Jean-Claude Texier nous propose une présentation originale de son nouveau roman

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-Claude Texier nous propose une présentation originale de son nouveau roman

Chloé des Lys :

Jean-Claude Texier, trois ans après la publication de votre premier roman, L’Élitiste, quelles sont vos impressions de nouvel auteur ? Diriez-vous qu’être publié et lu constituent chez une personne, une étape cruciale de sa vie, avec un avant et un après ?

Jean-Claude Texier :

Absolument. Écrire, c’est naître une seconde fois. Comme le disait Balzac, c’est faire concurrence à l’État-Civil en ce sens que l’on crée des personnages qui n’ont jamais existé et auxquels on prête vie par la magie de la littérature.

Mais c’est aussi devenir soi-même quelqu’un d’autre. Même si vous ne choisissez pas un nom de plume, votre identité est liée à la qualité d’écrivain. Vous êtes devenu romancier, un créateur de mythes. Vos personnages vous habitent, vous hantent, prennent possession de vous et s’imposent comme des créatures autonomes peu concernées par les intentions de l’auteur. Bien souvent, j’ignore jusqu’où ils me mèneront.

CDL :

Qu’est-ce que cela change dans votre relation à autrui ?

JCT :

On dit qu’un écrivain est reconnu quand il est accepté par un grand nombre de lecteurs comme quelqu’un qui mérite ce titre. Dès que votre livre est publié, vous entrez dans la catégorie des candidats à la notoriété, et vous êtes proposé comme tel à l’étalage des libraires. Vous êtes remarqué ou passez inaperçu. On parle de vous, ou l’on vous ignore.

Le plus étrange, c’est que ce phénomène se reflète aussi dans votre entourage et vos relations. Certains vous félicitent, se réjouissent de votre nouveau titre comme d’une nouvelle naissance, d’autres vous traitent comme si votre bébé n’existait pas. Ils accueillent les louanges ou les critiques vous concernant avec la même impassible indifférence. Il faut dire, cependant, que se présenter comme écrivain vous honore aux yeux de la majorité, et vous montez dans l’estime des gens.

CDL :

Comment L’Élitiste a-t-il été reçu ?

JCT :

Bien, dans l’ensemble. Mais il eut aussi de fervents détracteurs, non pas en raison de sa valeur littéraire, mais de sa connotation politique, bien que je me défende de tout parti pris. Le récit se déroule durant la campagne présidentielle de 2OO7 et décrit ses répercussions sur la vie interne d’un lycée de banlieue. Revivre cette époque, c’est aussi agiter les passions, exacerber les rancœurs et attiser les préjugés. Mais ce que certains ressentirent comme un défaut s’avéra chez d’autres une qualité. Ils y virent un document saisissant de l’état d’une société en période de changement électoral dans un milieu rarement décrit de l’intérieur. Les lecteurs qui l’apprécièrent le mieux furent sans doute ceux qui ignoraient tout de l’Éducation nationale, et découvrirent les rouages d’un monde clos et refermé sur lui-même, avec ses codes et ses rites. Ce fut le cas, en particulier, de lecteurs étrangers francophones.

CDL :

Loozie Anna, le volume 2 de l’Élitiste, exploite la même veine ?

JCT :

Loozie Anna est un roman très différent. Bien qu’il se déroule dans le même milieu et que l’on retrouve quelques-uns des personnages du premier livre, il en introduit de nouveaux et se situe à une époque antérieure à 2007. Il raconte la vie d’une héroïne romantique dont l’aventure sentimentale illumine la banalité de son quotidien. L’ascension du proviseur élitiste du lycée Édith Cavell accompagne les péripéties qui orientent le destin d’Adélaïde. Ici, le mythe n’est plus politique mais personnel et se trouve lié au théâtre. Parce que son père a souhaité qu’elle joue le rôle d’un personnage historique un jour de carnaval, lorsqu’elle était enfant, elle s’identifiera à ce rôle et incarnera deux fois son personnage, d’abord en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution française, et trois ans plus tard pendant le Mardi Gras à La Nouvelle-Orléans. C’est aussi pour réaliser un vœu de son père qu’elle s’évertuera à jouer en soliste le concerto pour violon de Tchaïkovski. Son destin sera donc déterminé par l’enfant qu’elle a été et qui survit en elle.

CDL :

Votre héroïne est enseignante et L’Élitiste raconte l’histoire d’un lycée français. Pourriez-vous écrire sur un autre monde ?

JCT :

C’est un milieu que je connais bien pour y avoir vécu la majeure partie de ma vie. Je crois que l’univers qui vous est familier est d’une inépuisable richesse. L’enseignement est très proche de l’écriture en ce qu’il requiert un don total de soi à la jeunesse, comme l’écrivain se voue entièrement à son œuvre pour la faire vivre chez ses lecteurs. Adélaïde est une linguiste obsédée par les mots, car c’est par eux qu’elle communique avec ses élèves. C’est une passionnée, en quête perpétuelle d’elle-même et une assoiffée d’amour. Comme la plupart d’entre nous, elle a besoin des autres pour se construire et son évolution personnelle sera aussi professionnelle, dans une voie tout à fait inattendue.

CDL :

Voilà qui est très intéressant et donne envie de lire Loozie Anna. Quel autre projet préparez-vous ?

JCT :

La suite, évidemment.

Publié dans interview

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M
Ces réflexions et ces constats sont pertinents et laissent deviner un bouquin et une suite très captivants.
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J
Oui, intéressant. J'apprécie notamment la phrase : " L’enseignement est très proche de l’écriture en ce qu’il requiert un don total de soi à la jeunesse, comme l’écrivain se voue entièrement à son œuvre pour la faire vivre chez ses lecteurs." Comme Carine-Laure, je ne comprends pas trop la même chose : cela doit dépendre de la personnalité de l'auteur, c'est de lui je pense que partent ces ressentis, plus que de la part des opinions des " gens ".
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C
Un entretien très intéressant. Nos relations avant et après la parution d'un livre. Les gens nous voient différemment (parfois) et ça, je ne comprends pas trop...
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