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Christian Van Moer a lu "Grand père va mourir" de Didier FOND

Publié le par aloys.over-blog.com

http://www.bandbsa.be/contes/chrismellone.jpgGRAND-PÈRE VA MOURIR

De Didier FOND, aux éditions Chloé des Lys

 

J’ai lu Grand-père va mourir, le roman de Didier Fond édité chez Chloé des Lys.

 

L’INTRIGUE

 

Cherche le bonheur : tu ne le trouveras pas. 

 

Depuis vingt ans, cet oracle mine sournoisement l’existence d’Alex Thomas, le héros central du roman, pour qui les nombreux succès littéraires et une vie mondaine plaisante compensent mal le fiasco conjugal.

Un coup de fil de son frère Marco va le ramener vers un passé qu’il a vainement tenté d’effacer : dans sa Sicile natale, son père, à l’article de la mort, le réclame à son chevet. Voilà notre écrivain français qui retrouve, le temps d’un bref mais éprouvant retour au pays, son rang de noble sicilien et son nom de baptême : Alessandro Tolomei.

La Sicile !... Ses traditions obsolètes toujours bien enracinées dans les esprits, ses crimes d’honneur, son omertà… Le feu des passions, que les cendres de l’Etna ne parviennent jamais à étouffer et qui couve des années durant avant de refaire surface, de réveiller de vieux démons, de rouvrir d’anciennes blessures, comme une ordalie conditionnant l’apaisement des âmes.

Depuis vingt ans, dans le village natal d’Alessandro, deux familles jadis très liées semblent définitivement brouillées : les Tolomei, qui perchent dans « la forteresse », et les Angelotti qui se cloîtrent dans « la grande maison ».

Ce n’est pas de gaîté de cœur, mais bien mal à l’aise, qu’Alessandro retrouve deux lieux9782874594823_1_75.jpg clos, hantés par ses fantômes.

La « forteresse », ancrée tel un nid d’aigle sur son éperon rocheux, surplombe et domine le village ; bastide séculaire des comtes Tolomei, elle abrite les personnages principaux du roman, garde leurs lourds secrets, leur impose l’omerta.

La « grande maison », en contrebas, derrière ses hauts murs, ses fenêtres et son imposant portail toujours clos, enveloppant de mystère des blessures que le lecteur pressent profondes, est le refuge des derniers Angelotti.

Si Dona Lucrezia et le comte Lorenzo ne s’étaient pas aimés, si Fabrizio n’avait pas séduit Estella, si Alex n’avait pas fui son destin… 

 

 

Si… Voilà, vous en savez déjà presque trop, je n’en dévoilerai pas davantage, pour ne pas écorner le suspense qui rend le récit de Didier captivant.

 

EXTRAITS : LE RETOUR DU DÉSERTEUR

 

C’est une sorte de chemin de Damas que Didier Fond fait suivre à son héros. Et paradoxalement, c’est la mort qui va remettre celui-ci sur les rails de la vie, le réconcilier avec l’existence. La mort effrayante qui l’a poussé à fuir le bercail l’y ramène péremptoirement lorsque « Grand-père (son père, en réalité) va mourir »

Au travers de quelques passages révélateurs de son cheminement douloureux, accompagnons-le jusqu’à sa reviviscence.

 

- La décision « irrévocable » du jeune Tolomei : fuir à jamais.

 

« Je partirai », affirma le jeune homme en se redressant. L’angoisse avait quitté son visage, une farouche résolution se lisait dans ses yeux.

 

« Tu auras beau essayer, tu n’oublieras jamais tes racines (…) Il te faudra bien un jour y retourner. Ne serait-ce que pour exorciser les démons. »

« Jamais, avait-il répondu avec force et conviction. Jamais la forteresse ne me reverra. »

 

- Le retour au bercail : force du souvenir.

 

Et maintenant il était là, dans ce train ; de nouveau habité par cet étrange amour qui ressemblait tant – et cependant si peu – à la haine…

 

Le train qui l’emmenait à Raguse traversait une campagne verdoyante, couverte d’amandiers, d’orangers, de citronniers en fleurs. Avril éclatait de mille couleurs et Alex, fasciné, se sentait envahi par un sentiment soigneusement refoulé depuis vingt ans, une sorte de nostalgie du pays natal qui lui fit tout à coup monter les larmes aux yeux. Qu’elle était belle, cette Sicile d’autrefois… Bien qu’absente de sa pensée pendant si longtemps, elle n’avait pas changé : toujours aussi fière, majestueuse, sauvage, même si cette sauvagerie était, par la grâce de cette matinée printanière, dissimulée sous une parure rose et blanche.

 

- L’arrivée à la forteresse : persistance du malaise redouté.

 

Alex était seul, avec ses fantômes.

Il sut presque immédiatement qu’il ne pourrait pas les apprivoiser. Surtout celui de l’adolescent qu’il avait été. Il allait se dresser contre lui, nuit après nuit, lui reprocher d’avoir, par peur ou par désespoir, renoncé à ce qui aurait pu être le bonheur. « Je voulais vivre, murmura-t-il à voix haute. Es-tu capable de comprendre cela ? » Il lui sembla entendre un écho étrange, à mi-chemin du rire et du sanglot, comme si son double se moquait de lui. Vivre. Qu’est-ce que cela signifiait ? Qu’était devenu, entre ses doigts, ce futur incertain qui se dessinait alors dans l’aurore naissante dont les premières lueurs éclairaient faiblement la forteresse ? « Cherche le bonheur, tu ne le trouveras jamais. » Ce n’était plus la Comtessa Elena qui prononçait ces mots terribles. C’était l’autre, celui qui l’attendait depuis vingt ans, cloîtré dans cette chambre à l’odeur de moisi, malgré la présence d’un bouquet de fleurs sur la table de chevet.

 

- Les retrouvailles du père et du fils : l’abcès enfin crevé.

 

La voix du Comte était presque inaudible mais elle tremblait d’une férocité inouïe. Alex écoutait, hors de lui, ces paroles qui sonnaient comme autant de malédictions. Jamais, comme à cet instant-là, le père et le fils ne s’étaient autant haïs. Et puis, chez l’un comme chez l’autre, ce fut soudain le reflux de cette marée de violence barbare. Elle se retira aussi vite qu’elle était montée et ces deux âmes sœurs, si semblables dans leur orgueil farouche, cessèrent cette lutte inutile. La main du vieil homme s’empara de celle d’Alex, la serra longuement. Les ténèbres de la chambre s’étaient tout à coup dissipées, ne laissant que la douce et ardente lumière de la tendresse qui unissait ces deux mains encastrées l’une dans l’autre.

 

- Le cimetière familial : la sève des ancêtres, les racines dont on ne peut se couper.

 

Quelle tranquillité, ici, songea-t-il. Quel repos ! (...) 

Il alla s’asseoir sous l’arbre, appuya son dos contre le tronc. Avec un peu d’imagination, il aurait pu sentir le frémissement de la sève qui montait de la terre vers la cime, parcourant les branches, les rameaux, à l’instar de ce sang si chaud qui coulait dans ses veines. Comme il était étrange de se sentir aussi vivant à cet endroit où seuls régnaient la mort, le silence et l’immobilité. (…)

A ce moment-là, Alex sut, au plus profond de lui-même, ce qu’était l’éternité.

 

Il comprit alors qu’il ne pourrait jamais reposer définitivement ailleurs qu’en haut de ce pic, dans ce qui était le jardin de ses racines.

« Je reviendrai, dit-il à voix haute. Je reviendrai ici pour y mourir, et je serai enterré à cet endroit, avec les miens… » (…) Cette certitude le réconfortait. Non, tous les liens avec la forteresse n’avaient pas été rompus. Il en restait un, plus fort que toutes les tempêtes, que tous les orages, inaltérable, indestructible : celui qui l’attachait au jardin des morts, à ses ancêtres, à ceux qui l’avaient fait tel qu’il était, humble maillon d’une chaîne qui ne s’achèverait jamais…

 

- Le retour en France : retour d’Alex ou d’Alessandro ?

 

« Crois-tu être le même que celui qui est arrivé il y a quelques jours, Sandro ? »

« Non, reconnut-il. Je pense que j’ai enfin mûri, ce qui, à mon âge, est assez ridicule. Mais mieux vaut tard que jamais. »

Non, Alessandro rentré en France n’est pas redevenu Alex pour autant. Car s’il regagne son pays d’adoption soulagé d’un grand poids, avec les réponses à pratiquement toutes les questions qui l’ont taraudé durant vingt ans, une surprise de taille l’attendait en Sicile, et il ramène dans ses bagages une charge affective inattendue, bien lourde à porter et à gérer.

 

L’ÉCRITURE

 

L’auteur fait démarrer son récit après la tourmente passionnelle qui a emporté et meurtri tant les maîtres de la forteresse que les gens de la grande maison. Ne vous attendez donc pas à un style ardent, emporté et pathétique. Le feu qui a dévoré les personnages est déjà recouvert de cendres et sommeille. Lorsqu’il se réveille, il ravive la flamme et la souffrance, mais ne dévore plus, ne détruit pas davantage ce qu’il n’a déjà que trop consumé. Il cautérise, même. Et il retourne bien vite couver sous la cendre. Et l’écriture de Didier, tour à tour calme ou vive, épouse les mouvements du feu.

Les descriptions, jamais didactiques, jamais fastidieuses, lourdes ou malvenues, éclairent le lecteur sur l’état d’esprit du personnage, lui permettant de suivre les méandres de ses sentiments et de sa pensée. Les dialogues, vivants et bien menés, rythment le récit avec bonheur. La progression dramatique maintient le suspense jusqu’à la fin.

Didier Fond écrit en bon français : sa syntaxe sûre, son vocabulaire précis, imagé, rendent la lecture de son roman vraiment plaisante et captivante.

Oui, j’ai bien aimé ce Grand-père va mourir, Didier, et je n’hésite pas à en recommander la lecture.

 


 

Christian VAN MOER 

11-12-2010


 

 

http://christianvanmoer.skynetblogs.be

 

 

Publié dans Fiche de lecture

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Prologue de Nid de Vipères... Christine Brunet

Publié le par christine brunet /aloys

Couverture-Nid-page-1.jpg

 

 

Hallucinations

 

 

Il rentra en taxi chez lui, prit une douche et s'allongea pensivement dans le hamac installé sur la terrasse de son chalet. Il avait pensé, un moment, se mettre à la recherche de la fille aux yeux bleus qu'il avait entraperçue quelques heures plus tôt mais il y avait renoncé : elle ne représentait que le visage de son fantasme. Il ferma les paupières et rappela l'image devant ses yeux... Impossible... Déjà son drôle de rêve s'effaçait comme tous les rêves... Il se concentra sur le souvenir lointain, en vain... Il se rassit et agacé, se prit la tête entre les mains et se laissa aller au désespoir de la perte. Peut-être que quelques verres de whisky...


Il se rallongea, hésitant, et s'endormit enfin.

 

Une douce caresse sur sa joue barbue le tira avec un gémissement de son sommeil lourd. Il ouvrit les yeux et découvrit le regard de son fantasme penché sur lui, visiblement baigné d'inquiétude. Il s'assit d'un bond, sans croire à ce retour et faillit tomber tant il fit tanguer la toile suspendue. Elle sourit en le stabilisant, le front plissé.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? lui demanda-t-elle d'une voix intriguée.

 

Assis sur le bord du filet, elle hésita un instant et lui prit la main à sa portée.

- C'est toi ? Vraiment ?

- Bien sûr, lui répondit-elle avec douceur. Ton appel m'a surprise... Après tout ce temps... 


Il passa outre la dernière remarque.

- Est-ce que tu es vraie ?


En constatant sa surprise, il ajouta :

... Je veux dire... Est-ce que ceci est la réalité ou... un autre rêve... 


Elle leva un sourcil.

- Nils, pourquoi m'avoir rappelée après toutes ces années de silence ?

 

Totalement perdu, il porta la main à ses lèvres et baisa un à un les longs doigts brûlants.

- Je ne sais plus où est la réalité et où est le rêve... Il y a quelques jours, ton nom était celui d’un homme, et...


Il se tut soudain, suspicieux. Et s'il était en fait sous le coup d'une drogue quelconque, prisonnier, victime d'une machination perfide pour le faire parler ? Le procédé n'était pas nouveau. Lui-même était passé maître en manipulation mentale... Il contempla la main qu'il tenait toujours avec une drôle d'impression dans la gorge. Un coup, il était chez lui, un coup chez elle... Ses yeux se fixèrent sur ses doigts à lui puis sur le visage de la femme à ses côtés et le paysage derrière. Il blêmit, serra les mâchoires et se rallongea.

- Nils... Dis-moi ce qui ne va pas...

- Je... Je ne sais plus qui je suis... Je... murmura-t-il d'une voix faible. Je ne comprends plus... Je... Aide-moi...


Il ferma les yeux, sa tête se déporta mollement sur le côté. Il relâcha la pression sur la main qu'il tenait toujours. Elle la lui retira sans qu'il tente de la retenir. 


Des bruits tout près : on approchait, on l'observait...

- Alors, qu'est-ce qu'on fait ? chuchota une voix féminine, celle qui lui parlait sans relâche dans ses rêves. Ça fait des jours qu'il nous balade en nous racontant des inepties sur Oswald.

- C'est un agent surentraîné, voilà tout... remarqua une voix d'homme, celle que, dans son fantasme, il avait attribuée à son équipier, John. Il ne dira jamais où est le second carnet...

- S'il le sait… On est allé avec lui plus loin qu'avec n'importe qui... Et il a joué le jeu... Il nous l'aurait avoué s’il savait quoi que ce soit...

- Encore quelques doses et...

- Son cerveau ne tiendra pas le choc... Regarde ce qui est arrivé à son chef de section... Déjà, tout s’emmêle, le vrai et le faux... Non... Notre seule chance, c'est de le ramener chez lui et de le mettre sous surveillance. S'il sait quelque chose ou s’il est impliqué, il se découvrira forcément. Dans le cas contraire, on trouvera bien une autre piste à creuser... L'un ou l'autre de ces anciens collègues, par exemple... Le fameux Mac dont il nous a parlé... 


Un bref silence suivit tandis que le cobaye, toujours immobile, tous ses muscles parfaitement relâchés, ne perdait pas une miette de la conversation.

- Je vais en référer à Meyers... Peut-être exigera-t-il son élimination... En attendant, il ne doit pas émerger...


Son corps sous contrôle total, il ralentit son rythme cardiaque lentement mais inexorablement : il devait à tout prix éviter une autre injection et reprendre en mains le cours des événements.

- Je ne crois pas que ça soit utile... Regarde le tracé...

- C'est pas la première fois que le cœur flanche... Mais cette fois, peut-être... Qu'est-ce que tu en dis ?

- Laissons-le mourir... De toute façon, il ne nous est plus d'aucune utilité... 


Le cœur s'arrêta et les électrodes fixées sur la poitrine nue lancèrent leur signal continu repris par un sifflement d'alerte. Les doigts virils appuyèrent sur la carotide puis retirèrent les électrodes sans ménagement... Il en avait partout, sur les bras, les jambes, les testicules, le visage et le crâne.


S'il n'avait pas été aussi bien entraîné, il se serait trahi lors du retrait des aiguilles implantées à même le cerveau. On l'enferma dans un sac plastique. Son cœur reprit très lentement ses battements tandis que la respiration restait contrôlée pour optimiser la maigre réserve d'air. On le transportait dans un hélicoptère... Il entendait distinctement le bruit sourd les pales...


Ean MacLeod, son chef de section, était mort, sans doute sous la torture... Même chose pour son équipier. De quoi se souvenait-il, au juste ? De la mission de sous-marin auprès de Nicolas Oswald, une grosse légume de la côte Est des Etats Unis, a priori en cheville avec les Triades chinoises. Des mecs qui leur étaient tombés dessus dans le parking souterrain de leur hôtel. Ensuite, que s'était-il donc passé ?


Il sentit qu'on empoignait le sac... Et on le balançait dans le vide... Un choc rude qui le sonna quelques instants puis une descente lente... Il était dans l’eau... Sa prison de plastique lestée. Déjà le liquide suintait dans la poche non hermétique. Son cœur retrouva un rythme normal. Il se força à attendre encore quelques secondes puis chercha l'ouverture... Une fermeture Eclair qu'il parvint à faire coulisser en retenant sa respiration. Il passa à l'extérieur et chercha des réponses sur sa situation exacte. Il était peut-être en pleine mer à plusieurs mètres de profondeur. Au-dessus, aucune trace de bateau ou d'agitation de surface. Souhaitant que ses ravisseurs n'aient pas demandé leur reste, il remonta et creva la surface avec un vrai soulagement, en manque d'air.


Il regarda autour de lui, surpris. Il était au milieu d'un vaste lac volcanique, sans doute le plus profond du coin. Transis, il se secoua et nagea jusqu'à un accès plat à une centaine de mètres. Il se hissa tant bien que mal sur le basalte en grimaçant sous les coups de griffes de la roche dans sa chair nue.


Epuisé par les efforts successifs, il perdit connaissance quelques instants et ce sont les rayons brûlants du soleil qui le ramenèrent à la vie. Il se mit tant bien que mal sur ses pieds et dut s'accrocher à une branche couverte d'épines pour ne pas tomber. Les blessures infligées le ramenèrent tout à fait à la réalité. Il contempla sa main couverte de sang puis regarda autour de lui et se mit à marcher. Les roches tranchantes lui tailladaient la plante des pieds. Mais qu'importait ? La douleur lui rappelait qu'il était vivant et avait, selon toute vraisemblance, échappé à ses tortionnaires.


Il grimpa les contreforts du volcan et s'enfonça dans une jungle inextricable. Il devait être sur une île tropicale sans pouvoir se figurer laquelle. A la nuit tombée, il s'assit enfin sur une pierre, incapable de faire un pas de plus... Un petit répit pour faire le point : de quoi se souvenait-il ? Pas de grand-chose, a priori... Son vrai nom... Sheridan... Son métier...Médecin et agent infiltré attaché au MI6, pour l’heure sous les ordres exclusifs de Meyers. Et c'était lui qui avait ordonné l'interrogatoire... Il serra les dents : pourquoi ? Avaient-ils découverts le but véritable de sa mission, ses enjeux ? D’après les bribes de conversations, sans doute pas, heureusement. Quant aux dossiers, il ne se souvenait plus... Tout comme des circonstances de son enlèvement. Le black-out total... Il jura en silence et tenta de penser à la suite. A priori, ils le croyaient mort, un atout évident sinon décisif.


Maintenant, sans vêtement, ni papiers, ni arme, il ne pourrait pas aller bien loin. Pourtant, mieux valait qu'il disparaisse pour de bon, qu’il quitte cette île pour un ailleurs lointain, plus sûr... Peut-être qu'en embarquant clandestinement sur un cargo ou, ni vu ni connu, sur un voilier battant pavillon étranger... Ensuite, à l’abri, il chercherait un moyen pour reprendre sa mission et utiliser au mieux les informations qu’il avait déjà.


D'abord, les fringues... Il se remit sur ses pieds et reprit sa marche sans y voir grand-chose mais persuadé qu'il tomberait nécessairement sur une habitation. De fait, le jour était sur le point de se lever lorsqu'il déboucha sur une zone déboisée. Une cabane en bois passablement déglinguée en occupait une toute petite portion. Portes et volets étaient clos. Pas de chien... Une vieille guimbarde d'origine américaine finissait de rouiller devant et du linge battait mollement sur une corde. L’œil aux aguets, il traversa l'espace à découvert, contempla le linge en lambeaux, inutilisable, puis sur le capot du véhicule, une combinaison trouée, raide de graisse qu'il enfila avec déplaisir. Trop petite, les manches trop courtes et les jambes aux genoux, il avait l'air d'un clown mais c'était toujours mieux que rien.


Il s'éloigna rapidement et s'engagea sur le chemin de terre qui le conduisit jusqu'à un parking en bout d'une petite route goudronnée. Trois véhicules y étaient garés : une conduite intérieure grise couverte de boue, un 4x4 grand luxe et un autre plus modeste sans capote. A l'arrière de celui-ci, du matériel de camping, une glacière et un sac de nourriture. Alentour, tout était calme. Il ouvrit la portière puis la boîte à gants et y découvrit un contrat de location au nom d'une société hawaïenne établie pour une certaine Aloys Seigner, 28 ans, de nationalité française. Il fronça les sourcils, passablement interloqué puis sourit : la chance était avec lui, cette fois…


Du bruit... Il referma précipitamment le compartiment, sauta à l'arrière en se couvrant de la bâche. Il était plus que temps... Des éclats de rire approchaient.

- Sympa, cette excursion, s'exclama une voix féminine claire en français. J'ai une de ces faims... Pas vous, les filles ?

- Tu l'as dit, surenchérit une autre, plus chantante, légèrement plus grave. Vous avez vu dans quel état nous sommes ! Pour la fête de ce soir, nous allons avoir du mal à nous refaire une beauté... Nicole, tu as prévenu les garçons ?

- Tu parles ! On a rendez-vous à minuit, au Palace... Ça va être chaud... Alie, tu viens avec nous, n’est-ce pas ?

- Désolée, les filles, mais ce sera sans moi...

- Tu es désespérante, tu le sais, ça ! On fait tout ce qu'on peut pour te changer les idées et toi, tu rumines encore...

- Lâchez-moi un peu, vous voulez... De toute façon, je repars... J'ai besoin d'un peu de tranquillité.

- Tu reprends la mer ?

- Je recommence à bosser dans un mois, je vous rappelle... J'ai envie d'en profiter encore un peu...

- T'es pas marrante... se plaignit la dénommée Nicole.

- Sûr, mais profitez-en bien...

 

Quelques bruits signalèrent au témoin fortuit qu'elles s'embrassaient et la fille monta dans le 4x4. Deux minutes plus tard, ils roulaient sur l'asphalte en direction du port. Si elle prenait la mer, c'était là, sans doute, une autre opportunité à saisir.

 

Le soleil avait largement passé le zénith lorsque la voiture s'arrêta. A l'odeur d'iode et au claquement des haubans, ils étaient au port. La fille descendit et commença à décharger. Dès qu'elle s'éloigna suffisamment, il souleva légèrement la bâche pour se rendre compte de la situation : ils étaient en bout de ponton, le voilier sans doute amarré dans la zone des mouillages temporaires. Le gros des passants restait éloigné de l'endroit à l'écart des bars et des restaurants. Pour le moment, personne...


Il se glissa hors de son abri puis hors de la voiture en restant courbé pour ne pas se faire remarquer. Un coup d’œil vers la femme…. Elle montait sur le pont d'un voilier blanc en bois… puis disparut par l'écoutille. C'est le moment qu'il choisit pour se glisser à l'eau et rejoindre la chaîne d'ancrage. En haut, elle redescendait sur le quai, déchargeait la glacière et le matériel d'escalade. De l'endroit où il se trouvait, il pouvait la regarder tout à loisir : grande, mince, des formes élégantes, la chevelure ondulée châtain clair aux épaules, un visage agréable, une peau dorée, de grands yeux d'un marron très lumineux, les lèvres bien ourlées, à l'évidence métissée, elle était plus que jolie.


Un homme s'approcha d'elle, visiblement le loueur. A cet instant, elle lui tournait le dos, et le bonhomme ne s'occupait que du 4x4 et de son état général. Il en profita pour se glisser par l'amarre jusque sur le pont. D'habitude très en forme, il aurait accompli cette formalité sans même y penser mais cette fois, l'estomac vide, les plaies à vif, tout son être endolori par les perfusions et les électrodes, il eut bien du mal à atteindre le pont en bois.


Haletant, la tête dans le coton, il se dévêtit pour ne laisser aucune trace d'eau sur le bois sec puis se traîna vers l'écoutille, se glissa à l'intérieur et chercha des yeux un endroit où se cacher. Une sorte de petit coffre vide à l'avant aménagé sous des coussins, c'est tout ce qu'il trouva alors qu'au-dessus, les pas feutrés de la propriétaire résonnaient un peu.


Plié en quatre dans l'espace confiné, il ne bougea plus, le cœur battant. Elle posa quelque chose au-dessus, sur la banquette puis ressortit. Par acquit de conscience, il pesa sur le couvercle du coffre sans parvenir à l'ouvrir. Il était bloqué dans cette minuscule prison de bois sans nourriture ni eau et si peu d'air... Pris au piège comme un rat dans une ratière.


Un bruit sourd retentit : elle levait l'ancre. Le moteur gronda et il sentit le bateau glisser sur l'eau. Plus rapidement qu'il ne s'y attendait, il ressentit le ressac de la mer au milieu des craquements de la coque sous la contrainte du vent.


La fatigue, le manque d'air, la faim et le roulis eurent raison de lui et il s'évanouit.

 

 

Photo-Christine-Brunet-NB.pngChristine Brunet,

Nid de vipères, Ed. Chloé des Lys ©

ISBN : 978-2-87459-531-8

 

www.aloys.me        

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www.passion-creatrice.com

 


 

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journal de bord... Karl Chaboum et Hugues Draye...

Publié le par aloys.over-blog.com

chaboum

 

 

Trop toto Trop tata


-Attention à gauche. Serre pas trop à droite. Pense à la superbe auto.http://api.ning.com/files/l63vmMOM2Rc5W*HV90NcdIZ8fIVA1zrDKSFoSW4R1G8V-FbVtxLR4*hGdnVxkL9rx9BhTcg6LkZcOaD9T3bLzu49zX6iXzX*mSqHu-jf*tY_/autofuturiste.jpg

-Arrête ! Ça fait quarante ans que j’ai mon permis.

-Permis de parler non…

-OK. Prends le volant. J’en peux plus. Je N’EN peux plus.

-Ouf  ! Merci. Non non non… Ferme tes yeux chérie : BANG !!!


 

Karl CHABOUM

http://karlchaboum.blogspot.com/

 

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H.draye

journal de bord, vendredi 17 décembre 2010 

 

Quatre heures et d'mie du matin.

 

Je suis déjà l'vé.

 

Hier, durant la journée : pluie, pluie, pluie et re-pluie.

 

Le soir, la neige prenait l'relais. La place du Rinsdelle, que j'observais, une ou deux s'condes (pas plus), me l'confirmait.

 

Et j'ai bossé dans la flotte, toute la journée, hier. Je me suis accroché. Même si, une fois d'plus, j'ai fini sur le coup de ... 17 heures.

 

Sur la tournée, pas d'incidents graves.

 

Si ce n'est que je me suis surpris à dire à un client : "t'es collant !"

 

Si ce n'est que ... l'approche du spectacle du vendredi 17, au "Cercle Diogène" ne me laisse pas tranquille. Et que j'y pense, même en tournée.

 

Aude m'a même téléphoné. Elle était enrouée. Ca ne s'arrangeait pas vraiment pour une répét', le soir, comme on l'avait prévu.

 

Et puis ...

On ne sait pas exactement quoi.

Y a une assiette campagnarde prévue. OK, mais, aux dernières nouvelles, il n'y aurait que quatre réservations.

Et Anastasia, la tenancière du lieu, avait dit que ... s'il n'y avait pas un minimum de dix personnes, elle annulait l'assiette campagnarde.

OK, OK.

 

On comprend tout ça. Mais ... après tout, ce ne sont pas nos oignons. Nous, nous venons pour chanter. Point barre.

 

Même si (là, je prends une extrême) j'apprenais, en dernière minute, que le spectacle est annulé, ce ne s'rait pas encore mon problème.

Même en ayant envoyé des mails à droite et à gauche, même en ayant informé un minimum (ou un maximum) de gens.

On fait ce qu'on peut dans la vie.

 

Tiens, encore un truc, en tournée, qui s'est passé, y a deux jours, à peu près.

 

Je me trouvais encore en plein dans la rue des Champs Elysées.

 

Je devais à tout prix aller ... pisser.

 

Pas moyen de trouver un endroit libre.

Pas un bistrot dans l'secteur.

Et je devais encore accomplir trois longues rues, avant de déboucher sur l'école d'architecture, 55 rue de l'Ermitage, où, souvent, après avoir présenté mes r'commandés à l'accueil, je m'accorde un entr'acte ... à la toilette.

 

Mmm.

 

La seule personne chez qui je pouvais sonner était la concierge d'un immeuble.

 

Je tombe sur elle et lui explique mon cas.

 

"Désolé", me répond-elle, "mais ce s'ra pour une autre fois, il y a quelqu'un chez moi sous la douche"

 

Plus de peur que de mal : je me suis trouvé un endroit discret aux alentours.

 

 

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chanteurs, conteurs, musiciens
 
si vous voulez vous faire entendre, vous faire connaître
 
une scène ouverte, bienvenue aux artistes
on s'inscrit quand on arrive
 
public bien aimé, on t'attend ... au rendez-vous
 
VENDREDI 21 JANVIER 2011, dès 19 h
 
 
FLEUR EN PAPIER DORE
rue des Alexiens, 55
1000 BRUXELLES
 
dans le cadre des Zapéro-contes
  
la rue des Alexiens donne sur la rue du Midi
le métro le plus proche : Annessens
 
Tous les troisièmes vendredi du mois, se déroule à l'Estaminet " La Fleur en Papier doré", au centre de Bruxelles, les Zapéro-contes. Il s'agit d'une scène ouverte aux conteurs de la francophonie, qu'ils soient conteurs émerites ou en devenir.  Début à 19h30. L'entrée est gratuite.
 
 
Le public retrouve le charme des veillées d’autrefois, lors de ces soirées qui se déroulent au sein d'un estaminet bruxellois historique. Installée au 55 rue des Alexiens, à quelques pas du Quartier du Sablon, "La Fleur en papier Doré"  fût autrefois un lieu assidument fréquenté par les surréalistes dont Magritte et Marcel Mariën. Son décor (classé) est unique au monde.  On peut assister à nos  Zapéro-contes le plus agréablement du monde tout en dégustant une gueuze artisanale (entre autres...) et en profitant même, en salle, avant ou après spectacle, d'une restauration légère.
 
 
Dans une ambiance conviviale, la soirée est orchestrée par Dominique Brynaert, animateur et conteur.  Chaque artiste dispose de dix minutes maximum pour emmener le public dans son univers. Selon le nombre de conteurs présents, ceux-ci présentent, au cours de la soirée, un ou deux textes. Les musiciens sont également les bienvenus pour de courtes prestations en version acoustique ou pour l'accompagnement des conteurs.
 
 
Modalité pratique pour les artistes : Pas de réservation à l'avance. L'inscription se fait le soir même à partir de 19h.Renseignements supplémentaires :  racontance@hotmail.com
 
 
 
              *****************************************************
N'oubliez pas, dimanche 23 janvier, la première émission 2011 de l'actu TV... Un programme superbe...

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Tangi Warhol se présente...

Publié le par aloys.over-blog.com

Tangi-Warhol-NB.jpgJe m'appelle Tangi Warhol et je suis à l’origine du « Rétrofutur mag », un fanzine distribué sur Brest et sa région, qui compte à ce jour trois numéros téléchargeables sur le site : www.leretrofuturmag.com.

              

Les textes que j'écris habituellement s'articulent autour de personnages plongés dans une société présentant un ou plusieurs éléments inhabituels relevant parfois de la science-fiction, parfois du fantastique.

Prenons par exemple l'épreuve du mariage sur la planète Cassis 6, un monde dans lequel il ne suffit pas, avant la cérémonie, de pousser la porte d’une bijouterie et de choisir une alliance, mais de s’armer de courage, de plonger dans le Vortex, une tornade perpétuelle, d’atteindre la haute atmosphère afin d’y récolter, au péril de sa vie, un spécimenRETROPUBE-CDL-OK-copie.jpg d’astronide, une fleur merveilleuse qui ne servira qu’à officialiser devant la loi une union entre un homme et une femme. « Astronides » comme tous mes autres textes sont des visions sombres ou humoristiques de l’avenir, et parfois du passé dans « Les mauvaises manières de Ludwig », des allégories de la société actuelle à travers des fantaisies de l’imagination…

Le mieux est, je pense, de vous laisser y goûter.

 

Voici donc un extrait de mes nouvelles écrites entre 2005 et aujourd’hui réunies dans ce premier recueil intitulé « Les piétons lunaires », qui paraîtra aux éditions Chloé des Lys courant 2011.

 

 

 

Les piétons lunaires :

 

Le 20 juillet 1969 à 20 heures 17 minutes et 39 secondes UTC, le LEM alunissait dans la mer de la Tranquillité après un voyage de 400.000 kilomètres à travers l'espace. Quelques minutes plus tard, en devenant le premier homme à marcher sur la Lune, Neil Armstrong devenait mondialement célèbre.

 

Et ensuite...

 

 

Tandis que Neil Armstrong gambadait avec une déconcertante légèreté entre les cratères lunaires, soulevant des nuages de poussière brillante à chacun de ses appuis au sol, et que derrière la visière embuée de son casque son visage radieux se fendait d'un large sourire, Buzz Aldrin, lui, s'extirpait à son tour du LEM, à reculons, par le sas encombré de câbles enchevêtrés. Son pied droit tâtonnait nerveusement à la recherche du premier barreau de l'échelle. Il s'apprêtait à poser le pied sur un monde étranger, un sol déjà couvert par les empreintes de Neil Armstrong.

Buzz descendit le cœur battant.

« Cette foutue échelle, grommela-t-il, n'est pas si courte que ça ! »

Sa gorge se noua.

Le sol lunaire, ses grumeaux blancs et ses dépressions noires, désormais si proche de lui, s’éloignait pourtant à mesure que, prudemment, l'astronaute descendait un à un les échelons métalliques. Plus il descendait et plus le nombre de barreaux qu'il comptait sous ses pieds augmentait.

« Bon sang ! s'exclama-t-il. Mais je monte ou quoi ?… »

Buzz savait pertinemment que cette impression, illogique, n'était que le fruit de son stress et de son imagination. Il ferma les yeux et respira profondément. « Je descends du toit, se persuada-t-il en songeant à la grange de sa propriété texane dont la toiture avait récemment souffert du passage d'un cyclone. Je viens de remplacer les tuiles branlantes. »

Il chassa les fantasmes déraisonnables qui embrumaient son esprit, franchit posément maquette-warhol.jpgun nouvel échelon, ouvrit les yeux et poursuivit vers le sol gris et poussiéreux de la Lu... Non ! Sa vue lui jouait des tours ! Car bien que sans équivoque il descendît, les échelons sous ses pieds étaient toujours plus nombreux… Le sol toujours plus distant.

Saisi par une insoutenable sensation de vertige, Buzz crispa ses doigts autour des barreaux de l'échelle et s'immobilisa définitivement, à un mètre cinquante du sol lunaire. Terrifié. Le sang battait furieusement dans ses tempes perlées de sueur.

« Neil ! Neil ! haleta-t-il dans le micro intégré à son casque. Je n’y arriverai jamais !!! »

 

Après s'être laissé aller à quelques plaisantes cabrioles, Neil Armstrong, redevenu sérieux et attentif à son environnement, attendait à présent avec le Stars and Stripes enroulé dans les bras, que Buzz vienne filmer le moment historique qu'il s'apprêtait à vivre, et à faire vivre à l'humanité toute entière, lorsqu'il planterait la bannière étoilée en fier étendard dans le sol lunaire. La voix paniquée de son camarade lui parvint alors par la radio. « Neil ! Neil ! Je ne peux pas descendre !... »

Neil Armstrong grogna, observa autour de lui et, se sentant bien seul, songea : « Houston, on a un problème ! »

 

« Je n’y arriverai jamais ! répéta Buzz. Jamais ! Jamais !!!… »

 

 

Jamais ! Buzz se réveilla en sursaut. Moite de sueur, son pyjama bleu à rayures blanches lui collait au dos comme un vieux pansement. Neil et l’échelle avaient disparu, la voûte céleste fut remplacée par le plâtre du plafond ; il était de retour en 1980.

Les quelques cheveux qu'il gardait sur le crâne, ceux qui avaient résisté à l’épreuve du temps, étaient ébouriffés et ses joues fripées portaient encore les stries entrecroisées imprimées par l’oreiller.

Il se roula dans les draps puis les repoussa énergiquement. Toujours ce rêve ! Bon sang... Ce foutu rêve ! Buzz se frictionna le front, les sourcils et les paupières en poussant des piaillements désespérés. Y suis-je allé ? Oui ou non ?!?

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WALTER MACCHI SE PRESENTE...

Publié le par aloys.over-blog.com

1--de-couverture-A-un-detail-pres.jpgLorsque Christine Brunet m'a demandé de me présenter, je me suis dit qu'elle me confiait là une tâche plutôt ardue. Parler de moi ? Bigre ! Est-ce vraiment nécessaire ?


J'aurais préféré n'avoir à parler que de mon premier roman. Mais la démarche est intéressante puisqu'elle m'oblige à une introspection alors je vais tenter l'expérience.


J'ai quarante six ans, je suis donc venu à l'écriture sur le tard par rapport à certains mais aussi loin que remontent mes souvenirs et certainement depuis l'adolescence, j'ai toujours su que j'allais écrire. Les contraintes professionnelles m'ont d'abord fait reculer l'échéance mais l'idée s'est imposée petit à petit comme une évidence, c'était devenu urgent, il fallait que je m'y mette. Peut-être avais-je simplement besoin de grandir, de mûrir.


Il est vrai que j'ai toujours lu énormément, pour le plaisir d'abord, pour mon travail ensuite. Selon moi il n'y a pas d'écriture sans lecture, à moins que ce ne soit l'inverse, j'étais déjà sur la bonne piste.


J'ai lu et lis encore de tout, parce que je suis curieux, que j'aime la vie, les nouvelles expériences, j'aime découvrir, observer, apprendre, d'où ma passion pour les voyages et la photographie. Et comme un enfant, je continue de m'émerveiller, encore et toujours.Photo-macchi.jpg

J'aime rêver, donner libre cours à mon imagination et créer un univers. L'écriture peut être pour moi une évasion, une naissance. Lorsque je crée un personnage, il prend réellement vie, il m'arrive de m'identifier à lui, j'essaye de reproduire en mots ses états d'âme, ce qu'il ressent et éprouve au plus profond de son être, je décris ses qualités mais également ses défauts, dans ce qu'ils ont de plus "humains" ou "inhumains". Je m'amuse également à placer mes personnages dans des décors bien précis, souvent des lieux que j'ai visités et qui m'ont marqués, j'essaye dans mes romans de recréer une atmosphère pour inciter le lecteur à l'imaginaire et au voyage, ou tout au moins à la balade.


Comme en photo, en écriture, il faut savoir saisir l'instant, la vision, l'idée qui surgit et qui efface toutes les autres.


 

WALTER MACCHI

www.waltermacchi.com

 

 

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Barbara Flamand 2e partie "Les métamorphoses insolites", extrait de la nouvelle "La robe de lumière"

Publié le par christine brunet /aloys

http://www.bandbsa.be/contes2/flamandtete.jpg
2ème partie "Les métamorphoses insolites"
Extrait de la nouvelle "La robe de lumière"



Le soleil me chauffait, mes membres devenaient mous, une torpeur me gagnait.

« Tout ceci a-t-il un sens ? » dis-je faiblement en arrachant une poignée d'herbe et en la portant devant mes yeux. Marcher sous les arbres, vouloir percer le secret de leurs racines, torturer ma conscience pour qu'elle me dicte les actes essentiels ». Je répétai :
« Tout ceci a-t-il un sens ? »
 
L'air paraissait presque matériel, il vibrait en vagues scintillantes qui blessaient mes paupières. Tout à coup, il se divisa pour faire place à une longue forme d'un chatoiement aveuglant. Je fermai les yeux. Quand je les rouvris, la silhouette était toute proche. Je vis d'abord des sandales, puis une robe de lumière et enfin le visage, fin et racé, encadré de longs cheveux souples.
– Bien sûr que tout ceci a un sens, dit-il. Et il sourit d'un sourire fragile, délicat comme ses paupières allongées en aile d'oiseau.
 
Je ne répondis pas, le souffle me manquait. Alors, il se présenta : « Je suis le Maître de Vie ».
– Le Maître de Vie ! fis-je, d'un air à la fois cérémonieux et détaché, alors que l'émotion me desséchait la gorge.
– Monsieur, repris-je, après quelques secondes, je suis une femme de bon sens. Il rectifia : « Maître, si vous voulez bien ».
– Qu'est-ce que cela veut dire, Maître de Vie ?
 
Il se caressait le menton comme les gens qui en savent long mais ne sont pas décidés à parler. Je lui lançai :
« Votre robe m'éblouit ».
– Evidemment, c'est la lumière elle-même !
– Et alors, qu'est-ce que cela veut dire Maître de Vie ?
– Oh, peu de chose : un souffle, une éternité.
– Ah ! Et que voulez-vous ?
 
ll se cabra.
« Mais c'est toi, Annabelle (il savait mon nom !) qui en appelles à tout ce qui bouge, croît, verdit pour savoir ce que tu dois faire de ta vie. Tu n'es pas la seule, d'ailleurs. Je vous fais un cadeau et vous ne savez comment le déballer. Bêtes comme des oies ! Il fallait vous apporter un bonheur mâché que vous n'aviez plus qu'à digérer, c'est ça? Je vous ai donné la vie, je ne pouvais donner plus quand même !
- Ni pire !
 
Il se mit en colère et fit voler dans tous les sens sa vêture étincelante :
« Je n'y suis pour rien. C'est vous les coupables ! Je vous ai donné un monde, façonnez-le, sapristi ! Faites-en une œuvre au lieu d'en faire un gâchis. Toi, par exemple, toi, que te manque-t-il ? Tu as un joli popotin, tout à fait joli, ajouta-t-il en soulevant ma jupe, tu as une cervelle dérouillée, un cœur tendre et fondant comme les meilleures poires de mon paradis, et tu oses demander – à ce moment précis, il arracha une poignée d'herbe qu'il jeta en l'air – tu oses demander si tout ceci a un sens ? Ecoute ! J'ai mis le sang dans tes veines, l'étincelle dans ta tête et le monde devant toi. C'est à toi de jouer. Moi, je te l'ai dit, je ne suis qu'un souffle, qu'une éternité, peu de chose ».

Sa voix avait changé, elle était douce, harmonieuse, caressante, elle venait de toutes les directions pour m'envelopper et me bercer.
« Oh, Maître, dis-je en fermant les yeux. Oh, Maître ». Et je restai ainsi quelques secondes, immobile, sous le charme. Quand je revins à la réalité, la robe de lumière flottait loin de moi et s'engageait dans l'allée des arbres sévères.
 
Je m'élançai à sa poursuite en criant Maître ! Maître ! Ma voix emplissait le bois et me faisait peur. Il me semblait qu'elle allait courroucer les dryades, seules autorités reconnues et légitimées en ces lieux avec le garde forestier.
 
Tout à coup, j'entendis une grosse voix : « Qu'est-ce qui se passe ? »
Le garde forestier, justement. Il tombait bien. Je lui demandai d'une voix saccadée en essayant de reprendre mon souffle :
– Vous ne l'avez pas vu ? Vous avez certainement dû le voir. Il est passé par ici. Il a une robe chatoyante, une robe de lumière.

Barbara Flamand

www.facebook.com/people/Barbara-Flamand/1296670185
artsrtlettres.ning.com/events/les-vertiges-de-linnocence

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Nouveau jeu.... J'aurai ta peau

Publié le par aloys.over-blog.com

 

Edmee-chapeau

 

J'aurai ta peau


Sortons, ma vieille amie, sortons comme autrefois
Lorsque la jeunesse brillait encore sur nos joues.
Je rougis de le dire, mais par rapport à toi
Le temps et les ans m'ont été bien plus doux.

Tu as préféré céder aux ravages
Quand de mon côté j'ai soigné ma beauté
Ne cessant jamais de lui rendre hommage
Quelles que soient les souffrances qu'il fallait endurer.

Une fossette au menton, le nez raboté
Des implants pileux sur le mont de Vénus
Que trop de cire chaude avait bien désolé,
Les pommettes revues par un médecin Russe...

Des genoux à la carte, 
Les paupières en virgule,
Fesses de guerrier spartiate,
Fermes et tentants monticules.

Le décolleté explosant de rondeurs
Le front lardé d'un botox médusant
Le sourire si ourlé que j'en ai des douleurs
Mais cette joie d'entendre: elle a plus de trente ans?

Toi tu me dis être bien dans ta peau
Permet-moi de te dire que c'est une évidence:
Mais tant de peau inutile, Dieu que c'est pas beau!
Si je ne t'aimais tant, je t'accuserais d'indécence.

Ciel que la marche est pourtant difficile
Alors qu'avec toi gentiment je converse
Car à chaque haussement de sourcils
Mes doigts de pied cruellement se redressent.

Ralentis donc, ne vois-tu pas
Cet éventail freinant mon pas?

Trop retirée, dis-tu? J'aurais rétréci?
Ha ha ha mais elle est bien bonne... tu veux donc rire?
Ha ha ha aïe, quel est ce bruit?!!!
Ma peau! Ma peau! Elle se déchire!

C'est ta faute! Et moi qui te croyais mon alliée
Cesse de m'appeler Hulk et ramasse ce que tu peux
Je prendrai des greffes de la plante de mes pieds
A 80 ans, c'est pas vrai qu'on est vieux....

 

 

 

Edmée de Xhavée

edmee.de.xhavee.over-blog.com

 

Enfin, je crois ...

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Journal de bord... Hugues Draye...

Publié le par aloys.over-blog.com

H.draye
journal de bord, jeudi 30 décembre 2010

 
 "Oh, facteur, ce n'est pas facile de travailler quand il y a de la neige ou du verglas !", me dit-on, régulièr'ment, sur ma tournée, depuis quelques jours ...
 
"Oh, facteur, travailler quand il pleut !", me dit-on régulièr'ment, à d'autres moments.
 
"C'est chouette pour vous, facteur, maint'nant, y a du soleil !", me dit-on aussi, régulièr'ment, en été ou ... à d'autres moments.
 
Rien n'est évident et ... tout est simple, parfois.
 
Faisons l'tri.
 
Bien sûr, quand il neige, dans les conditions que je connais (dans mon boulot), il faut être vigilant (et le mot est faible).
 
Mais ... quand on le vit, au quotidien, comme c'est le cas, ces jours-ci, les difficultés n'ont pas non plus les proportions qu'on imagine.
 
Suffit parfois d'observer la situation, de l'accepter et de s'organiser en conséquence.
 
Quand il neige, quand le verglas s'impose sur les trottoirs, eh bien je m'efforce de repérer les endroits (sur ces mêmes trottoirs) qui sont dégagés, de flanquer une des rues de mon caddy dessus, de poser au moins une de mes chaussures dessus (aussi), et d'avancer, à pas lents (mais sûr'ment) de ce côté-là, de faire un pas, un autre pas, et le travail s'écoule, coule, quand même.
 
Quand il pleut, eh bien, je profite parfois d'un moment où je me trouve à l'intérieur d'un immeuble, où 22 (ou 32) boîtes aux lettres se trouvent, je prends le temps qu'il faut pour y distribuer (au chaud) mon courrier, de papoter (quand ça se presente) avec des gens de l'endroit quand ils passent ... et la pluie a le temps de se calmer (ou de cesser).
 
Quand il y a du soleil, ne vous y méprenez pas : ce n'est pas forcément plus évident. Dieu sait si les fortes chaleurs et moi, ça fait ... deux ! Et ... même quand le ciel est bleu et clément, les chagrins, les états d'cafard, les hivers mentaux, les essoufflements font partie du programme. Bien entendu, quand on l'accepte (aussi), quand on s'organise (aussi) en conséquence, quand on sait (aussi) que le bonheur surgit à l'horizon, ces journées ont (comme n'importe quelle journée) leur valeur, leur importance, et on est fier de les avoir accomplies.
 
"Oh, facteur, ce n'est pas facile de travailler quand il y a de la neige ou du verglas !"
 
Ces commentaires ne manquent pourtant pas de bienveillance, d'intérêt.
 
Et puis ...
 
Tout un chacun aperçoit, remarque, identifie celui qu'il rencontre ... à partir de ses propres lunettes.
 
De l'extérieur, on peut s'imaginer, projeter les pires difficultés chez quelqu'un d'autre, quand on ... se met à sa place.
 
De l'extérieur, on peut s'imaginer, projeter les pires difficultés chez quelqu'un d'autre, quand on ... ne vit pas la situation.
 
Je tombe aussi dans le panneau, sur ma tournée, quand j'observe certaines personnes, dans leur contexte, dans un aspect de leur vie quotidienne.
 
Ma pensée s'attarde, ce matin, sur Léonore.
 
Elle est grande, elle est gracieuse. On peut imaginer une colombe sur ses épaules. Elle pourrait atterrir sur une photo de David Hamilton. Avec ses longs cheveux blonds, ses tresses, son sourire d'une beauté extrême.
 
Quand je la vois passer, rue de Vergnies, avec ses six enfants (qu'elle élève seule et qui la suivent proprement et gentiment), je me demande toujours comment elle s'en tire. Moi qui n'ai jamais, de ma vie, tenu un ménage.
 
Je lui ai posé la question.
 
Elle m'a répondu : "Ca vient tout seul"
 
Elle a ajouté : "Les enfants, c'est que du bonheur !"
Hugues Draye
huguesdraye.over-blog.com
www.myspace.com/huguesdraye
********************************* ANNONCE *****************************************

SAMEDI 22 JANVIER 2011, dès 20 heures

  

 

péniche CARPE DIEM, 6530 THUIN

(région de Charleroi)

 

Concert de chanson Française

 pour aider une famille en difficulté ...

  

avec

  

 

Philippe Mai

  

 

Michel Stennier

  

  

Jean-Marie Dollé

  

 

 Hugues Draye

  

 et plein d'autres artistes au grand coeur ...

(souhaitez-vous en faire partie ? ça nous ferait plaisir)


Le prix de l'entrée est fixé à 8 € par personne, pour les adultes

(enfants gratuits)

 

 

  

Email : phil@bateau-carpediem.be

 

GSM/portable : 0 (0 32) 475 44 24 47




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Une nouvelle de Marie-Claire George : les bigoudis...

Publié le par aloys.over-blog.com

marie-claire-george.jpg

 

Les bigoudis

           

 

                        - L’addition, s’il vous plaît.

 

                        Voilà, c’est fini. Fini pour le repas, fini pour la soirée, fini pour notre vie à deux. Enterrer notre couple au restaurant a rendu les choses plus faciles. Pas question de régaler le public d’une scène pimentée de pénibles hoquets, j’ai ma dignité, il le sait. Pendant la journée, il a profité de mon absence pour vider son placard, débrancher son ordinateur, remonter son vélo de la cave et embarquer le tout dans la fourgonnette de Stéphane – celui-là, il me doit une explication. Bref, mon homme s’est fait la malle. Il me l’avait annoncé la semaine passée, je n’avais même pas été surprise. Il avait une maîtresse, je le soupçonnais depuis plusieurs semaines. Une maîtresse ! On croirait du Zola ou du Maupassant ! Aujourd’hui, on dit une nouvelle copine, ça passe plus facilement même si au fond c’est la même chose.

 

                        Il a terminé son café, a payé, puis il m’a dit : « Je sors le premier, ce sera plus facile pour toi. » Plus facile ? C’est bien de lui ! Il a enfilé son blouson, le Cerruti crème que je lui avais offert pour ses trente ans, il m’a embrassée dans les cheveux et m’a soufflé : « Merci ». Je vais t’en donner, moi, des mercis ! Cinq ans que je lui repasse ses chemises, que je lui pâtisse des tartes à la crème ou des éclairs au chocolat dont je me prive, moi, pour garder la ligne ! Cinq ans que je le laisse regarder « Enquêtes spéciales » à la télé pendant que je martyrise mes abdos dans la salle de bains, histoire de garder le ventre plat. Sans parler des week-ends ennuyeux chez sa mère, dans ce trou des Ardennes où il tombe dix mètres d’eau par an, et des vacances en caravane, je déteste la caravane, je déteste le camping, je déteste les vacances. Je le déteste, lui.

 

                        Toute seule dans la nuit tiède, j’ai pressé le pas pour ne pas sentir qu’il manquait son bras sous le mien. Des couples sortaient en riant des cafés, les voix portaient loin, des voix heureuses. Un autre monde, qui n’était plus le mien. En rentrant, j’ai ravalé ma rage avec un somnifère et une bonne rasade de whisky, et j’ai dormi sans rêves jusqu’au matin.

 

 C’est le téléphone qui m’a réveillée.

- Clotilde, tu as vu le temps ?  Je suis libre aujourd’hui. On prend notre journée de filles ?


                        Elle tombait bien, Félicité ! Félicité, c’est mon amie. Pas ma seule amie, non, mais une amie unique. C’est une maîtresse femme, Félicité. Si j’hésitais encore entre les larmes et la colère, elle saurait comment s’y prendre.

 

                        - Quoi ? Mais de quoi te plains-tu ? Fini, le dévouement aveugle, la cuisine de belle-maman et le programme sans surprise pour la soirée. Sois positive ! Aujourd’hui, ma fille, on s’éclate ! Pour commencer, on va chez Athanase.

 

                        Athanase, c’est le coiffeur de Félicité qui s’y fait régulièrement défriser les cheveux et en profite pour jaboter avec ses compatriotes. Tout ce que la ville compte de chevelures cotonnées s’y presse. Côté musique, c’est soukouss, kwassa kwassa et rumba congolaise. On discute avec véhémence du prix des Wax et des patates douces, en lingala, en kikongo ; on finit les phrases en français. « Cyprien a cassé le bic, il est bon pour l’article 15...  Moi, j’ai pris la ligne 11 pour venir ici, les bus sont encore en grève, vraiment, c’est trop !  Mama Ernestine, c’est une sapeuse depuis que son mari est retourné au Kivu, les affaires vont bien. En tout cas, vraiment... » On se passe le dernier numéro de « L’ Avenir » ou du « Potentiel », on prend des nouvelles de la famille restée à Kinshasa ou au village.  Entrer dans le salon d’Athanase, c’est entrer dans le soleil.

 

                        Je l’avoue, je détonnais un peu dans ce monde bariolé et bruyant : à force de me priver de pâtisseries, je n’avais pas le physique généreux en vogue ici. Mes cheveux pâles et plats,  mon visage nu, fermé, mon T-shirt et mon pantalon passe-partout faisaient de moi une petite tache triste dans le paysage. J’avais l’air d’une religieuse qui veut passer inaperçue.

 

                        Athanase m’a posé des bigoudis. Des bigoudis ! Ma grand-mère en était une inconditionnelle, mais à son âge...

                        - Laisse-toi faire, me sourit Félicité. Athanase, il recoiffe le moral !

                        - J’aurais préféré un brushing.

                        - Un brushing, ça ne tiendra pas sur vos cheveux, décréta le figaro d’ébène en avançant la lèvre. Trop mous. La mise en plis, pour vous, c’est mieux..

 

                        Et voilà comment je me retrouvai auréolée d’énormes rouleaux  verts et roses qui me faisaient ressembler à une grosse fleur tropicale.

                        - Mais comme ça vous va bien ! me complimenta une mama épanouie dans un pagne indigo où le pape souriait de toutes ses dents. Vous devriez porter des couleurs. Le beige, ce n’est pas beau. Ça rend triste.

                        - C’est vrai, enchaîna une autre qu’on appelait Espérance, et mettre aussi du rouge sur les joues, et manger pour ne pas rester maigre. Regardez, moi, je mange, je suis grosse, je ris, je fais la fête. Ce n’est pas bien de ressembler à un chat qui a faim. Ah ! non, c’est pas joli joli. Tu dis ça aussi, hein, Pélagie ?

 

                        Pendant que la tête me fourmillait sous un séchoir rescapé des années septante, je voyais Félicité aller de l’un à l’autre, rire, esquisser avec Athanase un pas de ndombolo en trémoussant ses hanches rondes. Elle n’a pas d’homme dans sa vie, Félicité. Plus maintenant. Je ne sais pas ce qu’il est devenu, elle n’en parle jamais. La guerre, le sida, la faim, qui sait ? Ou peut-être avait-il, comme le mien, un « deuxième bureau » ? Il y a déjà des années qu’elle est arrivée, seule, avec juste quelques papiers dans une chemise en plastique et une petite valise de carton bourrée de courage et de bonne humeur. Elle n’a rien raconté, sauf peut-être à l’assistante sociale qui l’avait prise en amitié ; elle a fait des ménages, la nuit, pour payer ses études d’infirmière et, à l’hôpital, les patients la réclament. Elle s’habille de robes extravagantes aux couleurs de soleil et de feu, elle accroche à ses oreilles de gros coquillages nacrés qui lui frôlent les épaules, elle danse à la première note qui lui chatouille le tympan, elle ouvre grand sa porte à de pauvres filles comme moi, qui n’ont pas appris comment faire quand on a de la peine. Elle a le cœur inépuisable. Comme Espérance, comme Pélagie. Comme Athanase.

 

                        Athanase qui s’amuse de mes cheveux lisses et si clairs, et prend bruyamment ses clientes à témoin. « Ah ! Kitoko, la mundele ! Elle est jolie, non ? Ah ! vraiment... »  Tout compte fait, cette coiffure ne me va pas mal. Je souris, presque malgré moi. Oui, ça me change, et pourquoi pas ? Mes yeux se mettent à rire tout seuls. C’est gagné ! Félicité est ravie. Les autres aussi. Le bigoudi  a encore de beaux jours devant lui.

 

                        Un coup de tonnerre, soudain. Un éclair. De larges gouttes qui s’écrasent sur le trottoir surchauffé. Pas question de noyer le chef-d’œuvre capillaire. Athanase jette peigne et ciseaux sur la console brinquebalante, glisse dans l’appareil un autre CD, pousse à fond les décibels, et me voilà à danser avec les autres sur les rythmes de Jeannot Bombenga et de Nyoka Longo. Pourvu que la pluie ne s’arrête pas trop tôt !  

 

Marie-Claire George        

                                                                                                                             

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2011 : un poème de J'anhou

Publié le par aloys.over-blog.com

 

 

http://www.bandbsa.be/contes2/janhoutete.jpg

 

 

 

2011 :

 

De revenir vers vous, le ciel je remercie,

Ma démarche au présent m’apporte une éclaircie

Car cet an qui s’achève était tumultueux,

Mon vers en sera-t-il devenu vertueux ?

C’est presqu’un rituel que j’accomplis, sans frasque,

Nul besoin de gilet, pas plus besoin d’un casque.

Ce sont des vers du cœur que j’apporte à vos yeux,

Je reste idéaliste avec quelques mots pieux.

 Grâce à vous, quelques uns, j’ai conservé ma verve,

Même si pour certains j’ai porté la minerve.

Je me sens démuni face à mauvaise foi

Et je me sens perdu car j’ignore sa loi.

La noble notion que porte « confiance »,

Je peux en témoigner de par mon alliance.

Oui je me suis senti blessé, trompé, meurtri,

Car ce mot de valeur par mon cœur est pétri

Mais qu’importe aujourd’hui, je reviens à la plume,

Car je veux oublier le brouillard et sa brume.

Ainsi, je viens ce jour vous présenter mes vœux,

(Le calme est revenu je me sens moins nerveux.)

Je viens vous souhaiter une excellente année ;

Que de bonheur et de succès enrubannée !

Je puis vous annoncer un très prochain recueil ;

(C’est beaucoup de soleil et très peu pour l’écueil.)

 

Je reviendrai vers vous proposer ma lecture,

Libres vous resterez de risquer l’aventure.

Voilà qu’il est grand temps là de vous libérer ;

Je ne veux pas trop votre temps accaparer.


 

 

J'ANHOU

Publié dans Poésie

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