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Pour le 3e Hors Série de la revue, sur le thème de la magie, Texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

 

ET S'IL SUFFISAIT D'UN SORT ?

 

Je regardais Paul et Lionel, les jumeaux de mon frère aîné, et Léa, la fille de mon autre frère, se préparer pour la fête. Ils enfilaient leur déguisement de fantômes puis venaient près de moi pour que je maquille de noir leurs yeux et leurs lèvres. Depuis plusieurs jours déjà, ils aspiraient à passer de porte en porte pour récolter quelques bonbons. Ils étaient aussi ravis de passer trois jours chez leur grand-mère qui pour l'occasion avait décoré la terrasse et l'intérieur de sa villa avec des potirons. Quant à moi, adolescente de seize ans, cela m'amusait de les accompagner dans cette espèce de folie ! Cela ne nous ferait-il pas de magnifiques souvenirs communs ?

Ce trente-et-un octobre, en fin d'après-midi, nous marchions tous quatre d'un bon pas. C'était un jour  habité par la magie et le merveilleux de l'enfance. J'avais établi notre itinéraire et nous rejoignions d'abord le coin le plus éloigné du quartier. Nous venions de franchir la barrière d'une  maison de briques rouges entourée d'un jardin mal entretenu. Mes trois neveux étaient allés sonner à la porte. C'est une vieille dame à l'apparence de sorcière qui ouvrit. Grande, voûtée, le visage ridé, le nez crochu, les cheveux gris en bataille, des verrues sur le menton et le front, elle était vêtue d'une robe noire et d'un tablier gris foncé. Les enfants dirent en chœur : "Un bonbon ou un sort !". 

La vieille répondit d'un ton las, pas vraiment méchant : "Oh les enfants fichez moi la paix !" Les enfants reprirent cependant : "Un bonbon ou un sort !". Et la vieille enchaîna avec mauvaise humeur : "Si vous ne partez pas immédiatement, ce sera moi qui vous jetterai un sort…" Léa revint tremblante vers moi, mais les deux garçons insistèrent : "Un bonbon ou un sort !"

"Vous n'avez pas compris qu'il ne fallait pas m'embêter ?", questionna-t-elle. Les gamins restèrent tétanisés, car elle se redressa un peu, pointa l'index vers eux et lança de sa voix éraillée : "Vous ne comprenez pas le français, on dirait. Alors vous l'aurez voulu, ce sera un sort." Elle bredouilla quelque chose d'incompréhensible, se mit à rire de façon sarcastique laissant voir des dents brunes puis ferma la porte. Mes deux neveux demeurèrent un instant encore comme paralysés avant de faire demi-tour. Il faut reconnaître que ça démarrait mal. 

Les enfants me retrouvèrent sans prononcer le moindre mot. Au bout de quelques dizaines de mètres, ils  renouèrent avec leur entrain, allèrent sonner à la porte d'une autre maison où on leur offrit des biscuits. L'incident semblait oublié et le panier se remplit peu à peu de friandises. Je ne pensais bientôt plus à notre première expérience. De retour chez Maman, la soirée se passa dans la gaieté. Les enfants examinèrent leur récolte et manifestèrent leur exaltation en sautant et en poussant des cris de joie. Maman, amusée par leur spontanéité, prit quelques photos avant qu'ils ne quittent leur déguisement. 

Le soir, avant de me coucher, j’ouvris la fenêtre de ma chambre pour aérer un peu et j'examinai la lune. Elle était presque pleine ! Je songeai aussitôt aux loups-garous. J'évoquai malgré moi la vieille dame et une angoisse affleura en moi. Quel était ce sort lancé aux jumeaux ? 

Le lendemain, sept heures trente sonnèrent. Je me levai, me rendit à la salle de bains pour une douche rapide et m'habillai. Je ne me sentais pas fringante comme je l'étais d’habitude. J'avais rêvé de la mégère qui avait rabroué mes neveux. Dans mon songe, je l'avais vue adresser des maléfices à tout-va et j'en éprouvais un malaise. Je gagnai la cuisine. Je ne savais que faire, mon cœur battait la chamade et mon cerveau encombré par ma préoccupation secrète était inefficace. Maman s’affairait pour la préparation du petit déjeuner et je l'aidais machinalement. J'allai réveiller les enfants. Après s'être lavés les mains et débarbouillés le visage, ils vinrent s'installer à table.  La toilette ce serait pour plus tard. Je remarquai immédiatement que Paul et Lionel avaient le visage et les mains couverts de verrues ! Ce fut Léa qui en fit la remarque. "Hé vous avez des boutons …" "C'est bizarre ! C'est la sorcière ?", continua-t-elle. Je me tus, mais je comprenais évidemment sa réaction. 

"Comment ça, la sorcière ?", réagit ma mère. Je répondis vite avant que les enfants ne puissent donner des détails : "Oui, hier on a rencontré une étrange dame au bout de la rue Jaurès et pourtant, il est sûr qu'elle ne fêtait pas Halloween." Je n'avouai pas que comme Léa j'avais pensé à cette femme. Une idée me torturait : Que pouvais-je faire pour aider les gamins à retrouver leur beau visage ? Les jumeaux ne risquaient-ils pas de se transformer peu à peu en sorciers ? 

"Ça ne semble pas grave. Il faudra juste montrer ces éruptions au docteur", dit ma mère. "Pouah, le docteur !", répondit Paul. "Il suffira presque certainement d'une pommade", conclut Maman.

 Le temps passa. Rien ne pressait. Maman avait adroitement banalisé les problèmes de peau. Le premier novembre était jour de congé. Je rangeai avec Maman, Léa fit sa toilette, les garçons jouèrent sur leur tablette, mais j'entendis des commentaires de Paul qui s'inquiétait à propos de ces petites excroissances tandis que Lionel tranchait "Mamy dit que ce n'est pas grave. On a dû manger trop de bonbons." Comme prévu, nous allâmes marcher. Pour moi tout semblait si compliqué ! Je cogitais sans fin et conclus qu'un sort ça se défaisait… Et l'idée finit par jaillir. L'après-midi, je pris à la cave trois chrysanthèmes de couleurs vives parmi tous ceux que Maman se préparait à aller déposer le lendemain sur la tombe de Papa. Je fis un bouquet et je proposai aux enfants de réparer leur insolence. Ce fut Paul qui accepta de s'y coller à condition qu'on  joue d'abord la scène entre nous. Un semblant de répétition eut lieu dans ma chambre. 

Retour rue Jaurès. Coup de sonnette. "Madame, excusez-nous pour hier", dit Paul en tendant les fleurs. "C'est bien ça, fiston, de  reconnaître ses torts. Et l'autre, il ne s'excuse pas ?",  fit-elle en désignant Lionel de la main. Je poussai Lionel dans le dos. Il s'exécuta aussi. "C'est bien, c'est léger, mais c'est mieux que rien …". Alors la femme pointa l'index vers eux et marmonna quelque chose d'incompréhensible… "Merci jeune fille…Je crois qu'ils comprendront la leçon et qu'ils seront plus polis une autre fois…", me lança-t-elle.

C’est le lendemain matin que je me rendis compte que les verrues avaient disparu. " Il n'y a plus de boutons. Tu as vu Véronique ? Tu as vu Mamy ? ", s'écria Léa au petit déjeuner avec un sourire énigmatique et un haussement des épaules. "Après tout, c'était peut-être une allergie", jugea Maman. Il faut reconnaître que les photos qu'elle avait prises n'étaient pas assez précises pour permettre d'observer les verrues. Moi somme toute, ce qui m’importait, c’était que les visages et les mains des jumeaux étaient redevenus parfaits. 

À présent, avec le recul, cette histoire m'interpelle. N'est-elle pas là le reflet de ce manque de maturité que mon professeur de français m'attribue ?   

 

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Texte 2 sur le thème de la magie pour le 3e hors série de la revue

Publié le par christine brunet /aloys

 

Le lutin du mouchoir



 

J'ai cinq ans, la grippe et la fièvre.

Je suis dans mon lit. Dans la chambre, trois autres lits vides : papa, maman, ma sœur.

L'appartement est silencieux. Christine est à l'école, papa est au travail et maman s'occupe à des tâches silencieuses, pour protéger mon sommeil.

Je ne dors pas. J'ai le nez bouché. Pour l'instant, la position la plus confortable, c'est couchée sur le dos.

Je m'ennuie mais je n'ai pas la force de me lever.

Je sors mon mouchoir du dessous de mon oreiller.

Je l'étale devant moi sur le rabat du drap de lit.

Il ne s'est pas mis à plat. Il fait des collines et des grottes.

Je m'étonne et fixe une des entrées.

Du fond du mouchoir, au tournant d'une galerie apparaît soudain un tout petit lutin. Sa tête ne touche même pas le plafond de la grotte. Il sourit gentiment. Il a un chapeau pointu rouge, un peu tordu. Je crois qu'il est torse nu. Il porte un petit collant. Je n'ai pas eu le temps de voir la couleur, ni si les pieds sont couverts. Il est reparti vers une autre galerie.

Émerveillée et curieuse, je guette. Il y a trois ou quatre autres entrées de grottes.

Il n'avait pas l'air méchant. Faut-il un peu secouer le mouchoir ? Et si les grottes disparaissaient ?

Et si, dérangé, il devenait méchant ?

À force de surveiller les grottes, j'ai les yeux qui piquent.

Sans crier gare, le voici ! Son collant est bleu et les pieds sont couverts.

Il me fait signe de le rejoindre, son tout petit index s'agitant, levé au bout de son poing.

Oui mais comment faire ? Je n'ai rien dit. J'ai juste pensé. Pourtant, il hausse les épaules comme pour dire « Où est le problème ? ».

D'un seul coup je me retrouve debout à l'entrée du mouchoir. J'ai encore le temps de réaliser que c'est un mouchoir blanc garnis de petits papillons.

Et je suis dans la grotte. Plus de petits papillons.

Du gris et du bosselé. Il fait un peu sombre mais je vois très bien le lutin qui sautille devant moi.

Je le suis, un peu craintive et très curieuse.

Les galeries sont trop étroites pour que nous marchions l'un à côté de l'autre.

Je me surprends à penser que l'on devrait bientôt se retrouver de l'autre côté du...du quoi ? Je ne sais plus.

Il commence à faire plus clair.

Nous débouchons sur une prairie couverte d'herbe bien grasse et bien verte. Le lutin s'est retourné. Il danse et cabriole devant moi en souriant. Il ne dit jamais rien. Moi non plus d'ailleurs.

Je me sens prise de langueur. J'ai entendu maman dire ça l'autre jour quand elle était fatiguée.

Un ruisseau très étroit serpente dans a prairie. Je pourrais le traverser d'un pas.Un pas de la taille de la petite fille que j'étais avant d'entrer ici.

Le lutin cueille une grande feuille recourbée et en fait une cuillère pour puiser de l'eau dans le ruisseau.

Les sourcils levés, les yeux interrogateurs et encourageants, le sourire aux lèvres, il me propose de boire.

Ça doit être froid. C'est peut-être mauvais. J'ai soif.

Oh, je n'hésite pas longtemps ! Je suis prise de langueur, je ne sais plus réfléchir.

C'est froid, c'est bon, ça coule dans la gorge.

Je me couche dans l'herbe. Je ne sais plus où est le lutin.


Une main caresse mon front, écarte mes cheveux. 

-Tu vas mieux, bout de chou , tu n'as plus de fièvre.

-Maman ? C'est le lutin du mouchoir. Il m'a fait boire l'eau du ruisseau.

-Hum...Tu vas encore un peu rester au lit. On mettra le thermomètre tout à l'heure.

Je souris, je prends le mouchoir, je le garde en main.

 

Je m'endors.

 

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Pour le 3e Hors Série de la revue, sur le thème de la magie, Texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

 

La petite fée, une nouvelle amie 

 

La vie offre parfois des surprises… 

 

Sébastien est triste : Benjamin son voisin, son meilleur copain, est parti hier pour aller habiter très loin, dans un autre pays.

Les nouveaux voisins sont arrivés et à mesure que l'on décharge le camion de déménagement et qu'il voit en sortir un lit-bateau, un petit vélo et une trottinette, Sébastien se met à rêver à d'autres parties de foot, d'autres balades en vélo, d'autres bandes dessinées à échanger, d'autres arbres à escalader … Bien sûr, le nouveau venu ne remplacera jamais Benjamin. Comment, en effet, recréer une amitié qui s'est bâtie lentement au cours des ans ? Pourtant, il espère…

Le lendemain matin, accoudé à la fenêtre ouverte de la cuisine, Sébastien n'en croit vraiment pas ses yeux : c'est une fille ! Elle danse sur la terrasse de la villa voisine ! Avec sa robe blanche et la baguette qu'elle tient en main, elle ressemble à une fée.

Désireux de se faire une nouvelle amie, Sébastien lui fait des grands signes, puis il sort sur la terrasse et lui lance un "bonjour" tonitruant. La petite fille ne sursaute même pas, elle ne lui adresse même pas un regard. Elle continue de danser sans se soucier de lui. 

Sébastien a très envie de faire sa connaissance et il ose aller sonner… Personne, il n'y a personne qui lui répond !

Au repas du soir, quand il raconte cela à ses parents, sa mère commence à rire ! "Tu prends tes rêves pour la réalité, mon grand !" Elle explique alors qu'en allant mettre du linge à sécher, elle a lié un peu connaissance avec Madame Durant, la voisine… : "C'est une dame charmante. Elle et son mari sont des commerçants extrêmement occupés. Ils sont les seuls habitants de la villa. Ils n'ont ni chien ni chat ni enfant !"

"Mais Maman, je l'ai vue !"

"C'est probablement une nièce des Durant…"

 Les jours se suivent et chaque fois que Sébastien regarde dehors, la fillette est toujours là… Elle danse, elle joue à la marelle sur la terrasse, elle virevolte, mais elle ne réagit pas quand il lui fait signe ou l'appelle. Sébastien remarque qu'elle ne se sépare quasiment pas de sa baguette. Il l'entend même exprimer des formules comme si elle était dotée d'un pouvoir magique. "Chat, rentre chez toi !", "Rosier, redresse-toi", "Papillon, approche-toi de moi". Et souvent, ça marche ! Le chat fait demi-tour, le papillon vient se poser sur son doigt… 

Sébastien trouve cette fille mignonne et plutôt surprenante ! Pourtant, de crainte d'être rabroué, il se garde d'en parler à ses parents. 

Le mois d'août se termine, Sébastien espère que sa voisine fréquentera la même école que lui. Là, elle sera obligée de parler et de le remarquer ! Il regrette que tant de beaux jours de vacances soient perdus en attendant la rentrée des classes.

À la fenêtre de sa chambre, Sébastien rêve… Ah s'il pouvait voir une étoile filante ! On en a parlé à la télé et il a lu un article dans le journal où l'on expliquait que c'était la meilleure nuit pour les observer. Le ciel est pourtant bien dégagé. Malheureusement, rien, il n'y a rien !

En face, la fillette est là… Il ne s'en étonne même plus. Elle danse et tourne sur la pelouse en agitant sa baguette.

Et si… 

Il l'appelle… Elle le regarde… Il lui montre le ciel et lui sourit. Elle tend sa baguette et aussitôt Sébastien peut admirer plusieurs de ces superbes étoiles filantes dont il rêvait tant. 

Sébastien se sent heureux, léger… Ça y est ! Elle s'est enfin intéressée à lui et semble plus sympathique. 

À la rentrée des classes, Sébastien occupe un banc près de la fenêtre qui donne sur la cour de récréation. Il regarde. Elle est là ! Elle sautille, elle danse, elle donne de grands coups de baguette dans toutes les directions. On dirait une ballerine sur une scène d'opéra.

Elle est dans un autre univers que celui de la classe, mais il lui faut rester attentif. Le nouvel instituteur est sévère et exigeant, il pose des questions difficiles. Souvent, Sébastien et ses amis ne savent que répondre et restent muets. Tout en réfléchissant, Sébastien jette un coup d'œil dehors, regarde la fillette et immédiatement trouve la bonne réponse. 

L'instituteur le félicite : "Bravo Sébastien ! Tu vois, quand tu t'en donnes la peine…"

C'est sûrement la fillette qui y est pour quelque chose. C'est vrai, une fois, deux fois, ça peut être le hasard, mais dix fois, vingt fois, ça ne l'est plus ! Sébastien doit en convenir, un simple coup d'œil à la cour de récréation et à son étrange visiteuse le sauve souvent de situations délicates et lui permet d'obtenir de bonnes notes. Tant et si bien qu'au fil des jours, il croit de plus en plus aux pouvoirs magiques de la fameuse baguette. 

Un jour, Sébastien qui roule en vélo fait une chute dans la légère descente vers le village. Il s'écorche le genou. La gamine apparaît : "Si tu veux, avec ma baguette…" Miracle, la douleur se dissipe !

C'est un soir de pleine lune qu'elle est partie…

Sébastien regardait distraitement par la fenêtre de sa chambre. Comme souvent, la petite voisine était là, au milieu de la pelouse. Elle lui a adressé un signe de la main, elle a tendu sa baguette vers le ciel et en un instant, elle s'est comme volatilisée.

Il s'agissait sûrement d'un signe d'adieu puisqu'il ne l'a jamais revue.

Sébastien a grandi, mais il n'a jamais oublié. Quand il se trouve face à une difficulté, il repense à la fillette et cela suffit fréquemment à l'aider. Il est resté excellent élève, est devenu un jeune homme charmant et depuis peu, il est un papa comblé.

 

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Résultats du concours pour la revue "Les petits papiers de Chloé" thème "Et si tout n'était qu'illusion ?"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Quels auteurs ont participé ?

Texte 1 : Marguerite Debois

Texte 2 : Micheline Boland

Texte 3 : Ani Sedent

Texte 4 : Micheline Boland

Texte 5 : Edmée de Xhavée

Texte 6 : Carine-Laure Desguin

 

Et qui a obtenu le plus de voix ???? Merci pour tous les participants !

Texte 6 : I I I I  => Carine-Laure Desguin
Texte 3 : I  => Ani Sedent
Texte 1 : I  => Marguerite Debois
Texte 5 : I  => Edmée de Xhavée 

 

Donc la gagnante est CARINE-LAURE DESGUIN !!!! Bravo ! 

 

 

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"Et si tout n'était qu'illusion ?" 6e et dernier texte. Votez sous ce post jusqu'à demain 12h. Résultats à 20h !

Publié le par christine brunet /aloys

 

L’ascension de Sheila

 

   J'ai beaucoup appris depuis notre rencontre du mois dernier, docteur. Votre mine dépitée affiche le doute, mais je vous le dis, j’ai capté des masses d’infos. Je potasse jour et nuit. Surtout la nuit, question de vibrations par rapport à la position d’Alpha du centaure dans l’angle de mon plexus solaire, vous comprenez. Et toujours la p’tite tisane aux feuilles fraîches d’ayahuasca devant moi pour éveiller ma conscienceun max et m’aider à voyager dans l’au-delà. Là-haut, grosse déception, j’ai pas trouvé d’hôtel, faut s’habituer à tout avant d’atteindre la cinquième dimension, n’est-ce pas docteur ?  Rassurez-vous, c’était de l’humour. J'ai presque tout compris, docteur. Oh bien sûr, quelques lacunes persistent ça et là. La perfection n'est pas pour cette vie-ci. Ce sera pour ma prochaine incarnation, voilà tout. Vu les thèmes que j'aborde ici, docteur, vous devez êtes certain désormais que je suis sur la bonne route, celle de la voie céleste pleine de lait, la lactée, hi hi hi. 

Continuez donc, Sheila, je vous écoute...

Eh bien docteur, question théorie de la double corde, je maîtrise. Le passé qui n'est pas encore tout derrière moi et le futur qui me claque déjà au visage, ça c'est encore un peu compliqué pour ma cervelle de moineau. Si (entre copines car devant la famille c’est chuuuut, ma belle-sœur penserait que je suis dingo) j'aborde les explications du temps qui se plie et se déplie alors que vous m'avez dit que justement le temps n'existait pas, là je cafouille à cent à l’heure. S'il n'existe pas, le temps, comment voulez-vous qu'il se contorsionne de pareille façon? Oui je sais, il y a le temps linéaire, le chronos, celui que l’on connaît tous enfin qu’on croit connaître mais c’est faux et il y a le temps kaïros, le soi-disant circulaire. Alors là, celui-là, basta, ne m’en parlez plus, qu’il aille se faire voir chez les Grecs, retour à l’envoyeur ! Pour ce qui est des Arcturiens, des Pleïadiens aux beaux yeux bleus et des affreux Reptiliens … attendez un peu il y en a d'autres, ah oui … les Galactiques, excusez-moi mais malgré tous mes efforts pour parcourir les champs quantiques, je n’ai aperçu aucun Galactique, que dalle. Et des efforts, j’en fais, croyez-moi. À chaque pleine lune je me couche sur la pelouse synthétique. Nue sous les étoiles, les bras en croix et les jambes écartées. Pour la tête positionnée vers le Nord, c'est compliqué, même avec une boussole hyper-sophistiquée. Vous pensez, docteur, que c'est à cause de ce non-axe que je ne vois aucune soucoupe volante? J'aimerais tellement être repérée par un grand et beau Galactique, kidnappée et ... abductée. Un implant sous la clavicule gauche me ferait le plus grand bien. Ou juste sous le troisième œil. Vs comprenez, docteur?

 Oh oui je comprends très bien, Sheila ... 

Il paraît que ces extra-terrestres sont invisibles pour nous, pauvres petits Terriens. Enfin, je précise, « parfois » invisibles. C'est une question de multi-dimensionnalité ou quelque chose comme ça. Alors avec les p’tits Gris et les grands Gris, les Intra-terriens et tout ça, ceux d'Agartha, je m’embrouille encore un peu. Les portails inter-dimensionnels qui apparaissent et disparaissent, ça, c'est trop pour moi. Les extra-terrestres qui alchimisent leur matière organique pour se transformer eux-mêmes en leur propre vaisseau spatial alors là, je n'y crois pas un seul instant. Et vous, docteur? Faudrait pas qu’on me fasse prendre des vessies pour des lanternes, quand même. Le coup des synchronicités, passe encore. Moi j'appelle ça une coïncidence, faut rester simple parfois, docteur, et ne pas aller chercher midi à quatorze heures. C’est comme l’histoire de cette fameuse matrice. Nous serions tous empêtrés dans une toile invisible, un hologramme qu’ils disent, et nous passons notre vie à nous dépatouiller de tout ce brol dans cette infecte troisième dimension pour atteindre notre moi divin. Ouf ! Enfin ! Et nous échapper de cette épaisse illusion dont tout l’monde parle mais que personne ne définit jamais à part cette abeille.

  Cette abeille ?

 Docteur, ne me dites pas que vous ne connaissez pas Maya ?

 Ah oui, la maya, oui oui, bien sûr que je connais la maya, Sheila.

Alors Docteur, à présent que je perce mystère après mystère et que donc je me débrouille pour m’échapper de cette matrice qui nous illusionne tous, vous m’inscrivez dans votre secte « Abracadabra » ? Une question me taraude … Voilà docteur, si je m’extirpe de cette matrice, Ringo mon chaton d’amour, il pourra ascensionner lui aussi vers la cinquième dimension ?

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"Et si tout n'était qu'illusion ? " Texte 5

Publié le par christine brunet /aloys

Et si tout n’était qu’illusion?

 

Comme souvent, monsieur Lavillefranche est arrivé à retenir Mulaka Mbangue et Loretta Dinapoli, suspendus à ses lèvres dans le parc ensoleillé. Nerveux, ils jettent de brèves œillades vers la réception, d’où ils savent que d’ici peu on les hèlera, les ramenant à la routine des autres résidents. 

C’est qu’il a tant à raconter, monsieur Lavillefranche, et qu’arrivé au terminus de son train de grandes aventures, il aime ouvrir l’une ou l’autre valise de souvenirs et en partager le contenu avec les deux infirmiers complaisants. Hier, il a déploré avoir égaré la photo d’Alida, sa passion de jeunesse. Il s’en veut tellement, il l’a certainement déposée sous autre chose mais quoi ? Alida avait des yeux splendides, ils s’étaient rencontrés à Vienne… Elle était comédienne au théâtre in de Josefstadt, mais hélas leur amour avait été de courte durée, oui… oui… un certain Harry Lime – un drôle de type avec un visage poupon – l’avait contrainte à fuir avec lui par les tunnels des égouts, il ne sait plus trop pourquoi, c’est bizarre mais pourtant il s’en souvient bien ! 

La semaine précédente il avait évoqué, les yeux clos et un sourire errant sur les lèvres, la si jolie Audrey, tellement gracieuse. À Rome ils avaient fait un tour en vespa inoubliable, elle entourait sa taille de ses petites mains gantées et appuyait sa tête contre son épaule. Que faisait-il à Rome, il ne le sait plus mais il pense que ça avait un rapport avec le journalisme, oui ça doit être ça, peut-être écrivait-il des articles touristiques pour une revue, car il sait qu’il n’a jamais vraiment vécu à Rome et d’ailleurs il ne saurait dire comment c’est… Juste la vespa et le Colisée… et Audrey !

Et là maintenant, Mulaka et Loretta, abasourdis, ont droit à sa belle romance tardive – il ne faudrait pas en parler à ses enfants, car il était déjà marié, promis ? – avec Irène, une Grecque dont le visage laissait sans voix et que la passion auréolait. Où l’avait-il vue, encore ??? En Grèce bien entendu, mais où ? Une île, oui c’est ça, une île, et lui ce jour-là avait bu plus que de raison, il dansait comme un fou sous le soleil. Elle, elle était assise et le suivait du regard avec une telle flamme que… mais chuuuut, je crois que c’est ma fille qui arrive avec les petits, ça reste entre nous hein ? Je vous fais confiance !

Et il étreint l’avant-bras de Mulaka, adresse un sourire à Loretta qui se promet de farouchement garder ce secret d’amour…

  • Bonjour papa chéri, regarde qui j’ai amené aujourd’hui, Alida et Anthony ! Dites bonjour à bon-papa, les enfants !

 

Elle se tourne vers eux, secoue les cheveux, s’assied sur le banc et prend la main de son père qui échange avec elle une expression de grand contentement et d’amour. Elle lui tend une photo dédicacée. À François, cordialement Alida Valli. 

  • Tu l’avais faufilée dans les pages de la revue de cinéma que tu m’as rendue, papa chéri… Je sais que tu l’aimes beaucoup. 
  • Ah ? Je la connais ? 
  • Pas en vrai, papa chéri, mais tu aimais beaucoup ses films.. Le troisième homme, Senso… 
  • Ah…. ?

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"Et si tout n'était qu'illusion ?" Texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

LA PRÉSENCE

 

Mon mari est mort et enterré depuis peu. Je vis un immense chagrin. Comment trouver la force d'avancer sans lui ? Comment parvenir à rompre avec nos routines ? Comment continuer à mettre nos valeurs communes en évidence ? Comment me passer de sa voix, de son odeur, de la caresse de ses mains sur ma joue et sur mon corps, de ses petits bisous, de la magie de ses fous rires ? 

Deux jours après son enterrement, je fais un étrange rêve. Un homme est là, devant moi. Cet homme est mon époux. Il me tend la main, il m'entraîne sur un chemin de halage. Sa main est chaude. Il me parle de sa belle voix grave : "Prépare un navarin comme tu en as envie, mais ajoute plus d'ail que d'habitude. Il faut parfois un peu changer un élément dans une recette. Regarde comme la rivière est calme. Il n'y a que nous sur le chemin. Il fait si doux… Regarde on a repeint la façade du restaurant sur l'autre rive…"

Ce rêve a soulevé un voile d'espoir. De temps à autre tandis que je range, nettoie ou couds, je  réentends mon époux me dire "il faut parfois un peu changer". 

Un autre rêve suit quelques nuits après le premier. Une cérémonie d'un mariage de bon goût vient de se terminer. Un homme est là, près de moi. Cet homme est mon époux. Nous nous donnons le bras. Mon époux porte un smoking. Je porte une longue robe de soie rose. Nous suivons d'autres couples aux tenues parfaites dans l'allée centrale d'une l'église. Nous nous apprêtons à sortir de l'édifice, puis à entrer dans une limousine. Tout est élégance et grâce. La lumière est douce. La musique jouée par l'organiste est musique de velours. Je sens une présence fantomatique se glisser entre moi et mon époux, et je perçois un murmure : "Vous ne vous manquerez jamais puisque que vous serez toujours présents l'un à l'autre dans le secret de votre cœur", puis la silhouette aux contours flous disparaît. Mon époux me regarde, approche sa bouche de son oreille et tandis que nous ralentissons à peine le pas, il chuchote : "Tu as entendu. Il faut le croire. Il a dit vrai…"  

Au fil des semaines, quand, un jour brumeux ou un soir plus sombre que les autres, ma peine est ravivée, je fais d'autres rêves. Un homme est là qui visite un musée avec moi, qui participe à une soirée dansante avec moi, qui rentre dans une boutique avec moi, qui s'assied à table en face de moi, qui marche sur un sentier de randonnée ou voyage dans un train à mes côtés. Cet homme est mon époux. Il prend ma main dans la sienne, pose son regard sur moi, me livre quelques phrases : "Tu portes la plus jolie robe qui soit. Ta présence est un soleil. N'arrête pas de sourire. Les oiseaux chanteront toujours quelle que soit l'actualité." Parfois, il est debout, et je m'appuie un peu contre son bras; parfois, il est assis et je caresse son menton, son cou. Et me vient un bonheur si grand qu'il me semble que rien ne pourrait l'effacer et que nous sommes deux à le vivre pareillement. J'aime ce bonheur qui me parle d'une réalité inaltérable même si d'autres le nommerait peut-être illusion.  

Après chaque rêve, j'ai l'impression que rien n'était inventé, que tout était réel comme l'est le paysage qui s'offre à mon regard quand j'observe de la fenêtre du living le parc et ses alentours. Chaque instant devient alors un cadeau chargé du parfum de mon époux, de l'éclat d'un de ses rires, des ricochets d'un de ses gestes. Chaque recoin de mon être est habité de sa présence.  

Il y a la certitude de retrouver ces mots quand je pourrais en arriver à chanceler, être sur le point suite à un accident de perdre peut-être des repères si précieux : "Vous ne vous manquerez jamais…"

 

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"Et si tout n'était qu'illusion ?" Texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

Philosophie de jardin

 

  Cette fois, tu as perdu !

  Je savoure ma victoire.  Ce matin, j’avais cru que cette journée se déroulerait comme toutes les autres : un petit-déjeuner, une promenade revigorante suivie d’une sieste et peut-être même une conversation avec Didi, ma pipelette de voisine.  Je reconnais avoir, malgré tout, appréhendé une nouvelle confrontation avec mon vieil ennemi, bien que cela aussi, finalement, fasse partie de la routine.

  Mon ennemi, ce roué qui vient toujours parader dans le jardin mitoyen pendant que je fais du jardinage, me provoquant par ses petites remarques ironiques sur ma propension à faire des trous dans la terre, ou qui cherche noise à Mademoiselle Pinson quand elle prend le frais sur sa terrasse, dans le jardin suivant.

  L’infâme Jasper, qui se moque de tout et de tout le monde dans le quartier.  Le pendard à qui j’ai plus d’une fois fait connaître ma façon de penser, sans que cela ait le moindre effet.  Les remontrances et autres remarques, il s’en moque royalement ; tout comme il se moque de réveiller ses voisins en vidant ses poubelles au milieu de la nuit, ou encore de ce que ces mêmes voisins pensent quand il traverse leurs jardins pour rejoindre plus rapidement le restaurant de la rue des vignes.

  Oh ! il y a bien eu cette fois ou le vieux Gamin ‒ oui, c’est son nom ! Ridicule, n’est-ce pas ? surtout à son âge ! ‒ je disais donc, cette fois ou le vieux Gamin l’avait coincé dans cette même rue des vignes, pour le chapitrer.  Ha ! la semonce à peine tombée, le sournois avait déjà disparu, laissant le vieux s’étrangler sur son sermon.

  Mais cette fois, cette fois, je ne vais pas le laisser s’en tirer à si bon compte.  Je le tiens, il est dans mon jardin et je n’ai pas l’intention de le lâcher.  Son petit sourire narquois ne m’impressionne pas, pas plus que son faux air décontracté.  Qu’il me fixe, s’il pense que je vais flancher, il s’illusionne, je ne suis pas de ceux qui se laissent intimider par le premier fâcheux venu.  Sous ses airs bravaches, il a peur, je le sens, je le sais et… Oh ! que c’est délectable, il sait que je le sais.  C’est bien, qu’il enrage, ce psychopathe va payer pour ses crimes, enfin !

  ‒ Max ? Mon Maxou, arrête de pédaler, ce n’est qu’un vilain rêve.

  ‒ Quoi ? Non ! Laisse-moi, je le tiens…

  Désespéré, je comprends que ma victoire et toute cette euphorie autour de mon triomphe n’étaient qu’illusions.  Je frémis et si tout n’était qu’illusion ?  Mais oui, c’est ça ! Je suis une illusion, la sienne, celle qu’il a créée pour avoir le plaisir de la narguer.

  Je sors de la maison, me dirige vers le nain qui trône au fond du jardin, lève la patte et soulage ma morosité sur son corps dodu.  De l’autre côté de la haie, je l’aperçoit, ce sorcier, ce démon ronronnant, ce passager du multivers qui ne se laisse prendre que dans les rêves illusoires de pauvres chiens comme moi.

 

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"Et si tout n'était qu'illusion?" Texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

MES ILLUSIONS

 

Sourires, bisous, petits compliments, gestes de bienveillance, tout cela ne serait-il que des mirages perçus par notre cœur ? J'aurais pu me sentir appréciée par la famille Mazin et par mes collègues sans jamais remettre en question leur bonne foi. J'étais de leur monde, j'avais des intérêts proches des leurs, nos cercles de relations se chevauchaient. Et pourtant…

 Je venais de fêter  mes trente ans lorsque ma cousine Léa m'annonça qu'elle avait récemment rencontré Zoé Mazin et ma collègue Jade lors d'un vernissage à la galerie Psyché située à deux pas du bureau. Elles étaient toutes deux occupées à cancaner et l'avaient invitée à se mêler à leur bavardage en lui demandant son avis à mon sujet. 

"Bonjour Léa. Nous parlions justement de ta cousine Stéphanie. Ne trouves-tu pas toi aussi qu'elle est trop spontanée, trop impulsive et qu'elle s'habille de manière trop excentrique, un peu à la façon d'un clown, comme ce personnage de la collection d'art brut devant lequel nous nous trouvons en ce moment ?"  avait dit Zoé. Zoé et Jade, qui me complimentaient si gentiment au sujet de mes choix vestimentaires et de mes audaces, avaient ensuite beaucoup ri en évoquant certaines de mes remarques futiles liées à mon caractère fonceur. Elles n'avaient bu selon Léa qu'un tout petit cocktail. Un tout petit cocktail pouvait-il conduire à se contredire ?  C'est à partir de cette période que je commençai à être plus vigilante, à me questionner sur les apparences et sur le réel. Mais je n'en parlai à personne, même pas à mon époux ou à ma mère. 

Tout au long des années qui suivirent cette révélation, j'en étais venue à une méfier des trop grands sourires, des trop beaux compliments, des bisous trop nombreux, des tapes trop amicales sur l'épaule ou dans le dos. 

J'avais un peu plus de soixante ans lorsque j'avais constaté qu'il m'arrivait de ranger  occasionnellement des objets dans des endroits inappropriés  et de manifester des trous de mémoire. Je formulais aussi plus difficilement un jugement quand on demandait mon opinion concernant un film ou un livre par exemple, je mettais plus de temps pour me décider. J'avais ainsi choisi de prendre ma retraite anticipée sous prétexte d'être mal à l'aise avec les nouvelles technologies. J'avais continué à vivre chez moi, sans rien avouer de mes constations et de mes préoccupations à  mon mari,  et j'avais engagé à temps partiel une aide-ménagère dans l'espoir d'éviter de grosses bévues. J'avais parfois comme des flashes de parfaite lucidité. Je me demandais alors quelle était la part d'illusion et celle de réalité dans mes sensations ainsi que dans ma conscience. Qui étais-je vraiment ? Cette femme qui chantait, qui riait de ses erreurs, qui se montrait généreuse et gaie ou cette personne sceptique, mélancolique, qui pleurait en cachette en constatant qu'elle changeait ?  Mes perceptions étaient troublées comme peut l'être  l'eau après un bain, comme le sont les paysages sous le brouillard ou sous un soleil éblouissant.  

J'eus un jour l'idée de demander à ma cousine Léa de chercher à connaître de nouveau l'avis de Zoé Mazin à mon propos. Malgré une mémoire défaillante restait, en effet,  au fond de moi la blessure des confidences reçues l'année de mes trente ans, cette blessure était encore là pareille à celle occasionnée par une écharde restée dans la chair. Léa remplit sa mission… Apparemment Zoé affichait la même opinion qu'autrefois, elle ne semblait pas avoir observé de réels changements. Et pourtant, oui pourtant…

Que penser de la perte de mes initiatives et de mes prises de position plutôt originales ainsi que   de mes défauts de mémoire ? N'étaient-ils qu'illusions perçues par moi seule ? En se voilant la face quant à mes manques, les autres s'épargnaient-ils de devoir affronter la perception de leurs propres failles ?   

 

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Commençons fort cette année avec le premier texte de notre concours : Et si tout n'était qu'illusion ?

Publié le par christine brunet /aloys

Je n'ai pas une vision très claire sans mes lunettes mais je n'ai pas envie de les porter quand je vais dans le bois avec mon chien.

Je vois où je mets les pieds, j'entends la course de mon chien dans les taillis et je reconnais son pelage clair passer et repasser devant moi, à quelques mètres.

Une tache fauve au loin. J'assouplis mon pas, je retiens ma respiration. Un chevreuil ? Plus j'approche et moins j'en suis sûre. Non...un bouquet de fougères fanées.

Pas grave. J'en ai vu un, hier encore. Ses pattes fines, ses oreilles dressées, son retrait élégant dans l'ombre des troncs quand il m'a repérée.

Un mouvement roussâtre au pied d'un arbre. Un écureuil ? C'est trop lent et puis mon chien ne réagit pas. Non. Des feuilles mortes soulevées par un petit merle noir qui cherche sa pitance.

Ah mais là ! Le chat du nouveau voisin, la rareté de son pelage, veiné de gris et de noirs aux volutes inattendues. Non. Un gros caillou taché de terre, aux formes arrondies.

La lumière diffractée du soleil d'octobre éclaire une structure en bois que je n'ai jamais vue. Une porte ? Mouais, encore une illusion. Mes yeux indigents, mon imagination, créent des images au fil de mes rêveries.

Où est mon chien ? Oh, il vient se coller contre mes jambes.

Viens mon bonhomme ! Ce sera trois grosses branches dressées contre un arbre et  laissées par des scouts , une bâche hâtivement installée par un chasseur d'images...

C'est une porte. Avec ou sans lunettes, c'est une porte. Au milieu de nulle part et sans aucun soutien pour la maintenir droite.

Ce n'est pas possible mais je décide de la traiter comme une porte ordinaire et de l'ouvrir.

Elle se laisse faire sans résistance. 

Un court instant, je pense à Alice au pays des merveilles avant de glisser dans l'obscurité la plus complète, mon chien toujours contre mes jambes.

J'écarquille les yeux. Il me semble voir un point de lumière très vive dans le noir. Je m'approche. C'est une serrure. La serrure de la porte. Qui n'a pas de poignée.

Au travers de la serrure, je vois une dame accompagnée de son chien. Elle me ressemble, il ressemble à mon chien.

Elle paraît un instant légèrement surprise. Elle plisse les yeux puis esquisse un sourire ironique. Sur ses lèvres, je peux lire « : «Mouais, encore une illusion . » 

Et elle passe son chemin.

 

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