos. Mais chaque dimanche, un de ses anciens voisins se charge d’aller le chercher. La semaine dernière, sur la place, ils lui ont dévoilé une statue, fraîchement inaugurée. La sculpture a été érigée à son nom !

En la voyant Voltaire a souri… son regard s’est posé sur le banc et il a ramassé, subrepticement, une pochette de plastique rouge, sans doute oubliée là par un enfant… À la maison de repos, quelquefois, une pantoufle, un peigne ou un gobelet  disparaissent et il se trouve toujours quelqu’un dans le couloir pour vous indiquer la chambre de Voltaire.

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LE RÊVE EST UN DES CHEMINS DU BONHEUR, une nouvelle signée Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

LE RÊVE EST UN DES CHEMINS DU BONHEUR


 


 

En juillet 1914. Paul, marié depuis trois mois seulement, découvre sa chambrée, la numéro 8, au fort d'Émines. Dedans, il fait froid, il fait humide, il fait sombre, les murs sont sales, le silence est pesant, ça sent la sueur et la poussière. Cinq lits sont déjà occupés. Paul murmure "salut" mais n'obtient aucune réponse. Il entend juste les bruits faibles de respiration. Son lit est proche de la fenêtre. Il dépose son sac juste au pied. Il touche sa paillasse, elle n'a rien de comparable avec le matelas de plumes qu'il avait chez lui, la couverture dégage des relents de moisi. Le manque d'intimité est réel, l'espace entre les lits est étroit. La nuit n'est pas encore tout à fait tombée.

 

Sans enlever son uniforme, Paul s'étend sur son lit. Il voit un papillon doré voler autour du lit. On dirait un bijou pareil à la broche que Marie, son épouse, porte sur son corsage. Paul ferme les yeux. Il voit Marie, en petite robe bleue, elle court sur un sentier entre des champs, elle suit un papillon. Le papillon revient vers elle, elle tend la main et il se pose au creux de sa paume. Il voit Marie dans le jardin, elle porte sa robe de mariée, son voile blanc en dentelle. Paul vient derrière elle, il la prend par la taille. Il murmure tendrement : "Enfin tu es ma femme, ma douce Marie." Il entend des pas lourds derrière lui, c'est la grand-mère de Marie. Elle dit d'une voix un peu rauque : "Le rêve est un des chemins du bonheur". Marie répond : " Alors nous serons heureux en rêve quand il ne sera pas possible de l'être dans la réalité." Il voit Marie jouer avec le chien, elle lui lance un bout de bois que l'animal lui rapporte. Elle sourit. Elle est si belle, ses longs cheveux châtain sont relevés en chignon.

 

Six heures, le clairon sonne. Paul se réveille. Il frisonne sous sa veste d'uniforme. Il se lève, il va manger, il avale lentement des bouchées de pain noir, âcre, rassis, à la croûte molle. Il a des haut-le-cœur. Il mâche un morceau de viande indéfinissable, trop cuite, peu épicée servi dans une assiette métallique. Il y a toujours le froid et l'humidité ambiants. Il quitte le réfectoire, va prendre son tour de garde dans le fossé. Durant toute la journée et les jours suivants, il repense à son merveilleux rêve.


 

Le lundi 17 août, un papillon blanc passe devant lui alors que Paul monte la garde, baïonnette au canon. Paul chuchote : "Oh papillon fais-moi voir Marie. J'ai tant besoin d'elle. Je t'en supplie papillon !" Il ferme les yeux. Marie soigne des blessés belges, français et allemands dans la grande salle de l'Abbaye d'Aiseau. Les lits sont alignés. Elle termine un bandage, elle dit de sa voix douce : "Ça va aller. Le calmant va faire son effet." Elle passe de lit en lit : là, elle resserre un bandage, là, elle éponge le front d'un mourant. Partout, elle répète les mêmes mots :"courage", "patience". Elle adresse un signe de la main en direction de Paul.


 

Les heures filent. Paul est de retour dans sa chambrée, il fait presque nuit. Il entend un soldat qui renifle (peut-être est-il en train de pleurer ?), d'autres qui toussent, qui éternuent, ou qui soupirent. Il entend un crissement de crayon sur du papier, c'est son voisin de lit Albert Michaux qui écrit dans son carnet. Max, son autre voisin, qui garde une souris dans la poche de sa veste, fait des confidences à la petite bête. Pierre prie, Lucien chante…


 

Un papillon de nuit tourne autour de la lampe à pétrole. Paul le supplie : "Oh papillon montre-moi ma vie future avec Marie. Montre-toi notre avenir !" Paul ferme les yeux. Il voit Marie qui distribue du maïs dans le grand poulailler, Marie qui jardine, Marie qui cueille des fraises, puis qui fait des confitures. Elle a des rides sur les joues, les rides du sourire quand elle apprend sa promotion à la glacerie. Il découvre Marie enceinte. Il voit leur petite Suzanne faire ses premiers pas.


 

C'est ainsi que Paul acquière la certitude qu'il parviendra à survivre à la guerre. Ce songe lui donne une force toute neuve.


 

Le rêve est un des chemins du bonheur.


 

(Conte écrit pour la balade contée organisée au fort d'Émines le dimanche 8 juillet 2018.

Il s'agit d'un fort qui défendait la ville de Namur en 1914).


 


 

Micheline Boland

Site Internet : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits

Blog : http://micheline-ecrit.blogspot.com

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BLANCHE ET FRANÇOIS, une nouvelle signée Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

BLANCHE ET FRANÇOIS


 


 

La porte était fermée et pourtant tous savaient que désormais François, l'unique occupant de la petite chambre ne chercherait plus jamais à s'en aller. Jusque-là, François avait fait de timides essais pour fuir l'endroit : il s'était caché dans les douches, il avait feint un malaise pour être soigné à l'infirmerie, il s'était attardé dans la chapelle le jour de Noël. Il avait fait intervenir en sa faveur des deux ou trois ténors du barreau.


 

Mais maintenant, il n'avait plus besoin de trouver refuge ailleurs. Son cœur restait auprès de Blanche et il aurait voulu ne jamais la quitter. N'avait-il pas trouvé la plus merveilleuse amie qui soit ? Avec elle, il était enfin à l'abri de la mortelle solitude.


 

Parfois, il lui parlait, à sa Blanche ! Il l'avait prénommée Blanche, un nom qui lui était plus doux que la soie et plus tendre qu'un bourgeon, puisque c'était celui de sa mère adorée.


 

Elle était entrée chez lui sans y être invitée. Elle l'avait choisi entre des dizaines d'autres. Il avait croisé les deux petites perles noires que sont les yeux de Blanche et il y avait lu tout l'amour du monde. Alors il s'était mis à la caresser, la caresser longuement de son index qu'il avait réchauffé en le posant quelques instants sur le radiateur. Elle avait semblé apprécier et le lui avait fait comprendre en gémissant doucement. Puis, il lui avait offert une friandise au creux de sa main : un petit morceau de fromage fondu. Elle avait dégusté avec plaisir… Il s'était couché sur son lit, et elle s'était nichée près de son cœur. Entre eux, cela avait été un vrai coup de foudre.


 

Ils avaient pris leurs habitudes. Selon son humeur, il lui chantait "Toi ma petite folie…", "Ne me quitte pas", "Les mots bleus", "Que serais-je sans toi ?". Il chantait si bien que le silence se faisait dans tout l'étage. Une ambiance feutrée régnait ainsi… Chacun repensait à ses amours enfuies ou présentes, chacun rêvait. Des yeux devenaient humides, des joues rougissaient, des mentons tremblaient….


 

Plus jamais François ne criait, ne s'énervait, ne critiquait la cuisine, ne se fâchait. Il était devenu tolérant, pacifique, souriant, tout à fait charmant.


 

Il dessinait Blanche sans jamais se lasser. Dans un carnet, il décrivait ses mouvements, ses réactions, ses tremblements ou ses balancements.


 

C'était un si grand amour ! Il ne serait venu à l'idée de personne de s'en moquer ne fut-ce qu'à demi-mot.


 

François aurait voulu demander pardon à Blanche pour toutes les bêtises qu'il avait commises et qu'il l'empêchait de vivre avec elle dans une totale liberté.


 

"Ne me quitte pas d'une semelle, ma douce", disait François quand il rangeait ou faisait sa toilette au lavabo. "J'ai tellement peur de te perdre."


 

Les jours filèrent. Plus de mille jours filèrent. Blanche mourut et Léonard qui, derrière le judas, assista à ses derniers moments eut tôt fait de la remplacer comme cela avait été convenu avec le directeur. Heureusement François dormait et l'opération fut facile.


 

Le lendemain, François s'aperçut de différences mineures : un peu de jaune dans l'œil gauche, une petite tache plus foncée sous l'oreille droite. Il observa qu'elle était devenue moins friande de chocolat, qu'elle appréciait davantage les câlins sur le dos que sur le ventre, qu'elle se plaisait à se dandiner quand il chantait. "Tu changes, Blanche", fit-il "Moi aussi je change, mes cheveux grisonnent, ma peau se ride…", remarqua-t-il comme pour s'excuser de son audace.


 

Ses yeux voyaient, mais il se refusait à admettre l'évidence. Cela lui aurait été trop pénible !


 

Plus de deux mille jours s'écoulèrent. La porte s'ouvrit…François venait de passer plus de neuf ans en prison sans jamais s'imaginer que quatre souris blanches s'étaient relayées près de lui. Toutes tellement adorables et parfaites. Toutes patiemment apprivoisées par Léonard.


 

François sortit avec sa dernière compagne. C'est dans le petit studio que sa mère avait préparé qu'ils ont trouvé un délicieux nid pour eux deux. Il avait oublié le mal qui le rongeait : cette violence qui l'avait poussé un jour à tuer. Il s'était pardonné, il avait pardonné aux autres. Il était pleinement lui-même.


 


 

Micheline Boland

Site Internet : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits

Blog : http://micheline-ecrit.blogspot.com

 

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