Le randonneur, une nouvelle de Marie-Noëlle Fargier - 1ere partie

Publié le par christine brunet /aloys

Le randonneur, une nouvelle de Marie-Noëlle Fargier - 1ere partie

Le randonneur - 1ère partie

Qui n'a pas chaussé des baskets pour partir faire une randonnée sur nos chemins ?

Aujourd'hui nous avons tellement besoin d'air, de retrouver notre campagne pour évacuer ce qu'on appelle "le stress" et puis, en plus, c'est gratuit ! Ce besoin est d'ailleurs tellement fort que les "autorités" ont même décidé de nous aider à assouvir cette soif de marche et c'est ainsi que nous voyons nos chemins agrémentés de croix, de rectangles, de flèches, jaunes, rouges, blanches et rouges.. Toutes ces petites formes géométriques nous indiquent de continuer si nous sommes sur la bonne voie ou de "stopper"... Mais respecter ces indices nous oblige à rester sur nos gardes, tête en l'air car l'un d'entre eux peut être sur l'écorce d'un arbre ou tête baissée car il peut se dissimuler sur une pierre. Il suffit qu'un seul de ces indices vous échappe et là, c'est "la cata", vous êtes perdu ! Mais pour quelqu'un qui n'a aucun sens de l'orientation (comme moi), Je reconnais que ce périple peut-être une véritable croisière en suivant bien sûr à la lettre ce "protocole géométrique". Enfin... une croisière...j'exagère, l'effort est considérable et il n'y a pas de commandant de navire, alors comment ne pas douter certains moments sur la direction à prendre, en se posant la question fatale : n'ai-je pas raté un indice ? C'est ainsi, et pour avoir eu le même réflexe, que j'ai pu remarquer des gens, stoppés, comme à un feu rouge devant la croix de la même couleur, s'interrogeant entre eux, jusqu'à ce qu'un, plus initié, ou muni d'une carte, décide pour le groupe de franchir ou non cette croix qui ne leur est peut-être pas destinée...Le choix du chemin n'est pas toujours si facile qu'on pourrait le croire...

Vous devez vous dire "hou ! ça sent le vécu tout ça" eh bien oui, vous avez raison ! Mais pour ne pas vous laisser sur le bord de la route, je vais vous raconter.

C'était un après-midi d'été, après avoir déjeuné copieusement, la chaleur est telle qu'elle est plus un appel à la sieste qu'à un concours d'orientation spatiale avec pour navette deux jambes lourdes à faire avancer...Mais bon, je me dis que la fraîcheur des bois sera bienfaitrice, que ma circulation sanguine circulera mieux :), que mes mollets vont se raffermir et que mes yeux vont déguster toutes les merveilles de la nature.

Baskets, chapeau arc en ciel, sac à dos léger et me voilà partie ! (sans oublier l'eau indispensable, hé ! je commence à devenir une pro !). J'abandonne ma voiture, emprunte le chemin où seul le rectangle jaune apparaît, je marche, je marche, tranquille, remplis mes yeux et mon cœur en vidant ma tête. Tout va bien, pas de croix en vue, mais les bonnes choses ont toujours une fin...Cependant, les rêveurs comme moi ne s'en rendent compte qu'une fois devant l'obstacle, et c'est ainsi que perdue dans mes pensées, brutalement, une méchante croix rouge qui dessert un chemin herbeux (abrité par des arbres), m'arrête (je dois avouer que c'est le chemin herbeux qui m'a réveillée, sinon comme à mon habitude, je ne voyais pas la provocante couleur). Le rectangle jaune quant à lui, (mais était-ce réellement un rectangle ? car en regardant de plus près il ressemble plutôt à une croix...autrement dit un piège...)m' invite sur un chemin caillouteux sans une moindre trace d'ombre et mon front commence à dégouliner. Que choisir ? Je scrute chaque arbre pour retrouver mon bienveillant rectangle jaune bien net, mais rien, il n'est nulle part. J'attends un peu, me disant que la prochaine personne qui passe, je lui demande conseil. Et puis c'est plus facile sur les chemins car là, tout le monde se dit "bonjour", sans se connaître bien sûr. Il arrive même que les randonneurs qui vous croisent en position "stationnement", vous demandent si vous avez besoin d'aide (imaginez une telle situation en ville...). Je suis donc en position "stationnement", j'en profite pour boire une gorgée d'eau quand deux hommes arrivent mais apparemment ils ne font pas la randonnée ensemble. Facile à deviner, ils ne sont pas côte à côte et ont un style complètement différent. Souvent les gens d'un même groupe se ressemblent...Mais vous devez vous dire, comment peut-on avoir des styles différents pour faire de la randonnée ? Eh bien c'est possible, je m'explique. L'un deux est chaussé de gros godillots de montagne, un jogging, un imposant sac à dos, des lunettes de soleil, une casquette et il tient dans ses mains une carte. Je le soupçonne même d'avoir une boussole et des jumelles. L'autre en short long, baskets, un bob sur la tête et un sac à dos d'allure légère (enfin pas autant que le mien). Je me dis que je vais demander conseil à ce dernier mais le premier est déjà devant moi, je remarque son allure sportive. Il m'adresse un sourire et me gratifie d'un chaleureux "bonjour" et spontanément je lui demande :

- Bonjour ! Vous faîtes quelle randonnée ?

- Le chemin de la louve, me répond t-il poliment.

- C'est aussi ma randonnée mais j'hésite entre ces deux chemins, je n'arrive pas à discerner s'il s'agit d'un rectangle ou d'une croix ?

Comme je finis ma phrase, le deuxième homme arrive, s'arrête :

- Salut, vous êtes perdus ?

- Non, répond l'homme sportif, nous faisons le chemin de la louve et Madame, ne sait quel chemin prendre. J'étais en train de lui indiquer le bon, répond l'homme (que j'appellerai "Casquette") en indiquant le chemin caillouteux.

- Je fais le même ! mais j'emprunte le chemin herbeux, il est plus agréable dit l'autre (que j'appellerai "Bob" )

- Vous pouvez ! mais il est beaucoup plus long et risqué car il n' est pas signalisé, réplique Casquette en lisant sa carte avant de rajouter : et je vous assure, Madame, il s'agit bien du rectangle jaune, le temps a simplement modifié la peinture.

- Tant pis ! je prends le risque, il fait beaucoup trop chaud et puis si je me perds, je finirai bien par me retrouver et puis qui peut dire ce qui arrivera demain ? répond Bob en riant.

Et moi, je suis là, Casquette est sûr de lui et comme je réfléchis à quel chemin choisir, je remarque sur une petite colline une maison. Mais oui, bien sûr, j'ai déjà fait cette randonnée, pour m'en assurer, j'avance vers le chemin caillouteux et là spontanément, empruntant une voix chargée de ma plus belle assurance, j'annonce :

- J'ai déjà fait cette randonnée il y a quelques années ! et je me souviens parfaitement de ce chemin, il est très dur, pas un brin d'ombre, presque pas de végétation. D'ailleurs je m'étais promise de ne jamais la refaire tellement j'avais souffert ! lancé-je, persuadée de faire changer d'avis Casquette.

Les deux hommes me regardent, et je sens Casquette, indécis, et prêt à emprunter le chemin hospitalier mais au même moment un groupe qui ressemble étrangement à Casquette, nous rejoint. Ils font, eux aussi, la randonnée du "chemin de la louve" et soutiennent Casquette dans sa décision. Ensemble, ils partent donc sur le chemin de la croix ou rectangle jaune et j'ai un peu de remords de n'avoir pu convaincre Casquette, sachant ce qui l'attend.

Bob passe devant, d'une marche rapide et je le vois s'enfoncer sous les arbres. J'adopte mon rythme qui ferait sourire la gente sportive mais auquel je tiens, pour profiter de chaque arbre, chaque rocher, chaque fleur, chaque chant...Le parcours est magnifique et je ne suis pas encombrée par la quête des croix , rectangles....également rassurée, je l'avoue, de savoir Bob à quelques mètres (ou kilomètres) devant. Je profite de chaque instant. La marche, même si elle est longue, m'est tellement agréable. Je m'assois sur un rocher qui a l'air de m'attendre pour arrêter le temps et savourer longuement ce moment. J'aime profiter du présent surtout quand il s'invite de cette manière. Je me sens légère. Les arbres commencent à s'étirer, à s'espacer, le soleil me fait un clin d'oeil pour m'inviter à le rejoindre. Je décide de reprendre ma balade et comme je me relève, je remarque le magique rectangle jaune, dessiné sur le rocher. Je pense à ces pauvres malheureux qui n'ont pas pris le bon chemin ! J'arrive à une clairière où un ruisseau généreux semble me tendre les bras.

Et là, j'aperçois Bob qui nage sereinement. Sur la rive, quelle n'est pas ma surprise de remarquer Casquette, épuisé, avachi sur l'herbe, avec son petit groupe qui revêt la même apparence. Inquiète, je m'approche d'eux. Casquette me sourit, je regrette encore plus de n'avoir su être persuasive mais m'aurait-il crue ?

Publié dans Nouvelle

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I
Pour arriver au même but, nous n'empruntons pas tous le même chemin qu'i soit balisé ou non. Cette première partie me fait penser au chemin de la vie.... Cependant, restons dans cette histoire de randonnée et je suis impatiente de lire la suite.
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M
Merci Isabelle. Bien vu pour "le chemin de la vie". Espère que la suite te plaira également et surtout la fin :)
P
J'adore ce genre de randonnées, je serai plutôt style rêveur qui se perd souvent :-)<br /> Mais avec mon mari, c'est plus ordonné (carte etc..;)<br /> Hâte de connaître la suite ...
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M
Je suis vraiment curieuse de lire la suite !
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E
Aaaaaaaaah je ne regrette pas ma lecture ! Et me voici suivant la piste aux rectangles jaunes comme une pro avec Bob et notre promeneuse, mais nous voici un petit groupe soudain! J'attends la suite :)
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J
Marie-Noëlle, coucou, je n'ai vraiment pas le temps de faire long, ... et j'ai déjà lu cette nouvelle, lecteur devancé , privilégié que je suis. Hou houuuuuu ! T'ai donné mon avis. ta nouvelle reflète l'air du temps, et de certains randonneurs ... qui parfois énerffffff mes nerfssssss ! J'ai bien écrit " certains ", donc pas tous ! Bises à toi.
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M
Merci Jean-Louis. Tu as raison, les randonneurs ne sont pas tous les mêmes :)