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Séverine Baaziz nous propose un extrait de son roman, "La petite fille aux yeux d'or"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Un simple mot sur la table de la cuisine disant que je m’en allais faire du vélo, un jus d’orange bu tout rond, un croissant englouti entier, et j’ai filé plus vite que mon ombre à bord de mon vélo à panier. Le plus chouette, je trouve, quand on grandit, c’est que la liberté grandit avec nous.

Maintenant que j’avais onze ans, j’avais l’autorisation d’aller jusqu’à l’extrême limite du village. Pile devant le panneau. Pile au niveau du grand champ de lavande. Et j’adorais la lavande ! On pourrait croire que c’était pour l’odeur, mais non, pas du tout. J’aimais la lavande parce que les papillons en raffolaient. D’où ma robe du jour.

Je me suis allongée dos au sol, j’ai respiré à fond les narines, j’ai raconté tout un tas de trucs à ma mère, des machins hyper intéressants et des bidules sans importance, puis j’ai attendu que les papillons se posent sur moi, déroulent leurs trompes et m’aspirent comme si j’étais une vraie fleur. J’aurais pu passer des heures à les admirer, les papillons, leurs ailes pleines d’écailles invisibles, sauf pour moi. Des fois je plisse très fort les paupières pour m’amuser à les compter, mais ils ne restent jamais assez longtemps pour me laisser finir.

Et là, pour la première fois, j’ai découvert un de leurs secrets. Totalement incroyable ! Les petits butineurs offraient un peu de leurs couleurs. Celles de leurs ailes. Oui, je vous jure ! En fait, à y regarder vraiment bien, j’ai compris un truc complètement fou : les papillons déposaient des gouttes microscopiques et colorées sur les fleurs, un peu comme le soleil nous recharge en vitamine D. Vrai de vrai !

J’en étais là de mes explorations du jour quand une voix m’a fait sursauter.

—    Bonjour Fleur !

De peur, tous les papillons sur ma robe se sont envolés.

Moi, sur le coup, j’ai pas vraiment eu peur, surtout que je pensais que c’était la voix d’Hagrid, mais j’ai jamais eu l’oreille très fine.

C’est quand je me suis retournée que mon cœur, franchement, a failli tomber en panne. Non seulement c’était pas Hagrid, mais l’inconnu qui connaissait mon prénom n’était pas seul. Ils étaient trois.

 

Séverine BAAZIZ

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Joe Valeska nous propose Erzsébet (part. 2), un extrait de "Contes épouvantables et Fables fantastiques 1"

Publié le par christine brunet /aloys

Erzsébet, redevenue la petite fille qu’elle était l’espace d’une poignée de secondes, se mit à tournoyer au milieu des lapins et des écureuils, des hiboux et des faisans, des cervidés… Comme si, de nouveau, elle était heureuse.

Elle voulut ensuite pénétrer dans la maisonnette, mais la porte était fermée à clé. Alors, elle cogna. Trois petits coups. Des bruits de pas frottant sur le plancher se firent rapidement entendre. Une vieille femme au teint grisâtre, toute courbée, vint ouvrir et lui demanda d’une voix chevrotante si elle pouvait faire quelque chose pour l’aider.

– Je le crois, répondit Erzsébet, recouvrant ses esprits. Vous pouvez m’aider, j’en suis certaine.

D’un geste adroit et prompt – excessivement contrariée, il faut le souligner, par la présence d’une étrangère dans ce qu’elle considérait toujours comme sa maison –, elle brisa la nuque de la pauvre vieille qui s’écroula lourdement à ses pieds, les yeux écarquillés.

Les animaux prirent la fuite.

La meurtrière se concentra alors sur l’image de la grand-mère et prit son apparence. Ensuite, elle la souleva par les chevilles et traîna son cadavre pour le cacher sous le lit, dans la chambrette.

Il ne lui restait plus qu’à attendre le retour de cette perle d’innocence dont lui avait parlé son beau miroir magique. Elle n’attendit pas bien longtemps. Au bout d’une heure, une voix toute guillerette, en provenance de la forêt, vint tintinnabuler jusque dans ses oreilles. Elle sourit.

– C’est moi, grand-mère ! s’écria l’enfant en poussant la porte entrouverte. Je suis rentrée ! Grand-mère ? Où es-tu ?

– Dans la chambre, ma chérie ! Je me repose. Je suis une très vieille dame, tu sais. Les vieilles dames se reposent.

Erzsébet gloussa.

À l’intérieur, tout son organisme et son squelette avaient entamé une fort douloureuse modification. Mais elle devait contenir cette souffrance atroce – l’enfant pourrait fuir ! Et tout serait alors fichu !

La petite fille encapuchonnée de rouge s’inquiéta… Elle fit rapidement irruption dans la pièce.

– Viens… Viens donc à mon chevet, mon rouge-gorge, dit Erzsébet sur ce ton diaboliquement cauteleux qu’elle maîtrisait à la perfection.

L’enfant s’approcha tout doucement, l’air passablement dubitatif.

– Grand-mère… Tes oreilles ! se récria-t-elle tout à coup, ouvrant de très grands yeux.

– Mes oreilles ? ricana l’intrigante. Quelque chose ne va pas avec mes oreilles ? Qu’y a-t-il ?

– Et tes yeux ! Et tes bras ! Et ta bouche !

Erzsébet, achevant sa monstrueuse métamorphose en hyène-garou, se redressa…

– C’est pour te manger, s’exclama-t-elle.

La bête se saisit de l’innocente qui s’époumonait, figée sur place, ne pouvant, à cause de son jeune âge, comprendre cette diablerie. Mais qui aurait pu comprendre cela ?

Un dernier hurlement strident glaça le sang des animaux de la forêt tout entière. Erzsébet se repaissait de l’enfant. Elle ne laissa ni viscères ni os. La seule chose pouvant témoigner du carnage était le sang un peu partout dans la chambrette. Des touffes entières de cheveux étaient également collées dans l’hémoglobine.

Erzsébet quitta la maisonnette sous sa forme animale, la panse bien tendue et ne pouvant s’empêcher de rire de façon machiavélique. Les atrocités commises ne la touchaient plus. C’était si banal ! Elle se hâta de regagner son château et sa tour.

– Miroir magique au mur, qui a beauté parfaite et pure ? demanda-t-elle une fois de plus, à nouveau humaine après une seconde transformation éprouvante, bien plus éprouvante que la première.

– Toi, Majesté ! lui garantit le miroir. Toi. Il n’y a pas le moindre doute.

Erzsébet s’approcha d’un pas mal assuré, assez fébrile. Elle contempla son reflet. La jeunesse et la beauté lui avaient été rendues. Elle semblait n’avoir que trente ans. Trente ans tout au plus. Quelle importance, finalement, si le contrat qui la liait au démon arrivait bientôt à terme ? Aucune. Elle était jeune ! Et elle était belle ! Elle se mit à danser, merveilleusement insouciante. Après quoi elle ramassa le cadavre momifié d’une ancienne servante et dansa la valse avec elle.

Un sourire radieux illuminait la perfection de son visage.

– Je suis jeune ! Je suis belle ! criait-elle. Belle. Si belle !

Elle le clama encore et encore, tourbillonnant sans se lasser. Pourquoi diable réfréner ce bonheur enfin ressuscité ? Pourquoi tempérer cette vive euphorie ? Azazel avait fait des merveilles. Ingérer cette enfant innocente lui avait fait gagner vingt ans. Vingt ans ! Elle alla se mirer. Maintes et maintes fois. La fraîcheur de son visage l’enchantait. Elle se trouvait, même, plus belle que jamais. Elle était heureuse. Tellement, incroyablement heureuse.

– Savoure tes derniers jours… grommela une voix.

C’était elle… La voix du démon qui remontait du vide abyssal, du désert des souffrances éternelles. Cette voix troublante venue de l’autre côté du miroir, là où les images sont en constante métamorphose, pour s’insinuer dans le cerveau comme des asticots dans la chair en putréfaction.

Mais Erzsébet ne l’écouta pas. Elle fit comme si elle ne l’entendait pas. Elle savourait pleinement son bonheur. Elle était au comble de la joie. Il aurait pu pleuvoir de l’acide, tout autour – elle s’en moquait !

Une semaine passa, puis deux. Un lundi, puis un mardi, un mercredi, un jeudi et, enfin, un vendredi. Erzsébet n’avait plus que deux petites journées devant elle, mais sa beauté irradiait toujours, et de plus en plus, alors que l’échéance se rapprochait inéluctablement.

Le samedi, elle pensa passer cette dernière journée dans la forêt, au milieu des arbres et des petits animaux. Peut-être, même, la nuit tout entière. Son créancier intransigeant la retrouverait n’importe où. Autant respirer de l’air pur, alors, avant de respirer des odeurs de fumées éternelles dans l’Enfer qu’il lui composerait sur mesure… Un désert infini avec pour seule compagnie des boucs malodorants, très certainement.

Le Soleil venait de se coucher. Elle était allongée au bord d’un ruisseau et appréciait le clapotis. Quel bruit délicieux ! Tout lui avait semblé délicieux, ces dernières semaines. Elle avait même réussi à oublier qu’elle n’était qu’une méprisable meurtrière obsédée par sa propre image. Un monstre ! Une sorcière !

Se sentant observée, elle se releva prestement et fit volte-face. Un homme quadragénaire se tenait là, tout près d’un arbre. Ses longs cheveux étaient noirs comme le plumage d’un corbeau et ondulés. Il arborait une moustache épaisse, mais soignée. Il n’était pas particulièrement beau, mais quelque chose, émanant de tout son être, exerçait une irrépressible attraction. Il ne s’agissait pas simplement de charisme, non – c’était bien davantage que du charisme. L’aura de cet individu était ensorcelante. Hypnotique.

– Tu es le Dragon, dit Erzsébet à mi-voix. Je t’ai déjà vu, il y a fort longtemps. C’est bien toi.

– Vous devez me confondre avec mon père, gente dame. Il est vrai que nous nous ressemblons énormément.

– Votre père ? Votre père était un assassin !!! lâcha-t-elle. Un assassin et un immonde pleutre !

– Calmez-vous… Punirez-vous le fils pour les péchés du père ? susurra-t-il, charmant et charmeur, un brin conquérant.

Erzsébet fut incapable de répondre. Et l’homme, à son insu, sondait son esprit pernicieux. Il ébaucha un sourire, voyant se profiler une opportunité inespérée de cracher au visage de Dieu.

– Je peux vous délivrer du pacte qui vous lie à Azazel, et vous vivrez éternellement… Belle à tout jamais et, surtout, jeune à tout jamais. Vous n’avez qu’à hocher la tête. Dire oui.

Erzsébet resta sans voix. L’impie la fascinait.

Elle opina. Elle ne pouvait faire que ça, opiner.

À la vitesse de l’éclair, l’homme se dirigea vers Erzsébet et la plaqua contre un arbre. Elle se laissa faire quand il posa ses lèvres sur les siennes.

Puis il y eut cette douleur moyenne, dans son cou, mais considérablement érotique. Erzsébet supplia l’homme de la pénétrer, et quand il fut en elle, elle lui demanda son nom. « Vlad », répondit-il.

Dimanche, afin de réclamer son dû, le démon tout bouffi d’orgueil se matérialisa devant Erzsébet, laquelle l’attendait avec patience, sereine, dans sa pièce autrefois secrète au faîte de la plus haute tour de son château. Ses grands airs allaient vite être balayés, ainsi que les flammes qui accompagnaient ses pas.

– Échec… et mat !!! se moqua la morte-vivante, altière et d’humeur accorte. Notre pacte est nul et non avenu. Fini ! Je ne te dois rien. Ha ha !

– Non, c’est impossible… maugréa le démon, humant Erzsébet. Comment as-tu fait ? Comment ? Ton âme, je ne la sens plus. Cela ne se peut. Personne n’est plus rusé que moi. Personne… Sinon Lucifer ! Le maître ne va pas être très content… Comment as-tu fait ? Où as-tu caché mon âme ? Où ? Elle est à moi ! Je la veux ! Comment as-tu fait, maudite sorcière ? DONNE-MOI… MON ÂME !!!

– Ton âme ? Mais… elle est déjà loin, mon très cher Azazel ! Très, très loin. Le vampire m’a fait boire son sang divin, et j’ai vaincu mon terrible ennemi, enfin ! Ô temps ! Tu l’as finalement suspendu, ton vol ! Merci à toi, Vlad !

Erzsébet éclata de rire, amusée par les joues cramoisies de son visiteur – et le rouge foncé était déjà sa couleur naturelle ! Ses pupilles, complètement dilatées, traduisaient une haine farouche. Comme bien des fois dans l’Histoire, il s’était fait posséder. Lamentablement. Par une meurtrière démente. Pire ! Par une femelle.

– Tu oses te moquer d’Azazel ? Lucifer te fera payer cette traîtrise, Erzsébet ! Tu souffriras plus qu’aucun être…

– J’ose tout ! le coupa-t-elle. Car, avec la jeunesse et la beauté, je possède tout ! Absolument tout, tu m’entends ? Maintenant, mon pauvre petit Azazel, retourne dans ton désert et va baiser tes amis les boucs !

Ainsi, débuta la légende de la Comtesse Dracula…

 

****************************************************

 

Merci à vous d’avoir pris de votre temps pour découvrir cette version inédite d’Erzsébet. Toutes les histoires incluses dans les rééditions de mes Contes épouvantables sont soit des versions longues, soit des versions non censurées, soit les deux en même temps. Je remercie Christine Brunet de me permettre de vous faire redécouvrir mon petit univers horrifique et vous dis à bientôt.

Prenez bien soin de vous, Joe Valeska

 

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Joe Valeska nous propose Erzsébet (part. 1), un extrait de "Contes épouvantables et Fables fantastiques 1"

Publié le par christine brunet /aloys



 

– Mille fois, j’ai cru le tuer. Mille fois, j’ai pensé l’avoir, lui, l’ennemi implacable. J’ai vendu mon âme à ce démon, dans le désert, et j’ai sacrifié des enfants. Je me suis lavée dans leur sang… Rien n’y fait, je me meurs ! Ô temps, pourquoi tant de cruauté ? Une ride, ici. Une autre, là. Mon teint s’affadit, ma fraîcheur s’en va. Je savais mes actes ignobles, mais… comprenez-moi !

Un raclement de gorge lointain se fit entendre.

– Qui se permet ? s’écria Erzsébet, exaspérée d’avoir été interrompue en plein milieu de son monologue quelque peu théâtral. Parlez ! Qui va là ? répéta-t-elle d’une voix impérieuse. Est-ce toi ?

Un froid presque polaire s’installa brusquement dans la pièce, toute ronde et remplie de vieilleries superflues : des étoffes défraîchies jetées au hasard, des fragments de parchemins illisibles, jaunis et abandonnés çà et là, ou encore des dizaines de bocaux contenant des animaux de petite taille, des cœurs, des fœtus, des yeux et Dieu seul sait quoi d’autre…

Cette pièce, autrefois secrète, se trouvait au faîte de la plus haute tour du château d’Erzsébet. Un château sinistre entièrement cerné de bois épineux et de brumes éternelles. Y pénétrer était impossible. Seule la maîtresse des lieux se souvenait de l’unique chemin sûr. Elle seule, car, dans ce château, elle était depuis longtemps la résidante exclusive. Ou presque.

– Quel est l’objet de ton tourment, ma reine ?

Erzsébet esquissa un sourire pour le moins affecté. Elle tourna la tête lentement, puis son corps suivit. D’un pas assuré, elle alla écarter deux rideaux couleur rouge sang qui masquaient un miroir suspendu. C’était de ce remarquable objet ciselé, tout en or, que s’était élevée la voix solennelle.

– Miroir magique au mur, qui a beauté parfaite et pure ? demanda Erzsébet.

– Célèbre est ta beauté, Majesté. Pourtant…

– Pourtant !?! se récria la femme, terriblement offensée.

– Mais je ne puis dire que la vérité, ô reine ! Et tous tes sacrifices n’y changeront rien, je le crains, car le temps ne saurait être repoussé et repoussé encore.

Erzsébet se figea. Pourquoi, après tout, faire mine d’être indignée ? Ce que lui rapportait son miroir, elle le savait pertinemment – se baigner dans le sang des innocents était devenu parfaitement inutile. Les rides du front, les rides du lion, les pattes-d’oie, les plis du cou… Nous avons beau tricher, le temps toujours nous rattrape ! Erzsébet approchait la cinquantaine, et ses rituels barbares ne servaient plus à rien.

C’était une très belle femme, pourtant, mais plus une femme jeune. Cela, elle ne le tolérerait jamais. Non, jamais !

– Que me conseilles-tu, alors !?! Bientôt, il n’y aura plus assez d’enfants dans le village voisin. J’ai dû me résoudre à sacrifier mes propres serviteurs… Les bains de sang ne marchent plus, et ce maudit château est vide. Vide !

– Il y a peut-être quelque chose à faire, Majesté… dit le miroir. Quelque chose d’épouvantable, oui.

– Quelque chose d’épouvantable ? Quoi donc ? Parle !

– Il y a une jeune fille, au fin fond de la forêt. Une jeune fille sage… Toujours de rouge, elle est vêtue.

– Et après ?… Explique-toi !

– Cette enfant est l’archétype même de l’innocence, ô ma reine. Peut-être que son sang te permettrait de rester belle et fraîche jusqu’à l’échéance. Peut-être, oui… Car c’est bien ce que ton cœur désire plus que tout au monde… N’est-il point vrai, Erzsébet ?

– Oui, persifla la femme. Oui… Où trouver cette enfant ? Montre-moi ! Montre-moi, miroir magique ! Vite !!!

La surface du verre poli commença à se brouiller. Une image se dessina, se faisant plus nette, peu à peu.

– Ici… dit la voix dans le miroir. Et tu le connais, cet endroit, Majesté. Tu le connais très bien…

– Plus que bien, en effet… acquiesça Erzsébet. C’est en plein cœur de la forêt, tout près de la maisonnette où vivait mère-grand. Je n’étais encore qu’une toute petite fille quand le Dragon a surgi. (Elle s’arrêta un instant, comme si elle se retrouvait prisonnière du passé.) Le Diable ! explosa-t-elle tout à coup.

– Que comptes-tu faire, ma reine ?

– Je te l’ai dit ! Les bains de sang ne marchent plus, et le contrat arrive à échéance. Il est plus que temps !

– Temps pour faire quoi ? Si je puis me permettre.

– Pour faire quoi ? Mais pour renégocier avec le démon, pauvre fou ! Et maintenant, transporte-moi !

Erzsébet effleura le verre. Aussitôt, elle fut aspirée à l’intérieur de son miroir magique.

Il faisait noir – difficile de distinguer la moindre petite créature dans cette purée de pois –, il faisait froid. Mais pas plus froid que dans la pièce glaciale d’où elle venait, en vérité. Elle se retourna. La fine couche de tain du miroir semblait onduler, comme la surface de la mer quand elle n’est que peu agitée.

– M’entends-tu, miroir magique ? hésita-t-elle. Miroir ?

Mais c’est une autre voix qui lui répondit.

– Erzsébet… Erzsébet !

Bien des années auparavant, elle l’avait déjà entendue, cette voix. Elle ne s’était nullement altérée. C’était toujours la même, étrange, profonde et séductrice. Elle l’aurait reconnue entre mille, avec l’assurance de ne point se tromper.

En moins d’une minute, l’endroit devint plus clair. Ce n’était pas la pièce derrière le miroir – la pièce inversée –, mais était-ce la pièce d’un quelconque château, d’ailleurs ? Quel était ce décor fantasmagorique ? Elle ne connaissait pas ce lieu. Quand le pacte fut conclu, ce n’était pas ici, mais en plein désert. Ici, Erzsébet se tenait sur un damier gigantesque, lequel était gravé sur la souche d’un arbre gigantesque – un séquoia, probablement. C’était tout ce qu’elle pouvait voir. C’était tout ce qui n’était pas enténébré – les murs, s’il y avait des murs, restaient invisibles à ses yeux. Au nord, au sud, à l’est, à l’ouest, il n’y avait que du brouillard. Et un amas vaporeux et opaque au zénith.

À l’autre bout de l’échiquier, assis sur un trône en bois sculpté entremêlé d’ossements d’animaux, souriait le roi. Deux boucs l’entouraient, et il caressait leur tête.

– Erzsébet, reprit-il. Que viens-tu faire dans mon antre ? Que viens-tu faire… déjà dans mon antre, devrais-je dire ? (Il se mit à ricaner.)

– Je vous reconnais, dit-elle, ne cillant point. Vous êtes le même que dans mes souvenirs. Exactement le même monstre, sans vouloir être offensante.

Comme par magie, l’être disparut, puis se matérialisa devant l’intruse à l’ironie bien mal placée. Elle n’eut aucun sursaut. Avec tous les crimes odieux qu’elle avait commis, il lui en faudrait beaucoup plus pour être intimidée. Beaucoup, beaucoup plus…

– Monstre !?! Mais, de nous deux, c’est toi, Erzsébet, le véritable monstre… Alors, que se passe-t-il ? Tu n’es pas satisfaite de mon cadeau ? Serait-ce la raison de ta présence en ces lieux ? s’enquit le sinistre personnage aux cheveux noirs, aux pupilles de chat et à la peau cramoisie. (Il était, néanmoins, très étrangement séduisant.)

– Les bains de sang, ils ne m’apportent plus la jeunesse ! clama Erzsébet. Ils ne me servent plus à rien… Aidez-moi, je vous en prie. J’ai besoin de plus !

– De plus ? Mais notre pacte était clair, ma douce… Une dizaine d’années à rester fraîche, grâce au sang. Et l’heure de me céder ton âme immortelle approche à pas de géant. Tic-tac… Tic-tac… Tic-tac !

– Mais je veux rester jeune ! Et je veux rester belle !

– Et à quoi te servira la beauté ? De quelque façon que ce soit, tu rejoindras bientôt ma merveilleuse collection d’âmes humaines !

Erzsébet n’entendait rien. Il lui restait quelques semaines avant de perdre son âme – elle ne faisait que réclamer son dû !

– À moins d’avoir mal compris les termes de notre pacte, ne m’aviez-vous pas promis jeunesse et beauté dix années durant ?

– C’est vrai… marmonna la créature sur un ton empreint d’exaspération. Et ?…

– Et trouvez-vous réellement que j’ai l’air jeune !?! J’ai droit à mes dernières semaines ! J’y ai droit ! Faites quelque chose, je vous en conjure.

– Ah ! La grande, la vaniteuse Erzsébet qui demande à genoux l’aide d’Azazel. Soit ! Qu’attends-tu exactement de moi ? demanda le démon. Mais ne quémande surtout pas une année de plus ou je te transforme en bouc sur-le-champ ! Ainsi, tous tes ridicules petits problèmes seraient résolus.

– Eh bien, il y a, paraît-il, une enfant, dans la forêt. On dit qu’elle serait l’innocence incarnée, répondit-elle. Le sang, sur ma peau, n’aura aucun effet régénérateur, mais si je pouvais me métamorphoser… Si je pouvais la manger !

Le démon, devinant déjà ce qu’il allait accomplir, éclata de rire. Ses yeux de chat se mirent à étinceler. Il se sentait d’humeur à accomplir le plus tordu des miracles. Ce serait son chef-d’œuvre. Son maître serait satisfait.

– Ce que tu me demandes est un brin abscons… mais je pense pouvoir improviser un petit quelque chose.

Après avoir murmuré : « À bientôt, très chère ! » sur un ton goguenard, le démon claqua des doigts, et Erzsébet se retrouva aussitôt dans la forêt, à quelques mètres à peine de l’ancienne maison de feu sa mère-grand.

Curieusement, l’endroit était resté coquet. Comme dans ses souvenirs – enfouis au plus profond, sous une épaisse couche d’amertume et de cruauté –, c’était vert, très fleuri, avec des arbres majestueux qui semblaient caresser le ciel. Sur leurs branches, il y avait des oiseaux multicolores qui gazouillaient. Des animaux mignons gambadaient de-ci de-là, gaiement, comme pour célébrer la splendeur de la vie.

 

Joe Valeska

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Didier Fond nous propose un extrait de son ouvrage "Les somnambules"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Malgré moi, je me mêle au groupe, je cherche déjà à deviner d’où surgira la première lueur qui, là-bas, déchirera l’obscurité. Louis s’est glissé près de moi. Je sens son bras trembler contre le mien. Terreur ? Dégoût ? Ou est-il, comme moi, la proie d’une curiosité malsaine qui l’oblige à rester là, blotti contre le parapet, le regard fixé sur la Presqu’île, dans l’attente d’un spectacle qui ne peut être que monstrueux ? Pas une seule lumière, pour l’instant, de l’autre côté de la rivière. Nous-mêmes avons éteint nos lampes, sur l’ordre d’Axel. La ville baigne dans un silence total. Le temps semble s’être arrêté, à l’image de ce groupe figé dans une immobilité si parfaite que même le vent s’est lassé de le tourmenter. Quel geste, quelle parole pourraient rappeler à ces pierres, à ces fleuves imperturbables, à cette ville dont des millénaires n’ont pu venir à bout mais qu’une seule nuit a irrémédiablement vaincue que ces statues abandonnées à elles-mêmes le long du quai possèdent encore une étincelle de vie, un atome de conscience ? Pas un seul battement de paupières ne vient rompre leur inertie. Elles sont entrées, pour quelques interminables secondes, dans l’éternité.

 

Et soudain, en face, une lumière. A peine moins rapide qu’un éclair. Elle disparaît aussi soudainement qu’elle a surgi.

 

« Ce sont eux ! crie Mona-Lisa. Ils arrivent ! »

 

De nouveau le silence, intolérable. M’arrachant à la contemplation de l’autre rive, je regarde mes compagnons. Ils ont oublié le cabaret, les histoires qu’ils se racontaient, leurs regrets, leurs larmes. Je suis prêt à parier qu’ils ont même oublié jusqu’à la précarité de leur situation. Pendant quelques minutes, ils vont se sentir forts, heureux, vivants, si merveilleusement vivants… Ils sont du bon côté de la rivière. Sur la rive opposée, ceux qu’ils guettent, ceux qu’ils attendent, ce sont les renégats, les damnés, les laissés-pour-compte d’une mort plus distraite qu’à son ordinaire. Peuvent-ils, malgré l’avertissement de Raphaël, oublier qu’eux aussi, peut-être, passeront un jour le pont sans la moindre chance de retour ?

 

« Regardez ! s’écrie Arabella. Sur la place, là !… »

 

Débouchant d’une rue parallèle au quai, des lumières se dirigent lentement vers le centre de la place. Elles vacillent et avancent pas à pas. D’autres torches apparaissent à l’extrémité sud de la place. Elles s’approchent de leurs compagnes, s’arrêtent un instant, reprennent leur marche silencieuse –on dirait qu’elles glissent sur les pavés- puis commencent un va-et-vient régulier de la droite vers la gauche. Elles finissent enfin par s’immobiliser. Les autres lumières se sont elles aussi arrêtées. L’une d’elle se détache du groupe, traverse l’esplanade, s’engage dans la rue qui conduit au pont. De nouvelles lumières surgissent de l’obscurité, traversent le quai et, ne sachant apparemment pas de quel côté s’aventurer, tournent sur elles-mêmes, se penchent en avant, incapables de se décider. Le choix paraît crucial et la mésentente profonde vu les oscillations des torches. Là-bas, sur la place, les lumières se sont regroupées au pied de la statue tandis qu’une autre se dirige vers nous, d’une pas lent et égal ; parvenue à l’angle du quai, elle hésite un instant puis trace un large cercle autour d’elle et s’agite de bas en haut. Encore un signal, sans doute.

 

« C’est étrange, dit Eralda. D’habitude, ils ne font pas tant de simagrées. Ils se contentent de se réunir sur la place. »

 

En face, sur le quai, la jonction entre les lumières s’est opérée. Tournant le dos à la rivière, elles remontent la rue en direction de la place. Leur démarche est à la fois ferme et hésitante. Seuls les ivrognes et les somnambules, avant, allaient de ce pas hasardeux, donnant une constante impression de déséquilibre, et cependant miraculeusement assuré.

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Didier Fond nous propose un extrait de son nouvel ouvrage "Les somnambules"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Le regard d’Eralda s’est attaché à celui de Louis et le suit dans ses déplacements autour de la pièce. Elle ressemble à son appartement : elle est très belle mais quelque chose d’indéfinissable altère, pervertit cette beauté. Grande, mince, élancée, elle est vêtue d’un corsage blanc au col de dentelle, d’une longue jupe noire, taillée dans un tissu léger, si léger et si souple qu’on la dirait froissée et chiffonnée alors que cette multitude de plis est justement la touche qui donne au vêtement son originalité, son style, sa personnalité. A son cou brille un collier de perles et elle porte des chaussures à hauts talons, visiblement d’excellente qualité, assez classiques. Ses longs cheveux noirs bouclés tombent en cascade sur ses épaules. Ils sont tellement indisciplinés, il y a tant de mèches rebelles qu’elle semble perpétuellement mal coiffée alors qu’elle m’a avoué passer une demi-heure chaque matin à se peigner devant son miroir. Mais ce qui la rend inoubliable, c’est son regard. Son visage ovale, à la peau blanche, au petit nez court, aux lèvres rouges et charnues, très sensuelles, est illuminé par deux yeux d’une extraordinaire couleur miel. Jaune d’or lorsque la lumière les caresse, ils peuvent s’assombrir jusqu’au marron lorsqu’elle est la proie de sensations ou de sentiments trop violents. Aujourd’hui, ils sont dorés et scintillent de mille feux, comme un lingot sortant du creuset.

 

« Vous avez vu Axel ? demande-t-elle. Il est d’une humeur de chien, hein ? »

 

Elle passe rapidement la main dans ses cheveux, relève avec l’index droit la mèche qui lui tombe sur le front. C’est un geste que je l’ai vue faire si souvent qu’immédiatement, je l’associe à elle.

 

« De chien ? répété-je. Oh non, il a été charmant. »

 

« Alors, c’est qu’il s’est calmé. »Sa main, cette fois, dégage l’épaule, repousse les cheveux en arrière, d’un geste à la fois élégant et machinal. « Il est parti en m’insultant et en claquant la porte. Quel idiot ! Déjà qu’elle est à moitié cassée !… »

 

J’échange avec Louis un regard stupéfait. Axel en colère ? Pas une seconde il ne m’a donné l’impression d’être hors de lui. Je l’ai même trouvé très agréable. A moins que ce frémissement aux coins des lèvres…

 

« Pourquoi était-il en colère ? » demandé-je.

 

« Cela ne te regarde pas, rétorque-t-elle. Oh, et puis après tout, tu finiras bien par le savoir. Il me reproche de trop boire. Il paraît que je donne le mauvais exemple et que je mets… Comment a-t-il dit, déjà ? Ah oui !… Que je mets en péril l’équilibre du groupe. Comme s’ils avaient besoin de moi pour être déséquilibrés ! Quel salaud ! Mais quel salaud ! » s’écrie-t-elle, commençant à arpenter rageusement la pièce. Sa démarche n’est pas des plus assurées et je comprends tout à coup que sa volubilité n’est rien d’autre qu’une réaction à l’alcool dont elle a dû généreusement s’imbiber avant notre arrivée. « Il les oblige quasiment à boire, et c’est moi qui me fais insulter ! Va te faire voir ! » crie-t-elle à la rangée de bouteilles qui accueille cette insulte avec une admirable impassibilité. Elle s’est arrêtée devant le miroir, posé contre un mur, à droite de la porte, et, soudain calmée, se contemple un instant, sourit à son reflet. « Miroir, gentil miroir, dis-moi qui est la plus belle. Si tu es un garçon bien élevé, tu me répondras : « c’est toi, Princesse Eralda… » J’aime me regarder dans les miroirs. J’ai l’impression de me plonger dans une eau glacée, si rafraîchissante… Savez-vous ce qu’il y a derrière ? Le royaume du néant ; c’est par là que ma grande amie vient me rendre visite. J’aimerais lui ressembler, être comme elle, passer à travers les miroirs, pénétrer dans le monde interdit… Je ne peux pas. Ce n’est pas mon rôle. Je dois rester ici, à prononcer des phrases creuses, à faire des grimaces devant la glace, à donner l’apparence de la maîtrise de soi alors que tout en moi n’est que chaos, rêve et confusion… » Elle approche son visage du miroir, relève ses cheveux, se regarde dans les yeux, puis un étrange sourire retrousse ses lèvres, découvrant une rangée de dents impeccablement blanches. « Miroir, miroir, image glacée de ma folie, murmure-t-elle, permets-moi, ne serait-ce qu’une minute, de m’oublier, laisse-moi me retirer en moi-même et ne plus contempler que le vaste paysage désolé de mes désirs… »

 

Elle ferme les yeux, rejette la tête en arrière. Silencieux, Louis la regarde et je vois défiler sur son visage les mêmes sentiments qui m’agitent : étonnement, admiration, crainte. Elle est effrayante, cette femme à moitié folle qui s’adresse au miroir comme à un être humain. Elle se retourne tout à coup, son sourire disparaît. Elle nous regarde, l’air un peu étonné, embarrassé, comme elle s’éveillait d’un songe et reprenait pied dans la réalité.

 

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Didier Fond nous propose un nouvel extrait de son roman "Les Somnambules"

Publié le par christine brunet /aloys

Une chaleur lourde, obsédante, écrase la ville. Quel mois sommes-nous ? Quelle date ? Les saisons n’existent plus. Je sais qu’il est midi lorsque le soleil culmine à l’horizon, je sais que c’est le soir quand le ciel s’obscurcit. L’alternance du jour et de la nuit est le seul point de repère temporel qui nous reste. Quand je pense qu’avant, chaque heure avait sa signification, sa fonction, ses occupations… Tout était si bien réglé qu’il me restait peu de temps pour me rendre compte que, justement, le temps passait, à une vitesse démentielle. Il continue, d’ailleurs. C’est bien la seule chose qui n’a pas changé. J’ai seulement désormais la possibilité de le regarder s’écouler et l’entière liberté de ne faire que cela et paradoxalement, c’est au moment où je pourrais enfin le toucher du doigt, le matérialiser, que je m’en désintéresse le plus…

 

Nous marchons en silence dans les rues désertes. Pas un bruit. Je me souviens de mes premières promenades, seul, à travers la ville. J’ai parcouru des kilomètres à la recherche d’un visage, d’une voix, d’une présence. J’aurais préféré, je crois, marcher au milieu d’un champ de ruines. Mais tout avait l’air si tranquille, si semblable à ce qui existait avant… J’avais devant les yeux une ville qui ressemblait traits pour traits à celle que j’avais quittée quelques jours auparavant, absolument intacte, mais vide, abandonnée à son sort, condamnée à contempler dans les eaux de ses deux rivières le reflet de sa propre agonie.

 

Toutes ces maisons qui me dévisageaient de leur mille yeux grand ouverts, qui semblaient se pencher sur moi, me suivre du regard tandis que j’avançais le long des avenues et des quais déserts… Je me revois marchant au hasard, monologuant à voix haute, essayant même parfois de chanter pour briser l’angoissant silence qui m’entourait ; et, saisi, d’une véritable folie, grimper quatre à quatre l’escalier d’un immeuble, marteler toutes les portes de mes poings, crier les noms que je lisais, gravés sur les plaques de cuivre, redescendre, recommencer ce manège dans un autre immeuble, jusqu’à ce que, ivre d’épuisement et de peur, je m’effondre en pleurant sur les marches, la tête entre les mains. Comment, à cet instant-là, ai-je résisté à l’envie d’en finir ? Comment, alors que j’étais parvenu au bord du fleuve, ai-je eu le réflexe de me rejeter en arrière et de m’enfuir loin de la tentation ? Comment enfin, arrivé chez moi, ai-je pu tenir toute une nuit, assis sur une chaise, le regard fixé sur la bougie qui se consumait, partagé entre l’intense désir de mourir et la terrible peur de la mort ? Sans doute n’avais-je pas atteint le dernier degré du désespoir, acquis cette morne résignation, cette indifférence de ceux qui ont connu le pire et qui n’ont plus rien à attendre, plus rien à espérer et plus rien à redouter.

 

A deux, c’est différent. La conversation permet d’oublier un moment l’absence de la foule et le silence. Tandis que nous nous dirigeons vers les quais du fleuve, je l’entends me raconter sa vie dans son village de montagne. Il me parle de sa solitude, de cette envie chaque jour plus forte qui le tenaillait : partir. Ce n’est pas la première fois qu’il évoque devant moi son existence de reclus, et c’est d’une oreille distraite que j’écoute pour la énième fois ce récit. Il ne lui aura pas fallu bien longtemps pour attraper le virus de Saint-Jean : raconter sa vie dans les moindres détails, à la moindre occasion, devant n’importe quel auditoire, aussi réduit et inattentif soit-il. Fera-t-il bientôt comme Eralda qui tient de longs discours à son reflet dans le miroir ?

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Cathie Louvet nous propose un nouvel extrait de son roman historique "de glace et de feu"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

EXTRAIT DU CHAPITRE 7 :

Harald, captivé par les mouvements du barreur qui maniait avec une grande dextérité le styri, safran latéral, toujours placé à tribord de la coque, s’était glissé à la poupe. Près de lui, Anwind, le pilote, qui connaissait la route comme sa poche, indiquait les écueils à éviter, les passages à emprunter. Une brise légère faisait flotter les cheveux de l’enfant qui se tenait debout, bien campé sur ses deux jambes, regardant dans la même direction que le barreur. Le soleil était encore haut et faisait reluire la mer telle un plat d’étain. Sa main droite protégeant ses yeux des reflets aveuglants, il se retourna et scruta la côte danoise qui s’éloignait de plus en plus jusqu’à ne plus être qu’un petit point dans le lointain. Malgré l’ivresse de l’aventure qui le ravissait, il eut un pincement au cœur, se demandant s’il reverrait un jour sa patrie, la terre de ses ancêtres, là où son père reposait. Au bout d’un moment, il fixa à nouveau son regard devant lui, vers le nord-ouest, appréciant la limpidité du ciel.

La petite flotte avait atteint le large et s’ébrouait sans entrave. Elle dansait au milieu des vagues et des oiseaux marins. Harald sentit alors tout son être se pénétrer de cet intense sentiment de liberté que procurent les voyages en mer. Ce jour-là, tout comme Eryndr, il comprit que cette attirance était bien plus forte, plus puissante que tout amour humaine, il le comprit et pardonna. Il sut que son destin se trouvait là, sur un navire, chevauchant les mers en une quête éternelle dans l’espoir d’assouvir cette soif d’absolu, cette recherche de son être intérieur, solidement ancrée au fond de ses entrailles.bateau viking 2

En fin d’après-midi, le vent se leva. Les vagues se creusèrent. Les passagers prirent leur repas puis s’installèrent pour la nuit. Les membres de l’équipage mangeraient plus tard dans la soirée, en fonction des occupations de chacun. A la tombée de la nuit, Brikarnef répartit les tours de garde. Il resta attentif à la marche de la flottille car le vent fraîchissait toujours et la vitesse des navires était à son maximum, compte tenu de leur charge. Les rudes toiles renforcées de lanières de peau faisaient grincer les écoutes de cuir tressé sous la pression du vent. Les rameurs se reposaient. Certains mangeaient, d’autres jouaient aux dés. Harald regardait le mât qui, bien calé dans son évidement, semblait d’une solidité à toute épreuve. Les autres membres de l’équipage prirent leur poste pour la nuit.

Le capitaine donna l’ordre de fixer les tentes, toiles de laine grossière renforcées de cuir et doublées de bure afin que les passagers puissent dormir, chaudement enveloppés dans des couvertures en peau de renne . Les tentes étaient de la même fabrication que la voile et pouvaient, le cas échéant, la remplacer. Les hommes la tendirent au milieu du navire sur son armature en bois constituée de deux paires de montants dont les extrémités se croisaient et s’ornaient en leur sommet de têtes d’animaux sculptées. Elle lui donnait une forme de toit évasé qu’on arrimait solidement aux couples et aux taquets. Son sommet ne dépassait guère la hauteur des boucliers au-dessus des platsbords, afin qu’elle ne gênât ni la navigation, ni la vision du pilote et ne donnât pas prise au vent .A l’arrière et sur la droite du knorr, il pouvait aisément voir l’horizon et toujours distinguer le cou du dragon dont la tête ricanante, artistement sculptée elle aussi, se dressait haute et fière au-dessus des flots, dominant à la fois le navire et l’océan. Sous la toile, il fallait se courber et on y restait assis ou couché, mais avec un peu skye 5d’ingéniosité, Frida en fit un lieu de repos confortable. On alluma des feux et on resserra la surveillance, doublant les hommes de proue et les flancs-gardes. Les barreurs des cinq knorrs observèrent alors les sévères consignes de pleine mer : garder le cap, les distances et le contact avec le bateau de devant comme avec celui de derrière. Brikarnef fit réduire la voile pour la nuit. La flottille aborda les Orcades au matin. Le capitaine y avait prévu une courte escale pour écouler une partie de sa marchandise. Grâce aux hauts fonds qui entouraient l’archipel, les navires purent jeter l’ancre dans une baie abritée où poussaient quantité d’algues géantes, près de la côte de l’île la plus méridionale, à l’entrée du détroit de Pentland, au large de la côte écossaise. Pas d’arbres en ces lieux sans cesse battus par les vents. Sur les collines verdoyantes, on apercevait seulement des moutons blancs, disséminés çà et là, paissant en toute liberté. Une clarté particulière, reflétée par l’océan, donnait au paysage habituellement austère une agréable douceur. La brise marine faisait frissonner les bruyères.

Publié dans l'invité d'Aloys, extraits

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Didier Fond nous propose un extrait de son nouveau roman "Somnambules"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

A ces questions non plus, je ne peux pas répondre. Il a raison. Rien, avant son retour, ne me retenait ici. Et même aujourd’hui, absolument personne ne se soucie de ce que je fais. Que je décide sur l’heure de partir, qui donc se mettra en travers de ma route ? Eux ? Ils n’en ont pas les moyens. Lui ? Il n’est pas un obstacle. Il ne me demande rien et je ne lui dois rien. Mais sa présence est un si bon prétexte pour ne rien tenter, une si bonne excuse à ma faiblesse…

 

Oui, je suis resté. Pas un seul instant, je n’ai songé à déserter une seconde fois la ville. Mon premier départ ne m’avait pas mené bien loin. Je pensais alors que je n’avais pas le choix, que ma survie dépendait de mes facultés d’adaptation à l’univers chaotique de l’extérieur. Je ne voulais plus rester dans la ville, assister à son agonie ; le spectacle de ses derniers soubresauts m’était insupportable. Un matin, à mon tour, je m’étais jeté sur les routes. Il était temps. Au fracas des cris avait succédé une rumeur de plus en plus ténue, et la vague de silence, descendue des collines, s’était lentement infiltrée dans les artères, étouffant les uns après les autres les centres vitaux, ensevelissant sous une chape éternelle l’ultime étincelle de vie. Je savais ce que j’attendais de ce départ : la vie avait déserté la ville, je devais la chercher ailleurs, n’importe où, sous d’autres cieux, proches, éloignés, je n’en savais rien. J’ai marché, marché, sans but précis, sous un soleil de plomb, J’ai contemplé, incrédule d’abord, puis envahi par un effroi monstrueux, ce que m’offrait l’extérieur : le désert, le vide absolu. J’ai compris alors que tout était inutile. Le silence avait été plus rapide que moi, il m’avait devancé, étendant son empire jusqu’aux lointaines montagnes qui barraient l’horizon. Il ne m’avait épargné que pour me permettre de contempler ma défaite, et il ricanait près de moi, me glissait à l’oreille que tous mes efforts étaient vains. Je pouvais bien me tourner de tous côtés, revenir, continuer, aller à droite, à gauche, je le trouverais toujours sur ma route, impitoyable, monstrueux. J’étais son jouet ; ce que j’avais cru être mon ultime sursaut de volonté n’était en fait que mon premier geste de soumission. Il ne me restait rien, sinon la certitude, aveuglante, qu’il n’y avait plus rien à chercher.

 

Un vent violent a tout à coup balayé la plaine, me jetant au visage la poussière de la route, m’obligeant à fermer un instant les yeux et à me détourner. Devant moi, plat, monotone, mais paré de toutes les séductions de la résignation, s’étalait le chemin du retour. Le silence et le vent m’ont enveloppé, m’ont chuchoté des mots que mon esprit se refusait à comprendre, et à la douceur insidieuse de l’un s’ajoutait la force pressante de l’autre. Je me suis senti poussé sur la route, en direction de la ville. Ma seule chance de salut, c’était d’obéir à l’instinct, de revenir chez moi, là où tout avait commencé et où, un jour, tout s’achèverait.

 

Et puis, cette ville était mienne. J’y étais né, j’y avais grandi. Mes racines étaient là, enfouies sous les pavés disjoints et brûlés par ce soleil de fin du monde. Nulle part ailleurs je n’aurais pu trouver meilleur refuge. Il le sait bien pourquoi nous nous sommes retrouvés tous deux au même endroit. Il m’arrive parfois de me sentir étranger dans ma propre ville ; je ne reconnais plus son visage. Ses rues vides, ses collines immobiles, ses quais silencieux appartiennent à un autre monde, presque à une autre dimension. Mais je me sentirais bien plus perdu s’il me fallait la quitter une seconde fois et essayer de vivre ailleurs, sous un ciel inconnu, entre des murs plus hostiles que ceux qui nous entourent et qui, eux, ne sont qu’indifférents à notre malheur. Ce décor tant contemplé, aimé et regretté est tout ce qui nous reste de notre passé. Il est tellement plus facile de se taire, de ne rien faire, d’attendre, tout simplement, avec nos souvenirs et notre angoisse pour nous faire prendre patience. Nous voulons à tout prix survivre, mais c’est pour mieux pouvoir effacer derrière nous toute trace de notre existence. Un jour, cette absurdité prendra fin. Il nous faudra bien mourir ; que ce soit chez nous, parmi les reliques de ce qui fut notre passé.

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Thierry-Marie DELAUNOIS nous propose un second extrait de son roman "Auprès de ma blonde"

Publié le par christine brunet /aloys

Elle ouvrit les yeux, le fixant instantanément de son regard brun acajou d’une profondeur insondable, le happant lui et toute son énergie d’homme, le laissant le souffle court, ce qui le fit stopper net dans sa progression, son désir évanoui, son envie de la connaître ayant fondu comme neige au soleil. Comment était-ce possible? Il ne cilla pas, prenant soudain conscience qu’il lui fallait ni baisser ni lever le regard pour tenter de lui échapper, belle et curieuse connexion incompréhensible à ses yeux, le cas de le dire, elle poursuivant son observation silencieuse, comme dans l’attente, son visage reflétant une indéniable franchise, mais quelque chose d’autre s’y mêlait. Un certain effroi? Et allaient-ils se parler? Bien qu’il n’en menait pas large, il soutint son regard limpide, crut soudain apercevoir comme une ébauche de larme dans le blanc de ses yeux. Serait-il le premier homme à ne pas battre en retraite, suscitant chez elle une émotion peu perceptible mais bien réelle?

Bien que rivés l’un à l’autre sans mot dire, un changement se produisit de part et d’autre: surgit en elle un singulier soulagement la menant à esquisser un sourire d’une infinie délicatesse; en lui, une volonté inébranlable, celle de se jeter à l’eau sans bouée non dans le but de la séduire, de la conquérir, mais d’atteindre ce tréfonds, le fond de son être. Car il avait ressenti comme un appel. Un S.O.S. lancé de très loin mais le message lui paraissait flou. Rêvait-il? Serait-il parvenu à franchir la barrière qu’elle avait dressée probablement pour la forme, histoire de ne pas passer pour une fille facile prête à se jeter dans les bras du premier venu par manque d’amour?

Le manque d’amour, du véritable amour qui unit deux êtres naviguant sur la même longueur d’onde, à l’unisson, reliés par cette mystérieuse alchimie tenant principalement du coeur et de l’âme… Cela existait-il? A cet instant il se le demandait; il lui semblait également qu’ils avaient tous deux de précieuses affinités. Sans qu’une seule parole ait été échangée, sans qu’ils aient eu l’occasion, la chance, de faire connaissance ne fût-ce qu’un brin. Possible? Il y croyait, l’auteur, l’expression de son visage s’étant entre-temps fermée. Retour sur sa garde, lui semblait-il, après une esquisse d’ouverture. Perplexe, il leva les yeux au ciel, se déconnectant d’elle à l’instant - heureux ou malheureux? - où un perfide pigeon lâcha sur lui son surplus - pas nécessaire ici de préciser… - qui atterrit brutalement sur son front. Un tir au but.

Sa stupéfaction, qui céda aussitôt le pas à un dépit manifeste, n’échappa point à la belle, déclenchant son hilarité à laquelle succéda un fou rire dantesque devenant en un quart de tour incontrôlable. La totale. C’était si drôle, un homme victime d’un pigeon! Elle le vit alors sortir son mouchoir, rouge de colère et de confusion, étalant sans le vouloir la fiente. C’était le bon mot. Le pauvre! Lui porterait-elle secours? Impossible à cet instant car elle se bidonnait assise sur le banc, les mains sur le ventre, sa chevelure dissimulant son visage, le buste incliné vers l’avant. Quand avait-elle autant ri pour la dernière fois? Elle ne s’en souvenait pas. Un siècle? Deux?

  • Fameux impact, et je vous fais donc tant d’effet, Mademoiselle? J’en suis heureux, même enchanté!

  • Séréna!

  • Pardon?

  • Séréna! Et toi?

(Auprès de ma blonde, Thierry-Marie Delaunois: extrait II)

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Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

Publié le par christine brunet /aloys

Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

"Ce dimanche-là, le hasard m'a amenée sur le marché pour acheter quelques fruits et légumes. Devant moi, Rose-Marie au bras d'un homme en costume sombre ! Ils sont à quelques pas de la basilique, ils y entrent.

Adieu maraîchers, tomates, laitues, prunes et cerises ! L'opportunité est trop belle ! Moi qui mets rarement les pieds dans une église, j'entre à pas feutrés… Je prends un livret de chants comme je l'ai vu faire par d'autres fidèles et je m'avance vers l'autel de la Vierge pour y faire brûler un cierge. Au passage, je salue Rose-Marie d'un signe de tête !

À la sortie de l'office, j'attends Rose-Marie et l'aborde : "Je me suis aperçue que nous étions voisines et que nous fréquentions les mêmes endroits. Puis-je vous proposer de venir prendre l'apéritif à la maison ?

- Qu'en penses-tu, Maurice ?"

Sans attendre la réponse, elle accepte… Je voudrais battre des mains ou sauter de joie comme je le faisais dans mon enfance. Nous regagnons mon appartement. En chemin, Maurice retrace l'histoire de la basilique et des œuvres qu'elle abrite. Rose-Marie raconte des anecdotes amusantes sur les remparts qui jadis entouraient la ville. Quant à moi, je les écoute en approuvant et en établissant le parallèle avec d'autres villes que je connais.

Nous arrivons chez moi, Rose-Marie et Maurice prennent place sur le canapé. Je sers le champagne acheté pour une grande occasion et je prépare quelques toasts au foie gras du Sud-Ouest. Que d'agréables, de si agréables moments ! Je n'en ai plus vécu de pareils depuis longtemps.

Maurice est un homme svelte à l'élégante barbiche assortie d'une fine moustache. Un homme charmant qui se montre fort amoureux de Rose-Marie. Il la couve du regard, sourit à toutes ses interventions. "J'habite à la Résidence Beaumarchais, juste à côté de chez Rose-Marie. Ce sont les travaux de peinture extérieurs des deux immeubles qui nous ont fait nous rencontrer. Nous comptons nous marier à la Pentecôte. N'est-ce pas, ma chérie ?"

C'est ainsi que j'entre dans la vie de Rose-Marie.

Désormais, par temps sec, l'après-midi, je vais m'asseoir au parc, à gauche de Rose-Marie tandis que Jocelyne est à sa droite. Parfois, Rose-Marie et moi allons faire des courses dans le quartier. Tout serait pour le mieux s'il n'y avait cette réticence que je sens chez Jocelyne. Rose-Marie m'en a parlé d'ailleurs ouvertement : "Jocelyne me dit de me méfier de toi. Je crois qu'elle ne t'aime pas beaucoup parce que tu ressembles à la maîtresse de son mari. Vous êtes toutes les deux petites et minces. Vous avez toutes les deux le visage rond et les cheveux permanentés. Elle trouve que je te fais trop facilement confiance. Elle est comme ça, Jocelyne, elle juge facilement sur les apparences. Depuis son divorce, elle suspecte souvent les gens de manœuvres pas très droites. Tiens, Maurice par exemple, elle trouve que mon fils n'a pas tort de le juger plus attaché à mon argent qu'à moi. Elle m'a même conseillé de le tester en disant que je ferai une donation à mes enfants avant notre mariage. C'est incroyable de penser ça !"

Les mois passent. Je continue à côtoyer Rose-Marie, Maurice et Jocelyne. Un goûter, une visite de musée ou une conférence sont souvent à l'origine de nos rencontres. Nous évoquons des sujets personnels. Nous abordons même la question du patrimoine que nous léguerons à nos proches. Rose-Marie évoque ses enfants et son intention de leur donner une grosse somme : "C'est quand on est jeune qu'on a besoin d'argent ! Et puis, c'est une belle façon d'éviter les droits de succession", ajoute-t-elle. Pour ma part, j'explique qu'en plus de mon appartement, je possède quatre studios dans un immeuble à la Côte d'Opale. C'est le dernier investissement fait par mon pauvre Camille ! C'est ma fille unique qui héritera de tout. Une confidence que je fais sans arrière-pensée.

Le temps s'écoule et je remarque que Maurice se fait moins présent. Il se montre aussi moins empressé à l'égard de Rose-Marie. C'est évident, il est moins prompt pour l'aider à enfiler son manteau ou pour avancer sa chaise. Il est vrai que, suivant les conseils de son fils et de Jocelyne, Rose-Marie s'est décidée à faire les fameuses donations.

Le vingt-quatre décembre au matin, Maurice me téléphone : "Danielle, je suis si malheureux de vous savoir seule en ce jour de réveillon. Voulez-vous me tenir compagnie ? Je serai seul également. Comme vous le savez, Rose-Marie est partie chez son fils. Je vais à la veillée à la basilique à dix-huit heures trente. En rentrant, je mangerai ce que j'ai commandé chez le traiteur. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux ! Demain, je serai dans ma famille. Ce sera vraiment à la bonne franquette. Je viendrai vous chercher vers dix-huit heures, si vous le voulez bien."

J'accepte de bon cœur. Toute l'après-midi, j'essaie mes tenues de soirée avant de fixer mon choix sur une robe légèrement moulante en soie bleue. Je prends un bon bain. Je me fais un brushing. Je me maquille légèrement et je me parfume. Assise sur mon canapé, j'attends Maurice en me levant toutes les minutes pour vérifier dans le miroir du hall que rien ne cloche dans mon apparence. Jamais, je n'aurais imaginé ce réveillon de Noël en compagnie d'un homme !

On sonne. C'est lui ! Toute fébrile, je descends. Malgré le froid piquant, Maurice a laissé son pardessus ouvert. Pour l'occasion, il porte un costume noir, une chemise blanche et un nœud rouge fort élégant, ma foi !"

(Tiré de "Trois femmes sur un banc")

Micheline Boland

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