Charles Lathan nous présente son ouvrage "Le retour de Marcel"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Biographie

 

 

 

Charles Lathan  naît à une époque où l'herbe pousse sur les parkings automobiles. Dans sa maison d'enfance il n'y a rien de décoratif accroché à des murs pourtant très solides. Puis trois éléments surgissent et s’érigent en souvenirs : le fameux calendrier des postes (toujours des chats), un canevas représentant des moutons grimpés sur un rocher, une nappe imprimée de cavaliers et de chiens pourchassant des cerfs aux abois.

 

Charles grandit à proximité d'un terrain vague investi d’Italiens comme lui, d'Espagnols, de Portugais et saupoudré d'Algériens. Par ailleurs il y a les filles et les fils des paysans : les Français de souche.

 

Charles est mélancolique. Ecole, vélo, école, vélo ... Un jour sa chaîne déraille. Un garçon qu'il ne savait pas vivre dans le quartier s'approche et dit : « laisse, tu vas te couvrir les mains de graisse, je suis allemand, je vais te la remettre. » Charles comprend que la mouise infiltre d'autres personnes que lui. En 1968, en Alsace la Deuxième Guerre travaille toujours les corps.

 

Puis il y a la maladie, plusieurs années d'hôpital. Quand il ressort de ça, le Centre Beaubourg est construit à Paris. Par miracle (voyage scolaire) un jour Charles se trouve face aux monochromes bleus et aux éponges dorées d'Yves Klein. Sur le coup et pour longtemps il ne comprend pas, mais d'emblée il aime. Il se sait désormais affilié à l'art. La brèche des possibles s'est ouverte à lui.

 

Il entre dans un monde inédit, commence de lire Sigmund Freud, George Groddeck, Antonin Artaud, Henry Miller, Philip k. Dick, William Faulkner… et surtout, surtout, surtout lire et relire Monsieur Ouine de Georges Bernanos. Si bien qu'à dix-huit ans il n'a toujours pas franchi le seuil d’un hypermarché Auchan. Il n'en soupçonne pas même l'existence.

 

Puis il y a les alcools, les drogues, l’amour impossible. Les jours se font de plus en plus courts et les nuits de plus en plus longues. Un long temps passe.

 

Vers sa cinquante-cinquième année, prenant acte qu’il est toujours vivant, Charles Lathan commence d’écrire Le retour de Marcel. Clopin-clopant, du bout des doigts, le désespoir optimiste il mène l’aventure à son terme.

 

Et voilà !

 

Résumé :

 

Des milliards de mots imprimés chaque jour pour redire et refaire le monde.
 

 

Je vous défie, je vous prends au mot.

Mot à mot je progresse dans le jeu avec un sérieux bagage à la main : le mot-valise qui contient tout.

Le mot circule.

Je suis l’écrivant Charles Lathan.
J’ai le monde à bout de bras dans le mot-valise. 
Approchez mesdames et messieurs, et les enfants devant.
Instant sacré, sacré instant : 
J’ouvre la valise. 
Admirez mes belles pages. 
La salive vous vient ! 
Des machins, des trucs, des bidules, des espaces et des astres. 
Soyez somptueux, osez mon ouvrage fertile. 
Pour vous, ici j’ai repoussé les limites du monde. 
Voyez ces corps étendus, voyez ces étendues nouvelles sans bornes et sans balises. 
J’ai enrichi la carte du monde de plats inédits. 
Mettez-y les pieds dedans et marchez sans scrupules. 
Soyez hors de vous, entrez dans la matière du monde.

Le monde motériel.

 

Extrait

 

Deux mois que c'est arrivé, deux mois que la Criminelle patauge. C'est abscons, de la poésie de moniteur d'auto-école. Vous l'avez lu dans les journaux comme nous : Le mercredi 9 janvier, en fin d'après-midi, après l'affolante tempête de neige, le corps d'Alice Chatouilli fut retrouvé, découpé en quatorze morceaux alignés sans souci autre que celui d'une exposition aérée semble-t-il, le long de la ruelle qui monte à la cascade.

Ce qu'on sait de plus que vous, parce qu'on les a vus de nos yeux et qu'ils nous ont émerveillés, éblouis, laissés sur le cul et culpabilisés ces quatorze morceaux, c'est qu'en se brisant le vase prend tout son éclat. Certes, entière elle était jolie Alice, mais découpée et redisposée de la sorte, chaque quartier devenait le chapitre d'un ouvrage dramatique émouvant et grave. Nous étions émus, non horrifiés. L'évidence nous échappait. Nous formions tous le u étrange que les portions d'Alice étaient les oignons de quatorze nouvelles Alice. Des oignons qu'ilt suffi de planter et d'arroser, sans faire de chichi, pour que le miracle s'accomplît.

Ce terrible samedi 9 janvier nous avons tous vu Henri Lebeau, le coiffeur, dérober la main droite d'Alice. Nous l'avons tous accompagné dans son geste, tant le désir de faire de même nous travaillait. T'aurais vu le commissaire Loch Ness lui faire une prise de jiu-jitsu, du grand art ! Et le coiffeur qui lâche la main. Et la main de valdinguer haut, si haut dans les airs, souple, fine : une circonlocution délivrée au-delà du point final. Du coup chacun s'avise de courir en dessous de la main volante pour se l'accaparer avant qu'elle ne s'écrase au sol. Ensuite, s'enfuir avec. Chacun pour soi. Ni morale, ni loyauté, ni civisme, rien que de la vilenie. Crocs en jambes, coups de coudes et foire d'empoigne. Certes un brin de sport après la grande biture et le dégobillage salvateur, ça se concevait. Le besoin de secouer son anatomie comme chiens au sortir de l'eau est chose plaisante mais là l'exaltation des corps n'apportait à chacun que plaies, bosses et nouvelles inimitiés. La main fignolait par-dessus l’avidité des hommes son vol esthétique pour au final s'écraser, sarcastique et cuisante, sur la joue droite du commissaire. Piqué au vif par cette claque post-mortem et fulminant contre nos manières de charognards, le commissaire qui somme toute est un sanguin, tira son arme et gueula :

« Si vous arrêtez pas vos conneries, je tire dans le tas. »

Le pharmacien, qui avait fait fac de psycho, la première année, et qui avait serré la main de Gandhi ou de quelqu'un qui lui ressemblait beaucoup, annonça haut et fort pour ramener la paix :

« J'offre une tournée générale de bonbons contre la toux au miel de sapin des Vosges. »

Publié dans présentations

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
J'ai dû m'y reprendre à deux fois pour certains passages afin d'être certain de tout comprendre, la prose est belle et chantante, ... et le subjonctif (ainsi que le passé simple) , pour mon plus grand plaisir, est bien présent ! Du style, oui, effectivement !
Répondre
E
L'extrait est une fameuse mise en bouche, même s'il faut aimer les quartiers de viande... Belle écriture et style!
Répondre