CORRESPONDANCES... Une nouvelle D'ALAIN MAGEROTTE

Publié le par aloys.over-blog.com

AlainCORRESPONDANCES

 

Docteur Lamalle,

Imaginez la mortification qui m’étreignit, lorsqu’en fouillant dans le sac de mon épouse, je fis la désagréable découverte de votre existence. Ainsi donc, Monsieur couche avec ma femme ! Je ne sais pas ce qui me retient de vous casser la gueule... ma bonne éducation, peut-être ?

Je vous somme, dès à présent, de mettre un terme à cette honteuse relation périlleuse pour elle et pour vous.

Je ne plaisante pas, Monsieur. A vous lire.

Avec le courroux d’un homme humilié.                        Simon Point.


 

Monsieur Point,

Votre lettre a retenu toute mon attention et je suis marri de ce qui m’arrive. J’ignorais qu’une de mes élues pût se satisfaire d’un cuistre de votre espèce. Qui plus est, un malotru qui fait les sacs des dames. Ceci dit, par souci d’honnêteté, je vous demanderai quelques précisions au sujet de votre moitié. Son nom... une particularité physique par exemple...

Courant plusieurs lièvres à la fois, sollicité de toutes parts, mon carnet d’adresses est chargé à l’excès. Dès lors, imaginez ma perplexité devant la rusticité de votre interpellation au demeurant fort légitime. Je ne voudrais en aucun cas être victime d’un quiproquo…

Bien intrigué.                                                               Grégoire Lamalle.

P.S. : Une réponse rapide est souhaitable.

 

 

 

 

Docteur Lamalle,

Votre cynisme n’a d’égal que vos turpitudes. De plus, vous essayez de gagner du temps. Or, ce temps vous est désormais minutieusement compté. Faites votre profit de ce qu’il vous en reste.

Bien résolument.                                                           Simon Point.


 

Monsieur Point,

Profiter du bon temps correspond, en effet, à ma conception de la vie. Vous admettrez, cher coopérant, que je me suis passé de votre autorisation jusqu’à présent. Et puisque vous vous entêtez à ne pas répondre à ma requête, je pense que nous n’avons plus rien à nous dire.

Brisons là, Monsieur.                                                    Grégoire Lamalle.


 

Docteur Lamalle,

Tout doux, l’ami ! Pas question de se faire... la malle ! Bon, puisque Monsieur joue les amnésiques, voici les renseignements souhaités : Amélie Duroc, épouse Point, un grain de beauté sur la fesse gauche, la mamelle exigeante et le reste en feu. Vous y êtes, maintenant ?

Très précisément.                                                 Simon Point.


 

Monsieur Point,

Parfait ! Je ne fais, évidemment, pas allusion à ce jeu de mots, concernant mon patronyme, usé jusqu’à la corde. En ce qui concerne Madame votre épouse, je puis vous affirmer qu’elle est en souffrance comme un colis; elle représente, pour moi, un pis-aller, un bouche-trou, pas davantage. Elle s’est toquée de ma personne sans que je l’y encourageasse. Elle n’entre pas dans la galerie de mes fantasmes. Au risque de vous plaire, sachez donc que je ne la compte pas parmi mes amantes. Vous m’obligeriez, d’ailleurs, en la dissuadant du moindre espoir de partager ma couche.

Bienveillamment.                                                Grégoire Lamalle.


 

Docteur Lamalle,

Dois-je interpréter vos dires comme un signe d’apaisement ou comme un manque d’estime ? Jugeriez-vous ma femme peu digne de compter parmi les favorites de votre sérail ? Mais pour qui vous prenez-vous pour lui refuser vos faveurs ? Va donc, eh... Casanova de pipelettes !

Très ulcéré.                                                          Simon Point.


 

Monsieur Point,

Désolé d’attenter de pareille façon à votre honneur et d’insister aussi lourdement, mais je vous le confirme haut et fort : votre dame est exclue de mes conquêtes. Ceci dit, puisque vous persistez à patauger dans l’absurde et que l’état de cocu vous comble et vous honore, l’on peut aisément vous en favoriser l’accès.

Et voilà que, tout à trac, le nom d’un très cher ami me vient à l’esprit. Il est grand amateur de femmes au foyer, passé maître en l’art de mijoter des flambées enchanteresses.

Bien documenté.                                                           Grégoire Lamalle.

 

 

Docteur Lamalle,

Je pense que vous faites partie de cette race de personnages veules et lâches fuyant leurs responsabilités. Un faquin pour tout dire. Réflexion faite, je me réjouis que mon épouse n’ait pu vous séduire; dans quel abîme de stupre se fut-elle enfoncée. Vous commettriez le pire pour vous débiner.

Bien méprisant.                                                            Simon Point.


 

Monsieur Point,

Vous me prêtez là de viles intentions incompatibles avec le gentleman que je me suis toujours efforcé d’être. Je me sens blessé au plus profond de mon ego. Puisque vous le prenez sur ce ton, je pense qu’il vaut mieux couper court à nos échanges épistolaires. Je ne suis pas ravi d’avoir fait votre connaissance ni de devoir subir les assauts de votre dissipée moitié.

Avec hauteur.                                                               Grégoire Lamalle.


 

Docteur Lamalle,

Vous me la baillez belle, Monsieur le jouisseur, c’est un peu trop facile de tirer ainsi sa révérence. Maintenant que je vous tiens, je ne vous lâcherai pas tant qu’une solution, satisfaisant tout le monde, n’aura été trouvée.

A propos, pour en revenir à votre ami, est-il bien tel que vous le dépeignez ? N’est-ce pas un maître chanteur intéressé à faire bouillir sa marmite ? Ne va-t-il pas lui mener la vie dure ? La faire souffrir à petit feu ?

Légitimement inquiet.                                                   Simon Point.


 

Monsieur Point,

Je m’en porte garant. Il faut que vous sachiez, Monsieur, que je n’ai pas l’habitude de m’acoquiner avec le tout-venant. L’ami en question est un homme élégant, charmant, d’une galanterie à toute épreuve. Cela ne doit guère vous émouvoir ou représenter grand chose à vos yeux. Je suis certain qu’il pourra se montrer à la hauteur de l’attente de votre incandescente épouse.

En toute conviction.                                                     Grégoire Lamalle.

 

 

Docteur Lamalle,

Je m’enthousiasme peut-être à tort, mais je suis persuadé que nous venons de trouver un terrain d’entente. Donnez-moi les coordonnées de votre ami afin que je puisse le contacter. Si un accord commun s’établit, je vous prierai d’oublier tout ce que j’ai écrit. Je saurai aussi comment vous marquer ma gratitude.

En obligeant compère.                                                   Simon Point.


 

Monsieur Point...

... nécessaire d’aller si vite en besogne. Sacrebleu, voilà que, presque à mon insu, je m’abandonne à une plaisanterie puérile ! Où en étais-je... ah oui, pour votre gouverne, apprenez, Monsieur, que je n’ai pas l’habitude de jeter en pâture l’adresse de mes amis sans, au préalable, les avoir avertis. Permettez d’abord que je le prévienne de vos désirs et de ceux de votre épouse qu’il ne vous est guère possible, je pense, de vous hisser au niveau de son impérieux besoin d’infini.

Avec circonspection et compréhension.                          Grégoire Lamalle.


 

Docteur Lamalle,

Bravo, vous m’avez compris; j’en suis transporté d’aise. Monsieur, je me déjuge. Alors, marché conclu. Comment donc pourrais-je vous remercier de votre assistance éclairée ? Dites-moi ce que je vous dois, je reste votre obligé.

Avec toute ma gratitude.                                               Simon Point.

 

 

Monsieur Point,

Vous ne me devez rien. En qualité de psychologue, je me contenterai de la satisfaction, qui vaut tous les honoraires, d’avoir pu donner à votre problème, une solution rapide qui soulagera toutes les parties, si je puis m’exprimer dans votre jargon. En guise de reconnaissance, je vous prierai d’effacer toutes traces de notre correspondance. Je m’engage sur l’heure à contacter mon ami.

Avec condescendance. Adieu Monsieur.              Grégoire Lamalle.


 

Docteur Lamalle,

Je vous le promets : tout disparaîtra en fumée. Merci encore d’avoir pu extraire de mon esprit une bien cruelle tracasserie.

Bien chaleureusement.                                                  Simon Point.

 

 

Monsieur Henri Désiré Landru,

à Gambais.

Cher ami,

Il me tarde de vous mettre en relation avec une charmante jeune femme qui brûle d’un ardent désir de faire votre connaissance et de se consumer d’amour pour vous.

Avec la flamme de l’amitié.       

 

 

Alain MAGEROTTE

                                          Grégoire Lamalle.

Publié dans Nouvelle

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C
<br /> <br /> Absolument excellent! J'en ris encore! Bravo, bravo! Encore...<br /> <br /> <br /> PS: le tac-au-tac de Marcel Baraffe est parfait... Je partage l'enthousiasme d'Edmée...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Mille fois merci à Madame Edmée. Je remercie également Monsieur Marcel et ne manquerai point de soumettre sa noble requête à l'attention toute particulière de l'éminent Docteur Lamalle <br /> <br /> <br /> Votre dévoué<br /> <br /> <br /> Alain Magerotte<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Que dire? Bravo, mille fois bravo. Je me suis délectée. Ça a du style, un humour sans gros sabots, et on ne peut se détourner de ces lettres! Cet extrait donne certainement envie de lire le<br /> livre!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Marcel Baraffe, votre commentaire est succulent!<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Docteur Lamalle,<br /> <br /> <br /> J'ai trouvé votre adresse dans les Pages Jaunes (ne voyez ici aucune allusion aux déboires conjugaux de Monsieur Simon Point.) Vous avez, fidèle à un sentiment confraternel qui vous honore,<br /> recommandé un certain Docteur Landru. C'est, à n'en pas douter, un choix excellent qui vous honore. Il faut craindre, cependant que le cas de Madame Point ne soit pas isolé ; loin s'en faut.<br /> Aussi, et je vous demanderai de ne voir dans ma requête qu'un désir de soulager les tâches de votre confrère, je vous suggère de recommander à vos patientes un séjour dans ma demeure. Elles y<br /> trouveront le calme et le repos susceptibles de leur rendre définitivement un équilibre des sens qui semble leur faire défaut. Une visite de mon site www.chateaudebarbebleue.net vous convaincra.<br /> <br /> <br /> Très cordialement.<br /> <br /> <br /> PS Présentez mes amitiés à Monsieur Magerotte, votre secrétaire certainement, qui a eu la bonne idée de rendre publique votre correspondance et dont les qualités épistolaires<br /> sont indéniables.              B.B. <br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Très sympas les deux appréciations. Merci<br /> <br /> <br /> Courteline, A. Christie, S. Guitry, je suis en bonne compagnie... pas sûr qu'eux soient en bonne compagnie... tant pis pour eux et tant mieux pour moi... <br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Entre Courteline, Agatha Christie et Sacha Guitry : Alain Magerotte. Polarisée sur l'autopsie des caractères masculins, je n'ai pas vu venir Henri Désiré ! La technique (et le reste) est pour le<br /> moins subtile...sacrément maitrisée. L'effet est garanti ! Bravo.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Dès les premières missives, l'ombre de Landru a plané dans mon imagination. Bonne idée de nous faire revivre avec des mots de<br /> l'époque un moment de suspens ! C'est bizarre mais on ne connaît pas dans l'histoire une femme ayant tué autant d'hommes que ce LAndru a tué de femmes ...Ou bien alors la belle sévirait - elle<br /> toujours incognito ....<br /> <br /> <br /> <br />
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