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gcfghksxldfmwsdc... Un langage extraterrestre ? La version de Bob Le Belge

Publié le par christine brunet /aloys

 

gcfghksxldfmwsdc 

 

‘gcfghksxldfmwsdc’ se dit-il in petto ! En fait, c’est impossible à exprimer avec les lettres de l’alphabet puisque ce n’est même pas un son (il n’a pas de bouche), mais une pensée qui perce dans son subconscient sous la forme d’une onomatopée virtuelle.

 

On pourrait traduire par ‘tiens ?’, ‘comme c’est curieux’ ou ‘étrange’.

Ce n’est même pas un bruit, puisqu’il est liquide et coule en silence. Un être humain le confondrait avec des gouttes de pluie ou une tache de mazout, compte tenu de sa réverbération irisée.

 

Mais alors quoi ? C’est une sorte d’extra-terrestre ?

 

Même pas, puisqu’il vit au même endroit que nous, mais dans un espace-temps distant d’une infime fraction de nanoseconde, un univers parallèle où la vie s’est développée au départ de l’hydrogène et non pas du carbone. Peu importe. Il s’est produit une subtile vibration spatio-temporelle et hop, le voilà qui débarque chez nous (une chance sur un milliard) …

En principe ça ne dure jamais longtemps, encore que son temps à lui soit atomique. Mais ne compliquons pas les choses…

‘gcfghksxldfmwsdc’ se dit-il in petto, en tombant nez à nez dans un caniveau avec un vieux thermomètre brisé en deux. 

C’est que la goutte de mercure qui y reste collée l’attire d’une façon incroyablement émouvante.

Il n’a jamais vu (barrons le mot, car il n’a pas d’yeux non plus), il n’a jamais connu un ‘autre’ aussi beau et d’une fluidité aussi ferme. Il existe bien sur quelques ‘autres’ très denses dans sa soupe primordiale, mais leur poids est insignifiant comparé à ce qu’il découvre comme une révélation… celui-ci a une densité qui l’étourdit de sensations, le traverse d’infimes vaguelettes de plaisir et le gonfle de désir.

Le voilà qui roule comme une minuscule boule gélatineuse, vibrante de sentiments condensés, vers l’orifice du tube en verre où, comme attiré par un aimant, il s’infiltre d’un jet amoureux vers le liquide gris d’où n’émane pourtant aucune pensée d’union, rien sinon… une indifférence totale.

C’est déjà fini. Ils n’ont même pas eu le temps de se mélanger. Un frémissement de l’espace-temps l’a soudain ramené dans son univers parmi les autres liquides.

Mais il ne reluit plus, s’étale comme une vieille flaque et ne révèrbera plus jamais les couleurs de l’arc-en-ciel.

 

Notre univers est insondable et dangereux.

 

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Des retrouvailles pour Noël, une nouvelle signée Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

DES RETROUVAILLES POUR NOËL


 

C'était le 24 décembre et il faisait très froid. Un chien blanc et maigre errait dans la rue commerçante du village. Il semblait rechercher un peu de nourriture et quémander des caresses, mais il ne recevait rien de tout cela. Les gens couraient dans tous les sens. Ils effectuaient les derniers achats avant de rentrer chez eux pour apporter la touche finale aux préparatifs du réveillon.


 

Lucille sortait de chez le pâtissier lorsqu'elle remarqua l'animal. Son cœur se serra. Elle repensait à Bobby le vieux chien de sa grand-mère qui était mort l'année précédente. Bobby lui aussi était blanc et maigre.


 

Lucille vit l'enseigne de la boucherie et pressa le pas. Elle atteignit le magasin, y entra et bien que la clientèle était nombreuse, elle demanda : "Excusez-moi ! Puis-je avoir deux boulettes cuites ? C'est une urgence." Tous les regards se tournèrent vers elle et la bouchère emballa aussitôt les boulettes. "Voilà ! Va ! Tu payeras plus tard", dit-elle en lui tendant le paquet.


 

Le chien devait avoir deviné Lucille, car il attendait près de la porte. Lucille déballa les boulettes et les offrit à l'animal qui sembla apprécier. Puis Lucille prit le chemin du retour.


 

Le chien blanc et maigre la suivait comme si elle avait été sa maîtresse. Elle rentra chez elle et le chien l'accompagna jusqu'au salon. Sa mère et sa grand-mère garnissaient le sapin. Quand sa grand-mère vit l'animal, elle s'exclama "Oh Bobby, Bobby !" et le chien se précipita vers elle.


 

"Oh tu es revenu, Bobby !", bredouilla-t-elle. Personne n'osa rappeler que Bobby était mort et qu'il était enterré au pied du pommier.


 

La grand-mère s'assit sur le canapé et le chien sauta sur ses genoux. La vieille dame le caressa longuement, tellement longuement qu'elle s'assoupit un peu. Quand elle se réveilla, Lucille était à ses côtés, la tête appuyée contre son bras. La grand-mère vit l'enfant, dégagea son bras et l'attira vers elle. Lucille était plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été. Elle goûtait à présent la plus douce félicité qui soit.


 


 

Micheline Boland

 

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" La nuit ", un texte signé Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

LA NUIT


 

Jérôme avait peur du noir et rien n'y faisait : pas plus les menaces que les encouragements, les cadeaux que les sourires.


 

Cela a commencé vers ses quatre ans. Ses parents avaient fêté le réveillon de Noël chez les voisins en le laissant seul. Oh, pas longtemps ! Papa ou Maman étaient venus toutes les heures et tout se passait bien jusqu'à minuit et quelques minutes, les vœux, l'échange des petits cadeaux, le champagne. Tout cela avait retardé la présence rassurante et Jérôme réveillé par le bruit s'était retrouvé tout seul. Bien sûr, il n'avait rien dit : à quatre ans on est grand et fort, mais le mal était fait.


 

Pas question d'aller dormir après dix heures du soir, pas de dancing avec les copains et les copines. À chaque occasion, Jérôme trouvait un bon prétexte.


 

La vie vous offre de ces cadeaux…Jérôme a rencontré Catherine qui tout comme lui a peur de la nuit. Ils se sont mariés, leurs deux enfants sont nés en plein jour et la famille est heureuse. Jérôme qui travaille pour un grand parfumeur vient de recevoir une promotion : créer un parfum pour un grand couturier, John Helaga. Il rencontre le maître qui lui donne des indications sur ce qu'il veut. Jérôme se met au travail. Pendant des semaines, il peaufine "son" bébé. Il rend visite au couturier et ils décident ensemble de la suite.


 

De petites touches en petites touches, le parfum s'améliore, devient plus subtil, plus fin jusqu'au jour où il plaît à son créateur et à John Helaga. Reste à trouver un nom. On fait appel aux meilleurs publicistes. Rien, il n'en sort rien. C'est Jérôme qui propose : "Et si on l'appelait La Nuit ?"


 

Bingo ! John Helaga est emballé. Cela correspond parfaitement à sa prochaine collection qui fait la part belle à la couleur noire !


 

Succès! Formidable, génial, mariage réussi. Les titres des journaux sont enthousiastes. Jérôme et John, John et Jérôme, on ne parle que d'eux !


 

Croyez-moi, ou ne me croyez pas, depuis ce jour Jérôme n'a plus peur la nuit.


 

On se demande bien pourquoi !


 


 

Louis Delville


 

 

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"Un homme improbable et imprévisible", une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

UN HOMME IMPROBABLE ET IMPRÉVISIBLE


 


 

Oncle Roger était le prototype même de la personne improbable. Au plus loin dont je me souviens, c'était un original. Était-il invité chez nous ? Le traditionnel bouquet de fleurs était remplacé par un superbe cactus !


 

Certains membres de la famille hésitaient à le convier à une fête de peur de le voir arriver tout de blanc vêtu.


 

On tremblait les jours d'enterrement, on riait d'avance les jours de baptême.


 

Jusqu'au jour où Oncle Roger est allé rejoindre Tante Laure au cimetière du village. Même pour sa mort, il avait été imprévisible. On l'avait retrouvé dans son jardin étendu dans le parterre de muguets. Crise cardiaque avait diagnostiqué le docteur. Mais ce n'était pas fini. Il y avait le testament. Il n'avait pas eu d'enfant et léguait tout à ses neveux et nièces.


 

Le notaire détaillait soigneusement la part de chacun. Lorsque ce fut mon tour, j'entendis : "Pour mon neveu Louis, mes livres de cuisine et mes livres de jardinage". En plus du quart de la maison et d'une petite somme.


 

Sacré Oncle Roger ! En matière de livres de cuisines, il y avait une année de recettes dans les pages du vendredi du journal local. Quant aux traités de jardinage, un almanach de 1946 (mon année de naissance) avec les conseils de Sébastien, le jardinier de l'évêché !


 

Oncle Roger est mort il y a longtemps, mais j'ai hérité de son goût pour les surprises et j'en suis fier. Je me réjouis déjà de voir la tête de mes héritiers !


 


 

Louis Delville

 

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Lorsque Bob le Belge se lâche, ça donne ça...

Publié le par christine brunet /aloys

Extrait d’une interview de l’auteur par Patrick Sel d’Arvor, parue dans la page littéraire du Monde du vendredi 30 avril 2007

Votre style fait penser à Proust ou Mauriac, vous en êtes conscient ?

Tout à fait. Certains critiques littéraires, surtout à l’étranger, parlent également de Dostoïevsky ou Hemingway… je ne cherche pourtant pas à les copier et d’ailleurs comment le ferais-je ? Je ne lis que les Martine ou de temps à autre un Delly. C’est inné.

 

Comment expliquer qu’avec un tel talent, vous n’ayez pas encore obtenu un Goncourt ou un Renaudot ?

Précisons d’ abord que j’ai quand même été nominé deux fois dans le catalogue des Trois Suisses et que le bulletin paroissial de ma commune m’a cité récemment, mais bon… mon éditeur est lui-même auteur et la jalousie… je pense qu’il n’a tout simplement pas envoyé mon livre.

 

Parlons de votre personnage Bob le Belge. Peut-on dire qu’il est un philosophe ?

Incontestablement, même si certains enlèvent le ‘testablement’. Il y a dans cet être raffiné et d’une grande culture, une vision hédonique de la vie qui interpelle, même si certains enlèvent l’’inter’. D’autant plus qu’il résume sa vision du monde avec une expression qui fait mouche et qu’on propose parfois pour les épreuves du bac…

 

« Et voila ! », sans accent sur le a ?

Tout juste.

 

Il y a t-il une raison particulière pour que cet accent soit omis ?

La syntaxe tout simplement. A l’imparfait du subjonctif, la césure de cette phrase prise dans sa globalité résiduelle aurait exigé une altercation intempestive de la continuité de la signification exhaustive de l’entité contraire. Or, nous nous trouvons ici dans un cas de figure où le conditionnel présent entraînerait une réévaluation de la construction narrative de l’exposé inverse… en bref, pour être simple, l’accent grave eut été aigu, ce qui eussé été une erreur grossière.

 

Je comprends… ou plutôt, pour être très franc avec vous, je ne comprends rien du tout.

C’est normal. Il n’y a rien à comprendre. Bob le Belge se regarde et comme il est dessiné au septième degré, c’est seulement dans une ou deux, voire trois semaines, que le déclic se fera. Vous n’en saurez d’ailleurs rien puisque à ce moment-là vous l’aurez oublié.

 

Peut-on parler de génie ?

Absolument. Rien ne m’horripile plus que les faux modestes. Ceci dit, mon QI n’est pas anormalement élevé… le Q au niveau du bassin et le I un peu plus haut, du côté du nombril.

 

Une dernière question, car je sais votre temps compté. Peut-on espérer d’autres Bob le Belge dans l’avenir ?

Il n’existe qu’un seul Bob le Belge… à moins de le cloner !

 

Je voulais dire d’autres épisodes ?

Ce n’est pas exclu. J’ai cassé la pointe de mon crayon et je ne retrouve plus le taille qui s’est taillé. Je lance un appel, il est rose fluo avec un dessin de bisounours.

 

Merci.

 

BOB LE BELGE

 

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Un texte de Bob Le Belge !!

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Et vous, vous en pensez quoi ?

 

C’est un scandale ! Remarquez que je m’en doutais, ça ne pouvait pas se terminer autrement. Un vrai fiasco.

 

Je leur avais pourtant bien dit qu’il ne fallait pas s’entêter, que cela ne servirait à rien et que de toute façon les choses se poursuivraient de manière inexorable. Je l’ai dit, prévu, annoncé et comme d’habitude on ne m’a pas cru.

 

Hé bien tant pis pour eux et ce n’est pas ce petit truc qu’on vient de de découvrir qui va arranger les choses. Que du contraire.

 

On aura l’impression dans un premier temps que ça s’arrange, mais le répit sera de très courte durée car dès la reprise des évènements ça repartira de plus belle. Garanti !

 

Oui, oui… j’ai entendu parler de cette proposition, mais elle n’est pas réaliste. Vous rêvez là… on peut le refaire, le re-tenter, à la limite l’améliorer mais à quoi bon ? Je vous le demande les yeux dans les yeux : à quoi bon ? Et pour combien de temps ?

 

C’est trop tard. Il fallait y penser avant.

 

Et vous, vous en pensez quoi ?

 

Bob le Belge

 

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"L'homme en noir", une nouvelle signée Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

L'HOMME EN NOIR


 

C'est un petit homme maigre habillé d'un costume noir et d'une chemise blanche. Sa seule fantaisie vestimentaire ce sont les petits pois multicolores qui décorent sa cravate noire. Cheveux noirs, fine moustache noire impeccablement taillée, monture de lunettes noire, chapeau noir, mocassins noirs fort bien cirés, il parcourt la ville d'un pas rapide. Nul ne sait où il habite. Mais chacun sait où il va le plus souvent. Il se rend chez le bourgmestre, chez l'évêque, chez le gouverneur, chez des hommes politiques de tous bords et chez le directeur du centre culturel. Bref, il rend visite à des personnalités chez lesquelles il reste généralement moins de deux heures !
 

Les gens se demandent qui il est, ce qu'il fait. Certains émettent des hypothèses… Pour les uns c'est un financier de l'ombre, pour les autres, un détective privé qui vient rendre des comptes, pour d'autres encore, un parent ou un ami de jeunesse, vous savez il y a parfois de ces coïncidences ! Pour quelques-uns encore, c'est peut-être le diable.
 

Maria fait le ménage chez le bourgmestre et chez l'évêque. Elle, elle espère un jour savoir de quoi il retourne. Elle s'en vante même auprès de ses voisins : "Je saurai, je saurai… Les murs ont parfois des oreilles." Malheureusement, l'opportunité de le croiser chez ses patrons ne se présente pas de sitôt. Alors Maria patiente. À un moment ou l'autre, elle en est certaine, le sort lui sera plus favorable.
 

Un jour, le petit homme vêtu de noir se présente chez le bourgmestre qui, hélas, s'est absenté pour une urgence.
 

"Attendez là ! Mon mari sera de retour dans une petite demi-heure", annonce l'épouse ! Là, c'est le salon. Après avoir nettoyé le hall, Maria se hasarde dans le salon. "Excusez-moi Monsieur, des bibelots et des meubles à épousseter."
 

L'homme est plongé dans une revue, mais cela n'empêche pas Maria de tenter d'amorcer une conversation :
 

"Beau temps n'est-ce pas, Monsieur !"
 

"En effet…"
 

"Vous devez avoir beaucoup de travail en cette saison ?"
 

"Il n'y a pas de morte saison…"
 

"C'est comme moi ça. Mais vous c'est quand même différent…"
 

"Disons ça comme ça…"
 

"C'est quoi au juste votre boulot ?"

 

"Un peu de tout…"
 

"C'est comme moi aussi ça. Mais laver les vitres ça me semble le plus exigeant… Et pour vous le plus exigeant, c'est quoi ?"
 

"Cela dépend…"
 

Des réponses floues le bonhomme en donne tant et plus. Lorsque le bourgmestre est de retour, la curiosité de Maria est loin d'être satisfaite. C'est on ne peut plus frustrant ! Elle se dit qu'elle aurait dû y aller plus franchement. Demander au bonhomme s'il voulait bien l'aider. Quels genres de clients il préférait ou depuis quand et à quelle occasion, il avait connu Monsieur le Bourgmestre ?


 

Et le temps passe. Et la curiosité de Maria ne s'éteint pas…


 

Un jour, l'évêque lui semble particulièrement enjoué…

 

"Bonjour Maria ! Pas de nettoyage aujourd'hui. Demain, je reçois ma famille pour goûter. Les enfants vont sûrement salir. Alors faites-moi, je vous prie, le fameux gâteau aux noix que vous aviez préparé l'autre jour. Si vous en avez l'occasion faites aussi un cake aux pommes, un autre aux poires et caramel, des galettes, quelques religieuses, des pets de nonne et un délicieux saint-honoré. . Heureusement que vous êtes aussi bonne cuisinière que femme de ménage, Maria ! Une remarque ? Une question ?"
 

"Monseigneur si j'osais… Je vous demanderais… qui est ce petit homme moustachu habillé de noir que vous recevez parfois… Est-ce un de vos parents ?"
 

"Un parent ? Qu'est-ce que vous allez chercher là… C'est un ami, un ami très précieux, précieux comme l'êtes Maria…"
 

"Oui, mais qu'est-ce qu'il fait, Monseigneur ? "

 

"C'est personnel, Maria…"
 

"C'est votre tailleur, n'est-ce pas…"
 

L'évêque se met à rire et s'en va… Maria y voit là une sorte d'acquiescement.

 

Mais un jour le bourgmestre envoie Maria aider le personnel d'entretien du centre culturel en vue de la visite du Ministre et là, Maria y aperçoit le petit homme en noir. Le directeur s'isole avec lui dans son bureau et Maria qui a de bonnes oreilles a pu entendre le petit homme qui disait : "Le bonheur est de laisser chanter la vie à travers les arts…" et le directeur répéter après lui "Le bonheur est de laisser chanter la vie à travers les arts…". Puis de nouveau le petit homme qui intervenait : "Plus posément, Monsieur. Pensez à bien respirer, à bien articuler. Soyez plus détendu. Encore une fois…"


 

D'un coup, Maria sut… Et les sermons ampoulés de Monseigneur, les discours passionnés du bourgmestre n'eurent plus de secret pour elle !


 

(Conte finaliste au concours de contes de Surice en 2016)


 

Micheline Boland

 

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"Le Feu", une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

LE FEU


 

Connaissez-vous Rouen ? Une superbe ville avec de magnifiques endroits et d'excellents restaurants.


 

Cette année-là, mes pas m'ont mené vers les bords de la Seine en direction du Mont-Saint- Michel. Quand je dis mes pas, c'est plutôt ma petite voiture.


 

Quelques heures de route et me voilà face au "Gros-Horloge" et aux rues commerçantes. Il fait un temps splendide et je me promène longuement visitant églises, musées, monuments. Vers quatorze heures, après un bon petit repas, je suis sur la Grand-Place où les touristes déambulent joyeusement. Un banc à l'ombre d'un tilleul m'accueille. Moi, vous savez quand je suis bien, je m'endors et je rêve.


 

Jeanne d'Arc est face à moi. Enchaînée, elle marche vers le bûcher. La foule est silencieuse tant la jeune fille est digne dans sa robe de bure. Le bourreau la ligote sans ménagement, un officier lit l'acte d'accusation. Au fur et à mesure des mots, les spectateurs grondent. Une folle rumeur se propage. Elle va être sauvée par un ange. C'est sûr, Dieu ne la laissera pas mourir !


 

À présent, Jeanne est seule. Elle domine les gens qui prient. On allume une torche et les aide-bourreaux mettent le feu aux quatre coins du bûcher.


 

La fumée se fait plus épaisse, les flammes grandissent. Je sens la chaleur, j'ai le réflexe de me reculer ce qui me réveille.


 

Quel est le sale gamin qui a mis le feu à la poubelle juste à côté de moi ?


 


 

Louis Delville


 

 

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Joël Mespoulède nous propose le second chapitre de son ouvrage "Faune sauvage"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

CHAPITRE 2

 

 

        Il est maintenant 22h30. La nuit est à nouveau là, je suis assis dans ma voiture et c'est toujours France Inter qui joue. Du jazz, plutôt très bon pour moi qui n'aime pas le jazz. Un type qui joue de sa contrebasse et de sa voix avec une puissance et une virtuosité folles. Major truc ou colonel machin. J'ai déjà oublié le nom...

        Après tout ce silence, reprendre le cours des aventures du quotidien me demande toujours un effort. Ce n'est pas la tentation de Venise mais celle de Jeremiah Johnson. J'ai besoin d'un sas avant de rentrer dans le monde. Pascale sait ça.

        Au début, quand je partais plusieurs jours, avec bivouac et tout ça, au retour j'appelais ma mère. Dix minutes de conversation sur les misères du temps qui passe et les dernières aventures du chat de la voisine et je n'avais plus à craindre aucune pulsion de meurtre envers quiconque venu rompre ma bulle de silence, voisin, ami, compagne ou mieux, enfant. J'étais jeune et impétueux, c'est loin tout ça...

        22h40. Dieu que cette cigarette est bonne.

        La maison est paisible. Tout le monde dort ? Non. Pascale corrige des copies, la musique en sourdine, une tasse sur la table. J'aime quand elle chausse ses lunettes de prof. Le regard se lève, le sourire illumine son visage. Je me penche sur elle pour l'embrasser.

        — Hummm, mon homme des bois...

        — Je pue, j'ai faim, j'ai froid et je suis épuisé. Laisse-moi le temps de me doucher.

        — Dis donc mon gars, c'est toi qui viens me coller tes odeurs de mâle sous le nez. D'ailleurs, je me demande bien comment tu réussis à ne pas faire fuir tes bestioles à l'odorat soi-disant si développé.

        — Je les fais fuir. Par contre ça attire les fées des forêts. Tu sais, celles qui ressemblent à des donzelles de vingt printemps et qui parcourent la montagne court vêtues et sans culotte.

        Je vide la tasse, le thé est encore tiède, pas sucré, mais je découvre soudain que j'ai soif. Je me sers une autre tasse et la vide et encore une autre. La montagne pompe les liquides, assèche les corps.

        — Mon pauvre chéri, c'est pour ça que tu as l'air si fatigué. C'est à cause de la vilaine fée avec ses fesses à l'air.

        — Ah non... Pas vilaine, bien au contraire, très, très gentille avec les hommes des bois...

        Je défais mon sac, range l'objectif, benne les tee-shirts que je consomme dans le temps d'une journée de sortie dans un bac de linge sale qui leur est spécialement dévolu, vide la gourde et la pose sur l'égouttoir tête en bas, achève de remplir le lave-vaisselle des boîtes qui ont contenu mon repas, toutes choses qui avaient le don de l'exaspérer, dans les premiers temps de notre relation... « Est-ce que ça ne peut pas attendre ? » « Non ! C'est bien pour ça que je le fais maintenant ».

        Enfin je peux relier le boîtier à mon ordinateur afin de charger les 150 à 200 images de la journée. Je ferai un premier tri rapide tout à l'heure, après la douche. Pendant que la bécane mouline, je me serre tout contre Pascale.

        — Tu pues, tu colles, tu es globalement d'une saleté repoussante, mais ça ne fait rien, la priorité est de charger les photos de la journée et te frotter à moi.

         — D'abord ce ne sont que des taches de myrtille et d'herbe. Ensuite, le cow-boy solitaire, dès qu'il arrive quelque part, commence toujours par s'occuper de sa monture.

      — Dis-donc, cow-boy solitaire, tu compares qui à ta plus belle conquête ?

        — À travers le cheval, c'est l'outil de travail que j'évoque... Mais dites-moi, chère madame, quelle impudeur ! Et si votre fille venait à surgir.

        — Hummm... Elle dort chez sa grande copine Julie...

        — Et ça ne vous fait rien de vous frotter à un type tout puant ?

        — D'abord je ne me frotte pas à un type, je me frotte à toi. Et puis juste avant que tu n'arrives, je me disais que j'aurais bien pris une douche.

Publié dans Textes, présentations

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Joël Mespoulède nous présente son ouvrage "Faune sauvage"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Biographie :

 

Joël Mespoulède est né en 1966. Il vit actuellement dans le Languedoc avec ses deux enfants et sa compagne. Après un polar publié en 1999, quelques nouvelles et une poignée de dramatiques radio, il a collaboré avec la compagnie de l'Abreuvoir sur plusieurs spectacles et revient en littérature avec Faune Sauvage, un récit entre polar et nature writing..

Il travaille aussi pour le label Sirventès au développement de groupes comme la Mal Coiffée et du Bartàs

 

 

Résumé :

 

Faune Sauvage parle de notre relation à la nature et de sa place dans la société des hommes... Nicolas, le narrateur, est photographe professionnel spécialisé dans la photo animalière. Fin connaisseur de la vie sauvage, il traque, dans ses montagnes natales, un vieux mouflon mythique pour en tirer un portrait en forme d'image parfaite. La photo une fois faite devient un emblème pour ce territoire perdu au point de déclencher colère et convoitise. D'aucuns se lancent à la poursuite de l'animal. Pas question pour Nicolas de voir « son » mouflon finir en trophée. Il se lance à son tour dans la chasse cependant que la nature observe, ni bonne ni cruelle, juste indifférente au drame qu'il concerne les hommes ou les animaux. Nicolas évitera la chute grâce à l'amour et à une promesse d'enfant, car ce sont là aussi des liens très anciens avec notre nature d'humains, quand nous nous disputions la prééminence avec les autres espèces d'êtres vivants.

 

Extrait :

 

CHAPITRE 1

 

 

        Par delà les brumes du sommeil, le téléphone fait surgir dans ma mémoire le souvenir du réveil. 3H30 ! En avant cœur vaillant ! Cette journée est à toi !

        Se lever quand la nuit est la plus profonde n'a rien de normal ni de très facile. Les yeux grands ouverts, le corps n'en veut pas. Si la tête est prête, les articulations regimbent, le dos et une certaine forme de pesanteur dans les jambes, toutes ces pré-douleurs du temps qui passe m'annoncent des lendemains de moins en moins glorieux.

        Bon Dieu ! Foutue mécanique ! Debout !

        Je m'extirpe du duvet. Quand je pars au milieu de la nuit, le choix du canapé me garantit de ne pas déranger la maisonnée.

        La douche est brûlante et longue. Le sac prêt depuis la veille m'attend, appuyé à la porte d'entrée. Je repasse soigneusement la litanie. Appareil chargé, objo vissé, vêtements de rechange, gants, cagoule, polaire camouflée, parka gore-tex.

        3H45 dans la cuisine, France Inter sourdine les émissions à succès de la veille. Ne pas oublier le sac de bouffe dans le réfrigérateur, il ne manquerait plus que ça. Ce qui me fait office de petit-déjeuner est copieux, certes, mais ne me fera pas toute la journée.

        Météo France me promet une belle journée avec un vent d'ouest de vingt km/h. Qu'il sera bon, tout à l'heure, quand la fatigue sera telle que mes jambes en trembleront, de trouver une tanière abritée, de tout déballer, léché par les rayons du soleil, d'enlever les chaussures. La torpeur me gagnera. Poser le bouquin, à ne pas oublier de caser dans une poche extérieure, m'endormir comme un enfant.

        Bon Dieu de bon Dieu ! Cette époque est-elle si dégueulasse qu'une journée de silence avec le souffle du vent et les chants des oiseaux m'apparaît comme un luxe à nul autre pareil ?

        4h25. Dans la rue. Le timing est bon, je suis même légèrement en avance. Plus loin quelques fêtards parlent fort et font claquer les portières. J'accélère. Mes pas sonnent fort sur l'asphalte. Pour autant nos chemins ne se croiseront pas. Ce ne sera pas After Hours. New York est loin et la vie n'est pas un film de Scorsese, même sous un éclairage fantomatique.

        Dans la voiture, France Inter continue d'égrainer ses rediffusions. Le moteur ronronne. J'allume une cigarette. Je sais que tout à l'heure, je le regretterai, mais pour l'instant, je la savoure. La nuit m'appartient.

        Je pars en montagne. Silencieux comme un loup, je vais me glisser dans son manteau de forêt. Et je serai sur les crêtes avant l'aube.

        5h00. J'y suis. Voiture verrouillée. Je marche à la lumière de la pleine lune. Dans une 1h30 j'arriverai là-haut, en poste.

        Je prends bien garde de lever les jambes et de dérouler le pied pour faire le moins de bruit possible. Malgré tout, de temps en temps je déloge une pierre. Une branche craque. La forêt commence par retenir son souffle... puis je la devine qui murmure au travers de la brise : « Un intrus, il y a un intrus... ». Soudain, une forme sombre bondit du sous-bois, traverse le chemin.     Le bruit d'une course. Les branches claquent. Un animal solitaire, un cerf sans aucun doute. La surprise me fait sauter le cœur comme s'il voulait jaillir de ma poitrine. Pas la peur. La peur est une sourde angoisse qu'il faut secouer comme un frisson, parce que la nuit dans la forêt ce n'est pas le temps de l'homme. Et pourtant, c'est si bon. Le froid sur la peau, mon souffle qui se condense en un brouillard fugace. Les bronches me grattent. Je n'aurais pas dû fumer cette cigarette.

        Un vieux sapin pectiné à moitié fracassé, rongé par les insectes ou malmené par un coup de vent, exsude sa résine. Le goût est fort au point d'en être écœurant, la résine colle aux dents, mais soulage la gorge.

        Le dénivelé tire méchamment les muscles de mes jambes. Avant c'était raide et maintenant c'est très raide. Il n'y a plus que des hêtres. Les fûts s'espacent, se tordent, rampent. J'approche. Peu à peu le noir de la nuit se teinte du bleu de la pré-aube que nul peintre ne pourra jamais inventer, un bleu roi profond et lumineux en même temps.

        Est-ce qu'un photographe peut y arriver ? Il y a une compo à essayer. Le flanc de la montagne encore sombre, ce bleu du ciel, une voiture qui monte dans les lacets, la traînée des phares comme une virgule lumineuse qui surligne le noir des rocs et l'intensité du ciel. Il faut juste trouver le lieu... Et quelqu'un pour piloter la bagnole.

        J'imagine la scène : « Chérie, j'ai une super idée. Alors voilà, toi tu conduis la voiture et moi je déclenche... ».

        Hummm. Ça veut dire que le temps doit être clair et dégagé. En se levant à 4h ou 5h du mat, un jour où la gamine dort chez une copine, avec un peu d'organisation et de méthode, elle peut arriver au collège à temps. Ce sont des lumières fugaces. Cinq minutes ? Dix minutes maximum. Clic-clac et c'est dans la boîte.

        L'idée peut-elle la séduire ? Humm... C'est la mise en œuvre qui sera délicate...Sans parler du temps de préparation, de repérage.

        Merde ! Assez rêvassé ! Il faut que je m'active, l'aube est proche. Déjà les oiseaux s'affolent. Les prairies d'estive prennent cette teinte de bronze passé qui annonce la lumière. Là-bas, à l'Est, un halo jaune hésite devant la noirceur de la nuit. Vite. Il faut que je rejoigne ma place.

        La lune, le vent, la lumière, les pluies hier, normalement toutes les conditions sont pour moi. Si je ne me sors pas une bonne image, je me bouffe le trépied.

        Non ! Pas le trépied, au prix où ça coûte.

        Si je ne sors pas une image, je bouffe mon chapeau... De toute manière au rythme où je les perds.

        Appuyé au rocher, j'attends le soleil qui me permettra de me réchauffer. Le tee-shirt empoissé de sueur, tout de suite froid, me colle au dos. Je me changerai plus tard, je ne veux plus bouger, je suis au poste, un amas de rochers d'où pointent un sorbier et quelques bouleaux nains. Camouflé, je suis invisible tant que je reste immobile. J'attends.

        La prairie se déroule sur une petite centaine de mètres avant la pente qu'escaladent les bois. Je suis en embuscade à dix mètres d'une coulée qu'empruntent tous les animaux du secteur. Je les attends là parce que j'y ai réussi quelques-uns de mes plus beaux portraits d'animaux sauvages.

        Et s'ils ne viennent pas sur moi, j'ai toujours moyen de me déplacer, de m'approcher à couvert, pieds nus, en silence, comme un Sioux.

        Du bruit ! Craquements des branches et froissements des genêts. Sur l'estive, la lumière avance comme une vague. Je peux faire le point, vérifier les réglages, augmenter la vitesse. Je suis tendu. C'est toujours la même chose. On a beau y être habitué, l'adrénaline, la fabuleuse accélération du cœur.

        C'est un sentiment étrange. Je crois volontiers que c'est celui du prédateur, un lien ténu qui par-delà les temps nous lie à une humanité plus farouche, à l'animal. La viande ! J'adore cet instant. Il n'y avait rien et soudain ils se matérialisent, là.

Publié dans présentations, Textes

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