Le blog de Denis Billamboz "Mes impressions de lecture" a chroniqué "Silencieux tumultes", le dernier roman d'Edmée de Xhavée

Publié le par christine brunet /aloys

Silencieux tumultes – Edmée de Xhavée

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Edmée de Xhavée nous a habitués depuis son entrée en écriture à nous faire lire ses histoires de couples mal assortis, de couples sans amour, de couples formés pour une circonstance bien précise ou, plus souvent, à des fins patrimoniales ou d’affaires à faire fructifier. Dans ce roman, elle reprend ce thème qui lui est si cher et qu’elle maitrise à la perfection. Avec son écriture intimiste et, à la fois, chirurgicale, elle dissèque des couples formés par les parents plus souvent que par le hasard des sentiments. Elle sonde les cœurs, dissèque les tripes, étudie les méandres des cabales domestiques élaborées dans les circonvolutions des cervelles de matrones ambitieuses ou plus souvent frustrées et bafouées. Elle sait aussi décortiquer les montages les plus sophistiqués élaborés par les pères pour développer leurs affaires en utilisant leurs héritiers comme ils utilisent leurs machines et leurs employés dans leurs ateliers.

Elle a ainsi construit une intrigue qui court sur au moins cinq ou six générations, une intrigue qui pourrait servir de trame à une belle série télévisée, il suffirait d’en écrire le scénario pour lui donner un peu plus d’épaisseur et l’émotion nécessaire pour attirer les amoureux de ce genre d’émissions. Cette intrigue m’a un peu fait penser à ces auteures britanniques un brin perfides, souvent féroces et cruelles dans leurs écrits qui n’hésitent pas ouvrir les placards secrets pour sortir les cadavres poussiéreux et bien embarrassants ou à soulever les tapis pour dévoiler des grosses poussières révélatrices de secrets tus souvent depuis longtemps.

Ainsi, Edmée, qu’on dirait cousine d’Anita Brookner, Barbara Pym, Iris Murdoch et d’autres femmes encore de cette grande famille d’auteures britanniques aussi perfides qu’Albion, a construit une saga familiale autour d’une maison. Les personnages de son histoire sont ceux qui ont occupé cette demeure acquise par l’ancêtre quand il a connu le succès dans son entreprise industrielle. La maison se lègue de père en mère, de mère en fille, de fils en fille, etc… au gré des aléas des unions, des désunions, des naissances et des rencontres. La maison devient ainsi le pivot de l’histoire, elle incarne la famille, c’est son histoire que l’auteure raconte. « Une maison, c’est un écrin de rêves d’amour et d’avenir …. C’est aussi le témoin discret de ce qui explose ou couve entre ses murs, le seul qui connaisse le labyrinthe émotionnel de ses habitants. C’est le temple de l’âme de la famille ».

L’histoire de la maison se conjugue avec celle de la maisonnée qui est construite sur un ensemble de secrets, de mensonges, d’arrangements plus ou moins amiables entre l’état civil et la réalité génétique et, bien évidemment de drames plus ou moins violents quand ces secrets et autres mystères crèvent la carapace qui les protègent. « Au fond c’est ça aussi la famille : un tissu de gènes, de recettes, d’histoires, de traditions, drames et triomphes… ». L’auteure essaie de nous faire comprendre qu’une maisonnée, une tribu, une famille ne se construit pas sur des sentiments parce que l’amour s’est trop rarement pour toujours et que l’affection, les habitudes, les us et les coutumes sont souvent bien plus ancrés dans la maison avec ceux qui y vivent.

Dès les premières pages de ce roman, l’auteure fait poser une question essentielle à la suite de la saga qu’elle met en scène, et à la démonstration qu’elle conduit, par la première fille de la famille née dans cette nouvelle demeure, à sa mère : « Etiez-vous amoureuse de Père quand vous vous êtes mariée, Mère ? » La mère n’élude pas la question et répond bien franchement qu’il n’était pas question d’amour mais de fonder une famille. « Elle et père avait écouté les arguments du goût et de la raison conjugués ». C’est l’une des faces de la bourgeoisie industrielle qui s’est construite au XIX° siècle pour ne s’éteindre progressivement qu’après la dernière guerre mondiale, l’histoire d’une classe sociale qui, pour accroitre ses intérêts et son pouvoir, devait absolument sauver les apparences quelque soit la situation quitte à garnir les placards et les malles de cadavres bien encombrants et à glisser des secrets tout aussi ennuyeux sous les tapis et dans les greniers de la maison qui, elle, finit toujours par rendre un jour ce qu’on lui a confié. Une belle saga un peu british certes mais qui ne peut dissimuler des relents de tragédie bien classique.

Chloé des lys

Publié dans avis de blogs

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S
Très bel article de Denis Billamboz qui permet au lecteur de pénétrer dans l'univers de notre talentueuse amie Edmée De Xhavée!
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C
Ah une note de lecture de Denis Billamboz, c'est toujours fouillé et authentique. Déjà le titre du livre "Silencieux tumultes"...On imagine de ces remous ...
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P
Un billet qui donne envie d'en savoir plus...<br /> Je n'ai pas encore lu celui-ci... Ça viendra.
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P
Un beau souvenir de lecture ! <br /> Les images se superposent et le lecteur se dit qu'on doit être heureux dans un si beau décor... Mais ce n'est qu'un décor !!!
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J
Critique juste, fouillée, qui dit tellement bien Edmée, l'un de ses mondes qu'elle dépeint sous sa plume singulière que j'aime tant, remarquable (comme dit Jean-François) : la critique est à la hauteur du talent d'Edmée. Bravo, merci et reconnaissance pour ce tout.
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M
Superbe note de lecture !
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J
Je n'ai pas encore lu ce livre de notre amie Edmée, mais la remarquable critique qui en est faite ici me fait comprendre qu'il est de la même veine que ses ouvrages précédents, que j'ai tous adorés.
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