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Nouvelle n°3

Publié le par christine brunet /aloys

666 et Point Final

 

Les courants religieux s’étaient effondrés les uns après les autres. Les églises, les mosquées, les temples… Tous, sous les bombes ou léchés par les lance-flammes, avaient été détruits par les grenouilles de bénitier et les dévots eux-mêmes. Des guerres civiles avaient éclaté dans chaque pays, chaque ville. 747 et paquebots de croisière s’étaient mis à jouer aux autos-scooters, offrant des explosions de métal et de livres de chair en plein ciel et sur les immensités bleues, plus si bleues. Entre parenthèses, une aubaine pour les squales… Fleuves et rivières, pareillement, coulaient rouge, et même le Mannequin-pis urinait du sang. Big Ben, au bout de ses aiguilles désormais fixes, portait, empalés, les corps en décomposition avancée de deux éphèbes. La tour Eiffel s’était parée d’intestins et de viscères, comme un arbre de Noël morbide. La Maison Blanche ressemblait à la maquette d’un Batman de Tim Burton. Gothique. Suintante. Effrayante. Avec corbeaux et épouvantails tout autour.

On en était là : les hommes étaient devenus fous. S’ils ne l’avaient pas toujours été, en y réfléchissant bien… Des mères jetaient  même leurs bébés par les fenêtres ! Ou les rangeaient dans le réfrigérateur familial, à côté des crèmes glacés et des bâtonnets de poisson surgelés.

Folie. Pure folie.

 

∞ 666 ∞

 

An 2022.

 

On racontait dans la presse clandestine que, peut-être, tout avait débuté avec la première centrale nucléaire, en 1951. Que tout s’était accéléré, insidieusement, avec l’explosion de la centrale de Tchernobyl, en 1986. Que le coup de grâce avait été porté suite au drame survenu à Fukushima, début 2011. On racontait que les émanations toxiques, l’eau et les produits de la terre contaminés avaient, peu à peu, réveillé le cerveau reptilien des humains. En effet, la violence, de plus en plus, s’était acharnée à déferler dans les rues comme un tsunami, submergeant policiers et militaires, eux-mêmes changés en véritables Conan the barbarian.

Les « moins fous des fous », eux, se mirent à accuser le diable. Bien mal leur en pris… Il n’en fallut pas plus pour que les bûchers retrouvassent leur place dans le monde moderne. De même que de nouveaux jeux du cirque où le « petit peuple » jeta en pâture aux fauves lesdits « grands » du monde. D’Obama à Sarkozy, tous passèrent sous les griffes et les crocs. Les Républiques et les Royaumes disparurent ainsi, progressivement, sous les acclamations des foules déguenillées, et les bravos hystériques. L’humanité avait entamé son retour irrémédiable vers le passé.

 

∞ 666 ∞

 

Alors que tout n’était plus que chaos et désordre, Lucifer décida qu’il était temps pour lui de remonter à la surface. Comment les quelques milliers de survivants restés sur Terre pourraient lui barrer la route, cette fois ? En offrant Internet au monde, il avait déjà gagné une première bataille, quelques décennies plus tôt. Les gens restaient chez eux, faisaient leurs courses sur la toile. Cet enfermement, peu à peu, réveilla et renforça leur idée de l’insécurité. Et la xénophobie de certains… L’amitié, l’amour, ne se faisaient plus qu’à distance. De peur du SIDA, on échangeait désormais photos et vidéos sex via Facebook… Malin, Lucifer inventa aussi le téléchargement illégal. Une réussite ! L’industrie du disque s’effondra, puis le cinéma, la vidéo, la presse… Le chômage, nécessairement, ne cessa d’accroître sa toile alors que les métiers disparaissaient les uns après les autres.

Et la violence, et l’insécurité, s’accrurent elles aussi, nécessairement.

Quel régal, pour Lucifer ! Lui dont la plus grande astuce avait été de faire croire aux gens qu’il n’existait pas alors qu’il était… partout.

Vraiment partout.

De sa prison souterraine, se concentrant, il empoisonnait l’esprit de la race humaine…

 

∞ 666 ∞

 

Les derniers gardiens de la foi étaient tombés. Tous. Les humains ne les priant plus, ils n’étaient plus les magnifiques immortels qu’ils avaient toujours été. Aussi, leurs plumes perdirent leur éclat et leurs pouvoirs disparurent. Ils n’étaient plus qu’hommes.

 

∞ 666 ∞

 

Retirant son trident du dos de son dernier frère ailé, Lucifer regagna enfin la surface.

Il n’avait plus rien à faire. Ou presque… Les humains s’étaient déjà entretués. Quant aux derniers rescapés qui lui refusèrent leur âme, il les fit se consumer.

 

∞ 666 ∞

 

Lucifer acheva son voyage au Vatican où, après avoir pris soin d’éliminer Benoît XVI en tout dernier, une petite voix, montant de derrière l’autel de la basilique Saint-Pierre, vint le défier.

– Je n’ai pas peur de vous ! cria une jeune fille, s’efforçant, vainement, de cacher sa terreur.

– Il est donc encore quelqu’un en vie, ici ? récita Lucifer, théâtralement. Crois-tu encore que Dieu existe ? Ne crois-tu pas qu’il aurait pu vous sauver ? Misérables insectes… Vous me faites tous rire à m’accuser de tous les maux alors que c’est VOUS, les véritables démons, sur cette Terre ! Vous ne méritiez pas d’être ses favoris. Vous ne méritiez pas la protection de mes saloperies de frères. Vous ne méritiez… En fait, vous ne méritiez rien du tout. Sinon brûler dans les flammes.

Lucifer contourna l’autel et regarda la jeune fille avec un faux air de compassion. Il esquissa un demi-sourire, certes cruel mais… diablement séducteur.

– Pauvre petite conne… Tu peux t’accrocher à ton Dieu tant que tu veux ; il t’a abandonnée. Il vous a TOUS abandonnés ! Dis que tu me donnes ton âme et je te le promets, tu n’auras pas à souffrir quand j’installerai le dernier brasier. Tu seras ma Lilith.

– Jamais ! Je préfère mourir, démon !

– Alors meurs donc, stupide singe !

Lucifer referma promptement sa main, comme s’il voulait attraper une mouche. Un bruit d’os brisé déchira le silence de la basilique. La nuque de la jeune fille s’était rompue. Elle s’effondra, les yeux écarquillés, serrant un chapelet dans une main.

– Y a-t-il quelqu’un d’autre ? tonna Lucifer. Non ? Personne ? Ah ! Suis-je bête… J’ai déjà tué tout le monde, c’est vrai.

– Oui, tout le monde, confirma une voix très étrangement calme dans son dos. Tout le monde sauf moi.

– Qui se permet ? s’écria Lucifer en faisant volte-face.

– Mais moi, répondit Dieu.

Lucifer recula, pas effrayé mais inquiet.

– Tu te manifestes enfin, maintenant que tout le monde est mort ? Quel père es-tu, dis-moi ? Tu m’as laissé détruire toute vie sur Terre. Tu aurais pu les sauver, non ? Mais j’ai gagné… J’ai enfin gagné.

– Et tu as gagné quoi, Lucifer ? Un Royaume de solitude ? Les hommes, je ne pouvais plus les sauver ; tu les avais déjà tous ramenés à leurs instincts les plus vils. Ils auraient fini par faire exploser la planète ! Je n’avais plus que ça à faire, te laisser les détruire par les flammes, comme un jour j’ai moi-même provoqué le Déluge, noyant toute vie sous les vagues. Et te voilà seul…

– Quoi ? Tu prétends m’avoir piégé, vieux bouc ?

– Tu étais tellement beau, Lucifer… Mais comme tu es con, mon pauvre ! Tu vois, moi aussi je peux m’exprimer comme toi ! Les hommes, vois-tu, étaient ma boîte de Pandore pour toi, Lucifer. C’était le seul moyen de me débarrasser de toi.

– Cela ne veut strictement rien dire ! aboya Lucifer.

– Maintenant, dis-moi, reprit Dieu, la solitude du mal est-elle la même que la solitude du bien ?  Je te laisse la Terre. Ton Royaume pour quelques jours encore. Un Royaume sans sujets. Et sais-tu ce qu’il arrive aux anges, puisque tu restes un ange, quoique déchu, Lucifer ? Quand plus personne ne croit en eux, souviens-toi, ils disparaissent. Et tu vas disparaître.

– Non, c’est impossible, je ne peux pas avoir omis cela dans mes plans !… C’est impossible ! Tu mens !

– Adieu Lucifer. Surtout, profite bien de tes dernières heures à vivre dans ton… pays des merveilles.

Et Dieu s’effaça comme un voile de brume.

 

∞ 666 ∞

 

À l’entrée de la basilique, Lucifer regarda la place Saint-Pierre jonchée de cadavres encore fumants. Innombrables. Puants. Partout, sur Terre, c’était le même spectacle horrifique. Le ciel hésitait entre le pourpre et le gris. Lucifer était seul.

Quelques jours plus tard, celui qui avait été le plus beau des anges se ratatina comme une plante pourrie. Et il tomba en poussière.

L’humanité avait disparu.

Le mal avait disparu.

Dieu hésita quelques secondes entre tout refaire et tout détruire…

Il claqua des doigts et l’univers entier explosa, l’emportant dans le vide absolu.

 

La paix, enfin…

Publié dans concours

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Texte n°2 concours SF/fantastique

Publié le par christine brunet /aloys

L’élu du solstice d’hiver.                       

 

.

 

Trois jours avant le solstice d’hiver, un vieil homme, tout de noir vêtu, au visage froid, au regard absent, s’arrête devant le n° 9 de l’allée des bienheureux.

D’un rayon diffus, l’astre de nuit illumine les sgraffites polychromés, aux dessins géométriques, qui couronnent  le porche central de cette haute maison bourgeoise. La silhouette, ombrageuse et subtile, glisse dans la boîte un document de couleur grise.

Certaine que le rituel se perpétuera, la lune se défroisse et inonde la ville endormie de fines poussières charbonneuses. L’inconnu ouvre les bras et, transité par un mouvement de chauve-souris, salue l’astre de nuit. D’une inspiration abyssale, il se nourrit des poudres charbonneuses. Son visage cadavérique reste glacial, il n’a pas d’âge.

Comme chaque année, la mission s’accomplit : l’élu est marqué.

 

Le lendemain matin, Charles-Edmond de Châtelet, d’une voix sépulcrale que nul ne lui connaissait, lit à son épouse ces quelques mots qui viennent de transpercer le cristallin de sa mémoire :

- «  La communauté de la paroisse des Anciens Mineurs a le plaisir d’inviter monsieur et madame Charles-Edmond de châtelet à la sainte messe annuelle offerte pour le repos de l’âme des mineurs défunts ». Et puis, sur un ton suppliant, il dit : vous m’accompagnerez, n’est-ce pas, Xavière ?

- Mais non, voyons, Charles-Edmond ! Vous n’êtes pas sans ignorer que durant toute cette semaine, les œuvres m’appellent partout, partout ! Vous le savez quand même ! Et puis, nous allons à la messe de minuit le 24 ! Pourquoi diable deux messes de minuit cette semaine ? Mais allez, allez mon ami, c’est un honneur, pour vous ! Vous êtes un industriel ! Un industriel retraité, soit, mais quand même, vous restez un actionnaire actif dans les sociétés de notre ville ! Et puis, les mines, c’est un peu vous ! Allez, allez !

- Vous avez raison, Xavière, j’irai, dit-il, avec un air résigné de quelqu’un qui sait.

 

L’église des Anciens Mineurs est un très ancien édifice et, à l’intérieur, tout rappelle le dur labeur des gueules noires : des pics, des pelles, des racles, des casques, des lampes, des tableaux sur lesquels sont peints des wagonnets enflammés par l’or noir. A neuf mètres sont suspendus de vieux tissus souillés de sueurs, de sang séché. En relief sur les murs fissurés, sont présents d’antiques symboles, des poissons, des croix ansées, des pyramides, des femmes couleur d’ébène.

Sur le sol, devant l’autel, sur une pierre bleue encastrée  entre les dalles de marbre noir, des lettres gravées se dessinent :

« EN CE SAINT LIEU, L’ELU DU SOLSTICE D’HIVER COMMUNIERA  ET D’ICI SORTIRA AUTRE ».

 

Au premier rang, debout devant la chaise qui lui est destinée, Charles-Edmond de Châtelet se recueille. Il relève le col de son loden vert, il sent un froid vigoureux envahir ses membres. Ses pensées vagabondent et le ramènent des dizaines d’années plus tôt, au temps où il dirigeait, avec quelques autres notables,  les sociétés minières de cette cité prospère.

Derrière lui, les paroissiens prennent place : ils sont plus colorés qu’un soir de mardi gras. Viennent-ils fêter un évènement particulier autre que celui annoncé ?  Un pirate à la peau burinée caresse le perroquet accroché à son épaule ; des jumelles, adolescentes graciles aux cheveux sales sucent des bonbons au miel, un chien amputé des deux pattes arrière se tient en équilibriste sur un traîneau tout neuf ; venu tout droit de la Nouvelle-Orléans, un jazzman noir se désarticule devant les rythmes muets de son saxophone ; un proxénète, engoncé dans un costume à carreaux jaunes et violets, est encadré par deux créatures de rêves aux lèvres pulpeuses, aux regards mouillés ; un couple de petits vieux semblent être égarés ; un rabbin déroule inlassablement une thora aux lettres presque effacées. Le spectacle de tous ces tissus, ces patchwork multicolores qui se frôlent et se reconnaissent des élans communs, détonnent, au milieu de cette vieille église aux murs funestes, aux plafonds que noircissent des arabesques démoniaques. Tous, ils savent. Leurs yeux creusés attendent.

 

A l’heure exacte du solstice d’hiver, la lune ricane et transmet au travers des vitraux verts, des rayons qui transpercent la grande hostie et puis viennent mourir là, juste devant l’autel.

 

Charles-Edmond de Châtelet, se souvient encore, son visage se crispe, ses muscles se raidissent, son cœur se tord. Il revoit ce contremaître, un grand gaillard plein de force, venu lui demander, au nom de tous ces hommes fatigués, une souplesse dans les horaires, de meilleures protections, et tout ce qu’un homme désire recevoir, pour restreindre les contraintes avilissantes de ses ouvriers. Charles-Edmond de Châtelet se souvient de tout. Et de tous.

 

La silhouette de l’inconnu vêtu de noir s’approche alors de l’autel et revêt des allures de prêtre : des gestes lents, un gros livre de mille ans entre les mains, un visage qui n’existe pas. Sur un haut chevalet, il dépose l’épais volume. Ensuite, d’avant en arrière, il balance un encensoir, et des poussières charbonneuses s’étoilent de part et d’autre de ces drôles de paroissiens. Tous, ils sourient. Ils savent. Six gros rats traversent l’édifice, six chauves-souris s’accroupissent devant un bénitier en forme de tête de porc et six serpents aux écailles rouges et noires ondulent autour d’une statue de femme nue. Des odeurs de soufre et de charbon refroidi empestent l’atmosphère ténébreuse.

 

D’une voix évadée des chemins sulfureux d’outre-tombe, l’homme en noir lit alors les premières pages de ce gros livre aux pages de parchemin. Des vents sifflent de part et d’autre de l’édifice et, au moment où les mains décharnées du vieil homme soulèvent la grande hostie, comme pour que tous la voient, les serpents, les rats et les chauves-souris vomissent des voiles noirs : ce sont des formes d’hommes qui apparaissent alors, leurs visages sont funèbres, ils portent sur la tête des casques avec une lampe, ils toussent, s’arrachent la trachée et s’échappent de leurs lèvres asséchées d’épaisses vapeurs charbonneuses et des jets de sang frais  …On entend au loin, un air de blues, de ce vieux blues psalmodié  par les esclaves, comme une plainte, un sursis, une attente d’autre chose.

 

A la grande hostie, Charles-Edmond de Châtelet communie. Pour lui, rien ne sera plus comme avant. Maintenant, il voit. Habité par les ombres de ces gueules noires, il respire par mouvements saccadés et puis ressent jusqu’au fond de ses entrailles les peurs, les chaleurs suffocantes qui se distillent, juste après les coups de grisou. Il entend des enfants qui pleurent, il voit des femmes qui attendent, sans espérance.

 

 Il le savait. Il savait qu’en acceptant cette invitation pour la messe du solstice d’hiver, il serait l’élu de l’année et que communier à la grande hostie plongerait le reste de son existence dans un profond chaos.

 

L’astre de nuit est plus fort que tout, sa force est inéluctable …

 

Désormais, comme l’élu de l’an dernier, également un des soixante-six actionnaires de ces anciennes sociétés minières, il vivra entre deux dimensions. Les ombres noires habiteront son corps…Dans quelques mois, Charles-Edmond de Châtelet toussera, crachera du sang, s’étouffera. Comme les douze premiers élus.

Pendant cinquante-trois ans, la malédiction de la communauté des anciens mineurs frappera encore …

 

L’astre de nuit est plus fort que tout, sa force est inéluctable …

 

 

Un an plus tard …

 

Trois jours avant le solstice d’hiver, un vieil homme, tout de noir vêtu, au visage froid, au regard absent, s’arrête devant le n° 12 de la rue des Fougères.

D’un rayon diffus, l’astre de nuit illumine les sgraffites polychromés, aux dessins géométriques, qui couronnent  le porche central de cette haute maison bourgeoise. La silhouette, ombrageuse et subtile, glisse dans la boîte un document de couleur grise.

 

Certaine que le rituel se perpétuera, la lune se défroisse et inonde la ville endormie de fines poussières charbonneuses. L’inconnu ouvre les bras et, transité par un mouvement de chauve-souris, salue l’astre de nuit. D’une inspiration abyssale, il se nourrit des poudres charbonneuses. Son visage cadavérique reste glacial, il n’a pas d’âge. Durant trois secondes, il se transforme, il devient un grand gaillard plein de force, souvenez-vous…le contremaître ….

 

 

Comme chaque année, la mission s’accomplit : l’élu est marqué.

 

 

Selon vous, qui est l'auteur de cette nouvelle ????

 

Alors, vous votez pour la nouvelle 1 ou  2

 

Publié dans concours

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Texte n°1 pour le concours SF/fantastique

Publié le par christine brunet /aloys

UN  HOMME  SANS  HISTOIRE…


Achille Lépine est accoudé sur la rambarde de son balcon. Il guette. Achille habite au septième étage d’un immeuble qui en compte autant. Il n’y a personne au-dessus de lui… il n’y a jamais eu personne au-dessus de lui. Monsieur Achille Lépine a toujours été seul commandant à bord d’une existence sans histoire qui, forcément, n’intéresse personne. Sauf lui, bien entendu, puisque c’est la sienne.

Dans son petit appartement où il navigue en solitaire, rien de notoire n’accroche le regard, pas même la reproduction d’une toile de Maître, puisque, je le répète, Achille n’a jamais eu de maître. Il n’a d’ailleurs jamais éprouvé le besoin d’en avoir, il roule tout seul, sans faire de vagues. Sa vie est lisse comme la peau d’un bébé, claire comme de l’eau de roche, banale comme un récit truffé de lieux communs. Aujourd’hui ressemble à hier et demain, c’est déjà aujourd’hui. Il n’y aura, dès lors, ni déception, ni surprise et, ce qui se passera au-delà du bout de son temps, il n’en a cure. Achille entretient-il des regrets ? Aucun… pas même celui de voir le temps passer beaucoup trop vite. Soit dit en passant, peut-on nourrir des regrets face à un concept qui nous échappe ? A l’inverse d’Achille, le temps est sans limite. C’est la règle du jeu, les dés ne sont pas pipés, on est fixé dès le départ. Que peut bien faire alors Lépine pour remplir au mieux cette période délimitée qui lui a été allouée sur Terre ? Guetter ? Guetter qui ? Guetter quoi ? Le facteur ? Certainement pas, puisqu’il n’attend de nouvelles de personne. Le flic du quartier ? Pas davantage, il est en règle et n’a donc rien à se reprocher. La concierge ? Il l’évite autant qu’il le peut, l’arthrose du mari de la bignole et ses problèmes de varice ne l’émeuvent guère. La mort ? Il est encore trop tôt pour y penser.

N’est-ce pas déprimant de n’attendre personne, de ne plus rien espérer ? Non mais, quel culot d’affirmer qu’Achille n’espère plus rien et n’attend personne. Au contraire, si Achille Lépine est accroché au garde-fou de son balcon, c’est pour une raison très précise, une motivation lumineuse qui se présente sous le nom de Mademoiselle Lucie et sous la forme affriolante d’une cinquantaine de kilos de chair rose, fraîche, quelques grammes de tissus, cela dépend de la saison, une paire de talons aiguilles et une chevelure soyeuse, toujours impeccablement peignée.

Notre homme ferait-il partie de la confrérie des chevaliers de la brosse ? Serait-il un impénitent coureur du tour de taille, un incurable pourfendeur de la morale la plus austère, ou, tout bêtement, un simple voyeur titillé par une appétence refoulée? Rien de tout cela, n’en déplaise aux amateurs de ragots et aux lecteurs assidus de canards à la déontologie inversée. Achille, faut-il le rappeler, est un homme sans histoire, qui refuse de s’en créer par crainte de la voir jetée en pâture au public.

Quand elle surgit de son habitation, Mademoiselle Lucie, se précipite vers l’arrêt de l’autobus situé quelques mètres plus loin, en contrebas de la chaussée. Elle agite le bras pour que le chauffeur arrête le véhicule. Achille consulte sa montre-bracelet : le car enlève la belle puis démarre à huit heures trente précises comme chaque jour. Mademoiselle Lucie ne reviendra qu’en début de soirée. Où va-t-elle ainsi, semblant toujours pressée, courant après quelque invisible destin? Quelle importance, elle ne s’appelle même pas Lucie...


Lépine ne s’est jamais donné la peine de connaître son nom, il l’a appelée Mademoiselle Lucie parce que «ça lui va bien». Un surnom passe-partout pour un personnage clé dans une histoire qui n’en est pas une, puisque, Achille Lépine refuse d’en avoir, même la moindre. Que fait notre homme durant le reste de la journée ? Mystère. Ce locataire de la vie estime n’avoir aucun compte à rendre à son propriétaire le temps. Dès qu’il a quitté sa tour de guet, Achille ferme les tentures, de manière à protéger sa vie intime. Nul ne sait ce qui se trame derrière ces grands morceaux de tissu noir. Une oreille bien exercée peut capter le grincement d’une scie dans son mouvement de va-et-vient ou le bruit étouffé d’une masse s’abattant sur quelque chose de mou. Des sons atténués qui ne perturbent en rien la paix régnant dans l’habitation et qui sont à mille lieues d’intriguer les voisins du sieur Lépine. Ceux-ci savent qu’ils ont affaire à un homme sans histoire. Il est donc inutile de s’inquiéter ou de s’alarmer.


Pourtant, un jour le vieil Abraham, le locataire du sixième, en a touché un mot à la pipelette, mais sans intention de troubler la tranquillité de l’immeuble. L’homme éprouvait simplement le désir de parler à quelqu’un, sachant bien que la gardienne à cause de ses soucis, l’arthrose de son mari et des varices qui l’empêchent de rester longtemps debout, n’avait guère le temps de grimper jusqu’au septième. Si Abraham avait engagé la conversation avec la pipelette, c’était davantage pour se dégourdir la mâchoire que pour s’adonner à une vile délation. Il vit seul et redoute qu’une pratique trop peu usuelle de la langue ne l’empêche un jour du plaisir de s’exprimer.


Alors, angoissé par cette peur infantile, il recherche la compagnie pour deviser de tout et de rien. Bien sûr, quelques esprits chagrins rétorqueront qu’il lui suffit de se parler à lui-même. Abraham n’est pas sot, il y a déjà songé. Mais que pourrait-il se dire ? Anonner des banalités à autrui, passe encore, mais à soi-même ! Ce serait avoir piètre opinion de sa personne. Et puis, dans le but louable de s’épargner, ne serait-il pas tentant de s’enfermer dans le silence ?


«Rester coi» pour Achille Lépine ne pose pas un problème. D’ailleurs, puisqu’il n’a pas d’histoire, il se confine dans un mutisme aussi épais que les murs de la cathédrale d’Albi, une retraite que personne n’aurait l’idée d’investir. Lorsqu’il sort et qu’il croise une de ses connaissances, un hochement de tête décourage toute tentative de dialogue. Il ne daigne même pas parler de la pluie ou du beau temps, au fond, quel en serait l’intérêt ? Qu’est-ce que cela apporterait dans son existence ? Achille s’adapte à toutes les saisons, dès lors, point besoin de discourir là-dessus. Un homme sans histoire en accord avec lui-même.

Cependant, il existe un domaine qui pourrait délier sa langue, un domaine qui constitue sa grande force mais aussi sa cruelle et douce faiblesse… son talon d’Achille… l’art culinaire et ces bons petits plats qu’il mijote, ses recettes maison à l’arôme si particulier, ces odeurs spécifiques exhalées de ses fourneaux, cette chair si tendre et si fraîche qu’il prépare suivant un cérémonial immuable : pointilleux comme un photographe qui, dans sa chambre noire, développe ses clichés, en choisit les meilleurs, puis élimine les déchets. Précautionneux ainsi qu’un chef coq, il découpe les morceaux pour les assaisonner au goût délicat de son palais. Méticuleux à l’image d’un enquêteur, il classe les différents éléments dans son congélateur comme autant de pièces précieuses.


Achille regarde l’horloge suspendue au-dessus du frigo. Mademoiselle Lucie ne va plus tarder à rentrer. Il s’installe sur son balcon et attend. Le soir chemine sur la ville. Un peu partout des lumières s’allument dans les foyers. Des voitures, tous feux éteints, sont garées au bas des immeubles.


Bientôt, la cité n’est plus qu’un murmure. L’autobus, illuminé comme un jour de fête, arrive à l’heure. Mademoiselle Lucie s’en libère et regagne sa demeure d’un pas alerte.


Achille Lépine s’attarde encore un peu sur son perchoir. Des idées de mets délicieux accompagnés de vins choisis lui viennent en tête et le font saliver. Des appellations contrôlées défilent dans un esprit qui ne l’est plus guère, lui, contrôlé, depuis qu’il a cédé à la panique devant l’inconscience criminelle de ses semblables. Il y a bien longtemps que viandes de vaches folles ou bourrées à la dioxine ont été proscrites de sa table, pour céder la place à des chairs plus douces, plus délicates et plus digestes… comme celles de Mademoiselle Lucie dont il se promet d’apprécier, bientôt, la tendreté…


N’en doutons point, celle-là comblera la splendide marmite à pression qu’Achille s’est offerte pour la nouvelle année. Par respect pour cette ravissante créature, il se montrera digne dans le choix de la préparation.


Pour commencer, en guise d’amuse-gueule, comme s’il absorbait une huître, il gobera les yeux, délicieusement citronnés, en les faisant sauter d’un coup sec de leur orbite.


Des aromates de première qualité agrémenteront ensuite l’incomparable saveur de la chair fraîche, si insipide autrement.


Une sauce piquante, à base de pili-pili, relèvera en un délectable bouquet la fadeur naturelle des bras trop maigres de la jeune femme.


Les cuisses seront farcies d’épices embaumées, à l’exotisme nostalgique.


Les doigts des pieds et des mains, arrosés d’un nuage de Porto Cruz, seront suçotés, l’auriculaire pointé vers le haut en signe de remerciement à quelque gracieuse mansuétude divine. 


Le tronc, lui, bénéficiera d’un traitement particulier. Passé à la broche, doré et à point, il sera servi sur un plat de riz baignant dans des coulis de légumes divers.


De l’épine dorsale, il extirpera la substantielle moelle qu’il couchera sur un morceau de pain encore chaud, parfumé à l’ail.


Les seins, aspergés de chocolat et de crème fraîche, auront la prestance d’un appétissant Saint-Honoré.


Quant aux fesses, bien cuites, elles s’offriront en délicieux melons d’amour confis dans le miel.


Fin gourmet, Achille Lépine fera durer le festin pour la plus grande jouissance de ses papilles gustatives comblées au-delà de l’ordinaire. Il prolongera le plaisir de la mastication d’un tel mets en l’accompagnant du plus gouleyant des grands crus.


Et c’est le cœur serré qu’il se préparera à ingurgiter l’ultime, délicat, odoriférant, onctueux, succulent morceau de Mademoiselle Lucie.    


Achille se régale à ces pantagruéliques pensées. Demain, il s’en ira quérir les différents condiments. Il ne lui restera plus, alors, qu’à cueillir la jeune femme comme un beau fruit mûr qu’il lui tarde de croquer.


Mais, chut ! Il ne faut en parler à personne et surtout pas à la police… Achille Lépine, je le répète une dernière fois, ne veut pas d’histoire…

 

 

Vous tentez de deviner l'auteur ??? 

 

 

 

 

 

 

 

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Extraits du roman « Histoire en paroles » de Danièle Deydé

Publié le par aloys.over-blog.com

 

 

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Extraits du roman «  Histoire en paroles » de Danièle Deydé

 


Mickaël, quinze ans, sa grand-mère, puis sa mère prennent, tour à tour, la parole pour dire leur histoire. Chacun, avec des mots qui lui sont propres, va tenter de briser le silence qui a pesé sur leur vie. Mais des non-dits, des mots impossibles à prononcer continuent à hanter le présent.

 

Mickaël

Je vis seul avec ma mère depuis trois ou quatre ans, je sais plus très bien parce que j’ai des problèmes avec le temps et avec la mémoire aussi. Avant, c’était ma grand-mère qui s’occupait de moi. Ma vie, c’est toute une histoire pas très drôle et c’est peut être pour ça que je suis dérangé dans ma tête. Avec ma mère, je suis plutôt content parce qu’elle est plus cool que ma grand-mère ; elle est plus jeune et elle m’a manqué ; alors, j’en profite même si c’est pas tous les jours dimanche. Elle voudrait que je sois un petit garçon bien sage qui fait son travail avec application, qui aide à la maison, un petit bien poli, bien propre et pour ça, j’ai du mal. D’abord, je suis plus un petit garçon et j’aime pas qu’on me donne des ordres, j’ai assez obéi dans le temps.

…..

L’école, j’aime pas ça et, je l’ai dit, j’ai pas de mémoire. Quoique je fasse, je me trompe, je fais des fautes et c’est jamais bien…… Et puis, j’ai du mal à être avec les autres, ça dérape toujours pour un mot ou pour un geste. Je préfère être seul. Avec les garçons, tout de suite, ça tourne mal. Y en a toujours un qui veut montrer qu’il est le plus fort, que, toi, l’autre, tu es un minable. Avec les filles, c’est différent, j’ai peur. Je les trouve jolies, mais elles sont là, elles paradent, elles veulent t’en mettre plein la vue et elles se moquent de toi. Je les comprends pas, c’est comme si on parlait des langues différentes. Alors, je garde mes distances. Les profs aussi me font peur. Ils disent que je travaille pas, mais ils se rendent pas compte que j’y arrive pas. Je sais pas comment faire pour travailler. Moi aussi, j’aimerais réussir, avoir des bonnes notes si je pouvais ! Et, au moins, ça ferait plaisir à ma mère.

 

Jacqueline, la grand-mère

Nous sommes le quinze octobre. Il est dix-huit heures trente. Les jours déclinent déjà très vite. On s’achemine vers l’hiver comme je m’achemine vers la vieillesse. J’ai cinquante-six ans depuis trois mois et je me sens très vieille.

Je suis restée tout l’après-midi dans l’ombre de mon vieil appartement. Je viens d’allumer une lampe pour écrire. Il faut que je me vide la tête, que je mette mes pensées sur le papier car je n’en peux plus.  La vie est si injuste. Elle ne m’a rien donné et, pourtant, j’ai essayé de faire pour le mieux, il me semble.

J’ai cinquante-six ans, je pourrais en avoir quatre-vingts que cela ne ferait pas grande différence.

…..

J’ai perdu tous ceux qui faisaient partie de ce que l’on a coutume d’appeler une famille. Je ne regrette rien : la famille peut être la pire des choses. Finalement, oui, je suis bien seule, mais qui ne l’est pas ?  On est toujours seul au bout du chemin. Et, moi, je commence à le voir, ce bout.

Pourtant, c’est sûr, je suis en bonne santé, mais je n’ai plus envie de continuer, je me vois mal vivre encore vingt ans ou plus. Quand je pense à ma jeunesse, que d’illusions m’habitaient ! J’avais des rêves qui, peu à peu, se sont évanouis.

 

Cendrine, la mère

J’ai été une adolescente à la dérive, tellement perdue et seule que j’étais prête à faire n’importe quoi, à suivre n’importe qui. Mickaël, lui, est différent, il est renfermé, il ne s’exprime pas et il m’est difficile de savoir ce qu’il ressent, de deviner s’il est heureux, malheureux ou carrément indifférent. Moi, à son âge, je criais ma douleur, mais personne ne semblait m’entendre et se préoccuper de moi. J’essaie, en tant que mère, de parler à mon fils, je voudrais l’écouter comme j’aurais aimé, à l’époque, être écoutée, mais, lui, ne peut pas parler, il a du mal à dire quelque chose de lui. Les mots ne sont pas ses amis. Sans doute, son enfance et tous ses malheurs l’ont fait se fermer, se replier sur soi, mon pauvre petit ! Et, maintenant, il garde tout en lui et ça doit lui faire mal.

……
Aujourd’hui, Mica a quinze ans, il n’est plus un enfant et je sais que je vais devoir lui parler, lui dire le passé ; ce que je n’ai encore jamais pu faire.  C’est tellement difficile de trouver les mots adaptés quand ils s’adressent à son propre enfant, de ne pas travestir la vérité et de ne pas lui faire encore mal.

Je vais lui parler, je sais qu’il est plus que temps de le faire, mais il va me falloir beaucoup de courage. Je ne peux plus me cacher davantage. Il faudra que je remonte bien loin dans le temps, à ma propre enfance pour qu’il comprenne… peut être.

 

 

Danièle Deydé


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Philippe Desterbecq a lu "Contes bizarres" de Bob Boutique et "C'est quoi ton stage de Sophie" de Vuillemin

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Phil D

 

 

Il était une fois un lecteur, un lecteur comme il en existe des millions, toujours à l'affût d'un bon livre à se mettre sous la main ou plutôt sous les yeux.

Un jour, notre lecteur tombe sur un titre qui l'interpelle : "Contes Bizarres" de Bob Boutique. Bob n'est pas un inconnu. Il est libraire à Bruxelles, fait partie de la grande famille des Chloédeslysiens et présente, une fois par mois, une émission sur actuTV.

Intrigué par le titre, notre lecteur se procure donc le recueil de contes. Il commence à lire, bien installé danscover un fauteuil et ... arriva ce qui devait arriver ... notre lecteur est emporté par la première histoire, puis par la deuxième, la troisième et ainsi de suite jusqu'à la fin. Il ne décroche plus, tous ces contes (qui n'ont en fait rien de bizarre) l'entrainent dans des aventures dont il ne sortira pas indemne.

A la page 277, s'inscrit le mot "FIN" et notre lecteur crie "encore, encore, j'en veux encore!".

Parmi ces 11 contes, il me serait bien impossible de choisir celui que j'ai préféré; je ne pourrais pas plus retirer celui qui m'a plu le moins. Tous se valent, tous sont très bien écrits, avec des mots choisis, un style fluide, quelques belgicismes qui prêtent à sourire...

Bravo Bob ! Quelle belle plume et quelle imagination ! A quand le deuxième?

Bonne nouvelle : Bob m'a signalé que le deuxième vient juste de sortir de presse. Il figurera donc dans ma prochaine commande chez Choé des Lys.


L'histoire n'est pas finie. Notre lecteur, toujours à la recherche de bons bouquins à se mettre sous les yeux, lit un billet qui l'interpelle. On y parle d'un bouquin d'une auteure, également publiée chez CDL, mais qu'il ne connait pas. Le titre : "C'est quoi ton stage?". L'auteure : Sophie Vuillemin.

sophie vuilleminNotre lecteur passe commande et reçoit un petit livre à la couverture bleue qu'il se met à lire immédiatement. Il sourit, l'histoire commence bien : un ado, Pierre, un peu rebelle comme tous les ados, un peu méprisant comme tous les ados (?) surtout pour tout ce qui n'est pas jeune (c'est-à-dire moins de 20 ans!) se retrouve, bien malgré lui, en stage dans une maison de retraite. Deux semaines avec des vieux! Tu parles d'un stage! Que va-t-il bien pouvoir faire là? Porter des plateaux et torcher les vieux?

Et si les vieux avaient une âme? une âme et un coeur? Ca ne lui est jamais venu à l'idée, à cet ado comme les autres, loin de tous les soucis qu'on attrape avec l'âge.

Son stage ne se déroulera pas tout à fait comme il l'avait pensé...

Mais je ne peux pas vous en dire trop. Si vous voulez rencontrer Pierre et ses adorables vieux, rendez-vous dans le très bon "C'est quoi ton stage?".

Un livre à mettre entre toutes les mains ... surtout celles des ados.

 

 

Philippe Desterbecq

philippedester.canalblog.com

philibertphotos.over-blog.com

 

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Martine Dillies-Snaet a lu "Les éphébiades" de Bertrand Van Autryre

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MARTINEJ’ai lu «Les éphébiades » de Bertrand Van Autryve

………Editions Chloé des Lys (*)

ISBN : 978-2-87459-395-6-.

Commentaires de Martine Dillies-Snaet

http://users.skynet.be/TheDillies/

 

 

 

Mon dieu ! mais  que ce diable d’homme écrit  bien ! Et que le diable me pardonne, mais quel talent divin! Du haut de son Olympe, Zeus doit se retourner d’aise. Ca faisait longtemps qu’une muse ne lui avait joué de telles notes !

 

BERTRAND VAN AUTRYVE nous gâte par ses textes : poèmes d’amour, d’amitiés ambigües, de filialité, de religions,les-ephebiades.png …Et comme si cela ne suffisait pas,  la préface signée Paul Van Melle (*) nous gâte encore  davantage  en jetant « une lumière » sur  les écrits déjà si beaux.

 

Pourtant je ne me leurre pas : tout le monde n’accrochera probablement pas autant que moi. Il faut adorer les beaux mots, les beaux textes, la musique des mots que l’on nomme poésie pour aimer le livre de VAN AUTRYVE. Le lecteur qui ne jure que par l’un ou l’autre des autres types de littérature  aura  probablement plus de difficulté à apprécier les vers que l’auteur nous offre.

Mais quiconque aime la poésie trouvera dans chaque texte des vers qui l’agripperont. Quant aux classiques, ils seront ravis !

 

J’ai dévoré « Les éphébiades » de la première à la dernière page avant de vouloir rattraper de ci de là l’une ou l’autre expression, avant de m’en retourner le feuilleter dans le but de retrouver le vers qui me murmurait encore à l’oreille  et que je n’avais pas retenu. Que de moments agréables j’ai passés !

 

Un sacré beau livre de poésie pour un diable d’homme qui écrit sacrément bien !

 

Martine Dillies-Snaet

users.skynet.be/TheDillies           

 

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Une nouvelle de Bob Boutique : le corisier...

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bobclin

 

 

L’histoire du corisier

 

C’est l’histoire d’un mec tout à fait quelconque, qui entre dans un magasin pour acheter un corisier à ailettes. Pas un cher, avec recouvrement cuir et liseré doré, non… un corisier tout ce qu’il y a de plus simple, avec le truc autour et les machins pour le faire fonctionner. Point.

 

Il va jusqu’au comptoir et voit un autre mec tout de noir vêtu avec une gueule jusque par terre et une cravate en soie de la même couleur…  Pas de la même couleur que la gueule bien sur… de la même couleur que le costume. Donc noir. Et quand je dis qu’il a une gueule jusque par terre… c’est une image. Le gars n’est pas en poirier derrière le comptoir avec la gueule en bas. Non. Il se tient debout … normal, quoi ! Sauf qu’il est en noir et se fait chier.

 

J’en connais qui racontent la même histoire avec un mec habillé en bleu marine. Et c’est vrai que c’est plus simple. Car ça évite la confusion de ceux qui s’imaginent  que le mec en noir a une gueule jusque par terre parce qu’il est en deuil, alors que non… pas du tout… il avait pris une cravate comme ça, le matin, sans faire attention.

 

De toute façon, ça n’a aucune espèce d’importance, dans la mesure où il aurait pu être déguisé en clown ou en Louis XIV, que cela ne changerait strictement rien à l’histoire.

 

Bon, je résume pour ceux qui n’ont pas suivi. Le mec ( celui qui vient d’entrer ) va  jusqu’au comptoir et demande à l’autre ( celui qui se fait chier  ) :

 

- Bonjour… j’aimerais acheter un corisier à ailettes.

 

Jusque là, je crois que tout le monde a compris.

 

**

 

- C’ est vague… lui rétorque le gars ( du verbe  « rétorquer » ) … répondre… pour les non littéraires. Bon, je continue.

 

- C’est vague… lui répond le gars, ( Il ne l’a pas répété une deuxième fois, c’est moi qui répète sa réponse, pour reprendre le fil de l’histoire ). Quel genre de corisier voulez-vous ? Sur-pied, sur caisson, sur roulettes ? Il y a en a beaucoup !

 

- Le moins cher…  reprend  le premier ( celui qui vient d’entrer ).  C’est pour la fête des mères.

 

- Dans ce cas, je vous conseille le modèle familial. Vous le posez n’importe où, vous tourner sur le petit bazar et hop il se met en marche. En plus, il consomme trois fois rien.

 

- Ca c’est ennuyeux, ajoute le premier ( celui qui vient d’entrer ). Celui qu’elle a actuellement ne consomme rien du tout. Ca fait quand même trois fois moins !

 

- Sans doute,  répond le mec en noir. Mais le nouveau modèle, dont je vous parle, fait le double du travail.

 

- Mais Monsieur… pourquoi ma mère devrait-elle coriser deux fois ! Une fois suffit. C’est déjà bien fatiguant comme ça ! Surtout à son âge !

 

 - Dans ce cas, je vous conseille le modèle standard. Il consomme moitié moins.

 

- Moitié moins que trois fois rien, ça fait encore une fois et demie ! Vous n’auriez pas un modèle qui consomme deux fois rien et fasse deux fois plus, ça ferait le compte ?

 

- Si. Le modèle intermédiaire. En plus il est garanti deux ans.

 

- Ah bon ? Ca a l’air pas mal… et que couvre cette garantie ?

 

- La possibilité, si vous rencontrez un pépin, de  pouvoir racheter  un modèle

identique, au prix tarifaire. 

 

- Vous ne remplacez pas le corisier défectueux par un autre ?

 

- Ce n’est pas le genre de la maison, Monsieur. Nous ne remplaçons que des articles neufs !

 

- Je vois… Ha ! Mais je vois aussi qu’il n’est indiqué aucun prix sur votre tarif ?

 

- C’est normal, chez nous le service est personnalisé, nous travaillons à la tête du client.

 

- C'est-à-dire…

 

- Si vous avez une bonne tête, c’est plus cher… car vous devenez du même coup un cher client !

 

- Logique ! Et si je vous la joue en mode merdeux ?

 

- Gratuit… mais permettez-moi de vous poser une petite question. Pourquoi ne pas acheter un burluton plutôt qu’un corbisier ?  C’est quand même  plus pratique non ?

 

- Un burluton ? Tiens ! je n’y avais pas pensé… vous croyez que ma mère aimera ?

 

- Sûrement. D’autant plus qu’il n’y a pas de mode d’emploi, vu qu’il ne sert à rien.

 

- D’accord,  va pour le Burluton !

 

- Je vous en mets une douzaine ?

 

- Ca fait beaucoup non ?

 

- Sans doute, mais par douze y’a une promo…

 

- Chouette ! Et c’est ?

 

- Un corisier gratuit. 

 

 

Bob Boutique

www.bandbsa.be/contes.htm

 

 

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Alain Magerotte a lu "Le triangle sous le sable" de Gauthier Hiernaux

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LE TRIANGLE SOUS LE SABLE

Par Gauthier Hiernaux

 

Un des plus célèbres slogans de Mai 68 dit : «Sous les pavés, la plage», ce à quoi Gauthier Hiernaux (pas né en 68) réplique : «Sous le sable, le triangle». Rien à voir… pas sûr…

Dans le premier cas, il s’agissait de chercher quelque chose à rechercher sous les pavés pour inciter le chaland à les retirer et retrouver quelque chose qui évoque un avenir paradisiaque.

Dans le second cas, il s’agit de mettre à jour ce triangle, ce «mystère» dans cet univers à la fois futuriste et contemporain où tout est ordonné par les Dieux. Et qui dit «Dieux» (on pourrait aussi l’écrire au singulier), dit contrôle, obéissance, bref, un carcan dont il est très difficile de s’extraire.   

Cette manière de cadenasser une société est aussi une façon habile9782874594939_1_75.jpg ( ?) de masquer les faiblesses d’un royaume, d’un empire… d’une civilisation.

Dans ce monde formaté (quand je vous dis que ce n’est pas seulement futuriste… on y vient… on y est…), il y a toujours quelques courageux, quelques intrépides (souvent considérés comme des inconscients) qui tentent par leur(s) action(s) de faire vaciller ledit royaume ou ledit empire dont la puissance repose sur de peu solides bases. Ce qui rend, bien entendu, les «gardiens du temple» encore plus hargneux donc plus redoutables.  

J’éprouve une certaine sympathie pour Archiabald Von Espen (ou le Najar Von Espen). Sympathique ou pas, qu’importe, mais il me rattache à des valeurs, une civilisation qui, avec ses qualités et ses défauts, m’est familière…

Tout bien réfléchi, il y a un lien certain entre le Mouvement de Mai 68 et l’intrigue du «triangle sous le sable» que je me garderai bien de dévoiler, même si question «voile»… stop, ne nous égarons pas ! (Vraiment ?)   

Gauthier Hiernaux a réussi à me faire aller jusqu’au bout d’une littérature qui, à la base, n’est pas du tout ma tasse de thé. Et là, croyez-moi, il n’y a pas de mystère du tout, du tout. Cela porte un nom, le talent !

Car, en vérité je vous le dis; on peut tout enlever à Gauthier Hiernaux, même ses cheveux (ah bon, c’est déjà fait ?...), mais certainement pas son Talent que j’écris volontairement avec un t majuscule.

Son style est aux antipodes du style verbeux. Une écriture claire, limpide… la plus difficile à acquérir. Donc, face à une telle aisance, on se laisse transporter dans un univers qui ne vous lâche plus…

Grand séducteur, va !

    

Alain Magerotte

   

    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Premier chapitre du roman de Marcel Baraffe, Ultiméa

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« Entre toutes les expéditions que nous eûmes à mener dans l’Univers au cours de ces quinze derniers millions d’années·, la plus étonnante, la plus enrichissante, la plus excitante même fut certainement celle qui nous fit découvrir Gaïatéa… »

         Lorsque les premiers signes de ce message s’affichèrent en même temps dans les espaces HC de chacun des Ultiméens, fussent-ils à cet instant aux confins de l’univers, tous comprirent qu’un pas important venait d’être franchi et que désormais plus rien ne serait comme avant. L’époque d’une communication intergalactique se traînant à la vitesse de la lumière était bel et bien révolue. En mettant (selon l’expression gaïatéenne) « à portée de voix » les communautés les plus lointaines, l’intelligence ultiméenne qui semblait jusqu’à présent avoir atteint ses limites, était parvenue à sauter un obstacle que l’on avait toujours cru infranchissable. Cette avancée aurait pu, s’ils avaient eu la possibilité d’éprouver des sentiments, faire naître en chaque Ultiméen la fierté d’appartenir à une espèce aussi évoluée. Si aucun, cependant, ne ressentait  le moindre frémissement de satisfaction, ils ne pouvaient nier  cet assaut de curiosité, léger certes et purement intellectuel, qui les avait saisis. Les explications techniques viendraient ensuite. Pour le moment, ils se contentaient de prendre connaissance du contenu d’un message envoyé du vaisseau-mère à l’occasion, était-il précisé, d’une Assemblée Extraordinaire du Grand Conseil Ultiméen ; la première jamais organisée. Ils ne se doutaient certes pas encore que cet événement allait marquer le début d’une ère bien plus étonnante encore que ce qui n’était finalement qu’un simple progrès en matière de communication.

         «… Gaïatéa. Nous en ignorions à l’époque le nom et même l’existence. Nous recherchions, en ce temps là, dans les galaxies que nous traversions des traces de vie que nous avions pour mission d’observer afin d’en décrire mais aussi d’en surveiller l’évolution. Nous avions sur toutes les autres espèces un avantage certain puisque nous n’étions pas soumis aux contraintes du temps et de l’espace. En tant que créatures à masse quasiment nulle, nous nous déplacions à des vitesses sensiblement égales à celle de la lumière alors que notre immatérialité nous assurait une chance d’éternité à laquelle nul avant nous n’avait pu sérieusement prétendre.

         Après un voyage qui dura lui-même deux millions d’années, nous repérâmes à la périphérie du disque d’une galaxie un peu moins éloignée que les autres, une planète sans grand intérêt tournant autour de son soleil. Sa croûte, recouverte de sable et de poussière, était uniformément grise alors que son atmosphère était constituée de gaz mortels. Nous donnâmes à ce monde de désolation le nom de Planète Triste. Nous aurions pu l’éviter, continuer notre route vers d’autres systèmes apparemment plus intéressants et l’oublier si nous n’avions observé à sa surface un phénomène qui se révéla être, lors de notre second passage, 900 000 ans plus tard, une trace incontestable d’activité biologique.

         Notre ténacité fut récompensée, puisque nous assistâmes dès lors à la résurrection de Planète Triste qui vit son sinistre désert se transformer rapidement (un autre petit million d’années) en une accueillante et généreuse nature nourrissant en son sein, dans une harmonie parfaite, toutes les espèces, qu’elles soient minérales, végétales ou animales.

         Nous apprîmes par la suite que Planète Triste avait un passé autre que cosmique. Elle aurait pu avoir le destin monotone ni plus ni moins laborieux des autres planètes vivant et mourant au rythme des étoiles suivant des lois physiques très simples si certaines combinaisons favorables de gaz, dues certainement au hasard (quelles pourraient bien être d‘ailleurs les autres causes ?), n’y avaient déposé les premières semences de vie qui évoluèrent très vite vers des formes de plus en plus complexes avec, au bout de la chaîne, une espèce communément appelée humaine. Ces créatures intelligentes créèrent leur propre langage et donnèrent à leur planète le nom de Gaïatéa. La Première Ere, dite ère protogaïatéenne, commençait. Les Protogaïatéens étaient des êtres aux grandes qualités et aux défauts encore plus nombreux. Ils développèrent sur Gaïatéa, au cours des âges, des civilisations brillantes mais leur goût démesuré pour les conflits sanglants ainsi que les mauvais coups portés à leur environnement – on prendra connaissance, sur ces sujets, avec profit, des nombreux écrits laissés par des auteurs de la fin de la période dite décadente­­­· – les amenèrent à s’autodétruire, ne laissant de leur merveilleuse planète qu’un monde de poussières et de cendres baignant dans les gaz et les rayonnements mortels.

         Le destin des Gaïatéens aurait pu s’achever avec la naissance de Planète Triste emportée dans une seconde et dernière ère jusqu’à l’explosion finale de son soleil si des groupes d’humains n’étaient parvenus à survivre à la Grande Destruction. Il n’existerait à notre connaissance (mais l’univers est si grand et il nous reste encore tant de galaxies à explorer) que deux exemples montrant que la race humaine n’avait pas été totalement anéantie ; deux exemples aussi différents, aussi opposés que sont le bien et le mal, ce qui laisserait penser que ces deux forces antithétiques sont des composantes indissociables de l’espèce.

         Nous fîmes connaissance avec les premiers (les méchants ?) à l’époque où Gaïatéa sortant de la tristesse et de la désolation se couvrait d’océans et de forêts et s’ouvrait à la vie. C’est ce moment favorable qu’avaient attendu les descendants, par clonages successifs, d’un humain appelé G chargés d’appliquer le programme de survie de l’espèce élaboré par ce dernier en réanimant des embryons cryopréservés déposés à l’intérieur d’un cube de jade. Leur agressivité à notre égard, les dangers qu’ils représentaient pour l’environnement gaïatéen nous obligèrent à les neutraliser sans avoir recours, cependant, à des moyens de destruction, ce qui eût été contraire à nos conceptions morales et  philosophiques.

         Cet épisode de notre histoire eut pour conséquence imprévue de révéler à la communauté ultiméenne ses origines gaïatéennes. Nous étions le second groupe rescapé du chaos (les bons ?). Nos ancêtres, en fuyant dans l’espace, y avaient trouvé la sécurité au prix d’une adaptation qui, au fil des générations, avait fait de nous des êtres dématérialisés, des intelligences pures capables de se déplacer à des vitesses paraluminiques et, le pensions-nous, ayant atteint le stade ultime de l’évolution.

         Nous, Ultiméens, nous étions donc aussi, des descendants d’humains. G était notre cousin et l’Histoire Ultiméenne que nous sommes en train d’écrire n’est, en quelque sorte, qu’un prolongement de l’Histoire Gaïatéenne. La masse d’informations contenues dans la mémoire de notre vaisseau-mère et que nous nous mîmes à consulter avidement, nous livrèrent dans les moindres détails tout ce que nous désirions savoir sur les humains de la Première Ere, ces Protogaïatéens si brillants, si créatifs, si surprenants, si agressifs et dont le crime fut de faire de leur planète un monde de désolation.

 

La Seconde Ere, celle de Planète Triste, est définitivement révolue. Par un effort conjugué de tous ses éléments, elle est parvenue à sortir de son long sommeil.  Une nature nouvelle est sortie de son sol désormais fécond. Des sources ont jailli. Les ruisseaux dévalent les pentes des montagnes. Des forêts couvrent les bords de ses fleuves. Le vent agite les feuilles aux reflets métalliques des arbres-pierres. Et chaque soir, son soleil se couche dans les eaux émeraude de son océan. L’ère de la vie est venue. Des espèces non humaines (nous y avons veillé) et sans agressivité (enfin !) s’y multiplient raisonnablement sous les grands lierres, les lichens et les algues. La nature, sans les humains, respire enfin.

         Nous avons continué à explorer l’univers. La Gaïatéa de la Troisième Ere semble désormais capable d’assumer seule son destin. Nos chemins nous mènent vers des mondes de plus en plus lointains, mais nous n’oublions pas cette petite planète qui continue à tourner autour de son soleil. Elle est, poussière dans le cosmos, notre mémoire imprégnée de la trace de nos origines. Et nous n’oublions surtout  pas que, perdu au milieu d’une forêt  d’arbres-pierres, se dresse comme un défi lancé au temps un cube de jade refermé sur son secret. » 

 

 

 

Marcel Baraffe

"Ultimea", Ed. Chloé des lys

· L’unité choisie est l’année Gaïatéenne.

· Et notamment l’œuvre de Zeek F3 le Pèlerin.

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Premier chapitre "Le tueur de l'île" de Gérard LOISEAU

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Émile Vacher, âgé de trente-trois ans seulement, est l’un des pires tueurs en série de l’histoire. C’est à la sortie des grandes villes et des villages qu’Émile a abordé la plupart de ses proies. Ce vaste carrefour est ouvert à tous les vents, encadré de barres de béton, ou d’arbres touffus, comme il en existe tant à la périphérie des cités et des bourgs. Sa première victime est un petit garçon de dix ans retrouvé sous des branches d’arbres. Les victimes étaient majoritairement de sexe féminin, soit de jeunes adolescents et adolescentes, soit des femmes ayant environ soixante-dix ans. Les meurtres de femmes âgées furent sans doute des accidents dus au mauvais caractère d’Émile Vacher, et pourtant, il les viola.

Toutefois, les préférences sexuelles de Vacher allaient aux garçons de treize à seize ans, qui ont tous subi des sévices sexuels. Il agissait presque toujours de la même manière. Il saisissait ses victimes par le cou, il commençait à les étrangler, puis il les égorgeait et, souvent, les éventrait. Ensuite, il mutilait leurs parties sexuelles. Souvent, il les violait après son crime. La majorité des assassinats a été commis entre le mois de mai et la première quinzaine d’octobre. On peut penser à des périodes de « crise » meurtrières.

 Lorsqu’il rencontre Joseph Lamiau, l’enfant joue près du parc, c’est un jeudi, le 15 mai. Il s’approche et lui propose de jouer avec lui. Le petit acquiesce. Vacher sort de sa poche un couteau et le menace. Les yeux paniqués, Joseph se remet debout et suit l’homme sous la contrainte. Arrivé dans la forêt, le sinistre individu attrape le gamin par le cou et commence à l’étrangler. Le petit Lamiau s’évanouit et tombe au sol. Vacher, d’un geste rapide, lui coupe la gorge. Du sang gicle sur lui. Il sourit, observe sa victime qui tremble, et s’étouffe dans son sang. Il la déshabille, plonge ses mains vers son sexe et le coupe brutalement.

 

Ses mains ensanglantées se débarrassent du petit pénis qui les encombre et atterrit dans les fourrés. Il retourne l’enfant sur le ventre et le viole sauvagement.

Vacher, à genoux, contemple le corps. Il respire fort, par à-coups, il se sent soulagé tout d’un coup. Pendant un instant, il se sent bien, il n’en veut plus à la terre entière.

Il se remet debout, coupe des branches, et les jette sur le corps de sa jeune victime. Puis il reprend sa route sans se retourner. 

***

Tyler est en vacances. Après avoir résolu l’affaire de l’abattoir de Surgères, il a pris quelques jours de repos, dans l’ile de Ré. Il loge dans un gîte, rue Marie Galante dans la maison que lui prête le Dr Pereira, le légiste du commissariat.

Au commissariat, Gino le coéquipier de Tyler, un sandwich débordant de mayonnaise à la main, lit une fiche interne, qui l’informe qu’un enfant de dix ans vient d’être trouvé étranglé dans le bois Henry IV dans l’ile de Ré, sur la commune de la Couarde. Il a été retrouvé nu, il a subi des violences sexuelles. Il a été émasculé, et il a des coupures sur le ventre. Le corps se trouve à la morgue de La Rochelle.

- Il faut que je prévienne Tyler, se dit-il.

Il prend son téléphone et appelle son supérieur.

- Allo ! chef, c’est Gino. Les vacances se passent-elles bien ?

- Quand tu m’appelles pendant mes vacances, il y a un problème, lui répond Tyler.

- Oui, écoute-moi Tyler ! J’ai deux choses à te dire, la première c’est que le directeur veut te voir, la seconde chose, c’est qu’on a un meurtre sur les bras.

- Tu m’expliques pour ce meurtre ?

- Laisse tomber, je t’expliquerai quand tu seras là. Le directeur veut te voir, et je pense que c’est urgent ! 

Tyler se met à réfléchir rapidement.

- Bon, dis-lui que j’arrive ! Mais, tu me parles de ce meurtre ?

- Gino ? Tu m’expliques pour le meurtre ? Enfin !

Gino se tait un instant. Il faut que je lui dise, sinon il me fera la tête pendant dix jours, pense-t-il. 

- Ben ! Un promeneur a trouvé un corps sous des branches, le corps d’un enfant de dix ans environ, il a subi des violences sexuelles, et il a été étranglé, il est mort depuis au moins trois jours. 

- Tu appelles les gendarmes ? Tu leur demandes des renseignements complémentaires sur l’affaire, tu me donnes tout cela quand j’arrive, mais ce ne sera que demain. Avant, j’ai une visite à faire. Pour le directeur, tu ne lui dis rien. 

- Ah ! J’allais oublier, tu vas voir le Dr Pereira. Si le corps est à la morgue, il aura peut-être d’autres renseignements complémentaires.

- Arrête de manger ! Tu vas encore mettre de la mayonnaise partout.

- Gino, surpris, pose son sandwich sur le bureau.

- Mais comment tu sais que je mange ? demande-t-il ?

- J’entends tes mâchoires, je ne suis pas sourd. 

- Tu fais ce que je demande, moi, j’ai un rendez-vous !

 

Tyler raccroche son téléphone, sort de sa maison de vacances, monte dans sa vieille DS et se dirige vers son rendez-vous, à Saint Martin de Ré. Pendant le trajet, il repense au meurtre du petit garçon. Qui a bien pu faire ça s’interroge-t-il ? En plus, pendant mes vacances, et dans l’ile de Ré. Arrivant à Saint Martin, il gare sa voiture sans fermer ses portes, comme de coutume, et se dirige vers le café du centre.

Il jette un œil à l’intérieur du bar pour voir si Anaïs est déjà là. Il l’aperçoit sur la terrasse en train de déguster un café, comme à son habitude. Sans se faire voir, il la regarde avec des yeux admiratifs, pleins d’amour.

- Elle est toujours aussi belle juge-t-il en s’approchant,

- Bonjour, lui dit-il en l’embrassant sur la bouche.

- Tu vas bien ce matin ?

Souriante, elle lui rend son baiser. Le sien a un gout de café ; il aime cela. Il s’assoit en face d’elle et commande un café : ce baiser lui a donné envie. Il a renoué avec Anaïs après son enquête sur les meurtres de l’abattoir de Surgères. Elle n’attendait que cela, elle désirait qu’il revienne. Maintenant, elle ne le lâche plus, elle compte bien finir ses jours avec lui, même si son métier ne lui facilite pas la vie.

Il lui prend la main, un peu gêné.

– Tu sais, Gino m’a appelé pour m’informer qu’un meurtre a été commis dans l’ile. Il faut que j’aille à La Rochelle ce matin pour voir mon patron. Il va surement me confier l’enquête, mais, en attendant, on va aller faire un tour sur la plage.

 Anaïs est médecin à l’hôpital de Bordeaux, elle s’occupe de la réanimation des grands blessés de la route. Elle a toujours eu des sentiments pour Tyler, elle l’aime, c’est l’amour de sa vie. Elle est heureuse de passer quelques jours avec lui, même si elle ne le voit pas tous les jours. Les enquêtes de police sont un des éléments qui ont fait qu’elle se soit éloignée pendant quelque temps, mais Tyler lui manquait trop, alors elle est revenue.

Sur la plage, main dans la main, les pieds dans l’eau, ils se promènent en discutant de leur avenir, mais Tyler est préoccupé par cette nouvelle mission. Il est distrait, il n’écoute pas vraiment les propos d’Anaïs.

- Tu n’écoutes pas, souffle-t-elle.

Tyler ne répond pas, plongé dans ses pensées.

- Tyler, Tyler, tu es où ?

- 

Pardon, j’étais ailleurs ! Il faut que je parte, mon patron m’attend !

Elle sourit, prend sa tête dans ses mains et pose un baiser sur sa bouche.

–Allez, va résoudre cette affaire. Je vais aller voir mes parents, tu m’appelles dès que tu as un moment.

Il la regarde s’éloigner de la plage, entrer dans sa vieille voiture, et se diriger vers La Rochelle. Il s’assoit dans le sable un instant, cette affaire de meurtre lui occupe l’esprit. Le pauvre gamin, quand même, je l’aurai ce type, je l’aurai, se jure-t-il.

 Il monte dans sa DS et prend la direction de La Rochelle lui aussi.

Gérard Loiseau 

 

Gérard Loiseau 

 

Publié dans Textes

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