Au commencement, il n'y avait rien et quand je dis rien, c'est rien.
Puis comme ce rien s'ennuyait, il a cherché et n'a rien trouvé !
Rien ne m'arrêtera, se dit rien et il continua sa quête.
Un jour qu'il s'amusait d'un rien, rien remarqua un grain de poussière. Un rien, un misérable grain.
Ils firent connaissance et décidèrent de collaborer. Ils créèrent une société destinée à trouver quelque chose qui ferait leurs beaux jours. Mais allez faire les beaux jours de rien et d'une poussière. Ce qui les sauva c'est une musique. Or la musique cela n'est rien mais celle-là les appelait à se déplacer et à traverser le temps. Quand ils arrivèrent à l'autre bout du temps, la musique les attendait et se joignit à eux.
Pendant des milliards d'années, il n'y eut rien sauf la musique et pas une poussière de plus. Eh oui, la génération spontanée ce n'est pas pour les poussières.
La musique avait beau augmenter son volume il n'arriva rien sauf que rien devint un peu sourd.
Puis un jour apparut un petit point jaune qui augmentait à vue d'œil. Il était lumineux et le grain de poussière se plaisait à voler dans la lumière.
Musique et lumière se rencontrèrent et miracle, il en sorti quelque chose. Un truc sans forme bien définie qui courrait partout. Rien décida de le rencontrer. Désormais, il n'était plus seul. Alors il prit une décision difficile et rien disparut sans laisser d'adresse. Personne ne sait ce qu'il est devenu mais de temps en temps on entend encore la musique qui susurre :"Non, rien de rien. Non, je ne regrette rien."
À 25 ans, Emilie Casagrande signe avec D’infimes vibrations sa première nouvelle publiée. Originaire de la région liégeoise, elle s’intéresse depuis l’enfance au monde du livre, tant du côté de la lecture que de l’écriture. Ainsi, c’est tout naturellement qu’elle a réalisé des études de Langues et Lettres françaises et romanes à l’Université de Liège, qui ne font que renforcer son attrait pour les mots, sous toutes leurs formes. Mais la littérature n’est pas sa seule passion : la musique occupe également une place importante dans sa vie. L’autrice a en effet suivi un cursus de formation musicale et de guitare à l’Académie de Musique de Saint-Nicolas. Ces deux univers restent pour elle des sources intarissables d’inspiration.
Résumé
Un virus jusque-là inconnu et hautement contagieux met à mal le monde tel qu’on le connaît : sa dangerosité entraîne le recours à des mesures de confinement drastiques pour préserver les plus fragiles. Un jeune musicien à peine diplômé du conservatoire voit son propre monde s’effondrer lorsqu’il apprend que son grand-père, contaminé, a été placé dans le coma et pourrait ne jamais en sortir. Dès lors, le jeune homme n’a plus qu’un seul objectif : braver les interdictions de visite pour voir son grand-père à tout prix. Mais y parviendra-t-il avant que la maladie n’accomplisse son terrible office ? Et quel lien pourrait-il bien y avoir entre ce virus inquiétant et le curieux projet musical pour lequel on l’a contacté ?
Virus. Vous en avez plus qu’assez de ce mot, n’est-ce pas ? Pourtant, l’histoire qui se trouve entre les pages de cette nouvelle n’est pas celle qu’on entend depuis des mois à la télévision, dans la bouche des experts, ou encore dans les articles de journaux. Cette histoire, c’est surtout celle d’un amour familial intergénérationnel et de la transmission, non pas d’un virus, mais bien d’une passion pour la musique.
Extrait choisi
“Je me penchai pour attraper l’étui et l’ouvris, extrayant avec délicatesse l’instrument qui y était logé. Je le tournai dans tous les sens, davantage pour l’inspecter moi-même que pour l’offrir à admirer aux paupières fermées de mon grand-père. Je posai le creux inférieur sur mon genou gauche, le pied tendu pour le surélever, et procédai à l’accordage comme en sourdine. Je devais me faire le plus discret possible, mais la tentation d’exprimer ma tendresse indicible par le biais de cette mélodie composée pour banjo qu’il jouait si souvent surpassait la prudence, alors je me mis à l’interpréter le plus piano que je pouvais, effleurant à peine les cordes du bout de mes ongles parfaitement arrondis.”
Casagrande Emilie, D’infimes vibrations, Barry, Chloé des Lys, 2022, p. 19.
Luc Strenna, professeur de philosophie à la retraite, a écrit sur la pensée écologique et publié en ornithologie. Il se consacre maintenant à la poésie.
RESUME :
Ces poèmes ont choisi l'ordre alphabétique, de manière à ce que le lecteur se fraye son propre chemin. Comme tous les poèmes, il est impossible de les résumer, en voici donc la fin :
"Les trilles cristallines des enfants transpercent l’été mourant
Et le sexe noir des figues femelles de femelles me happe
Tandis que l’été nous câline des fols espoirs de femmes lièges
Sur ses ailes bourdonne l’odeur de l’herbe coupée
Le râle de la terre calcinée battue du vent m’appelle appeau cosmique
Dans la brûlure du chant des cigales dressant ses ciseaux au ciel pur
Et les menstrues des coquelicots tachent le drap du champ débordé
Alors la chaleur rouge de l’été m’enlace exigeante amante"
Benjamin Wiame est un passionné d’écriture, qui aime les beaux mots, les illustrer, les chanter et les faire vivre, le temps d’un roman, d’un album, ou d’une chanson.
Après la publication réussie de ses deux premiers romans, il vous présente ce nouveau roman intime et personnel.
Bibliographie :
Le barricadeur de mots, Benjamin WIAME, Editions de l’Harmattan, avril 2019
Les chroniques ménagères, Benjamin WIAME, Editions de Beauvilliers, juin 2020.
Ce livre est l'histoire d'une rencontre qui n'a pourtant pas eu lieu. Une soirée avec mon grand-père. Des mots échangés avec ce vieil homme qui me comprenait si bien.
Un retour du boulot, dans les bouchons, dans cette routine quotidienne qui nous épuise. Ce soir, j'ai rendez-vous avec mon grand-père. Sur le quai d'une gare. Juste pour parler un peu. Prendre le temps de s'interroger sur le futur, l'amour, le travail, le temps qui passe, la politique ou même les révolutions.
Et puis, peut-être que nous prendrons le train, tous les deux, pour un tendre voyage dans l'imaginaire. Un aller-retour.
Et puis la nuit tombera.
Ce livre est un voyage, une pause dans nos courses folles. Prendre le temps de s'écouter, de refaire le monde et de s'en aller un peu plus loin.
Extrait :
19h22
La gare de Gembloux est en vue. Plus qu’à me garer dans cet immense parking, en entreprendre la traversée, tenir bon et escalader dans une immobilité toute contenue une série d’escalators. J’arrive enfin sur le quai numéro 5. Mon grand-père est là. Bien sûr qu’il est là. Il a une notion de la ponctualité qui me dépasse complètement. Être à l’heure, selon sa définition, c’est être follement en avance, c’est être à peine parti. J’ai toujours un problème avec le temps. Il va trop vite. Vous connaissez sûrement cette métaphore du temps, voulant que si l’on remplit un vase de grosses pierres, il nous reste la possibilité d’y verser encore des gravillons pour le remplir encore. Puis du sable. Puis de l’eau. Eh bien dans mon cas, je pense que le vase déborderait sans arrêt. Je n’y ai jamais trouvé de remède. Ou peut-être que si. Mais c’est impossible. Enlevons les grosses pierres et on pourra mettre bien plus d’eau.
Mon grand-père est là, assis sur le petit banc. Il regarde des hommes en ciré jaune, s’affairant à faire je ne sais quoi. Peut-être que lui sait. Ou peut-être se dit-il : « De mon temps, ce n’était pas comme ça. ». Il sourit en tout cas. Il a l’air bien juste là. Il a l’air d’être chez lui. En réalité, les gens ne changent pas. Et les trains non plus. Les gens vivent et les trains passent. Depuis toujours. Je m’approche de lui. Il m’aperçoit et me sourit. Je me pose sur sa joue et y laisse un baiser. Puis m’assieds à ses côtés.
- Salut grand-père, ça va ?
- Ça va. Et toi fiston ? Toujours amoureux ?
- Toujours.
- Toujours pas eu le temps de faire ta barbe ?
- Toujours pas.
- Et la petite fille ?
- Elle sourit beaucoup. Tout le temps en fait. Elle tient ça de toi, je pense.
- Elle a bien raison. Il faut sourire dans la vie. Sinon elle a l’impression de gagner. Sourire, sourire et encore sourire. Même s’il faut parfois s’y forcer. Mais sourire encore.
Je lui ai souri, comme pour lui donner raison.
- Tu m’as l’air un peu fatigué ?
- C’est le moins qu’on puisse dire. Je suis crevé. Mais c’est l’histoire de ma vie. Le temps passe si vite.
- C’est ton boulot qui te fatigue comme ça ?
- Oui, en grande partie je crois.
- Vous êtes vite fatigués vous, les jeunes…
- Tu vas me dire que de ton temps le travail était bien plus dur et que le confort de vie était loin d’atteindre celui dans lequel on se complait si bien.
- Oui, quelque chose comme ça.
- Une bonne guerre, peut-être aussi ?
Mon grand-père ne répondit pas. Il savait que je connaissais ses arguments, pour les avoir entendus si souvent, le dimanche, lorsqu’il s’énervait sur les affres des journaux télévisés, fenêtre triste d’un monde informé. Et cette vieille rengaine rendant à la guerre ses lettres de noblesse, puisqu’elle nous permet d’entrevoir ce qui compte vraiment, sans nous oublier dans ces futilités de gens gras et si bien assis sur notre paix. Mais il me connaît aussi. Il sait que l’actualité et la connaissance m’insupportent. Parce que ce n’est pas ça que je veux entendre. Parce que les malheurs y sont si condensés qu’ils en deviennent légion, qu’ils s’incrustent comme une norme, un quota minimum. Parce qu’ils replacent dans votre salon les larmes, les peurs et les conneries du bout du monde. C’est comme si, chaque soir, entre 20 et 21h, vous deviez assister à tous les enterrements de la région. Un condensé efficace des moments propres à vous arracher quelques pleurs, sur des musiques si tristes qu’elles restent dans la gorge. C’est peut-être un exemple stupide. Et pourtant la voisine du dessus est peut-être en train de mourir, pendant que vous vous apitoyez sur le sort de ces civils syriens qui prennent les armes.
- Tu sais, je pense qu’on ne peut pas comparer les époques, juste comme ça. Les codes changent. Et les bonheurs aussi. La difficulté de la vie aujourd’hui ne réside plus dans sa dureté, mais bien dans sa vitesse. Je pense même que nos corps sont tout autant mis à l’épreuve qu’à ton époque. Jadis, les gens mouraient d’avoir trop marché, aujourd’hui ils s’éteignent de n’avoir pris le temps de le faire. Prendre le temps. C’est une notion plutôt neuve. Un sprint capitaliste qui essouffle et qui finira par vendre des filets pour l’attraper, ce temps qui virevolte. Et pourquoi ne pas plutôt prendre le temps. Haut et court. Qu’il nous laisse en paix et que ses dernières secondes aillent grossir les titres des journaux. Ou le suspendre, le temps d’une étreinte, d’un baiser ou d’une danse.
- Dis-toi que le temps se compose toujours aussi de demain. Et que demain laisse entrevoir tant de choses.
Nous nous tûmes quelques secondes, pour les laisser filer, emportées par ce train qui redémarre.
« Au final, on est tellement plus fort que ce que l’on croit ! Toutes ces déceptions ne peuvent nous mener que vers le meilleur. Mais il faut s’en convaincre… »
Biographie
Née en 1988 et originaire de Sambreville, Sylvie Thibaut-Buffart est passionnée par l’écriture et souhaite transmettre des messages positifs, porteurs d’espoir. Dès l’âge de 14 ans, elle écrit ses premiers textes, poèmes et chansons et se fait connaitre sur la scène belge en tant que rappeuse, sous le nom de «Mamz-l».
Résume du livre
Ce recueil propose des pensées positives à lire pour méditer, se rebooster ou simplement s’ouvrir à la réflexion. Tout en partant de ce que chacun peut vivre ou ressentir, la volonté est de réfléchir au monde qui nous entoure et de susciter le besoin de se recentrer sur l’essentiel, tout en gardant toujours espoir. Qu’on le lise page après page ou dans le désordre, qu’on se pose une question avant de l’ouvrir au hasard, peu importe.
Alain CHARLES habite Baudour, il exerce la profession d’ingénieur dans une société de construction en Wallonie picarde. En 2018, il publiait «Continuum», un recueil de nouvelles, en juin 2020, «Chronicovids», textes chronologiques sur la pandémie du Covid-19, et en janvier 2021, le roman «Le Serénateur». « Les Viateurs » est son deuxième roman.
Résumé
Pol, un enfant de 10 ans, se réveillant dans le sous-sol de son immeuble, constate que la terre a tremblé et que la population a disparu. Une voix et une chouette le guident dans la banlieue dévastée. Il y rencontre Zabeth, une gamine délurée, recueille P’tit Poutch, un bébé abandonné, puis croise Le Poète qui a fui les couloirs du métro où les enfants gris, mangeurs de rats, font régner la terreur. Ensemble, ils sauvent Angèle sur le parapet d’un pont. La seule solution est de rejoindre la campagne et les forêts.
Dans une galerie aux dimensions infinies, parmi les attendeurs amorphes, Georges, le père de Pol, et Mathilde, la mère de Zabeth, discutent de la fin du monde, de la notion d’éternité, de la réalité du Big Bang, de l’existence de l’enfer. Ils cherchent les raisons qui ont provoqué l’apocalypse. Forçant «La Porte», ils négocient avec «La Voix» car leur seul désir est de retrouver leur enfant.
Que deviendra-t-il, seul, dans cette ville en ruine?
Il leva les yeux, le ciel était bleu pâle, délavé, des filaments laiteux cachaient le soleil, puis il les baissa vers la terre brûlée, les troncs fumants, les buissons et arbustes carbonisés. Il eut envie de crier, mais hurler sa peur, sa colère ne servait à rien, personne ne l’entendrait.
Il se rappela la voix, elle avait un timbre, un ton, qui ne lui étaient pas inconnus.
***
—Vous dites que nous sommes dans une salle d’attente, je ne me souviens pas y être entrée, d’ailleurs nous ne voyons aucune porte.
—Chère dame…
—Mathilde.
—Mathilde, si nous sommes dans cette galerie à discuter, nous y sommes entrés et si nous y sommes entrés, tôt ou tard, nous en sortirons. La logique est implacable, inévitable, inéluctable et tous les adverbes en «able» qui conviennent à l’algorithme de la déduction. Une issue existe et nous la trouverons.
***
Au moment où il se leva, Pol entendit un son étrange dans la rue.
—Zabeth, tu n’entends rien?
—Nothing, nada, c’est encore ta voix?
—Non, de la musique, une flûte, comme celle que j’apprenais à l’école.
—Déso pas déso, c’est tes pavillons qui grésillent.
—Non, je t’assure, écoute.
Ils tendirent l’oreille et P’tit Poutch ronchonna d’être délaissé.
—T’as raison, mon coco, i’ joue faux.
Se précipitant à la fenêtre, ils aperçurent, à une centaine de mètres, un jeune homme très mince et très grand, tout de noir vêtu. Il s’arrêta de souffler dans son pipeau et commença à chanter.
—Assurancetourix au pays des soviets.
—Tu mélanges tout, Zabeth, le pays des soviets, c’est Tintin.
—Oki, monsieur je sais tout, kess qu’on fait? Va voir en soumsoum et s’il ressemble à un thug, on s’cache.
—Zabeth, une personne qui aime la musique ne peut pas être un voyou.
—Hitler écoutait Wagner, du schnock, ça t’en bouche un coin.
Pour son premier recueil, Xénia Maszowez a réussi à se hisser parmi les finalistes du prix Charles Plisnier. Voilà qui est de bon augure !
Une belle surprise, en effet, que cette poésie sensuelle, à fleur de peau. Une poésie à mâcher, à humer. Rien de plat. Un recueil que l’on peut ouvrir à n’importe quelle page !
Deux exemples : Lécher l’hiver / Comme une glace / Sentir son goût / Geler mes dents
ou encore : Sous la surface / Des choses / Il est / Monts et merveilles / Gratte !
Les « hyphes », ce sont les filaments du mycélium qui courent sous la terre et, venus à la surface, nous offrent l’infinie variété des champignons. Xénia Maszowez explore ainsi les filaments – neurones, synapses – de son cerveau, les chemins de son être, les épanchements filandreux de sa pensée. Le mot, rare et beau, offre bien sûr un jeu de mots que l’auteure ne se prive pas d’exploiter, d’explorer : Hyphes I / Hyphes you / Hyphes we // So maybe // Hyphes. / Toutes ces choses cachées. / Sous-jacentes, sous-terraines, telluriques. / Ces liens secrets.
« Hyphes », aussi, la belle illustration de couverture, œuvre de l’écrivaine qui est également plasticienne : amanite tue-mouches en surface et, dessous, le vaporeux réseau du mycélium. Le champignon hallucinogène des sorcières (et Xénia Maszowez se dit « sorcière en poésie »), effleurement conscient d’un inconscient bouillonnement, ombre portée d’une caverne profonde et sombre.
Le généreux recueil (une centaine de textes !) est divisé en six sections (Monts et merveilles, Hyphes, Jus de cœur, Mange ta soupe, Louves et Même pas mal). Des sections thématiques centrées sur la perception de la nature, l’amour, l’inconscient, l’expérience de l’absurde, la sororité ou encore la maladie – une logique thématique mais pas systématique, le cheminement des « hyphes » mentaux étant bien entendu erratique.
Une poésie dont l’inspiration découle de l’expiration, de la respiration, de la transpiration. La voix personnelle, à la fois brute et sophistiquée, d’une personnalité qui se livre dans toute sa force fragile, comme dans cette Orange sanguine :
Une orange que l’on pèle
à vif
souffre moins
que mon âme
fragile
dans le froid
ce matin
Que personne ne me parle
encore moins ne me touche
Aucun son ce matin
ne jaillit de ma bouche
Une poésie à découvrir, une voix neuve (c’est rare), non dépourvue d’humour, ce qui ne gâte rien : Si l’idée de la mort s’impose : / faire de la soupe / À trucider des légumes, / l’esprit s’apaise
À lire Xénia Maszowez, l’esprit s’agite entre guerre et paix, entre nature et culture, entre trouble et sérénité. Et c’est bon.