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Salvatore Gucciardo dans le magazine "Rivages" n°11

Publié le par christine brunet /aloys

Salvatore Gucciardo dans le magazine "Rivages" n°11
Salvatore Gucciardo dans le magazine "Rivages" n°11
Salvatore Gucciardo dans le magazine "Rivages" n°11
La poétesse et critique d'art Pascale Eyben a consacré un article à L'auteur et peintre Salvatore Gucciardo dans le magazine "Rivages" Sens & Spiritualités n°11  2018.
 
A savoir que l'auteur nous proposera, bientôt, un nouvel ouvrage. Son titre "Le voyageur intemporel"
 

 

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Le blog littéraire de Savina Gillès de Pélichy a lu "Villa Philadelphie" d'Edmée de Xhavée

Publié le par christine brunet /aloys

https://savina-gilles-de-pelichy-litterature.blog4ever.com/villa-philadelphie-edmee-de-xhavee?fbclid=IwAR235fdtffzsBXqfXq-BtgToWHZ9pTG8r2aKxu09WAov-ngZTokQsqsbXJc

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La lecture de ce roman est le fruit d’une rencontre avec son auteure, Edmée de Xhavée, il y a quelques semaines de cela maintenant.

 

La vie est surprenante : à peine eus-je franchi le seuil de son appartement, que nous devisions comme si nous nous étions reconnues.  Les esprits se rejoignaient instinctivement vers un humour commun ou, au détour d’un mot, rebondissaient vers des sujets profonds, voire graves.  Lors de mon arrivée, ce qui avait tout d’abord attiré mon attention, était cette lumière envahissant les lieux.  Une lumière douce et bienveillante.  Une lumière accueillante.  Et cette clarté environnait Edmée vaquant de pièce en pièce tel le soleil s’appliquant à réchauffer d’un bout à l’autre la terre.  L’auteure irradie par son sourire - fenêtre d’une âme délicate et sensible -, qui est l’aboutissement d’une vie vécue avec authenticité et résilience.

 

« Villa Philadelphie » se déroule au départ des années vingt pour s’étendre vers les années soixante.  Nous découvrons la famille Schwarzendorpf habitant une coquette villa dans une propriété située à Dolheux-Casteau.  Aimée et Richard s’aiment tendrement et profondément et de leur union naissent deux filles : Rosalie et Eveline.  L’auteure ne se perd pas en descriptions et nous présente rapidement une situation complexe et douloureuse ; alors même que les parents Aimée et Richard vivent un amour heureux, il est évident que bien malgré eux ils créent une injustice implacable entre leurs enfants.  Certaines injustices ne relèvent pas du visible, elles avancent de façon souterraine, injectant de plus en plus loin vers les abysses des cœurs l’infection de la jalousie.  C’est bien de cela qu’il s’agit : la jalousie entre les sœurs. 

 

Edmée de Xhavée réussit ce pari subtil d’évoquer la souffrance régnant dans une fratrie, sans jamais juger ou enfermer l’un de ses personnages dans des stéréotypes ou des pensées binaires.  Au fil des pages, ces derniers s’étoffent, et le lecteur voit se développer la jalousie, dans ce presque huit clos familial, chez des enfants qui ne font que vivre les conséquences des manquements de la vie de leurs parents qui ont également vécu de leurs parents les conséquences d’une vie complexe et qui eux également … et ainsi le transgénérationnel opère tant en bien qu’en mal, transmettant sa part de lumière et d’ombre, qui depuis l’origine du monde, du plus loin que l’on remonte, oblige le vivant d’exercer constamment une recherche vers la joie de vivre, en acceptant qu’une vie ne suffira probablement pas pour que l’inconscient se laisse éclairer totalement.

 

Rosalie,  « était ce qu’on appelait un enfant de l’amour, conçue dans les rires et les frôlements interrompus de longs baisers et caresses qui leur coupaient le souffle, leur coloraient les joues et allumaient leurs yeux » (p14), elle est le trésor de sa mère, son enfant chérie, celle qui possède le cœur maternel.  Arrive Eveline, deux ans plus tard, dans des conditions plus difficiles : « son corps avait réagi avec hostilité à cette petite vie qui l’envahissait jour après jour, lui donnant boutons et rougeurs, altérant son humeur et sa patience » (p16).

 

Nous comprenons que la mère, toute accaparée par Rosalie jolie, délaisse Eveline, dans ce genre d’aveuglement maternel ayant pour conséquence de profonds dégâts chez les enfants. 

Le fil rouge du roman est dessiné et Edmée de Xhavée, avançant avec précaution tel un funambule, augmente la tension entre les sœurs de page en page.

 

L’aînée des sœurs, soucieuse de garder sa place de privilégiée fera en sorte, sans que cela ne puisse se percevoir, trop attentive à sauver son image, de déstabiliser sa plus jeune sœur, de l’humilier constamment et tel est le but final, de la détruire afin de l’évincer définitivement de sa vie.

 

Habitée par ses tous ses personnages, l’auteure fera renaître de ses cendres cette Eveline si injustement traitée, si mal aimée, si mal née.  Non pas une Cendrillon mais un être qui aura dû apprendre à accepter son abîme pour décider, avec sa force la plus intime, de vivre. 

 

La jalousie est un sentiment qui détruit celui qui en est habité, insidieusement ce cœur devenu sanglant et haineux se mue en une ombre mortelle contaminant la personne atteinte, tant par une âme se noircissant que par un corps se déformant par toutes ces années de grincements de dents.

 

Le roman se poursuit dans les tréfonds des êtres et lentement mais sûrement, nous voyons une Eveline s’épanouir en grâce, en joie de vivre, victorieuse d’une vie abordée par le regard de l’amour.

 

« Villa Philadelphie » est un roman qui, à l’instar du « Huit clos » de Sartre, tisse son histoire avec patience et justesse, décrivant avec minutie les effets dévastateurs de ce miroir, reflet du regard de l’autre.

 

 

 « Villa Philadelphie », Edmée de Xhavée Ed. Chloé des Lys, 2016

 

Savina GdP

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Texte 3 Concours texte photo - Vote sur ce post jusqu'au 05/12 18h. Résultats à 20h

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Vendredi 5 août 2016… Nous avons rendez-vous sur la place du village, avec le propriétaire de la cabane que nous avions louée à Saint-Charles-Garnier, pour deux nuits. Nous le suivons, avec notre voiture de location, au travers de chemins perdus au milieu de nulle part, direction le Camp « L’Evasion ». Situé en pleine forêt, dans le bas Saint-Laurent, il avait particulièrement attiré notre attention, pour son côté ancien, rudimentaire et authentique. Ici règne le « pas de » : pas de voisins, pas de wifi, pas d’eau chaude, pas d’électricité ; c’est un voyage dans le temps, loin du stress quotidien de nos villes… Régis nous fait visiter la cabane en bois, à l’image parfaite de la chanson de Line Renaud.


 

Il nous explique comment chauffer l’eau, allumer les lampes à gaz, nous montre les bougies, les érables, sa cabane où il fabrique lui-même son sirop, nous emmène faire un tour dans la forêt, où vivent buses, chouettes rayées, coyotes, orignaux, lynx et ours noirs. Il cite les divers animaux sur les photos qu’il a prises, en été comme en hiver, nous laissant sous le charme de l’endroit et des saisons. Après cet accueil plus que chaleureux, il nous laisse savourer ce lieu magique, tout droit sorti d’une autre époque, qui déjà nous appartient.


 

Nous nous installons. Je sais d’emblée que je vais m’y plaire. Je m’y sens tout de suite chez moi. Voilà un endroit rêvé pour une retraite, un temps de méditation, un atelier d’écriture, un rendez-vous avec la nature, avec l’être aimé, un retour en arrière dans le temps, qui semble ici et nulle part ailleurs s’être arrêté, et c’est bien ce qui me plait.


 

Sur la table, une bougie, une boussole, un livre ouvert, un titre en calligraphie « Un Billet de Femme ». Je reconnais tout de suite l’auteur : Marceline Desbordes-Valmore, un de mes préférés en poésie. Le recueil « Pauvres fleurs » date de 1839. Décidément, cet endroit est fait pour me plaire…


 

Je m’attarde sur les dernières strophes de ce poème, que voici :


 

« De ces tableaux dont la raison soupire,

Otons nos yeux,

Comme l’enfant qui s’oublie et respire,

La vue aux cieux !


 

Si c’est ainsi qu’une seconde vie

Peut se rouvrir,

Pour s’écouler sous une autre asservie,

Sans trop souffrir,

Par ce billet, parole de mon âme,

Qui va vers toi,

Ce soir, où veille et te rêve une femme,

Viens et prends-moi ! »

Une étrange sensation me traverse au moment où je lis ces vers, comme si elle avait laissé, en écrivant, un message que je déchiffrais aussitôt : j’étais là pour profiter de l’ici et maintenant, de la beauté qui m’entourait, de l’amour qui s’offrait à moi, et rien d’autre. Voilà ce qui me permettrait de revivre.


 

La boussole m’intrigue, elle aussi, car elle a quelque chose de particulier, les signes du zodiaque… Est-ce là aussi un signe, un guide pour m’aider à avancer sur le sentier de mon existence…? Que cela pourrait-il signifier ? Voyons… L’astrologie m’aide à définir la carte, la carte de mon ciel de naissance (« la vue aux cieux »), donc mon thème astral… Le signe astrologique est la boussole du navire de mon existence.

Lion : Né entre le 23 juillet et le 23 août, la chaleur de l'été est perceptible chez le Lion. Les personnes nées sous le signe du Lion sont volontaires, passionnées et dynamiques. Pour agir et avancer dans leurs vies, les Lions auront besoin de se donner des objectifs très rigoureux. Éternels pressés, leur rythme de vie est intense et il leur sera difficile de ne pas se faire remarquer ! De nature curieuse, ils possèdent une grande soif d’apprendre.


 

C’est décidément le plus beau voyage que je n’aie jamais fait. Quatrième jour de notre circuit en Gaspésie : les paysages défilent sous mes yeux, tandis que d’autres espaces s’ouvrent à moi, dans mon ciel intérieur… C’est un voyage à double sens, un voyage spatio-temporel, où tout s’éclaircit aux lueurs de la bougie. Ici, on savoure l’instant, alors je savoure : je me délecte de chaque seconde, comme un enfant qui découvre la vie. « Comme l’enfant qui s’oublie et respire », je pars explorer la forêt, à l’aube, à l’affût des moindres bruits, découvertes, sensations, tous mes sens en éveil ; seule avec la nature, les oiseaux, j’écoute leur chant, qui résonne et fait écho dans l’immensité du ciel. Je m’en imprègne. Je ne sais même plus pourquoi je suis venue, mais qu’importe si je ne trouve pas l’orignal que je cherche, je suis là, toute petite, infime, parmi ces arbres gigantesques, parmi cette immensité. Quelle beauté… Une ombre s’agite, un écureuil me laisse à peine le temps de l’apercevoir qu’il s’est déjà éclipsé. Je rentre, après une heure, préparer les toasts à l’ancienne, car ici, le grille-pain n’existe pas encore, je prépare les framboises que j’ai cueillies, chauffe l’eau sur le gaz pour le thé.

Quelques mois plus tard, quelle ne fut pas ma surprise en découvrant le nouvel album de Pascal Obispo « Billet de femme », au Zénith à Lille, album reprenant des poèmes de Marceline Desbordes-Valmore…

 

Publié dans concours

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Texte 2 Concours texte sur photo

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Un vieux sage

 

Mon esprit vacille,

La vision n’est plus claire.

Dans le sablier de l’âge

Ne reste plus que de la poussière.

Entre les rouages de mon corps

Crissent des grains de moments.

 

La flamme faiblit et le froid me mord.

Mon ombre tressaute et toussote,

Discrètement par respect

Du silence.

J’ai cherché, j’ai fouillé,

J’ai usé de ma science.

Seul dans ma bulle

Cherchant le siège du bonheur.

Malheureux noctambule

Pourchassant un fantôme.

Dans les écrits

J’ai deviné des signes,

J’ai suivi des traces de vie.

Mais ce sacré bonheur

Siège-t-il dans quel coin du monde ?

Dans le Sud ensoleillé ?

À l’Est oriental ?

À l’Ouest rêvé ou au Nord ?

 

D’un coup,

Une pensée passe en un éclair.

Et elle pourrait s’avérer vraie.

Je n’ai jamais osé regarder…

En moi !

Publié dans concours

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Texte 1 concours : texte sur photo...

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

L’échelle à quatre marches

 

Honorin avait fait un rêve. Un homme à barbiche, un œil fermé (le gauche), lui disait d’aller au grenier chercher le coffre de son oncle défunt. Quand il se réveilla… 
Le jeune astrophysicien était le seul survivant d’une longue lignée d’alchimistes. Voici une dizaine d’années, après l’héritage de son oncle (descendant d’Altus) il avait vendu le château et le mobilier et mis le coffre en lieu sûr. « Tout ce qu’il y a dedans vaut de l’or » lui avait dit son oncle avant de s’en aller. Mais il l’avait laissé dormir sans même y jeter un regard, car pour lui l’or était ailleurs.
À quatre heures du matin il était debout. Il monta au grenier et trouva la malle, intacte après tant d’années. Impatient d’examiner le trésor, il prit pieusement les objets un par un et les rangea sur sa table de travail couverte d’une nappe fleurie, de couleur sombre. Vêtu de son peignoir raccommodé, Honorin regardait à travers ses grosses lunettes les sept objets: une chandelle (qu’il alluma aussitôt comme pour un rituel), un livre aux feuilles jaunies, brûlées et déchirées par endroit, écrit par Altus. À côté, il y avait quatre volumes (remis à neuf et entassés l’un sur l’autre) du livre Mutus libermagister dont l’auteur était le même Altus. Trois d’entre eux contenaient des dessins sans le moindre texte, tandis que le quatrième étalait le tableau des éphémérides. À la dernière page il y avait deux croquis face à face, représentant la vie et la mort. Un lutin, le pied droit posé sur la vie et le gauche, sur la mort, tenait entre ses mains un grand signe d’interrogation. Juste à côté des livres, il y avait un appareil sophistiqué, pas plus grand qu’un saladier, qu’Honorin avait trouvé entre des pailles, au fond du coffre. 
À travers la fenêtre ouverte l’éclat lunaire chassait l’obscurité de la pièce. La lumière froide de la lune et celle chaude de la chandelle s’entremêlaient silencieuses dans une danse presque mystique. Le livre, daté de 1677, était un traité d’alchimie, une sorte d’Alchemical abstracts des œuvres des plus illustres alchimistes. Quelques pages y avaient été arrachées afin d’être examinées à la chaleur de la flamme (certains mots coloriés en rouge, écrits à l’encre sympathique, en étaient les témoins) ; ensuite, elles avaient été remises à leur place, sans grand soin. Honorin sentait toutefois que l’ouvrage était plus qu’un simple livre descriptif. Ayant un don hors pair dans le déchiffrage des codes, pour lui ce fut un jeu d’enfant de voir qu’à la page 7 commençait le chapitre « L’entonnoir du temps » et que chaque page avait 14 (2x7) lignes. En examinant à la loupe la page 21, il eut une révélation : si on marquait d’un point rouge chaque septième lettre de tous les mots de plus de sept lettres et si on unissait ces points par une ligne courbe, on obtenait le portrait de son aïeul Altus, l’homme du rêve qui lui faisait un clin d’œil espiègle, voulant dire: « Voici les jouets sympas que je te donne. Seras-tu à la hauteur des mystères qui s’y cachent ? » Suivant la même logique, à la page 28 il lut le message suivant: « Le chiffre 7 ainsi que ses multiples sont sacrés. Les Pythagoriciens le nommaient “la machine de la vie” et tu apprendras pourquoi, en démêlant les cryptogrammes des volumes aux dessins. Il y a quatre marches à suivre pour accomplir le Grand Œuvre Alchimique: l’œuvre au noir sous l’œil destructeur de Saturne, l’œuvre au blanc sous l’œil purificateur de la Lune, pour obtenir l'élixir de longue vie, l’œuvre au jaune sous l’œil sublimatoire de Vénus quand la matière palpable devient invisible et enfin, l’œuvre au rouge sous l’œil du soleil ; c’est la réincarnation de l’esprit dans un nouveau corps et à un niveau supérieur de conscience.” 
Étranges coïncidences… Son nom avait 7 lettres, il était né le 7.07.1907 et dans sept jours il devait fêter ses 37 ans. À la page 77, Honorin découvrit un texte suivi d’un dessin: « Mon fils des générations futures, je te donne cet appareil que j’ai moi-même construit à la lumière de l’esprit et celle de la chandelle, après avoir accompli le Grand Œuvre. Il s’appelle Tempusvitam. Chaque naissance et chaque mort y sont codifiées. Découvre le mode d’emploi et tu sauras quand tu mourras et comment obtenir l’immortalité ». Perplexe, Honorin se gratta la barbe. « Hm… J’apprends quand je mourrai, pour découvrir par après l’immortalité... C’est absurde ! » Un seul regard lui suffit pour comprendre que le dessin reproduisait fidèlement l’appareil du coffre. Son cœur se mit à battre plus fort. Soudain, sa pensée glissa vers des questions auxquelles il n’avait jamais trouvé de réponse. « Certes, il y a trop de mathématiques dans le ciel pour que la vie soit apparue par pur hasard… » se dit-il en se dirigeant vers sa table de travail «…ou alors le hasard est un très bon mathématicien ». 
Il examina minutieusement la machine. Elle était faite de trois cylindres métalliques coaxiaux, ayant au centre une boussole à deux aiguilles, une blanche et l’autre noire. Honorin se mit à chercher ardemment le mécanisme du fonctionnement de l’engin. « Il existe nécessairement un lien entre les livres

 

et cet appareil » pensait-il « sinon ils n’auraient pas été mis ensemble ». 
Il relut attentivement le chapitre « L’entonnoir du temps » où certains paragraphes faisaient référence aux dessins du Mutus liber magister. Le premier cylindre indiquait les 12 signes du zodiaque, tandis que le deuxième montrait, en chiffres arabes et romains, le nombre d’années, de jours et d’heures de vie. Le troisième cylindre protégeait la boussole, dont l’aiguille blanche pointait vers le signe de naissance, tandis que celle noire montrait d’abord l’année, ensuite le jour et l’heure de la mort. 
Après de nombreux essais, un jour de chance, il eut enfin le code. En tournant le premier cylindre 37 fois vers la droite et le deuxième, 37 fois vers la gauche, l’appareil se mit en marche d’un mouvement silencieux. Après un certain temps il s’arrêta. L’aiguille blanche oscillait dans le septième signe, le Cancer (son signe de naissance), tandis que l’aiguille noire effleurait un par un les chiffres 37, 7 et VII. « Je vais donc mourir demain, le jour de mon anniversaire, à 7 heures ». Le rêve, l’homme à barbiche… Oui, il avait été guidé vers la boîte du grenier. Quelqu’un de là-haut (ou d’en bas) voulait le sauver à tout prix. 
Il se souvint du livre d’Altus. Il y avait quatre étapes pour réaliser le Grand Œuvre. Il se trouvait où, lui ?... Avait-il déjà parcouru l’œuvre au noir et devait-il entamer l’œuvre au blanc, celle de la purification pour obtenir l’élixir de longue vie ? Seul face à lui-même et devant une telle question… Soudain, il se rappela la phrase «…comment obtenir l’immortalité ». Il comprit que s’il voulait vivre, il fallait changer le code. Et après quelques essais infructueux, il trouva la clé. C’était comme une nouvelle naissance et il en était le maître. « Disons 107 ans. Pas mal… Ensuite on verra ». Aussitôt il se mit à tourner le premier cylindre 107 fois vers la droite et une seule fois vers la gauche. Le résultat fût étonnant. L’aiguille blanche dandinait toujours dans le signe du Cancer, tandis que l’aiguille noire tournait sans arrêt. Honorin laissa la machine virevolter un jour, deux, des mois et des années par dizaines. Constamment obsédé par les faits du ciel et beaucoup moins par ceux de la terre, il était toujours sans famille à ses 106 ans. 
La machine continuait toujours de tourbillonner au grenier, tandis qu’Honorin vieillissait comme tout un chacun. Après tout, Altus lui avait promis l’immortalité, pas la jeunesse éternelle. Il diminuait de jour en jour, sous l’œil impitoyable de Saturne. Le vieux fantôme ne faisait que trois fois par semaine le tour du jardin, en trébuchant sur sa longue barbe et ses souvenirs. Il avait renoncé à tout pour mener une vie d’ermite qui ne le satisfaisait plus. Le crépuscule de sa vie le trouvait épuisé d’isolement, sans aucun ami. Et il venait d’enterrer son dernier chien. Indubitablement, son diplôme de docteur en astrophysique, tous les livres qu’il avait écrits ainsi que sa sagesse notoire n’étaient que des amis inanimés, des amis en carton. Il se posait toujours des questions. « Et si… »

Un soir il monta au grenier vérifier si la machine roulait encore. Oui, elle tournait à vive allure comme au premier jour. Quant à lui…Triste, recroquevillé sur sa canne, il errait parmi les antiquailles, en parlant tout seul : « À quoi bon vivre dans un monde vidé de lui-même ? Certes, le monde s’est renouvelé, pas moi. Où est ma place parmi tous ces inconnus ? À quoi ça sert d’être un dieu si on n’a personne à qui dire bonjour ? Dieu lui-même s’est auto-détruit, ne supportant plus sa solitude. Bang ! Big-bang. Et il court depuis, sans arrêt, sous la couverture d’un univers qui grandit à l’infini. La Force grandiose, qui s’est dissipée voici 13,7 milliards d’années dans des infinies fractales, vit toujours comme elle peut dans ses créatures. Si même Dieu n’a pu supporter l’immortalité, alors comment pourrais-je la supporter, moi ?... »
Il était minuit moins dix. Le lendemain il devait fêter ses 107 ans. Devant la fenêtre largement ouverte, Honorin contemplait le ciel d’été sous l’œil attentif de Vénus. Sans hésiter il monta au grenier et tourna la machine 107 fois à droite et 107 fois à gauche. Tranquille, il rédigea son testament olographe, laissant la maison à un home pour enfants orphelins. Il mit les livres et l’appareil dans le vieux coffre et alla l’enterrer dans un lieu connu par lui seul. Avant de fermer le couvercle, il y glissa un flacon avec le message suivant: « vous qui trouverez ces choses bizarres, demandez-vous: à quoi sert l’immortalité ? ».

Ce n’est qu’au petit matin qu’il rentra chez lui. Le soleil rougissait déjà un ciel quelque part, comme une promesse de vie. Fatigué, il se coucha aussitôt. Il dormit longtemps. Très longtemps.

Quand il se réveilla…

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LA DÉCOUVERTE DU JEUNE SAM, une nouvelle signée Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

LA DÉCOUVERTE DU JEUNE SAM

Une langue que je porte en moi


 


 

Cela faisait des années qu'ils cherchaient. Les enfants avaient succédé à leurs pères depuis des générations et toujours ils cherchaient.
 

Les plus petits, les moins malins ne savaient même plus ce qu'ils cherchaient. Les anciens, les sages savaient…
 

Le désert avait suivi la jungle, les villes tentaculaires avaient laissé leur place aux huttes en paille. Les couleurs de peau avaient défilé devant eux et même les dieux les avaient croisés. Rien ne semblait pouvoir leur ouvrir les yeux. Rien ni personne.
 

Un matin comme tous les autres, le jeune Sam se présente devant le grand conseil en déclarant : "Je crois avoir trouvé…"
 

On le questionne, on s'empresse autour de lui, on l'écoute. Sam est bien connu de tous pour sa subtilité et son intelligence.
 

"Voilà… Nous errons depuis trop longtemps à la recherche de ce que nous avons probablement en nous depuis le début. Que nous manque-t-il ? Une terre ? Nous en avons foulé des centaines, une capitale ? Nous avons été accueillis partout. L'espoir ? Nous l'avons ancré au plus profond de nous."

 

"Ce qui nous manque, c'est l'amour et nous le transportons depuis toujours. Prenons-le, il est là à portée de main."

 

Le jour se terminait et tous s'arrêtèrent. Ils avaient trouvé…


 


 

Louis Delville

Blog : http://louis.quenpensez-vous.blogspot.com/

 

Publié dans Textes, Nouvelle

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La Légende de la Sirène Tranchante... aux Editions Hatanna

Publié le par christine brunet /aloys

 

La Légende de la Sirène Tranchante


 

Tout a commencé un lendemain de Saint-Valentin… Alors que le travail se fait long et pénible, une main saisit un logiciel de traitement de texte et tape sur son clavier les premiers mots d’une idée. Elle les fait ensuite lire à son amie, sa colloque, qui lui répond que c’est génial et qu’elle veut la suite. Mais elle a seulement écrit cela pour se défouler et s’occuper… Dubitative, elle y prend peu à peu goût. Elle écrit, un peu, beaucoup. Elle part dans des délires et se rend compte que ce qu’elle écrit peut avoir un sens. Elle réutilise même de vieux bouts de textes, écrits parfois un ou deux ans plus tôt, pour les intégrer à l’histoire et nourrir le récit. Elle relie également la légende d’un autre personnage, une sirène dont elle utilise le nom depuis plusieurs années déjà comme pseudo pour des jeux vidéo ou pour signer des articles. Un personnage dont elle vient d’écrire la légende il y a tout juste quelques jours et qu’elle trouve intéressant de mêler au roman. C’est alors que le titre lui apparaît très clairement. Elle continue d’écrire, s’arrête parfois pendant quelques jours, quelques semaines, un mois, puis elle reprend. Ce n’est que la veille de son départ pour l’Italie, un road trip entre amies, qu’elle met le point final. L’écriture aura pris six mois. Et moins d’un an plus tard, voici le roman sortit de la presse.

Point à noter, au début de l’écriture, l’auteure regardait beaucoup de série fantastique du type ShadowhuntersBitten ou encore Teen Wolf. Un jour qu’elle cherchait comment poursuivre son récit, elle se rendit compte que tout portait à croire qu’il s’agissait d’une histoire de vampires et de loups garous. Elle s’y refusa. Vint alors un mot. Un seul et unique mot. Son esprit le lui offrit. Corsaire. Elle réalisa alors combien elle avait toujours aimé l’univers des pirates et des sirènes, se costumant de leurs traits à la moindre occasion. Les dés étaient jetés. Il en serait ainsi. Totalement habitée, elle continua d’imaginer.

Alors qui est dont cette sirène tranchante ? Plongez dans les pages de sa légende pour le savoir… La Légende de la Sirène Tranchante, un roman fantastique empreint de mythologie grecque et d’érotisme signé Célia B. Une publication d’Hatanna Éditions à retrouver en image ou bien en pages.


 

Hatanna

15.10.2018


 


 

https://www.youtube.com/watch?v=jPJD9rKQXbE

http://hatanna-editions.fr/index.php?id_product=8&id_product_attribute=0&rewrite=la-legende-de-la-sirene-tranchante-celia-b&controller=product

Publié dans présentations

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Robert Blée nous propose un extrait de son ouvrage "A l'ombre de mon tilleul vert"

Publié le par christine brunet /aloys

Souvent je viens m’asseoir sous mon tilleul vert afin de trouver, dans l’éclat du soleil haché par un feuillage joueur, les prémisses d’un élan, ceux de la beauté.

Je les trouve dans ces moments extrêmes où l’essence de la vie fait d’un songe une valse à deux temps qui me pousse sereinement à comprendre le battement des ailes de papillons, ou celui de l’aiguille qui tourne sans relâche autour de nos horloges internes.

Dans le ballet des tic-tacs

Se construit la vie

Au rythme de nos frasques.

Souvent, la couleur de l’espoir vient chatouiller le jaune cru de mes matins engourdis afin de me bercer dans le blanc nacré des moutons sans berger qui semblent naviguer dans l’azur d’un ciel rieur, dans le no man's land d’un monde sans torpeur.

Étranges visions que je livre en étal, étranges sensations, étrange amour.

À l’ombre d’un tilleul

 

Les feuilles bruissent au vent

Dans les notes confuses d’un été,

Elles chantent aux oreilles des enfants.

 

Regards bleus,

Têtes blondes,

Le temps à l’abri des tilleuls passe.

 

Les murmures des rayons francs

Assoiffent les fontaines muettes,

Réchauffent les billes d’antan.

 

Agates aux tons miel,

Têtes rousses,

Les cours de récréation dorment.

 

Dans l’air…

 

Des fleurs,

Mille senteurs,

Le bonheur,

Les blés dansent

La ronde d’une houle formée,

Le vol d’un papillon fatigué.

 

Tout est calme en campagne,

Le temps d’été s’égrène

Paisiblement à l’ombre d’un tilleul.

Publié dans Textes

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Jean-Louis Minot nous présente Chroniques I Des femmes

Publié le par christine brunet /aloys

Extrait : 

« - Tu continues de te foutre de moi.

Marc, d’un coup, ne souriait plus du tout, il sentait que la clé de ce foutoir était quelque part. Raf se lança.

- Tu ne vas pas me croire, mais c’était une enquête de pure routine. J’avais été informé de deux corps qu’on avait repêchés dans le Rhône, deux corps de femmes.

- Allez au salon, je vous prépare le café. 

Il y avait des choses dont elle entendait se protéger. Ils s’enfoncèrent dans des fauteuils.

- Des corps méconnaissables, pas de vêtements qui permettent de les identifier, pas de bijoux, que dalle ! On a fait tout le fichier des disparues, rien ! J’ai enquêté du côté des prostituées, le vide. Les visages massacrés. Même le toubib était pâle en me faisant son rapport. Les nanas avaient passé un sale moment avant de mourir. La scientifique a tenté de reconstituer les visages mais sans résultat. On a essayé de leur rendre un semblant de dignité, dans l’idée de les faire identifier, ça n’a rien donné. J’ai poursuivi mon enquête et, à force de fouiller, j’ai réuni des éléments, les officiels et les autres. Nos chiffres d’abord, avec les plaintes pour disparition. Et puis, un jour, quelqu’un m’a rapporté une conversation qu’il avait eue dans un bistrot avec un indic. Le type n’était pas sûr de lui. Il était resté dans le vague, avait parlé d’enlèvements, de trafic d’êtres humains. Il n’avait rien de concret. Pas de quoi lancer une enquête, en fait.

- Il n’y a pas eu dépôt de plainte ?

- Tout le monde ne porte pas plainte, tu le sais bien ! Des tas de gens dans ce pays évitent les flics autant qu’ils le peuvent ! Les sans-papiers, les pauvres, les situations irrégulières, les SDF…. Alors, j’ai cherché, je me demande bien pourquoi maintenant. J’ai traîné dans tous les quartiers pourris de cette bonne ville, ses banlieues. J’ai dormi sur les bancs, dans les asiles, sous les ponts, dans des caravanes pourries où des types m’ont hébergé parce qu’ils m’ont pris pour un des leurs. Je suis doué pour mentir, tu le sais, non ? Et je n’ai rien trouvé, personne n’a su me donner un nom. Aucun n’a été témoin de la moindre action. Pourtant, j’ai fini par me persuader qu’il se passait quelque chose. Mais impossible de trouver le plus petit bout d’infos, de fait tordu, rien. Ca m’a pris des mois, cette enquête. J’allais abandonner quand il y a eu le….

Là, il se tut. Lui revenaient les images de cette soirée, des images qui lui revenaient constamment à l’esprit. Huit ans d’obsession.

- Je n’ai pas compris. Huit ans que je cherche ce que j’ai pu trouver sans m’en rendre compte. A côté de quoi j’ai bien pu passer et qui était si gros ! Je n’ai rien trouvé. Même aujourd’hui, je ne comprends pas. »

 

 

 

 

 

Biographie :

Retraité de la fonction publique.  Premier roman écrit en 2007 : La serpette. Il sera peut-être réédité par CDL. Un deuxième ouvrage est paru  en 2012 : Le rire des gargouilles. Le présent ouvrage « Chroniques I » sera donc le troisième à paraître.  

 

Résumé :

         Un ex policier condamné à tort pour le meurtre de son épouse revient à Lyon à sa sortie de prison. Il est décidé à se venger et reprend l’enquête à son début, mais les témoins sont éliminés. Il sera aidé par son beau-frère, commandant à la DPJ de Lyon et une jeune femme policière qui manquera d’y laisser la vie. Mais il ne travaille pas que pour son propre compte. Durant son séjour en prison il a été contacté par un  homme mystérieux qui lui propose de réintégrer les services sans bien préciser lesquels. Il va tomber sur un trafic d’êtres humains et des pratiques monstrueuses.

Publié dans présentations

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La petite main, un conte signé Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

LA PETITE MAIN


 


 

Dimanche de printemps. Je suis seule. Mon mari suit des cours techniques aux États-Unis. Une session d’un peu plus de quatre semaines. Je parcours la brocante de mon quartier. Une façon comme une autre de combattre mon ennui.

Tout à coup, je le vois. C’est un coquetier en porcelaine blanche sur lequel sont peintes des fleurettes bleues. Je m’informe du prix. L’homme le vend quinze euros. Il pourrait le vendre le double que je ne résisterais pas à la tentation. Ce bel objet, il me le faut pour ma collection. Son double, ébréché et fendillé, garni de fleurettes roses, se trouve dans la corbeille ‘tout à deux euros’. J’achète les deux.

Quand je déballe mes achats, je découvre, auprès des deux coquetiers, une petite main en bois qui mesure tout au plus cinq centimètres de long. Probablement la main d’une statuette de Saint Joseph qui se trouvait près de la corbeille aux objets démarqués. Je lave les deux coquetiers et pose la main sur l’appui de fenêtre près d’un chiffon tout propre que je destinais au nettoyage de la vitre.

Je m’affaire. Procédant par essais et erreurs, je trouve dans ma vitrine le bon endroit où placer les coquetiers. Ensuite, je prépare du potage aux asperges pour mon repas du soir et je cuis des œufs durs.

Lorsque je m’apprête à nettoyer la vitre, je m’aperçois qu’elle étincelle comme jamais ! Le chiffon est sale, la petite main repose tout à côté. J’ai beau interroger ma mémoire, je n’ai aucun souvenir d’avoir nettoyé la vitre. Même pas un petit coup comme je le fais parfois lorsque le temps manque ou que j’y aperçois une trace de pluie.

Alors, je joue le jeu. Si la main veut travailler, elle trouvera à s’occuper ! Je débarrasse la table du salon des revues et journaux qui l’encombrent. J’y dépose la petite main et le chiffon. Puis, je fais demi-tour et vais au jardin. Après tout, cette petite main ne supporte peut-être pas qu’on l’observe ! Donnons-lui toutes les chances de se montrer de nouveau efficace !

Retour du jardin, la table est impeccable et le chiffon un peu plus sale !

Inutile de dire qu’il s’en passe des choses dans mon cerveau. Si une main est efficace, deux mains, deux pieds, une tête le seront plus encore ! Vite, je repars pour la brocante ! Ouf, le marchand est toujours là et Saint Joseph n’a pas trouvé acquéreur ! Pour cinq euros, j’achète la statuette, en mauvais état, car, évidemment, il lui manque une main !

Sitôt rentrée, petit test de mise en route. Je place la statuette sur la table de la terrasse. Elle est entourée de chiffons tout propres, de la bouilloire, du moulin à café, du pot à tabac et de la cafetière en cuivre. "Allez, vas-y, brave Joseph ! Travaille, affaire-toi ! Rends service puisque telle est ta vocation !"

Pendant ce temps-là, je me repose dans un fauteuil sur la pelouse. Envie de regarder, envie de savoir mais je résiste ! Une heure plus tard, je me lève. Joseph est resté là où je l’avais posé et les cuivres sont toujours aussi ternes.

Ça cogite toujours dans mon cerveau ! Envie de casser l’autre main, de séparer chaque pied du corps, puis d’essayer de faire de même avec la tête. Envie mais retenue. Envie mais contrôle. Envie mais réflexion plus profonde. Pauvre Joseph, j’aurais dû être plus explicite et plus respectueuse !

J’ai alors recours à un petit rituel du même genre que j’utilise pour obtenir un service de ma sœur, de mon cher époux et même de Jeanne, la femme de ménage qui vient tous les quinze jours ! "Bonjour Joseph. Tu es tellement efficace. C’est vraiment chouette de pouvoir compter sur toi. Tu veux bien m’aider une fois de plus ? Il y a ces cuivres à astiquer. J’ai mis à ta disposition tout ce qui semble nécessaire. Tu ne vois rien d’autre qui te serait utile ?"

Joseph ne répond pas. Je retourne au jardin. Une heure après, Joseph n’a rien astiqué du tout. Aussi inactif que mon époux quand il me dit : "Je laverai l’auto dans deux minutes…" et qu’il continue à lire un polar ou à surfer sur Internet.

C’est dimanche. Joseph aurait-il décidé de ne plus travailler aujourd’hui ? Laissons-lui le bénéfice du doute…

Pendant ce temps-là, la petite main, que j’avais posée sur l’étagère, au-dessus du tas de chiffons, a fait œuvre utile. Elle a rangé les produits d’entretien et les torchons.

La nuit porte conseil, dit-on. Alors, je n’insiste pas. Je rentre Joseph dans la maison, le pose au fond du living, sur le bureau entre l’ordinateur et le téléphone. La petite main trouve place sur la coiffeuse, dans ma chambre.

Le lendemain, à mon réveil, les tiroirs de la chambre sont rangés. La mini poubelle de la salle de bain déborde de chaussettes, de slips, de singlets et de mouchoirs usagés. Apparemment, la petite main a horreur des tissus élimés…

Le matin, je gagne les bureaux de maître Délian, où j’exerce la fonction de secrétaire. La petite main est dans ma poche. On ne sait jamais de qui on peut avoir besoin, n’est-ce pas ?

Joseph reste seul à la maison entre l’ordinateur et le téléphone où je compte l’y retrouver. Et pourtant, à mon retour, Joseph s’est volatilisé. Je le cherche partout. Aucune trace ! Ni dans le living ni dans les chambres, pas plus que dans la cuisine.

Les jours et les semaines passent. La petite main demeure une auxiliaire précieuse qui lave et range mieux que moi.

Et puis, mon mari rentre de son séjour en Amérique. Il remarque aussitôt les deux nouveaux coquetiers dans la vitrine. Sans faire le moindre effort, il réussit là où j’ai échoué, il déniche la statuette entre deux gros livres d’art de la bibliothèque ! Il l’en sort. "Tu sais Minou, il faudrait la faire réparer… Ce Saint Antoine de Padoue est si joli…"

D’un coup, je réalise ma méprise. Saint Joseph ? Saint Antoine de Padoue ? Le bonhomme était sans doute vexé de mon erreur d’appellation. Le lendemain, sitôt mon mari parti travailler, je reprends tout à zéro : et les préparatifs pour le nettoyage de mes cuivres et mes suppliques en rectifiant le tir : "Saint Antoine de Padoue, je te prie, veux-tu bien m’aider à astiquer les cuivres. Je crois que tu pourrais me rendre ce service de la meilleure façon qui soit. Merci d’avance."

Quand je rentre de ma matinée de travail, le bonhomme n’a rien fait. Je renonce donc. Seule la main est active, ce n’est déjà pas si mal. Je suis sûre que si je le lui demande, ce sera elle qui fera briller les cuivres.

Quand arrive la note de téléphone, il apparaît que la facture est particulièrement élevée ! Immédiatement, j’établis un lien ! Mon mari constate : "Quand je suis absent, tu ne te prives pas de téléphoner à l'étranger, en Turquie en plus… Qui connais-tu en Turquie ? Les anciens voisins de tes parents ?"

Il n’insiste pas. Il enchaîne avec un autre sujet - du moins le croit-il : "Tiens, à propos de dépense, un de ces jours il faudra faire réparer le Saint Antoine de Padoue…"

Saint Antoine de Padoue a donc été réparé. Au fait, le réparateur a estimé que c’était un ‘Saint Christophe’. Il n’en était pas sûr mais cette façon de porter l’Enfant Jésus le faisait pencher pour cette hypothèse.

"Habituellement Saint Christophe est représenté avec l’Enfant Jésus sur les épaules, Saint Joseph avec un lys, Saint Antoine de Padoue avec l’Enfant Jésus dans les bras. C’est une statuette rare. Difficile de la dater. Atypique. Oui, atypique. Cette main qui lui manquait, c’est étrange. On dirait qu’on l’a sciée. Oui sciée… Le plus bizarre, c'est l’enfant qui semble en déséquilibre."

La statuette réparée a trouvé place sur la commode du hall. Peu de temps après, la petite main que je manipulais toujours avec précaution et que je rangeais le plus souvent dans une de mes poches, a disparu.

Je l’ai beaucoup cherchée, oui vraiment beaucoup… C’est Jeanne qui, l’autre jour, m’a innocemment appris ce qu’il en était advenu : "Vous savez, Madame, vendredi j’ai trouvé en nettoyant, une petite main en bois près du téléphone… Je la tenais entre le pouce et l’index et puis, en la regardant de plus près, je l’ai lâchée. Quand j’ai voulu la ramasser, elle était en poussière sur le carrelage…Je me demande encore si j’ai bien vu ce que je pense avoir vu…"

Souvent, je pense à la petite main. Elle me manque comme me manque encore mon vieux maître de première primaire ou la vieille Clémence qui venait autrefois cuisiner des tartes chez Bobonne. Elle me manque comme peuvent manquer des odeurs de grenier, des effluves de pot-au-feu.

Encore une chose, un détail que j’allais oublier : depuis que la petite main est partie en poussière, les notes de téléphone sont redevenues ce qu’elles étaient avant son arrivée.

(Prix des Éditions le Roseau Vert au "Prix de l'eau Noire" à Couvin en 2009)


 

Micheline Boland

Site Internet : http://homeusers.brutele.be/bolandecrits

Blog : http://micheline-ecrit.blogspot.com

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