Concours "Les petits papiers de Chloé" : texte 6

Publié le par christine brunet /aloys

« La vengeance est un plat qui se mange froid »

Jour de la Saint Valentin, deux jeunes hommes, Pierre et John, sont attablés dans un grand restaurant parisien étoilé. La nuit vient de tomber, les bougies ont été allumées sur leur petite table ronde. La commande est déjà passée ; ils sont en grande conversation quand un serveur apporte un vin millésimé…

Précisons que, la veille encore, ils s’étaient disputés pour une histoire de factures. Il est à savoir que Pierre, venant d’un milieu simple, s’était hissé au poste de directeur de publicité dans une firme importante de la capitale tandis que John, un danseur d’origine anglaise, végétait dans une boutique de luxe ce qui ne l’empêchait pas, depuis trois ans au moins, de dépenser sans compter l’argent de son compagnon de vie…

Pierre : Trinquons à… à la paix entre nous, John ! Humm, le vin est à bonne température. Et dire que la vengeance est un plat qui se mange froid, nous dit l’adage populaire.

John : J’aime le vin mais je n’aime pas le populaire.

Pierre : Alors, tu ne m’aimes pas.

John : Qu’est-ce à dire ? Il faudra un peu plus que des mots pour ne plus t’aimer.

Pierre : Et que te faudrait-il donc ?

John : Que tu te venges de moi ?

Pierre : Et pourquoi le ferais-je ?

Arrive le plat de résistance. Une fois servi, John réagit :

John : Parce que je t’ai trompé.

Pierre : Tiens, tiens. Tu es en train de me dire que si je me venge tu ne m’aimeras plus, et à côté de cela tu me demandes de me venger de toi, mais tu as trop bu ? De toute façon, je ne te crois pas.

John : Tu as tort car je suis très sérieux.

Pierre : Et si je n’ai pas envie de te croire.

John : C’est ton problème, mais le fait est là.

Pierre : Peux-tu m’en dire plus ?

John : C’est simple, la semaine dernière lorsque le pépiniériste est venu nous livrer les deux arbres pour notre terrasse j’ai cru bon de lui offrir une ou deux bières. Nous nous sommes assis dans le canapé pour les déguster et avons discuté longtemps… de fil en aiguille, il m’a paru de plus en plus séduisant ; croyant comprendre que je lui plaisais aussi il m’a attrapé la main, l’a baisée et je me suis laissé faire.

Pierre : Pfff ! Pour un peu tu serais une victime. Essaie plutôt d’être convaincant, je doute encore.
John : J’étais consentant malgré avoir bu trois bières d’un coup. Bref, on a fini par s’enlacer, et tu devines la suite…

Pierre : Tu sais bien que je n’ai aucune imagination.

A présent, les deux hommes tout gais se sourient pendant que les autres mets défilent.

John : Tu le fais exprès, Pierre ? Dois-je te dire que nous avons fini par aller dans la chambre à coucher ? Eh oui, c’est là où nous nous sommes accouplés.

Pierre : Ah ah , tu dis accouplés ; n’est-ce pas un peu désuet, voire précieux, de présenter les choses ainsi ? Dis, j’espère qu’il ne t’a pas mis enceint(e). Ah, ahahhh…

John : Pierre, je ne te permets pas de te moquer.

Pierre : Holà, tu ne veux pas que je me moque mais tu me demandes de me venger, et pire encore.

John : Pourquoi ne prends-tu rien au sérieux, pas même moi ?

Pierre : Pour ne pas être déçu, pardi !

John : Moi, je t’aime, je t’aime. Dis-moi, et toi tu m’aimes ?

Pierre qui mangeait les mots de son ami se garde bien de répondre. Inquiet mais non confus, John redemande avec un accent anglais délicieux :

John: Tu m’aimes, dis ?

Pierre : Après ce que tu viens de m’avouer tu voudrais que je t’aime encore plus.

John : Un peu, oui, car la preuve d’amour je viens de te la donner en te racontant mon infidélité et surtout en étant ici ce soir avec toi.

Pierre : Il est vrai que tu aurais pu décommander… quoique tu es si gourmand, et c’est moi qui t’invite. Bon, bon, admettons que je te crois.

John : Donc, il n’y a plus de problème.

Pierre : Oui et non ! A tout considérer, mon problème est comment vais-je me venger puisque tu m’y obliges ?

John : Attends que nos plats refroidissent.

Pierre : Très drôle !

Le dessert fut exceptionnel, les deux complices se lèchent encore les babines…

John : Merci de m’avoir régalé, Pierre, tu es un amour.

Pierre : Comme toujours.

Vint l’heure de l’addition, laquelle arrive sur un plateau d’argent. John montre du doigt la note, ce qui fait dire à Pierre sur un ton sec :

Pierre : Attends ! Hors de question que je paie, je te laisse cet honneur.

John : Oups ! Mais tu as vu tous les chiffres qu’il y a sur la note, c’est beaucoup trop cher pour ma bourse, tu sais bien que je suis toujours à découvert.

Pierre : Holà, très cher, c’est ton problème. Et puis, tu voulais que je me venge, voilà c’est fait !

John : Je t’ai menti tout à l’heure, je ne t’ai pas trompé avec le pépiniériste….

Pierre : Blablabla, je ne te crois toujours pas. Maintenant je te laisse, on se retrouve à l’appartement. N’oublie pas le pourboire et sois généreux ! Ah ah, je me demande bien quelle sera ta vengeance, sera-t-elle froide, sera-t-elle tiède ? Bye bye, moi, je t’aime bien quand même !

La vengeance serait-elle un plat qui se mange vraiment ?

Publié dans concours

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Que de circonlocutions pour en arriver à une conclusion coulant de soi !<br /> <br /> Pas mal comme entourloupette ! ...<br /> <br /> Une histoire amoureuse bien alambiquée à la vengeance prévisible......
Répondre
G
Un peu compliqué, de fait, comme histoire d'amour :)... J'adore pas la forme" dialogue" mais la vengeance est bien!
Répondre
M
Vengeance assez particulière. Je crois deviner qui a écrit cette nouvelle.
Répondre
E
La vengeance est bonne mais l'histoire d'amour très compliquée :)
Répondre
J
Caustique ... culinaire ... comptable ... comptes à régler ... échange de procédés sournois ... faux semblants, faux vrais ou vrais faux ... retournements ... du pain sur la planche pour ces deux tourtereaux !
Répondre