"UNE CHÈVRE ET UN COCHON S'INSCRIVENT AU CHÔMAGE", un texte signé Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

UNE CHÈVRE ET UN COCHON S'INSCRIVENT AU CHÔMAGE

 

Il était une fois, Marinette une dompteuse à la retraite. Elle vivait dans une vieille fermette dont elle avait hérité de sa marraine. Les animaux qu'elle avait autrefois dressés l'avaient accompagnée dans son avant dernière demeure. Chacun sait que les intermittents du spectacle ne perçoivent qu'une bien maigre pension. Alors lorsque le toit de sa maisonnette dut être réparé, ce fut une catastrophe pour Marinette.

 

Marinette avait pour habitude de se confier à ses compagnons de misère deux vieux toutous, une chèvre et un cochon. Il lui semblait en effet que ceux-ci la comprenaient mieux que ses voisins et même que sa famille.

 

"Mes chéris, qu'allons-nous devenir ? Une seule bourrasque peut mettre en péril notre abri. Il me faudrait toucher au moins trois fois le montant de ma retraite actuelle pour envisager de faire réparer le toit et emprunter l'argent nécessaire à ce travail. Oh mes pauvres chéris quel hiver allons-nous donc passer ?"

 

Coco, le cochon, s'approcha d'elle, la fixa de son regard compatissant et doux. Marinette y lut les pensées de l'animal : "Et si Viviane et moi nous inscrivions au chômage ? Nous avons toujours été des employés modèles, nous avons une carrière complète, il me semble. Nous pourrions tenter le coup."

 

Viviane, la chèvre, avait sans doute lu aussi dans les pensées de Coco, car elle se mit à dodeliner de la tête. Marinette murmura : "Vous êtes peut-être mes sauveurs, mes chéris !" Tintin et Rob, les deux chiens, se regardèrent sans rien comprendre. Voilà que Marinette parlait seule à présent. Quelle pouvait être sa détresse pour en arriver là ? Tintin et Rob sautèrent sur les genoux de Marinette en agitant la queue et Marinette vit là un signe d'encouragement.

 

Marinette réfléchit une nuit, toute une nuit puis se mit à écrire deux attestations sur lesquelles elle précisait les états de service de Coco et Viviane. Puis le lendemain matin, elle prit avec eux la route de l'office royal de l'emploi. Elle rencontra un employé qui accepta sous le sceau du secret de valider les documents remis par Marinette. Il faut dire que Marinette avait bien défendu la cause de Coco et de Viviane.

 

C'est ainsi que Marinette put effectuer l'emprunt nécessaire au paiement de la réparation du toit, pourtant, n'ébruitez pas cette histoire de crainte de susciter d'autres demandes du même genre.et de voir l'équilibre budgétaire de notre royaume compromis à jamais. Imaginez ce qu'il adviendrait si tigres, lions, otaries, lapins,… faisaient la même démarche ! Tout cela est vrai de chez vrai. Tout est vrai parce que je l'ai inventé disait l'écrivain Borges.

 

 

 

Micheline Boland

Publié dans Nouvelle

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M
J'ai beaucoup aimé, c'est plein de tendresse et de drôlerie !
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M
Merci Brigitte et Edmée.
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E
Oh je me suis amusée, et l'idée est géniale, pourrait même marcher, quand on voit les gens décédés qui touchent encore une pension, ou ceux qui à 80 ans sont rappelés à l'ordre parce qu'ils ne sont pas inscrits à l'école du village. Et c'est vrai même si je ne l'ai inventé :)
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B
Petite histoire bien drôle qui me rappelle un peu les fables d'autrefois étudiées à l'école.Drôle et attendrissant...
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