TEXTE 2 concours "ma première dédicace"
Première fois
5h30 du matin, un vendredi. Je n'ai pas réussi à dormir, trop de stress. Je suis remontée comme un coucou.
Dans quelques heures à peine, quatre pour être précise, je dois être à pied d’œuvre à la librairie d'un Auchan dans le sud de la région parisienne. J'ai sorti mon bouquin à peine un mois auparavant. J'en suis fière, c'est certain, mais mon nom est loin de faire les têtes d'affiche... D'ailleurs, à part mes amis et ce responsable de rayon, qui sait qu'il est désormais dans les bacs? Personne, c'est une évidence.
J'ai été invitée par l'entremise de mon éditeur. Mais je dois avouer que je ne connais pas les lieux : je n'y ai jamais mis les pieds. Lorsque j'ai reçu l'appel du libraire, j'ai accepté immédiatement sans regarder la carte... Devant un petit déjeuner que j'ai bien du mal à avaler, je regarde ma montre et me décide enfin à prendre la voiture. Il est 6h45... Un rapide calcul : le GPS annonce une heure de trajet, ça fait 7h45, on va dire 8h00. Je serai à l'heure.
L'ordinateur me guide : je traverse la ville peu encombrée encore et je passe sur l'autoroute. Tout va bien. Il pleut, je ne connais pas le chemin : je roule un œil sur l'écran du "Tom-tom", un œil sur la route et sur le compteur de vitesse parce qu'il paraît que le trajet est truffé de radars. L'autoroute du soleil... La voix féminine de l'appareil me demande de prendre la bretelle, à droite... J'obéis... Bouchon.
Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale... Mon cœur bondit tandis qu'un petit point rouge s'affiche sur l'écran de mon guide : retard, 30 mn ! La voiture devant moi ne bouge pas d'un iota et je découvre, affolée, un flot ininterrompu de véhicules qui semblent stationnés là pour la journée.
Que faire ? Ma seule chance, contourner le bouchon. A la prochaine sortie, je tente le coup même si je n'ai aucun sens de l'orientation ! Pas le choix ! 1/4 d'heure plus tard, je m'extrais enfin du trafic, la gorge douloureuse tant je suis angoissée. Mais le GPS n'est pas de cet avis : il me demande de faire demi-tour alors que je dois rouler... Et je roule, paniquée, en constatant que désormais, l'heure d'arrivée affichée dans le coin à droite est 9h33 !
Derrière moi, devant moi, des voitures agglutinées et la voix agaçante qui répète sans se lasser un "Faites demi-tour dès que possible !" qui me donne envie de hurler. Essayez de faire demi-tour sur une autoroute, vous ! Les kilomètres filent, pas de sortie... Je dois prévenir le libraire d'autant que la personne qui m'a obtenu la dédicace m'attend également. Le numéro de téléphone ? Aucune idée ! Tentez de consulter les pages jaunes en roulant, la panique au ventre : impossible, je vous le garantis ! Tant pis, je continue à rouler, butée, mâchoire contractée.
9h45 : je me gare enfin sur le parking de l'hyper plein à craquer. J'ai les jambes en coton et les mains moites. Que doivent penser les deux hommes qui m'attendent ? Je montre mon sac à l'entrée en bredouillant un truc inintelligible au vigile qui me regarde de travers, je lève la tête et... je découvre une affiche grandeur nature avec ma tête, la première de couverture de mon bouquin en plein milieu de l'allée centrale. Sur le côté, une table avec quelques exemplaires mais derrière, un présentoir surchargé de piles de livres…mes livres ! Il y en a une montagne ! Devant, deux hommes discutent puis se tournent vers moi en croisant les bras, le regard sévère... Je suis foutue... Je n'ai plus qu'une envie, fuir !
À ma mine déconfite, ils se mettent à rire. J'ai droit, à chaud, à une photo pour immortaliser l’instant et je m'assois la gorge sèche : qu'est-ce qui lui a pris d'en commander autant ? Si j'en dédicace 1 ou 2... Et le libraire qui me dit, pince sans rire, que j'ai intérêt à tout vendre ! C'est un cauchemar... Je vais me réveiller... Sûrement...
Ils s'éclipsent. Je prends un stylo et je me lève à la recherche désespérée du premier lecteur qui aura pitié de moi...