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Joe Valeska nous livre la Suite de l’extrait de Meurtres Surnaturels, volume III : Le Triomphe de Julian Kolovos

Publié le par christine brunet /aloys

 



 

– J’ai assisté à la crucifixion de Jésus de Nazareth, en 30, et c’était un bien triste spectacle, ça aussi. Dans leur bêtise et dans leur arrogance, les hommes peuvent être d’une cruauté incommensurable. J’ai pleuré, ce jour-là, et je n’ai plus jamais pleuré, depuis. Ou je ne m’en souviens plus, pour être tout à fait honnête. Mais je sais ce qu’est la tristesse. Et la joie, et l’amour, ajouta-t-il. Je comprends toutes les émotions et je les ressens de façon intense. Plus qu’un être humain.

La crucifixion de Jésus ? Excuse-moi, je n’avais pas l’intention de te blesser, assura Julian, un brin condescendant. Tout ceci est à la fois passionnant et incroyable… Charlemagne, Jeanne d’Arc, le massacre de la Saint Barthélémy, Louis XIV, la Révolution française… Jésus ! Mais si tu nous disais plutôt ce que vous venez faire ici, tous les trois. Car vous n’êtes bien que trois, n’est-ce pas ?

– Julian… hésita Janine. Pourquoi leur ferions-nous confiance ? Ces histoires sont passionnantes, quoique tristes, mais qui nous dit qu’ils sont pacifiques ? Les vampires sont puissants, tu sais… Ils pourraient nous manipuler. J’ai été manipulée. Et tu sais fort bien de quoi je parle…

– Mais vous avez mille fois raison, belle dame, répondit le vampire Valentin aux yeux vairons envoûtants. Rien ne peut vous garantir que nous venons en paix, c’est vrai, mais c’est pourtant le cas. Alcibiade est un être bon et généreux. Il nous a sauvés, Farah et moi, de nos existences au service d’un monstre. Cet homme est un saint. Un véritable saint. Je puis vous le garantir.

Alcibiade lui fit remarquer qu’il en faisait trop, comme toujours, et qu’il le mettait dans l’embarras.

Après une minute de réflexion, à se jauger les uns les autres, Julian réitéra sa question.

– Raka, susurra alors Alcibiade. Vous connaissez tous ce prénom, il me semble… Vos noms, ainsi que les nôtres, figurent sur sa longue liste noire. Elle vous en veut, pour diverses raisons, et elle nous en veut, pour d’autres. Mais son but ultime est l’éradication des vampires et des loups-garous. Car elle nous hait. Elle nous hait tous. (Il soupira et passa une main dans son admirable et longue chevelure blonde.) Savez-vous que ce sont malheureusement ceux de ma race qui sont à l’origine de la guerre vampires/sorcières ? leur demanda-t-il, morose.

– Oui, répondit Janine. Et tout changea dramatiquement ce jour-là, à cause d’un seul immortel. Shade était le grand maître des vampires. Le roi. Il assassina la femme qu’il aimait, Mana, qui était une puissante sorcière. J’ai lu cette histoire et bien d’autres dans les nombreux livres que possédait mon compagnon, Joshua, qui est mort.

– Les fameux livres des sorcières que l’on croyait perdus, murmura Alcibiade, détournant le regard. Mes sincères condoléances pour votre malheureux compagnon, dit-il enfin. Mais si des sorcières vengeresses détenaient le pouvoir…

– Raka nous détruirait tous, les uns après les autres ! conclut Julian, plongé dans de bien funestes pensées. Ça ne finira donc jamais…

– Tu as tout compris… acquiesça Alcibiade. Aussi, je vous propose un partenariat. Trouvons cette sorcière névrosée, où qu’elle se cache, et détruisons-la. Elle est le serpent à qui il faut couper la tête.

Le vampire vint alors se poser face à Julian. Sans ciller, il lui tendit la main. Adam, Max, Janine, Kristoff, Valentin et Farah les considéraient non sans appréhension.

Mais l’acteur, malgré ses doutes, accepta finalement cette main tendue et froide.

Adam entraîna prestement Julian à l’écart. Et tant pis si l’acte ressemblait à une franche hostilité. Pourtant, Alcibiade et ses camarades ne parurent guère étonnés par l’attitude du séduisant jeune homme aux cheveux roux.

L’impresario rappela à son frère de cœur la façon dont les vampires se nourrissaient. Il lui rappela également que le château abritait plusieurs êtres humains, dont son père et sa sœur. Autant de repas potentiels et faciles.

À ces mots, Julian frissonna. Troublé, il fixa Adam, puis tourna son regard vers Alcibiade. « Non… », songea-t-il. « Je ne ressens aucune perversion en lui, petit frère. Mais… on ne sait jamais. » Il alla prendre appui sur la ceinture de mâchicoulis comme s’il était tout seul sur le chemin de ronde. Adam l’imita et lui demanda avec insistance s’il avait compris les mots qui venaient de sortir de sa bouche. Pour toute réponse, Julian poussa un profond soupir de totale confusion.

Ils n’avaient pas remarqué qu’Alcibiade, nonchalamment, les avait rejoints. À son tour, un sourire un rien canaille aux lèvres, le vampire posa ses mains sur la ceinture de mâchicoulis. Quand il réalisa qu’ils n’étaient plus seuls, Adam tressauta. « Putain ! », lâcha-t-il. « Serais-tu un crocodile ? » Alcibiade ne put s’empêcher de ricaner, ce qui faillit faire sortir Adam, d’ordinaire très cool, de ses gonds.

Passablement mal à l’aise, Julian pria son ami de le laisser seul avec le vampire. À contrecœur, Adam obtempéra et rejoignit les autres à l’autre bout du chemin de ronde. Ils semblaient tous fort perplexes. Comme pour le rassurer, Kristoff posa une main sur l’épaule d’Adam, et la belle Farah lui dit qu’il avait tort de s’inquiéter, qu’ils savaient parfaitement se contrôler. Adam haussa les épaules et croisa les bras, attendant la suite de ce énième bouleversement avec impatience. « À quoi bon discuter à l’écart ? », fit-il remarquer. « Ne sommes-nous pas tous dotés d’une ouïe surnaturelle ? » « Voilà qui est tout à fait vrai, mon ami », chuchota Max, attentif.

– Ni moi ni mes amis n’avons l’intention de nous nourrir du sang des humains qui vivent dans ce château, Julian Kolovos, promit l’être immortel. Nous ne sommes pas du tout ce genre de vampires. Je déteste ce genre de vampires ! (Repassant sa main dans sa longue chevelure blond vénitien, il ricana de nouveau, un brin empoté.) Tu sais, je ne t’ai pas menti. Comme te l’a confirmé Farah, il y a quelques minutes à peine, je suis réellement fan. Quelque part, ça me blesse un peu que mon idole se méfie de moi. Cela dit, je comprends parfaitement, je ne suis pas un imbécile. J’agirais probablement de la même manière en pareilles circonstances.

– Je veux te faire confiance, Alcibiade… mais je ne te connais pas, c’est aussi simple que ça. Et puis, mon père et ma sœur vivent ici. Bien des fois, ces dernières années, nous avons flirté avec la mort. J’ai moi-même failli mourir dans des circonstances abominables, il n’y a pas un an. Je ne peux plus prendre des risques inconsidérés. Qui plus est, tu débarques avec tes amis en nous proposant une alliance au moment précis où nous parlions de Raka. La coïncidence est assez troublante.

– Tu as raison, et je ne t’ai pas tout dit, confessa le vampire. Mais je vais le faire, à présent, car je n’aime pas les secrets. Alors, écoute-moi bien sans m’interrompre, s’il te plaît. Tu es d’accord ? (Julian hocha la tête.) Merci… Ces derniers mois, Valentin, Farah et moi-même, nous nous sommes sentis observés. (Julian releva un sourcil.) Nous avons très rapidement découvert qu’il s’agissait de sorcières d’un rang inférieur envoyées par Raka, mais nous avons également découvert autre chose. Un soir, dans un bar de nuit de Sanremo, Valentin put entendre la conversation des créatures qui l’avaient suivi jusque-là. S’imaginaient-elles qu’il ne s’en était pas rendu compte !?! Stupides sorcières arrogantes… Nous avons donc appris que nous étions tous menacés : Valentin, Farah et moi, mais aussi tes amis et toi, Julian Kolovos, et d’autres encore… Alors, nous avons pris la décision qui semblait la meilleure : vous surveiller de loin, mais suffisamment près. Nous ne voulions pas nous ingérer dans vos vies.

 

À suivre… dans Meurtres Surnaturels, volume III :

Le Triomphe de Julian Kolovos

 

Merci pour votre lecture,

Merci à Christine,

 

Bien amicalement, Joe Valeska

 

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Joe Valeska nous propose un extrait de Meurtres Surnaturels, volume III : Le Triomphe de Julian Kolovos

Publié le par christine brunet /aloys

 



 

Ils se trouvaient présentement sur le chemin de ronde externe, couronné de lumière, côté façade sud. Au fur et à mesure de leur conversation, ils se rendirent compte qu’ils s’étaient tous sentis épiés, ces derniers temps. Pourtant, aucun d’entre eux ne s’était trouvé au même endroit sur la planète.

– Ce serait cette Raka qui nous surveillerait tous, Julian ? s’enquit Janine, perplexe, appuyée contre la ceinture de mâchicoulis.

– C’est possible… répondit ce dernier. Ce n’est pas encore terminé, j’en ai bien peur. Qui plus est, et cela peut paraître superficiel, je m’en excuse par avance, ma carrière et celle de ma sœur connaissent un nouvel essor. Je ne laisserai pas une tireuse de cartes venir tout nous gâcher.

– Et la meilleure défense, c’est encore l’attaque, n’est-ce pas ? dit Kristoff. Si tout le monde l’est, je suis prêt. Je suis sûr que c’était elle, Max, quand tu prenais des photos de l’opéra de Sydney. Elle était trop bizarre, cette femme. Et dire que j’avais mon billet d’avion pour partir à Shanghai… La peste soit des sorcières !

Max posa une main sur son épaule et le pria de se calmer.

– Certes, Kristoff ! sembla approuver Adam. La meilleure défense, c’est l’attaque. Mais il nous faut découvrir l’endroit où elle se cache, votre Raka… (Ses narines se gonflèrent brusquement.) Et je crois que nous ne sommes pas tout seuls ! s’exclama-t-il en faisant volte-face, toutes griffes dehors, imité par ses acolytes. 

– Diantre ! s’exclama alors l’un des étrangers. Voudriez-vous bien rétracter ces longues griffes réellement impressionnantes, s’il vous plaît, mes amis ? Car nous ne vous voulons aucun mal. Aucun. Vous avez ma parole.

Il devait être vingt-trois heures dix. Deux hommes et une femme venaient de se poser sur la toiture du château, provoquant confusion et stupéfaction. À peu de choses près, leurs vêtements étaient identiques : des bottes de cuir noires, des pantalons en cuir noirs, des chemises sombres et une blouse croisée de couleur blanche à manches bouffantes pour la femme. Julian devina immédiatement la nature de ces nouveaux venus.

Le plus jeune, qui devait avoir dans les vingt-cinq ans, ne pouvait être que leur chef. Il s’agissait d’un très bel homme au teint toutefois blafard et au regard mélancolique. Ses yeux étaient violets. Une couleur extrêmement rare. Il avait le nez grec et ses longs cheveux étaient couleur blond vénitien. Il mesurait un bon mètre quatre-vingt-dix. Ses épaules étaient larges et sa taille était fine – taillé en V, comme Julian. S’exprimant d’une voix suave, il dit s’appeler Alcibiade, fils d’Orion, Grec avec des origines celtiques. Puis il présenta ses compagnons : Valentin Pavesi, un séduisant quadragénaire Italien aux cheveux gris cendré mi-longs, aux yeux vairons, un mètre quatre-vingts, et Farah Watson, une superbe noire américaine d’une trentaine d’années, un mètre soixante-quinze, qui arborait une chevelure coiffée en très longues tresses. Elle portait des lentilles de contact de couleur bleue qui accentuaient sa beauté naturelle et la douceur de son visage.

Alcibiade leur expliqua qu’ils arrivaient de l’île Cocos, située dans l’océan Pacifique, au large du Costa Rica, où ils pensaient être à l’abri grâce à de très nombreuses grottes secrètes toutes plus magnifiques les unes que les autres.

En réalité, il utilisa l’adjectif « magique ». Des grottes toutes plus magiques les unes que les autres.

Leur nid. Leur repaire.

– J’ai déjà entendu parler de cette île… murmura Max. À ce qu’on raconte, elle regorgerait toujours des trésors cachés par plusieurs dizaines de pirates au fil des siècles écoulés. À ce qu’on raconte… insista-t-il, mais en employant un ton dubitatif.

– Tu es très bien renseigné, mais tu es encore loin de la vérité, mon ami, lui jura Alcibiade, vexé par le presque sarcasme de son interlocuteur. Il y a là-bas des richesses à n’en plus finir ! Des cascades de pièces d’or ! De bijoux ! D’objets de valeur les plus divers et des millions de pierres précieuses… C’est encore mieux que la caverne d’Ali Baba. Que cent cavernes d’Ali Baba !

– Je veux vraiment voir ça ! s’enthousiasma Kristoff, faisant rire le dénommé Alcibiade. Personne n’a envie de très longues vacances dans le Pacifique ? Non ? Il n’y a que moi ? O.K. Je me tais…

– Oui, tais-toi donc, le beau gosse, marmonna Max en lui adressant pourtant un demi-sourire bienveillant.

– Vous pensiez être à l’abri… se décida enfin Julian, qui ne prêta aucune attention à l’ardeur de Kristoff. Mais à l’abri de quoi ? À l’abri de qui ? À part la lumière du Soleil, le feu, la décapitation, un pieu dans le cœur, qu’est-ce qui peut faire peur à des vampires ? Car c’est précisément ce que vous êtes, n’est-ce pas ? Et qu’est-ce qui vous fait penser que vous êtes à l’abri, ici ? Je m’appelle Julian Kolovos, et nous sommes tous des loups-garous, Alcibiade, fils d’Orion. Voici Janine Richards, Adam Grant, Maximilian Carr et Kristoff Waaktaar. Ils sont mes amis et ma famille de cœur.

– Rien, c’est exact. Mais nous te connaissons tous, Julian Kolovos, répondit Alcibiade, nullement impressionné. Et nous sommes des vampires, comme tu l’as deviné. Je me suis toujours posé la même question à ton sujet. Est-ce que je peux ?

– Tu peux, consentit Julian. Mais je ne garantis pas de te répondre, si je n’aime pas ta question.

Décontenancé, le vampire hésita quelques secondes, mais il se reprit rapidement.

– Comment réussis-tu à conjuguer ta formidable carrière et ta nature de lycanthrope ? J’adore chacun de tes films, soit dit en passant, et encore plus Meurtres Surnaturels. L’éviction d’Anthony Allan Wolf a été une bonne chose. Son personnage était bien fadasse comparé à Phil Pendragon. Tu as élevé la série à un rang supérieur.

– Ah ! Je vois ! Monsieur pense faire ami-ami avec moi en flattant mon ego ? Mais c’était l’ancien moi, ça, mon grand.

– Oh… Je puis t’assurer qu’il est fan ! certifia la jeune femme noire. Je n’ai jamais vu un seul épisode de ton show, je suis désolée, mais il nous en parle tellement que je le connais par cœur. Phileas Pendragon par-ci… Phileas Pendragon par-là… Je suis sûre qu’il t’épouserait sur-le-champ, s’il le pouvait !

– Farah Watson !!! désapprouva Alcibiade, pendant que le vampire Valentin riait dans sa barbe. Tu veux me faire passer pour un parfait idiot devant Julian Kolovos et ses amis ou quoi !?! (Amusée, Farah lui tira la langue.) Quant à toi, Julian Kolovos… « Mon grand », dis-tu ? C’est assez amusant et quelque peu flatteur. Mais j’ai quel âge, d’après toi ? Essaie donc de deviner. Vas-y, fais-moi plaisir.

– Si tu poses cette question, c’est que tu dois être beaucoup plus âgé que tu en as l’air, suggéra Julian. Alors, tes vingt-quatre ans, tu les as depuis combien de temps ? Depuis… combien de siècles ?

– J’ai plus de deux mille ans, Julian Kolovos… On a fait de moi un vampire à l’âge de vingt-cinq ans, le corrigea Alcibiade. J’ai assisté à bien des évènements historiques. Des choses belles et des choses… beaucoup moins jolies. J’ai vu les hommes progresser et régresser en même temps. J’ai vu leurs créations, mais aussi la destruction. J’ai assisté au sacre de Charlemagne, la nuit de Noël de l’an 800. J’ai conseillé Jeanne d’Arc lors de la libération d’Orléans. Nous étions… Enfin… Elle n’était pas « pucelle », ricana-t-il, gêné. J’ai vu le massacre des protestants lors de la nuit de la Saint Barthélémy – les maisons pillées et les cadavres jetés nus dans la Seine. J’étais le confident du Roi Soleil. Dissimulé sous une longue cape à capuchon, j’ai assisté à la prise de la Bastille. J’ai…

– Tu as vu de tes propres yeux les grandes guerres contemporaines ? l’interrompit Maximilian, bien plus intéressé qu’il ne l’aurait admis.

– Tu parles de 1914-1918 et… d’Adolf Hitler, je suppose.

Max acquiesça d’un « ouais » fasciné. L’histoire le passionnait.

– J’ai dormi, avoua le vampire. La lassitude m’avait gagné. De 1914 à 1945, j’ai dormi. J’étais conscient de tout. Je percevais tout. Mais j’ai dormi. J’en étais arrivé à un point où il m’était impossible d’éprouver de la compassion pour les humains. Ils m’avaient écœuré. Je me suis donc retiré du monde pour ne pas devenir un monstre. J’aurais pu vider l’Allemagne de tout son sang à moi tout seul. Les innocents comme les troupes nazies. J’ai dormi, mais j’ai également ressenti le feu nucléaire sur Hiroshima et Nagasaki. Toutes ces âmes soufflées.

Il y eut un long silence après la lourdeur de ces derniers mots. Puis le vampire reprit la parole.

 

À suivre…

JOE VALESKA

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Didier Kelecom nous propose un extrait de son roman " Mystérieuse entrevue"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Réveil douloureux

 

 

 

L’être est couché dans un lit, il dort. Son rêve l’entraîne dans une chambre close, sans porte ni fenêtre. Un sommier défoncé, au matelas poussiéreux, trône au milieu de la pièce. La chaise, sur laquelle repose une tunique, complète l’ameublement. Une lumière sombre inonde le sol.

Le rêveur se lève, fait quelques pas, touche la muraille, passe au travers pour se retrouver à nouveau à côté du lit.

La mémoire vide, l’esprit embrumé, l’être se recouche, se réfugiant dans l’oubli.

 

Le cauchemar se prolonge par une image incrustée profondément dans sa tête :

«  La tempête faisait rage, le vent hurlait à la mort, les lourds nuages menaçants filaient dans le ciel gris. Abandonné de tous, un petit garçon luttait pour sa vie, accroché au grand mât d’un voilier en perdition.

Il appelait sa maman en vain... »

 

Sous le choc, l’être s’éveille, saute du lit, crie :

  • Thanatos, Dieu de la mort, du renouveau et de la vie, sauve-moi !

Une fugace apparition se présente à son regard : un jeune page très beau. Un ange ?

À nouveau seul, bien réveillé cette fois, l’être contemple la pièce vide. Il veut sortir de cette chambre étouffante mais la porte est fermée à clé. Des pas se font entendre dans le couloir. Il appelle, frappe le battant alors que le bruissement s’éloigne.

S’acharnant sur la poignée, il tire de toutes ses forces. Brusquement la serrure cède, le battant pivote, le précipitant au sol. D’un bond, l’adolescent se relève. Il remarque une inscription à moitié effacée gravée sur le bois du battant : « Thanos d’Adrianos ». En dessous une plaque est apposée : « Interdiction d’entrer : fantôme ! ».

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le garçon se rappelle qu’il y a au bout du couloir une salle de bains pourvue d’une petite piscine d’eau de mer. Plonger et nager lui feront le plus grand bien. Il s’y rend. La porte est ouverte : un autre garçon y patauge déjà.

Un miroir orne le mur du fond. L’être se voit dans cette glace murale. Son corps nu est vert brillant, ses mains ont quatre doigts, ses pieds quatre orteils. Sa coiffe est noire et drue, ses yeux sont marrons. Bref, il se reconnaît dans ce reflet, celui d’un jeune Aquouarien typique, semblable au nageur qui ne le remarque pas, ne répond pas à ses questions, l’ignore...

Devant l’absence de réaction de l’autre, l’être retourne dépité dans sa chambre et s’assied sur le lit qu’il sent à peine. Est-il transparent ? Est-il un fantôme ?

Par petites touches, comme une peinture qui se construit, la mémoire lui revient lentement. Des souvenirs grossiers, des visages à peine reconnaissables, des sentiments flous, comme des dessins d’ordinateur aux pixels trop gros...

 

Thanos d’Adrianos, c’est lui, un enfant d’Aquouaria, la planète océane, un monde venteux. Hélios, le soleil qui l’éclaire, n’apparaît jamais, toujours caché par les nuages qui filent du Couchant vers le Levant. Le jour est long, la nuit interminable et pluvieuse.

Comme agent attaché à la couronne, il bénéficie de cette vieille mansarde blottie dans les combles du palais royal.

Il a cette impression terrifiante d’avoir dormi trop longtemps, des siècles.

Par la fenêtre l’adolescent contemple le paysage, la cour intérieure du palais éclairée par le jour naissant. De loin, le redoutable volcan Pyros s’impose au regard, menaçant, susceptible de détruire la capitale du royaume, Hislandopole, la grande ville portuaire de la mer du Levant. Le spectacle lui est familier mais diffère par de multiples détails.

Des fragments d’images de sa jeunesse lui reviennent : enfant, il a vécu chez les Océaniens de la mer du Couchant, dans le Grand Refuge. Sa vie s’est poursuivie sur le continent, aux Embruns. Orphelin, il n’a aucun souvenir ni de son père, ni de sa mère. Le duc Adrianos des Embruns, son protecteur, l’a adopté. Depuis, il se nomme Thanos d’Adrianos.

 

Soudain, deux portraits éclairent son esprit : une femme, un homme. Ils ont la peau blanche, les cheveux blonds, les yeux bleus. Ils sont d’un autre monde. Papa ? Maman ? Thanos se reconnaît dans le visage de cette mère, de ce père. Comme eux, il est Terrien ! Son nom est « Athanase Dumont ».

Il est l’enfant des étoiles, nommé ainsi car piégé par le pont des étoiles, cette machine à voyager dans l’espace. Venant d’ailleurs, il s’est retrouvé transporté sur un bateau en perdition, aux prises avec les tempêtes de la mer du Couchant, non loin du duché des Embruns.

 

À nouveau des bruits. Etouffant de solitude, Thanos sort de sa chambre et se place face au garçon sorti du bassin, bien décidé à se faire remarquer pour engager la conversation !

Celui-ci ne s’arrête pas et passe à travers lui !

C’est impossible. Serait-il un fantôme ?

Ne sachant que faire, Thanos se réfugie dans sa chambre. Enfermé dans sa solitude, il compte les secondes, les minutes, les heures. Sa vie déroule lentement devant ses yeux, lui révélant ses dernières aventures, puis c’est le mur : il n’y a plus rien à voir.

 

Un personnage étrange apparaît soudain au milieu de la pièce.

  • Qui êtes-vous ?
  • Je suis Norbert, l’intelligence artificielle. Je vis dans l’ordinateur central et toi, un être virtuel comme moi, tu existes dans ma mémoire ! Tu viens d’un fichier back-up, une sauvegarde informatique.
  • C’est impossible !

Moqueur, Norbert lui lance à la tête sa tunique et s’assied sur le siège ainsi libéré.

  • Rhabille-toi !

Rougissant, l’adolescent s’exécute. Une question lui brûle les lèvres.

  • Ce que je suis, est-ce la réalité ?
  • Oui, c’est la réalité... Ou plus exactement, c’était la réalité. Soixante-dix-sept années aquouariennes se sont écoulées entre la création de ta sauvegarde et ta résurrection, cinquante années terrestres.
  • Pourquoi cette résurrection ?
  • Parce que le roi me l’a demandé. Laisse-moi te raconter ce qui s’est passé pendant ta longue absence :

 

« Au décès du roi précédent, mort sans enfant, une assemblée constituante a désigné son successeur, un mauvais choix.

En effet, au fil des années, le pouvoir a corrompu l’esprit de ce monarque vieillissant qui cherche à se dupliquer en utilisant le pont des étoiles. Il a reformé une équipe, relancé les recherches. Le chef de l’État aspire à la vie éternelle, voulant passer d’un corps mourant à un corps numérisé et préservé dans la mémoire de l’ordinateur central. »

 

  • Norbert, tu n’as pas répondu à ma question ! Pourquoi moi précisément ?
  • Parce que tu es le seul à avoir été sauvegardé, corps et esprit, dans la mémoire de l’ordinateur grâce au pont des étoiles quand il fonctionnait encore. Les autorités m’avaient demandé de t’enregistrer avant que ton double physique ne parte en mission sur la Terre, ensuite pour Theirra. Il n’était pas sûr que tu réussisses et survives à ces expéditions.

Thanos se rappelle vaguement cette dernière mission : la conquête au nom des Aquouariens de Theirra la blanche, planète froide et vide d’intelligence. Ce monde s’était révélé être le futur de la Terre. Donc l’humanité avait disparu !

Trop sollicité, le pont des étoiles avait été détruit. Son double était resté là-bas, y était mort.

  • Quel est mon rôle ? Que dois-je faire ?
  • Tu dois tester et valider le bon fonctionnement de la nouvelle mouture du pont des étoiles. Nous vérifierons que le corps fourni par la machine est viable.
  • Les souris de laboratoire, ne les tue-t-on pas en fin d’expérience ?
  • Cela n’arrivera pas ! Tu es sous ma protection.
  • Tu n’as en principe pas voix au chapitre.
  • Tu te trompes : mon pouvoir est immense mais caché.
  • Tu vas donc me matérialiser ?
  • Oui !
  • Quand ?
  • Maintenant !

Norbert se lève, fait un signe à l’enfant des étoiles de le suivre. Il traverse sans encombre la porte fermée, suivi de près par le garçon. Instantanément, les deux êtres numériques sont dans la grotte laboratoire du mont Olympus, la montagne sacrée.

Thanos espère recevoir d’autres révélations sur son passé. Il en n’est rien : si ses souvenirs en tant que Terrien du nom d’Athanase Dumont couvrent une vie entière, ceux de son séjour sur Aquouaria sont incomplets. Il y a trop de lacunes !

  • Norbert, tu me caches des choses !
  • Certains faits laissent des traces traumatisantes. Tu n’en as pas besoin !
  • Qui est ce Johan Mercier ?
  • C’est celui qui est parti sur Theirra à ta place. Le back-up date d’avant ta dernière mission sur la Terre : récupérer un corps viable pour ton esprit. Les informations que tu pourrais recevoir ne sont pas de toi mais de ton double mort sur la planète blanche. À quoi sert d’en savoir trop ?

 

Sur l’estrade de l’esplanade face à la pyramide blottie au sein du mont Olympus, dans laquelle fonctionne le pont des étoiles, Thanos est couché à même le sol. Norbert se tient devant lui et commente le transfert :

  • C’est parti !

La figure de synthèse s’estompe lentement, se brouille, se dissout dans l’espace, laissant la place au vide, au néant... Thanos s’endort. Il lui semble encore entendre l’intelligence artificielle lui murmurer à l’oreille : « Dorénavant tu auras un passé, un présent, un futur. La vie reprend son cours, les temps changent. »

 

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Elle coule comment, cette rivière des filles et des mères ? Edmée De Xhavée

Publié le par christine brunet /aloys

 

C’est Zoya qui ouvre l’écluse pour remonter le temps « Ma grand-mère a tué un homme quand elle avait 25 ans. Je crois. Je crois qu’elle avait 25 ans mais je suis certaine qu’elle a tué un homme. Et moi je suis la fille de Dracula. Mais ça, j’y viendrai plus tard. Le début, ou plutôt la charnière de ce que je sais de notre lignée de mères et de filles, c’est ma grand-mère, qu’on appelait Ayette. Et nous pouvons remonter le courant de cette succession de femmes comme des saumons déterminés à transmettre l’avenir à leur descendance, sautant les cascades bouillonnantes pour atteindre la source, une source si éloignée d’ici que la plus ancienne dont j’aie connaissance se déversait dans le Saint Laurent, loin au Canada »

 

Belette se trouve à la source, c’est la mère des autres mères… «  J’étais membre de la tribu des Ojibwés, née au sud du Lac Supérieur. Ma mère et sa sœur, elles, avaient été enlevées aux Abénaquis… Et Guillaume Goguet m’a échangée contre du café et du sucre si je me souviens bien. Et peut-être bien un ou deux fusils. Le cheval, le mien, fut un cadeau de mon père, comme ma robe de daim blanche, frangée et perlée, fut celui de ma mère et sa sœur, l’autre épouse de mon père. Mes parents m’aimaient, et je les aimais. Et puis il m’a emmenée près de Chicoutimi, là où il était connu sous le nom de Bellefontaine, vers la cabane qu’il avait construite en bord de rivière, et qui serait ma maison … »

 

Belette passe la voix à sa fille, Enimie. «  J’étais bel et bien une Normande, c’est vrai. Solide, faite à la vie que mes parents m’avaient offerte et bâtie, mais rousse claire aux yeux verts comme mon père, et rien ne pouvait indiquer que j’avais aussi, pour moitié, du sang Ojibwé, ce qui était en revanche une évidence en ce qui concernait mes frères Odon et Lô, ce dernier ne trahissant d’ailleurs rien de ses origines françaises. On aurait juré un Indien pur (…) Moi, si adroite avec le fusil ou le couteau, très rapide à la course en mocassins dans les sous-bois ou sur les rives spongieuses de nos rivières, tellement habile à tuer les serpents d’un seul coup de bâton, j’ai, je pense, été capable de tenir secrets ces talents trop peu de mon sexe pour ce qu’on attendait de moi. J’ai excellé en science du ménage, me suis formée en algèbre, histoire de l’Église, toisé, philosophie, broderie, et la botanique et la littérature m’ont conquise et imprégnée… »

 

Arrive Mackie, Mackie qui s’éprend du Grizzly, le pire choix sans doute, mais source d’un amour merveilleux. « Il était très grand, bien fait, sans se tenir voûté vers les autres comme le font souvent les grands, encombrés de leur haute silhouette qui les éloigne des voix et complicités habituelles. Non, lui il était grand et le restait, ne concédait rien au petit monde qui l’environnait. À eux de lever le menton, d’allonger la voix, et de tendre l’oreille. Et ce n’était pas tout. Il était d’une telle beauté que ma gorge se serra de surprise, de peur presque, comme si je sentais une trappe se rabattre au-dessus de ma tête. Et ce n’était encore pas tout… car il tenait en laisse un loup somptueux, le pas trottant mais court, souple comme celui d’un chat, la large tête plate apparemment indifférente au monde excité qu’ils traversaient tous les deux, mais je le vis lever les yeux vers l’homme, sans soumission ni servitude, juste un regard serein de compagnonnage. Son pelage était gris clair sur les flancs et le ventre pour virer à un bel anthracite sur le dos et le dessus de la tête… »

 

Puis c’est Ayette, celle qui fait traverser l’océan à la rivière, celle qui vit sa mère, la belle Mackie, proie de la colère de ceux qui en voulaient au Grizzly, celle aussi qui tua un homme. « J’avais aimé ma mère, MacKenna. Je l’avais même vénérée, je crois. Comme tout le monde, papa pour commencer. Du moins je le croyais. Et puis pendant ces fameux trois ans je me suis tue, trois ans de colère contre lui : il n’était jamais là. Des hommes étaient venus, fous de rage contre lui, parce qu’il avait fait quelque chose de terrible et qu’on voulait le punir, lui. Mais voilà, lui, ce jour-là, il n’était pas là, comme toujours. Ainsi la vengeance qu’on lui destinait s’était-elle abattue sur nous (…)   Mon cœur a battu des ailes dans ma poitrine, quelque chose de moi s’est envolé, et je n’ai pas cherché à le rattraper. Je me suis assise, étourdie, consciente de mes pieds déchaussés, de la pointe plus foncée de mes bas cachant mes orteils, du lustre que donnait la soie à mes jambes dont il remontait le cours avec des yeux à la fois indifférents et captifs. Ma large jupe d’été, pourtant à mi-mollets que l’abondance de l’après-guerre encourageait après des années d’économie de tissu, reposait un peu repliée au-dessus de mes genoux en remontant sur la cuisse où la pointe d’une jarretelle rose pinçait le haut sombre du bas, et tout son visage s’était figé. Il s’est levé en me tendant la main, et tout à coup c’était la chose à faire, à vivre. J’ai mis ma main dans la sienne, ai enfilé mes chaussures et sans un mot je l’ai suivi dans le garage, où se trouvait la confortable Impala, le seul lieu où personne ne vaquerait à ses affaires sinon nous. »

 

Et enfin, Louise-Anne, mère de Zoya, qui rencontrera Dracula à Trieste… « Je me laissais pénétrer, doucement, par la mélancolie évidente de la ville, dont l’architecture et l’urbanisme témoignaient du rutilant passé austro-hongrois, aux coquetteries viennoises, mais que l’on aurait abandonnée à son sort comme une traitresse livrée à l’ennemi. La mer, souvent furieuse tout comme l’étaient les nues dans le ciel, la pluie et, en hiver, la neige et le froid, la montagne toute proche qui semblait vouloir repousser le tout dans les flots… Les cordes fixées aux murs des jardins et maisons par de gros anneaux de fer pour que lors des journées de Bora assorties de gel, on ne disparaisse pas dans une glissade mortelle. Les ruelles et escaliers partant à l’assaut des quartiers en hauteur, qu’à pied on ne montait ou descendait qu’en longeant les murs… et agrippant la corde (…) Ariane, tu devrais le voir, ce Vladimiro ! La dame de la pâtisserie l’appelle par son prénom, et il doit habiter assez près. Il surgit parfois en courant sous la pluie, avec un simple pull et des sandales, donc il ne peut arriver de loin, il ne doit pas s’en retourner loin… Tu devrais être contente pour moi, je suis enfin curieuse d’un garçon, enfin un homme, car tu me dirais encore que je cherche une figure paternelle : il doit approcher de la quarantaine, déjà d’épais fils blancs dans ses cheveux noirs, et cet air de jeunesse qui ne subsiste que parce qu’on a fini d’être trop jeune et qu’on se sent bien et fort. Sept mois que je suis ici, le printemps se termine en ondées et même grêlons, et moi j’attends mes samedis comme on guette la blancheur des perce-neiges. »

Publié dans extraits

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'Au-delà des barreaux", deux nouveaux extraits proposés par Bernard Wallerand

Publié le par christine brunet /aloys

 

Extrait 4

 

        Alice se dit qu'elle en a parcouru du chemin pour arriver à réussir avec brio ses études de Master en Psychologie clinique. Elle voulait à tout prix travailler dans le domaine de l'enfance. C'était comme si c'était écrit dans ses veines. Ses parents, par tout l'amour qu'elle et son frère cadet Grégoire avaient reçu, lui avaient ouvert d'ailleurs la voie. Certes, Alice avait sûrement les aptitudes suffisantes pour réussir ses études. Elle qui, pourtant, avait eu tant de difficultés à assimiler les matières vues à l'école primaire. 

        Côté lecture, Alice se souvient des premières phrases écrites à la craie blanche par son institutrice sur le grand tableau noir, égayé de lignes rouges horizontales. Mélanie allait à l'école et la petite fille donnait une rose à sa Madame et lorsqu'Alice revenait de l'école, ses parents consacraient beaucoup de temps à lui faire relire les phrases nouvelles mais aussi les vocalises souvent dépourvues de sens et d'images. Dès lors, les "ma-me-mi-mo-mu" faisaient écho aux "la-le-li-lo-lu" et les oreilles d'Alice ne percevaient pas grand-chose de ce charabia sorti tout droit des manuels scolaires et décrété nécessaire à l'apprentissage de la lecture. De plus, cela s'était compliqué ensuite avec toutes les lettres inutiles et muettes, sans compter les voyelles qui se mariaient avec les consonnes pour former des sons ! A l'heure des devoirs, Alice se souvient qu'elle faisait souvent irruption dans la cuisine, son manuel scolaire en main.

        — Et ça Maman, comment dit-on ?

        — Ça, c'est "an"... comme dans le flan que je prépare en guise de dessert ! 

        Et Alice savait venir plusieurs fois de suite pour identifier les sons derrière lesquels les voyelles jouaient à cache-cache.

 

Extrait 5 

        Les jours où il ne pleut pas, au coin de la rue qui la mène chaque matin à la crèche, Madeline peut passer un peu de temps à la plaine de jeux. 

        Alice et Nicolas adorent la voir pousser les barreaux de la grille du parc communal, emprunter ensuite le petit chemin de graviers et courir, de ses petits pas alertes, vers la balançoire ou le toboggan. Au début, la petite fille n'était pas très rassurée de quitter le chemin de graviers pour aller sur la pelouse où sont installés les jeux. Elle n'avait jamais marché sur l'herbe. Alice et Nicolas ont toujours en tête l'instant où, pour la première fois, ses petits pieds incertains se sont posés sur le gazon. Madeline s'est alors accroupie, a caressé de ses mains l'herbe imprégnée de rosée et ensuite a commencé à cueillir, de ses petits doigts délicats, quelques pâquerettes. Et c'est à ce moment-là que le cœur d'Alice a craqué et qu'elle a dû retenir une larme au coin de l'œil. 

        — Fleurs pour Maman, a alors dit Madeline, en regardant Alice et Nicolas. 

Publié dans extraits

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"Au-delà des barreaux" : deux extraits proposés par son auteur Bernard Wallerand

Publié le par christine brunet /aloys

 

Extrait 2

 

        Petites barres de désespérance marquées à la craie rouge sur le mur. Cela fait plus d'un mois qu'Anna purge sa peine alors qu'elle a à peine vingt ans et toutes les années devant elle. Comme le temps lui semble long ! Dans le brouillard de sa vie,  elle ne sait plus sourire à la beauté de l'astre d'or. Il pourrait pourtant l'aider à dissiper les nébuleuses obscures de son âme. Ainsi, les aiguilles de l'horloge lui semblent aimantées. De lever en coucher de soleil, elle compte les jours. Ils pèsent aussi lourd qu'un sac de charbon sur sa vie. Ils semblent narguer le sommeil de ses nuits. Celui-ci est aussi léger que les plumes de son oreiller. Il est entrecoupé de visions cauchemardesques. Elles lui donnent des sueurs froides. Son corps tout entier en frissonne. Il en hurle de peur au cœur des nuits étoilées trop souvent mouvementées. Ah ! Si seulement elle n'avait pas rencontré John !

 

Extrait 3

        Ainsi, le travail de fin d'études d'Alice l'avait amenée à la rencontre de toutes ces femmes qui étaient enceintes alors qu'elles venaient d'être incarcérées. Elle se revoit, son pas  si peu assuré, franchissant les innombrables portes de la prison, passant à côté des grilles et des barreaux. Elle revoit les visages de certaines, leur inquiétude au fond des yeux, leur tristesse palpable sur leurs lèvres pincées. Parmi elles, il y avait certes celles qui n'avaient pas désiré leur enfant. Elles appréhendaient donc la naissance... D'autres encore voulaient garder à tout prix leur enfant et conserver le lien sacré. A l'instar d'Alice, ces dernières savaient combien il était important de créer des liens avec l'enfant dès la naissance. Elles espéraient alors, au-delà des barreaux, recommencer une nouvelle vie avec leur bébé. Certaines, alors qu'elles venaient d'enfanter, dormaient avec la première couverture de leur enfant, respirant intensément son odeur. D'autres encore tiraient leur lait pour que leur bébé puisse en profiter. Elles fondaient alors de bonheur à l'heure des retrouvailles et lorsque leur petit ange les regardait dans les yeux, il était alors le plus beau bébé qu'elles n'avaient jamais vu. D'autres enfin imaginaient leur avenir. Dans le dialogue qui s'établissait petit à petit, elles leur disaient qu'elles allaient bientôt rentrer à la maison, que rien ne serait plus jamais comme avant. Et si d'aventure, le séjour n'en finissait plus et s'éternisait, elles affirmaient alors qu'elles étaient fières de leur enfant, fières de ses résultats à l'école. Et puis, il y avait celles qui étaient privées de leur progéniture. Elles affichaient la photo de leur trésor, au mur de la cellule et chaque soir, avant qu'elles ne s'endorment, leurs lèvres se posaient doucement sur les tendres joues de leur chérubin.

 

 

Publié dans extraits

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Christine Brunet nous présente son nouveau thriller SF "Declassified" avec un court extrait

Publié le par christine brunet /aloys

Synopsis Declassified

 

L’émergence sur Terre d’une organisation conçue pour élargir la paix et maintenir les équilibres,

Des disparitions étranges, l’apparition de groupuscules transhumanistes violents, un laboratoire secret pour créer génétiquement le prédateur parfait...

Quelle puissance occulte est en passe de prendre le pouvoir sur notre planète ? 

L'affrontement est inévitable… 

 

Il ouvre les paupières sur les barreaux d’une cage. Une semi-obscurité baigne le réduit et les parois creusées dans une roche noire, dense et granuleuse. La lueur verdâtre vient du couloir, derrière la grille. D‘où exactement, il n’en sait rien. Il n’est pas seul : des gémissements, des cris, des hurlements lui vrillent les oreilles.

Il est recroquevillé dans un coin. Il a froid. Il baisse les yeux, contemple ses… non, pas des mains, plus de la chair, mais une sorte de cuir granuleux comme celui des pattes de poulet… Mais pourquoi penser à ça maintenant ? Et ces longues griffes… Pas d’ongles, mais des lames de rasoir terrifiantes.

Il parle de chair, de mains, mais… les mots sont encore là, mais les images se sont effacées.

Il essaie de se souvenir : son nom, d’abord… 

?

Son cœur cogne soudain dans sa poitrine dans un désordre assourdissant. Il ne se souvient plus de rien… Plus d’avant… Plus d’après… Il est, mais quoi ? 

Sa gueule s’entrouvre et laisse filtrer un mugissement déchirant, interminable…

 

(Début seconde partie)

Publié dans Présentation, extraits

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Christine Brunet en invitée du blog Aloys avec le prologue de son dernier thriller policier, Malfarat

Publié le par christine brunet /aloys

 

Ceyreste. Février 1943

 

 

Il fait nuit. Il gèle à pierre fendre dans les ruelles pavées du petit village provençal. Toutes les fenêtres sont tendues d’un lourd tissu noir ou barricadées derrière les volets en bois. Pas une lumière ne filtre. Tout semble endormi. Pas un bruit.

 

Pourtant, en y regardant de plus près, une ombre rase les murs, avance avec circonspection, oreille aux aguets. Elle s’arrête sous un balcon, observe à droite puis à gauche, se déporte dans une zone plus éclairée et observe ce premier étage : un mouchoir esseulé et raidi par le froid pendouille sur une corde à linge. C’est le signal : la voie est libre.

Agile comme un singe, l’ombre grimpe le long de la gouttière, passe la rambarde, retire le mouchoir et tape le volet du bout de l’index. Le battant s’ouvre puis se referme immédiatement sur le visiteur.

 

L’intérieur de l’appartement est commun à toutes les maisons de village : tommettes en terre cuite rouge au sol, murs blanchis à la chaux, chaises en paille installées autour d’une lourde table ronde. Sur la droite, le coin cuisine avec sa pile en pierre de Cassis et le poêle à bois qui ronronne doucement. Dessus, un poêlon en terre garde au chaud le repas de la semaine.

 

Une jeune femme se jette au cou de l’homme, l’embrasse avec emportement :

  • Joseph ! Mon Dieu ! Tu es là, enfin ! Ce que j’ai eu peur ! s’exclame-t-elle en détaillant le petit gabarit fluet aux courts cheveux noirs plaqués sur le crâne. Tu en as mis du temps !

 

Elle regarde le pantalon, élimé comme sa parka, l’écharpe tricotée, les bottines usées, remonte vers la ceinture et devine la présence rassurante du Lüger qu’il trimbale partout.

  • Ça a été chaud… Hum, ça sent bon ! Les enfants ?
  • Au lit.
  • Les boches ?
  • Rien d’inhabituel. Tu as tes instructions ?

 

Il élude les questions pour ne pas mettre son épouse trop en danger.

  • Je mange et je repars.
  • Tu rentreras quand ?
  • J’en sais rien…

 

Il hésite et décide de lui en dire plus : elle est forte.

… Je dois partir sur Lyon…

  • Lyon ! Oh Bonne Mère ! Mais…
  • Chut… Ultra secret.

 

Elle essuie ses mains tremblantes à son tablier : elle est plus pâle que d’habitude.

  • Et j’aurai des nouvelles ?
  • Tu sais bien que non…  

 

Il évite son regard et s’installe à table sans aller voir ses deux gosses : pas l’envie qui lui manque, mais la pudeur peut-être, ou la crainte de ne plus avoir le courage de repartir.

  • Je te sers tout de suite…

 

Empressée, elle court vers l’évier, sort de dessous un bol puis se déporte vers le poêle et remplit l’écuelle qu’elle pose devant son mari avec un morceau de pain noir.

  • Des rutabagas… Rien trouvé d’autre.

 

Il grogne, mais enfourne la nourriture à toute allure.

  • Au fait, Mireille, fais attention aux Figuières. Ils fricotent avec les schleus.
  • Très bien… Mais notre Victor et leur fils jouent ensemble à la sortie de l’école. Je fais quoi ? Difficile de les en empêcher sans qu’ils posent tout un tas de questions…
  • Je sais… Mais tu dois être très prudente avec ce que tu dis aux enfants… Tu m’as compris ?
  • Je sais, mon chéri… murmure-t-elle en s’essuyant à nouveau les mains à son tablier fleuri. Tu sais que le père Figuières a disparu ?

Joseph acquiesce et passe simplement l’ongle de son pouce en travers de la gorge : exécuté.

  • Sur les ordres d’en haut… Un collabo de moins, c’est toujours ça… siffle-t-il, les sourcils froncés, mauvais.

 

Un caillou contre le volet. Il bondit comme s’il est monté sur ressort.

  • Il est temps, ma chérie. Fais bien attention à toi et aux gosses.
  • Attends ! J’ai quelque chose pour toi…

 

Elle sort d’un tiroir un papier plié avec un mot écrit à l’encre bleue qu’elle lui tend… « Llm Malfarat »

 

Il prend la missive[1], contemple l’écriture, fronce vaguement les sourcils très noirs, l’ouvre, en parcourt le message et empoche le papier sans plus d’explication.

  • Sois prudent !
  • Évidemment…

 

Il se lève, la prend par la taille, l’embrasse avec emportement et quitte le petit logement pour le balcon. En un clin d’œil, il a disparu dans la nuit. 

 

Texte de l’ordre de mission

« Pour la Question de font Chapelle ji serai le Samedi 9 Courant 13h

Ne manqueS paS di Etre ce Jour

GilReilGer »

 

 

 

 

Mars 1943

 

Des hurlements, des pleurs, des supplications… Au premier étage de la maison de village, quatre agents de la Gestapo mettent le petit appartement provençal à sac. À leurs côtés, deux Français de la Milice en long manteau noir, croix gammée au bras, montrent un empressement suspect. Une paire de boucles d’oreille en or disparaît dans l’une des poches avec quelques pièces de monnaie et deux tickets de rationnement découverts dans l’un des tiroirs renversés au sol. Les deux enfants et la femme sont poussés sans ménagement sur le palier puis dans les escaliers.

En bas, une voisine pomponnée, en robe fourreau décalée pour l’endroit et talons hauts, petit chapeau perché sur une coiffure sophistiquée, observe la scène, sourire mauvais aux lèvres : elle a dénoncé ses voisins sans états d’âme. Des communistes à ce qu’on dit, peut-être même des juifs… Le mari est toujours absent, dans le maquis à ce qu’on raconte.

Elle est du côté de la loi. Son mari l’était aussi ! Un bon Français éliminé par ces traîtres à leur Patrie, ceux qui se disent ‘Résistants’… Résistants à quoi, on se le demande !

Elle regarde la femme et ses deux rejetons partir vers la place où un camion bâché les attend. Enfin débarrassée… Enfin vengée !

 

Son regard croise celui de Mireille, haineux, puis celui de l’aîné, Victor, le copain de classe de son fils Paul et enfin les yeux noir charbon de la cadette. C’est une autre étincelle qu’elle y décèle, frissonne puis se reprend : quelle importance ? Ceux qui partent avec la Gestapo disparaissent à jamais.

 

Elle peut dormir sur ses deux oreilles…

 

[1] Cette lettre existe vraiment avec ses fautes… Seule la signature a été modifiée… Et ce n’était pas un ordre de mission… Du moins a priori !

Publié dans extraits, l'invité d'Aloys

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Coraline Buchet nous propose un dernier court extrait de son ouvrage "Une petite Belge en Aoteora Nouvelle-Zélande"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

La magie opère grâce aux centaines de cascades éphémères qui s’écoulent depuis le haut des montagnes. Seules deux d’entre elles sont permanentes. Les autres sont créées par l’abondance de pluie. Certaines chutes d’eau se fracassent sur un rebord et tombent d’étage mousseux en étage mousseux tandis que d’autres dévalent le relief en rivière. En fine brume ou en rage torrentielle, sous un voilage en diagonal ou à la verticale, le spectacle est sensationnel. Caressé par les rares rayons de soleil, le paysage prend soudainement vie dans un éclat d’arc en ciel et de couleurs. Lorsque notre capitaine coupe les moteurs, l’expérience est totale. Appelé le « Sound of Silence », nous vivons un silence profond répercuté le long des parois.

 

 

Publié dans extraits

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Coraline Buchet nous propose deux nouveaux extraits de son ouvrage "Une petite Belge en Aotearoa Nouvelle-Zélande"

Publié le par christine brunet /aloys

Alors que les autres s‘éloignent et que le calme fait place aux rires et au bruit, mes pensées s’apaisent. J’écoute le son de nos pas au même rythme et je trouve une symbiose à marcher avec Morgan. Mon esprit trouve la paix dont il a besoin pour que je me sente à ma place. Il n’y a aucune raison d’être rapide. Il y a tout un paysage à observer. J’aime être en montagne. Les paysages sont sensationnels et dramatiques, l’air y est frais, l’impression d’être à la maison me touche. Les paysages de montagne me rappellent mon enfance et ces étés heureux en famille, ils me connectent avec mon frère, créent cette bulle de confort qui nous réunit. L’impression d’une mouvance immobile m’ancre à l’intérieur de moi-même face à ces reliefs sans âge. Il me suffit d‘être entourée de sommets pour que mon cœur s’apaise, mon corps se détende et mon regard se mette à pétiller. Grâce à Morgan et au club, j’étends mes possibilités en montagne. Ma zone de confort s’élargit. Je découvre de nouveaux terrains.

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Pour profiter des derniers rayons du soleil, nous allons nous balader, pieds nus sur le sable. La lumière se reflète sur le sable mouillé dans un éclat doré qui se réverbère au large. Nous jouons aux silhouettes : ballerine, une jambe en l’air, en super-héros. L’effet est génial. Avec le minuteur en place, nous prenons la pose ensemble. « Ça a fonctionné tu crois ? ». Nous sommes en équilibre précaire, bras tendus l’une vers l’autre, jambe élevée. En vérifiant, j’éclate de rire. La photo s’est prise alors que je courais encore.

Publié dans extraits

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