Texte n°3 - concours sur le thème du cauchemar pour la revue "Les petits papiers de Chloé"
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Prémonition ?
Chaque nuit, le même rêve : je cherche des escarpins en cuir vernis noir et une femme vêtue d'un ensemble à pois marine et blancs, me suit en ne cessant de répéter : "Si l'on cherche trop, l'on ne trouve pas". Jamais, je n'arrive à remettre la main sur les escarpins. Je me réveille en sueur, la respiration courte comme si j'avais réellement couru dans toute la ville et visité tous les recoins de la maison. Mais un rêve est un rêve. Une douche et un bon café suffisent à me rendre entrain et énergie.
Ce jour-là, une équipe d'inspection se présente au centre de guidance où j'occupe la fonction de psychologue. Un coup d'œil aux agendas de tous les membres de l'équipe et les deux cerbères de service décident que le dossier de Martial Denortin sera épluché ! Martial Denortin, un enfant de treize ans qui vit seul avec sa mère. Un gamin dépressif dont je m'occupe depuis de longs mois.
Pour discuter du dossier, il faut bien sûr l'avoir devant soi ! Je le cherche donc mais ne le trouve ni dans mon bureau ni dans celui de Claudia l'assistante sociale qui rencontre la mère une fois par trimestre ni dans le grand classeur du service. La panique me gagne. Je ne sais plus où donner de la tête. Je fais trois pas, je rebrousse chemin. Où aller ? Que faire ?
Je décide de jeter rapidement un coup d'œil sur les bureaux de collègues, puis je téléphone à ceux qui sont occupés avec des clients pour leur demander s'ils n'ont pas vu mon dossier… Chaque tentative infructueuse est un pas de plus vers l'angoisse. Mon cœur bat la chamade. Perdue, je suis perdue ! Au diable les bons conseils de rangement et d'ordre que je prodigue aux autres. Mon corps prend le dessus sur ma raison. Les larmes me montent aux yeux.
Le temps passe à la vitesse d'une formule 1 ! Virginie, notre secrétaire, apporte une deuxième cafetière dans le bureau du chef. Enfin, une bonne idée me vient et je file au secrétariat. Hélas le dossier y est tout aussi introuvable qu'ailleurs !
Comme je sors du bureau, une femme portant une robe à pois marine et blancs me bouscule. Je pense qu'il s'agit d'une cliente impatiente. Mais non, apparemment la femme est au courant de mon problème, mon très gros problème. Elle me dit : "S'il l'on cherche trop, l'on ne trouve pas." Comment ne pas penser à ce rêve qui hante mes nuits et me semble devenu prémonitoire ?
Les joues en feu, je rejoins enfin le bureau du chef. De guerre lasse, les deux cerbères se rabattent sur un autre de mes dossiers non sans m'avoir menacé : "On avisera de votre cas plus tard. Assez perdu de temps."
Les nuits suivantes, dans mon sommeil, je continue à chercher ces fichues chaussures… Rêve après rêve, une femme portant un vêtement à pois marine et blancs me met en garde avec la petite phrase que je ne connais que trop bien.
Deux semaines plus tard, Martial me ramène fièrement le dossier qu'il avait subtilisé pour en connaître les supposés secrets ! Évidemment, il a été déçu et regrette son geste ! En attendant, je suis la seule responsable !
Je viens de recevoir un avertissement du conseil d'administration du centre pour négligence grave ! Depuis peu, mon rêve a changé : chaque nuit, la femme avec sa robe à pois brandit le dossier avant d'y mettre le feu et chaque matin, je me réveille en sueur et le souffle court.