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Tout passe, une nouvelle de Charles Traore

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

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Tout passe !

 

Un soir alors que j’étais encore enfant, ce jour-là même où mon père m’apprit que je dormirai désormais seul dans ma case, j’entendis le coq chanter.                                                             

Il devait être huit heures du soir. Je n’étais pas au nombre de ceux qui pouvaient prétendre avoir une horloge, mais je savais assurément, à tout temps et en tout lieu, dire l’heure qu’il faisait. Je l’avais appris de mon grand-père. C’est de lui de même que j’avais appris qu’un coq qui chante en pleine nuit, de façon intempestive, était le signe qu’un malheur allait s’abattre sur la famille. Le coq nous prévenait ainsi d’un mauvais présage.                                     

Lorsque couché sur ma natte, j’entendis ce coq chanter à plusieurs reprises, une grande frayeur s’empara de moi si bien que je me suis mis à prier, à implorer tous les dieux de l’univers, afin qu’ils protègent ma famille de tout malheur quelconque. Très peu rassuré de l’efficacité de mes incessantes prières, je me suis mis à penser à la nature du malheur qui pouvait s’abattre sur nous. La pensée de la mort me traversa l’esprit. Je réussis à l’expulser  en me disant que mes parents et nous-mêmes, étions trop jeunes pour être emportés par la mort. Je n’étais point un naïf ; loin de là. Seulement comme beaucoup, j’ai toujours pensé que le malheur, c’était l’affaire des autres !                                                                                                 

Pendant que j’étais plongé dans mes pensées, l’étrange bruit de ma chienne m’interpella. Je me suis alors levé et j’ai retiré la clef de la serrure de ma porte, pour tenter d’entrevoir ce qui se passait dans la cour. Ma case n’avait pas de fenêtre et la seule façon de pouvoir regarder discrètement et bien à l’abri était à travers le trou de la serrure.                                                                

Je n’ai pas réussi à voir grand-chose dans cette nuit noire, mais je garde encore le souvenir de ma chienne se battant farouchement contre deux bêtes plus grandes qu’elle et fatalement plus fortes qu’elle. Elle venait d’avoir trois petits. Quel animal ce chien ! Je l’avais reçu de mon grand-père. Un ami à lui qui l’avait reçu d’un de ses amis a voulu la mettre à mort quand elle était encore petite, parce qu’elle s’était fait arracher la patte avant droite par accident. Un gros mortier l’avait entièrement écrasée en se renversant au moment où les femmes pilaient du mil rouge. Pour cet ami, elle n’allait pas survivre à sa blessure et même si elle y survivait, elle perdrait d’office ce qui faisait d’elle un chien, à savoir l’usage de ses quatre pattes.

Mon grand-père me l’apporta un soir et me dit : « Voici le chien que je t’avais promis depuis belle lurette. C’est une femelle et contrairement aux autres, elle a trois pattes. Eh oui, tout comme aux Hommes, il arrive aussi aux chiens d’êtres difformes mais cela n’enlève rien en eux de ce qu’ils ont de chien. Cette chienne te donnera toute la joie dont tu as besoin si tu acceptes de lui accorder la patience et l’attention nécessaires. » Il avait raison, mon grand-père. Aucun chien ne me rendit aussi heureux que Tout-passe. Quel animal ! Elle  me suivait souvent d’un village à l’autre sans trêve. Elle chassait souventefois à mes côtés, Tout-passe ! Elle a toujours été courageuse. Cette triste nuit-là, ses petits s’étaient fait dévorer et elle-même fut effroyablement déchiquetée. Je lui suis infiniment reconnaissant ; elle s’est courageusement battue contre deux bêtes pour nous défendre et protéger ses petits.

 

 

Charles TRAORE

 

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Publié dans Nouvelle

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L'invitée d'Aloys, Josiane Lion avec un extrait de "La balade de Simon"

Publié le par christine brunet /aloys

 

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La nuit était tombée. Une de ces nuits froides d’automne où les étoiles meurent une à une, étouffées par la brume naissante et dont l’atmosphère perlée d’infimes gouttes de pluie vous transpercent jusqu’aux os et vous mouillent le cœur d’une indicible tristesse. Pour échapper le plus rapidement possible à cette morosité, je marchais d’un bon pas sur le bas-côté de la nationale. Autour des lampes d’un jaune blafard qui s’efforçaient de vaincre l’obscurité, volaient en une ronde obsédante des dizaines de papillons de nuit. De temps en temps, les ténèbres étaient déchirées par les rayons éblouissants de phares et le silence, qui jusque là n’était rompu que par les stridulations des derniers criquets et du bruissement des arbres, était à cet instant couvert par le vrombissement des automobiles lancées à toute vitesse.                                                                               

Tout avait commencé ce matin où j’avais décidé de faire une bonne balade. Il faisait si beau ! Enivré par cette radieuse journée, je m’étais éloigné, un peu trop peut -être...       Pour l’heure, je n’avais plus qu’une idée, me retrouver chez moi, grignoter un morceau et me blottir au creux de mon vieux fauteuil si confortable.

Après la chaleur du jour, la fraîcheur de la nuit aux odeurs d’humus, de bois brûlé et d’asphalte me donnait la nausée.

Tout à mes pensées, j’avais dépassé le rond-point. Je longeais à présent des friches envahies de sureaux et de buddleias.

Brusquement, un lièvre détala devant moi ! Surpris, je fis un bond de côté. Déjà, l’animal s’élançait au travers de la route. En trois bonds, il la traversa ! Hélas, je n’avais pas remarqué que je me trouvais presque au milieu de la chaussée. Trop tard ! Le flash aveuglant des phares, le grondement de bête furieuse d’un moteur... un choc violent... une douleur lumineuse à la tête... une onde glaciale qui me parcourt le corps et qui s’insinue dans mes os... la peur... une atroce peur viscérale... puis plus rien... seulement la nuit... le silence...

Combien de temps suis-je resté là inanimé sur le bord de la route dans les herbes jaunies ? Quand je me suis réveillé, il y avait un chien mort à quelques pas de moi.                

-Pauvre bête, pensai-je, il n’a pas eu ma chance !                                      

Il ne devait pas être mort depuis longtemps, car de sa tête ruisselait encore un filet de sang, son beau pelage beige en était maculé.

En titubant, je me redressai et m’appuyai contre un poteau indicateur. Je restai ainsi un long moment hébété. Dans la solitude désespérante de cette nuit sans lune, je me sentais déboussolé, désorienté. Je ne savais plus qui j’étais, ni où je me trouvais. Je me mis à grelotter de froid. Le choc sans doute ! Mû par la volonté de m’éloigner au plus vite de cet endroit maudit, je fis quelques pas. Apparemment, je n’avais rien de cassé.                                                                                         

-Allons, en avant ! me dis-je pour m’encourager.  Prudemment, je marchais dans les graminées mordorées. Elles étaient acérées et poussiéreuses, mais tant pis ! Mieux valait endurer quelques égratignures et avaler un peu de poussière que de m’exposer par trop aux dangers de la route.

Fatigué, j’avançais péniblement, avec cette impression désagréable de ne pas progresser. Non loin de moi, des voitures, ces monstres métalliques sans âme, continuaient de foncer dans l’obscurité, indifférentes aux drames qu’elles engendraient. L’une d’elles venait d’écraser un hérisson qui s’était élancé dans le calme trompeur de la nuit.

Comme je m’approchais du petit animal, je vis une vapeur fumeuse s’émaner de lui. Elle s’éleva légèrement, puis s’évanouit dans un fourré tout proche.

Je n’ai jamais cru aux fantômes, mais ce que je venais de voir me laissa perplexe. Existait-il quelque chose après la vie ?

Je n’avais fait que quelques pas et cependant je me sentais épuisé. Je m’assis sous un marronnier un peu en retrait de la route, là où les herbes sont toujours fraîches et douces.

Je devais me reposer un moment, faire le point, ne pas paniquer.                                     J’étais parvenu à retrouver un peu de calme, lorsque je m’aperçus de la disparition de ma chaîne. Sans doute, était-elle tombée lors de l’accident. Je me levai et rebroussai chemin, elle devait être encore là-bas.

L’aube se levait. Un brouillard nimbait les champs et pochait

les arbres d’une brume laiteuse. Le chien beige aux longues

oreilles était toujours là, allongé sur son flanc dans les herbes sèches, ses bons yeux globuleux ouverts sur l’infini.                                                                         

Une voiture arrivait. Elle roulait lentement. Je reconnus le ronronnement particulier de la voiture familiale. Ouf, on venait à mon secours ! Elle s’arrêta sur le bas-côté. Un homme et une femme en sortirent et s’agenouillèrent auprès du chien. La femme étouffa un sanglot. L’homme se releva, alla au coffre et en ramena une  couverture. 

Mes maîtres, c’était mes maîtres ! Braves gens, ils avaient du me chercher toute la nuit. Pour les remercier, je courais, sautais autour d’eux en jappant. Mais, ils ne semblaient pas remarquer ma présence.                                                                                    Mon maître avait soulevé le chien et l’avait déposé délicate-   ment sur le plaid. Je restai stupéfait et terrifié à la fois, car je venais de reconnaître au cou du cadavre pantelant mon collier où se balançait un médaillon gravé d’un simple nom : Simon ! Mais alors, c’était moi le pauvre chien beige ! J’étais mort cette nuit et bien sûr comme toute créature qui meurt, je n’en avais pas eu conscience !

Avec tendresse, ils m’enveloppèrent dans le plaid et me déposèrent dans la voiture. A présent, je devais être une vapeur, un flocon de brume qu’aucun être vivant ne peut voir, tel le hérisson de cette nuit. Je sautai sur le siège arrière et m’installai confortablement, j’étais si content après cette nuit d’enfer, d’enfin rentrer à la maison.

Mais ma joie s’arrêta net à la vue de jouets oubliés sur la banquette, un ballon et un ours en peluche qui appartenaient à Julien et Emilie, mes petits maîtres. Nom d’un chat, quel chagrin sera le leur, lorsqu’ils apprendront ma mort !

Un flot de souvenirs heureux me submergea. Des éclats de bonheur, des cris, des aboiements, des rires joyeux et les courses sur la pelouse pour récupérer une balle en mousse. Plus jamais, ce temps ne reviendra et comme ils allaient tous me manquer !

Peut-être, les parents adopteront-ils un autre chien afin de consoler les enfants. Mais toute leur vie, il en était persuadé, Julien et Emilie garderont dans leur cœur le souvenir ému de Simon leur gentil petit chien, parti un jour d’automne faire le tour du monde !

 

 

Qui est Josiane Lion ?

Je suis depuis toujours une passionnée d'écriture, d'histoire et d'ésotérisme. Encouragée par la critique favorable que recueillent mes récits, je publie enfin, l'année dernière, un premier ouvrage: "Le teinturier de la lune".

Publié dans l'invité d'Aloys

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Jean Destree nous propose... la première page de "Dieu m'a raconté", un récit inédit !

Publié le par christine brunet /aloys

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 Je ne sais toujours pas comment c'est arrivé. Les choses les plus bizarres et les plus farfelues vous tombent dessus brutalement, comme les collisions de voitures ou le coup de tonnerre. Je travaillais à mon bureau quand je fus distrait par quelqu'un qui me parlait. D'abord, je ne pris guère attention car, autant vous le dire, il est difficile de me distraire quand je travaille. Ma femme me le reproche d'ailleurs trop souvent. Donc une voix m'interpella.

 

- Hé! Tu m'entends?

- Quoi encore?

- Hé! Ne fais pas semblant de faire le sourd! Tu sais qui je suis?

- Non, et ça ne m'intéresse pas.

- Je vais te le dire quand même: c'est moi, Dieu!

- Allez, arrêtez de donner les coups de bâton à la lune! Je ne suis pas d'humeur à rire.

- Mais tu as très bien compris, c'est moi, Dieu.

- Taisez-vous donc et laissez-moi travailler en paix. J'ai six cours à préparer pour demain.

- Ô homme de peu de foi! Vous êtes bien tous pareils, des Saints-Thomas à qui il faut mettre les points sur les "i" pour leur faire accepter la vérité.

- Bon! Admettons que vous êtes ce que vous prétendez être. Qu'est-ce que cela va changer? Vous  n'empêcherez pas la terre de tourner.

- Bien sûr que non. Je ne vais tout de même pas faire d'exception aux lois de l'Univers que j'ai moi-même mijotées et mises en route.

- Ça, c'est vous qui le dites.

- Je ne suis pas le seul à le dire. D'ailleurs, on a beaucoup écrit sur moi et sur ce que j'aurais fait au cours de mon éternité.

- Ça ne prouve rien. Les bouquins, ça se laisse écrire. On fait beaucoup de dégâts avec les livres.

- Tu as raison. Les hommes sont dangereux avec leurs inventions.

- Vous pouvez en parler, des hommes, c'est vous qui les avez créés. Laissez-moi vous dire une chose: si ce qu'on dit est vrai, que vous avez créé l'homme à votre image, vous ne devez pas être très fier de vous, comme le disait Robert Escarpit.

- Halte-là! Je proteste! Ça n'est pas vrai! Je n'ai pas créé l'homme, je proteste, c'est une supercherie. Ce serait plutôt le contraire.

- Ah bon! Première nouvelle! C'est bien la meilleure vous n'auriez pas créé l'homme.

- Bien sûr que non!

 

     Je sens que la conversation va tourner au vinaigre et je n'ai pas l'intention de polémiquer avec un fantôme. C'est vrai, enfin. Je suis en plein travail et soudainement, "on" m'interrompt pour me dire qu'"on" est dieu et qu'"on" n'a pas créé l'homme. Mais l'autre continue de plus belle.

 

- Tu peux me croire, je n'ai rien à voir avec ces légendes de la création du monde. Je n'ai rien fait de tout cela.

- Mais alors, les bouquins sont faux? Notez que je ne crois pas à toutes ces balivernes. Mais si tout cela n'est que supercheries, vous allez créer le chaos dans la civilisation occidentale. Quel bordel! Avec tout ce qu'il y a déjà de catastrophes, si vous vous y mettez, vous aussi, qu'est-ce qui nous attend, la bombe atomique, comme à Hiroshima? Allons allons! Soyons sérieux!

- Mais je suis tout ce qu'il y a de plus sérieux. Attends que je t'explique. C'est l'homme qui a inventé les dieux pour conjurer ses peurs et justifier ses conneries. Quand quelque chose va mal, on me le met sur le dos. J'en ai marre à la fin d'être le bouc émissaire de toutes les bêtises que l'homme a commises depuis qu'il est sur la terre et souvent en mon nom.

 

  Je commence réellement à m'impatienter car l'individu insiste. On dirait qu'il le fait exprès de me sortir de telles sottises auxquelles je ne crois pas plus qu'à l'existence de dieu.

 

 

Jean Destrée

Dieu m'a raconté 

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Alain Magerotte a lu "Le rêve de Maximilien" de Gauthier Hiernaux

Publié le par christine brunet /aloys

 

Alain

 

 

 

LE RÊVE DE MAXIMILIEN

Par Gauthier Hiernaux

 

Le personnage pris en photo pour la couverture de l’ouvrage ressemble à Louis Chédid ! Renseignement pris auprès de l’auteur : Non, il ne s’agit pas de Louis Chédid mais d’un copain ! Je ne savais que Gauthier était copain avec Louis Chédid !

Trève de plaisanteries ou de mauvaise foi, passons au roman.

A quel moment se situe l’action ? Dans un empire imaginaire, un monde futuriste où le religieux est omniprésent, étouffant, oppressant.

Empire ? Religion ? De plus, il est question de chevaliers, d’épées… ne sont-ce pas là des signes de l’époque moyenâgeuse ?... Hé non, car il est aussi question de métro, de train, de mémo-disc…

Un chevalier qui prend le métro, ça perturbe un peu, non ? Oui, au début, mais on s’y fait.

Et puis, il y a l’écriture. Une écriture classique, je dirais même classieuse (un petit côté «vieille France»). Une écriture facile (la plus difficile à réaliser), claire, limpide. Un roman passionnant, même s’il faut s’adapter à un vocabulaire assez «particulier» quant à la fonction occupée par les personnages.

Pas question de confondre un Najar avec un Iarl ou un Esdo avec un Qaeder ! Et que dire du calendrier : le cinquième jour du second mois des Tancrédiales ou le lendemain de la Kalende du premier mois des Cermales ! Faut quand même un peu s’accrocher !

Bon, O.K., vous allez me dire que c’est le «Qaeder» de vosLe Rêve de Maximilien G. Hiernaux soucis, que l’important, c’est l’histoire (vous avez mille fois raison)... en fait, nous suivons les pérégrinations de plusieurs personnages :

Saon Abner, fils de Gustavo (maître-peintre), qui a quitté la cité pour s’isoler (c’est un crime car «la dispersion des habitants empêche le contrôle des esprits») et rédiger les grands principes de sa doctrine…

Jedro Abner, frère du précédent et cadet de la famille, qui a hérité du talent artistique paternel…

Larsen, non pas Lupin mais Voltine (fils du Chevalier Uter Voltine), qui tente de sauver le patrimoine familial mis à mal par l’incroyable Ull… Sylon. Ce Najar ne mérite pas davantage que ce lamentable jeu de mots. En effet, en menaçant de confisquer les terres du vieux Voltine, il pousse Larsen à vouloir rencontrer Lord Melkin, obligeant alors ledit Larsen à courir mille dangers et à encourir les foudres du Iarl Venturini qu’il a carrément cocufié !

Jedro Abner et Larsen Voltine vont finir par se rencontrer, un peu comme dans un film choral…

Et puis, il y a le rêve de Maximilien dont il sera surtout question dans la dernière partie du roman.

L’Imperator Maximilien, le Pontifex Maximus, pris pour un minus par ses pairs et, notamment, par son frère, le dénommé Beliser, cherche un moyen pour se démarquer et faire taire ses détracteurs.

Il décide de faire construire un bâtiment gigantesque à la gloire d’Atis, un des Dieux les plus importants. Il laisserait ainsi une place indélébile dans l’histoire. Il serait loué longtemps pour cela. Seulement voilà, son grand-père, l’Imperator Sixte, a dilapidé beaucoup d’impériaux (argent) dans des constructions souvent inachevées et son père, l’Imperator Nicaise n’était pas en reste de ce côté-là…

Je ne vous en livrerai pas davantage. Par contre, voilà un beau cadeau pour Noël, pensez-y. D’autant que Gauthier Hiernaux est incontestablement un des grands talents des Editions Chloé des Lys. 

 

Alain Magerotte    

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Edmée de Xhavée a lu "des éclats d'univers" de Josy Malet-Praud

Publié le par christine brunet /aloys

 

Edmee-chapeau

 

Les splendideséclats de l’univers de Josy Malet-Praud

 

Un petit livre par la taille, une couverture sombre d’un voluptueux mélange de noir et de bleu, chargée de mystère. Petit par la taille mais il a la vigueur et le regard précis d’un tout grand livre. 118 pages de destins, pirouettes, malentendus, bouffées de courage ou de colère. Le « hasard », tour à tour bienveillant, facétieux ou cruel touche les personnages de son doigt sans appel.

 

Qu’est-il donc vraiment arrivé à Lydia Lazennec ? Qui a fait qu’un avenir chez les siens dans ce lieu oublié de tout sauf du travail, du mauvais temps et de l’osbtination a vu une herse se refermer, l’envoyant en chercher un autre à Paris ? Que fuyait-elle, que chercha-t-elle, que trouva-t-elle ?

Qu’a laissé Luigia Scavia à ses descendants, où a-t-elle trouvé le courage et les mots pour le vêtir ?

Mais qu’écoutent donc les yeux de Lily, fondue dans le décor du café des Tuileries ?

… Tant de passions courent sous tous les cieux et tous les temps et tous les mondes que nous présente Josy Malet-Praud. Et toujours… on s’y agrippe à la vie, à l’espoir, on suit la lumière si faible soit-elle. Quand il y en a. Ou l’attrait des ténèbres. On suit aussi ce qu’on a dans le sang, comme Roxana, amoureuse et si décidée. Ou Leila dont la vocation est de prendre soin des autres. Jean Lebas, un peu dérangé mais si bienveillant…

Des passions dévorantes, de vie ou de mort, de résilience, ou sourdes comme l’eau secrète.

 

Josy excelle dans l’art des descriptions adroites qui font qu’aucune ambiancedes-eclats-d-univers.jpg n’est semblable à celle qu’on vient de quitter. Un univers – et ses éclats – différent nous est offert à chaque fois dans un nouveau décor, avec des acteurs d’une réalité intense, et un instant-clé de leur vie qui nous est narré comme une révélation.

 

« Le crachin sévissait depuis le matin, délayant le ciel et la terre dans un même bouillon déprimant » « Dérouté par la vacuité soudaine de sa conscience trouée, il n’était plus tout à fait là. Sous des sourcils noirs en broussaille, des yeux gris ardoise hypnotisaient les miens ».

 

Des éclats d’univers est un recueil de nouvelles roses et noires, fluides et riches. A lire… en laissant les phrases et la trame se dérouler chacune dans leur singularité. Merci Josy pour ce florilège de destinées…

 

 

 

Edmée de Xhavée

edmee.de.xhavee.over-blog.com

 

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Carol Trottier, alias Karl Chaboum nous propose deux extravagances

Publié le par christine brunet /aloys

nouveaux aout

 

 

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Carol Trottier

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La pendule des quatre cents jours, une nouvelle de Raymonde Malengreau

Publié le par christine brunet /aloys

 

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LA PENDULE DES QUATRE CENTS JOURS

 

 

Pour me remercier d’avoir dépensé beaucoup de sous chez eux, une firme de vente par correspondance, bien connue sur la place comme le veut l’expression consacrée, m’a offert une pendule des quatre cents jours, avec description, mode d’emploi, garantie mais pas la pile de un volt et demi.

Je l’ai installée sur une archelle de bois sombre où elle fait le meilleur effet.

Elle est haute d’une vingtaine de centimètres et chapeautée d’un globe en plastique véritable, posé sur un socle rond à bord double.

Ce globe a dû être fabriqué en série car, si je le touche du doigt, juste au-dessus, je sens comme un petit nombril qui devait le relier à son frère jumeau.

Comme il est fortement recommandé de ne pas toucher au mécanisme, fragile, paraît-il, laissons donc l’horloge sous sa bulle.

 

Elle est jolie, cette pendule.

Son écran, blanc et rond, orné de chiffres romains, est ceint d’un liseré doré

- à l’or fin, qu’ils disent- et surmonté d’un fronton, hybride entre le feston simple et le blason héraldique.

Le boîtier repose sur deux colonnes cannelées fixées au socle.

Quatre sphères dorées pivotent en silence. Leur rotation entraîne les aiguilles noires qui se déplacent avec un bruit sec et spasmodique d’insecte rhumatisant.

 

La pendule des quatre cents jours durera beaucoup plus longtemps que promis, j’en suis sûre.

Elle travaille quelques heures puis se met en vacances.

Elle reprend du service dans la soirée ou…une quinzaine plus tard, c’est selon.

Jamais je n’ai compris ce qui l’incitait à fonctionner ou à s’arrêter.

Elle a donc une particularité qui la rend unique à mes yeux ; quand elle marche, elle n’indique jamais l’heure exacte.

Jamais.

 

 

 

Raymonde Malengreau

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L'auteur de cette nouvelle est Philippe Desterbecq !

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Phil D

 

 

Voici un texte rédigé lors d’un atelier d’écriture.

Le personnage imposé : une femme qui ne veut pas d’enfants ;

La situation : Zut ! J’ai laissé brûler les pommes de terre.

Une journée catastrophique.

 

C'est ma journée catastrophe! Je me lève, je mets un pied par terre ... Enfin, quand je dis par terre, je mets le pied dans quelque chose de mou, d'infâme, ... C'est le chat! Non, je ne mets pas le pied sur le chat mais sur ce qu'il m'a laissé sur la descente de lit, oui, celle que ma belle-mère m'a offerte pour Noël. Je la déteste de toute façon! Je déteste autant cette carpette que celle qui me l'a offerte! Ma belle-mère n'a qu'un mot à la bouche, un seul : ENFANT.

- Vous verrez, quand vous aurez des enfants...

- Bon, dites-moi, vous n'êtes plus si jeunes que ça, les enfants, c'est pour quand?

- Jocelyne, dis-moi, entre femmes on se comprend ... tu peux avoir des enfants? Tu n'es pas ....Parce que mon Jacques, tu sais, les enfants, il les adore et si tu ..., enfin, si tu ne peux ..., tu comprends?

Ben moi, j'aime mon chat. Enfin je l'aimais jusqu'à ce qu'il me laisse ce truc puant sur la carpette.  Cette horreur! Je pourrai enfin la jeter, mais, en attendant, mon pied est plein de ... enfin, pas besoin de vous faire un dessin, vous comprenez.

Je crie :"Sale bête!" ce qui réveille Jacquot qui croit que je m'adresse à lui. Il se relève, je lui montre mon pied ... Savez-vous ce qu'il me dit?

- T'aurais un gosse au lieu d'un chat, t'aurais pas ce truc immonde sur le pied!

- Et toi, tu ne dormirais pas 10 heures par nuit, que je lui réponds. Et toc!

Alors là, il se retourne et il me dit :

- Va te laver, tu pues!

Je l'aurais tué!

- Et puis, mets la carpette dans la machine...

Celle-là, c'est dans la poubelle qu'elle va valser et plus vite qu'il ne le pense!

La journée continue pareille à toutes les autres sauf, qu'en plus, je dois aller chez le vétérinaire. Comme si mes semaines n'étaient pas assez chargées comme ça!

Du retard chez le vétérinaire et j'ai raté "Les Zamours" à la télé! Une journée catastrophique, je vous dis!

Le soir vient. Je prépare le repas pour mon gentil mari et là, pof, je vous le donne dans le mille : les patates sont trop cuites, j'ai laissé brûler la casserole!

Là-dessus, le Jacquot ouvre la porte et me lance comme tous les soirs :

- Chérie, c'est moi.

Je me demande bien qui ça pourrait être d'autre? Le facteur?

- Qu'est-ce qu'on mange ce soir?

- Ta main!

Il n'en revient pas, le Jacquot. Je ne lui ai jamais parlé comme ça. Ce n'est pas le jour, c'est tout!

Je cache la casserole sous l'évier et je lui dis :

- T'as rien oublié?

Lui, avec son air de gorille :

- Ben, j'crois pas ...

- On est le 17 janvier...

- Et alors?

- Et alors, on s'est rencontrés un 17 janvier!

Ce n'est pas vrai. En fait, c'était un 12 mars mais lui, il n'a aucune mémoire.

- Tu pourrais peut-être me payer le resto...

Je lui dis ça avec un tel regard de femme amoureuse, qu'il craque de suite. Amoureuse, je ne le suis plus depuis une décennie mais ça, il ne s'en rend pas compte!

Pour une fois, il ne se fait donc pas prier, un peu gêné d'avoir oublié l'anniversaire de notre rencontre, sans doute. Il sourit - incroyable! je me demande s'il n'en a pas marre de mes plats trop cuits, ben oui, le soir, il y a "Les feux de l'amour à la télé, c'est quand même pas ma faute s'ils passent le feuilleton à l'heure où je mets cuire le souper! - il m'embrasse - je n'en reviens pas - et il me dit :

- Je t'emmène.

On prend la voiture (le resto se trouve quand même à 250m de la maison) - je raterai sans doute "Joséphine, ange gardien", mais je ne dis rien, je sais qu'ils le rediffuseront la semaine prochaine - et on rentre au "Mets Encore". On s'installe à la seule table libre, juste à côté d'une famille nombreuse. Je regarde les gosses et je ne sais pas ce qu'il me prend. J'me mets à chialer. Ces gens rayonnent de bonheur et, moi, je suis terne, ma vie n'a aucun sens, je n'ai pas d'enfants! Je viens seulement de m'en rendre compte après 15 ans de mariage.

Jacques prend le menu, me le tend, me dit : "Qu'est-ce qui te ferait plaisir?"

Sans réfléchir, je lui réponds :

- Un enfant !

Il me regarde avec des yeux grands comme des boules de billard. Il se demande s'il a bien entendu...

- Répète ...

- J'veux un enfant...

- T'en as jamais voulu!

- Y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

- Et le chat?

Voilà tout ce qu'il trouve à dire!

- Quoi le chat? Il pue le chat, il fait des saletés sur la carpette de ta mère et ... il ne remplacera jamais un enfant!

Eh bien, vous me croirez si vous le voulez, on n'a pas commandé, on s'est levés et on est allé le faire ... l'enfant !

J'vous l'dis, une journée catastrophique!

 

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Qui est l'auteur de cette nouvelle ? A vous de me le dire...

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

point d'interrogation

 

 

 

Une journée catastrophique.

 

C'est ma journée catastrophe! Je me lève, je mets un pied par terre ... Enfin, quand je dis par terre, je mets le pied dans quelque chose de mou, d'infâme, ... C'est le chat! Non, je ne mets pas le pied sur le chat mais sur ce qu'il m'a laissé sur la descente de lit, oui, celle que ma belle-mère m'a offerte pour Noël. Je la déteste de toute façon! Je déteste autant cette carpette que celle qui me l'a offerte! Ma belle-mère n'a qu'un mot à la bouche, un seul : ENFANT.

- Vous verrez, quand vous aurez des enfants...

- Bon, dites-moi, vous n'êtes plus si jeunes que ça, les enfants, c'est pour quand?

- Jocelyne, dis-moi, entre femmes on se comprend ... tu peux avoir des enfants? Tu n'es pas ....Parce que mon Jacques, tu sais, les enfants, il les adore et si tu ..., enfin, si tu ne peux ..., tu comprends?

Ben moi, j'aime mon chat. Enfin je l'aimais jusqu'à ce qu'il me laisse ce truc puant sur la carpette.  Cette horreur! Je pourrai enfin la jeter, mais, en attendant, mon pied est plein de ... enfin, pas besoin de vous faire un dessin, vous comprenez.

Je crie :"Sale bête!" ce qui réveille Jacquot qui croit que je m'adresse à lui. Il se relève, je lui montre mon pied ... Savez-vous ce qu'il me dit?

- T'aurais un gosse au lieu d'un chat, t'aurais pas ce truc immonde sur le pied!

- Et toi, tu ne dormirais pas 10 heures par nuit, que je lui réponds. Et toc!

Alors là, il se retourne et il me dit :

- Va te laver, tu pues!

Je l'aurais tué!

- Et puis, mets la carpette dans la machine...

Celle-là, c'est dans la poubelle qu'elle va valser et plus vite qu'il ne le pense!

La journée continue pareille à toutes les autres sauf, qu'en plus, je dois aller chez le vétérinaire. Comme si mes semaines n'étaient pas assez chargées comme ça!

Du retard chez le vétérinaire et j'ai raté "Les Zamours" à la télé! Une journée catastrophique, je vous dis!

Le soir vient. Je prépare le repas pour mon gentil mari et là, pof, je vous le donne dans le mille : les patates sont trop cuites, j'ai laissé brûler la casserole!

Là-dessus, le Jacquot ouvre la porte et me lance comme tous les soirs :

- Chérie, c'est moi.

Je me demande bien qui ça pourrait être d'autre? Le facteur?

- Qu'est-ce qu'on mange ce soir?

- Ta main!

Il n'en revient pas, le Jacquot. Je ne lui ai jamais parlé comme ça. Ce n'est pas le jour, c'est tout!

Je cache la casserole sous l'évier et je lui dis :

- T'as rien oublié?

Lui, avec son air de gorille :

- Ben, j'crois pas ...

- On est le 17 janvier...

- Et alors?

- Et alors, on s'est rencontrés un 17 janvier!

Ce n'est pas vrai. En fait, c'était un 12 mars mais lui, il n'a aucune mémoire.

- Tu pourrais peut-être me payer le resto...

Je lui dis ça avec un tel regard de femme amoureuse, qu'il craque de suite. Amoureuse, je ne le suis plus depuis une décennie mais ça, il ne s'en rend pas compte!

Pour une fois, il ne se fait donc pas prier, un peu gêné d'avoir oublié l'anniversaire de notre rencontre, sans doute. Il sourit - incroyable! je me demande s'il n'en a pas marre de mes plats trop cuits, ben oui, le soir, il y a "Les feux de l'amour à la télé, c'est quand même pas ma faute s'ils passent le feuilleton à l'heure où je mets cuire le souper! - il m'embrasse - je n'en reviens pas - et il me dit :

- Je t'emmène.

On prend la voiture (le resto se trouve quand même à 250m de la maison) - je raterai sans doute "Joséphine, ange gardien", mais je ne dis rien, je sais qu'ils le rediffuseront la semaine prochaine - et on rentre au "Mets Encore". On s'installe à la seule table libre, juste à côté d'une famille nombreuse. Je regarde les gosses et je ne sais pas ce qu'il me prend. J'me mets à chialer. Ces gens rayonnent de bonheur et, moi, je suis terne, ma vie n'a aucun sens, je n'ai pas d'enfants! Je viens seulement de m'en rendre compte après 15 ans de mariage.

Jacques prend le menu, me le tend, me dit : "Qu'est-ce qui te ferait plaisir?"

Sans réfléchir, je lui réponds :

- Un enfant !

Il me regarde avec des yeux grands comme des boules de billard. Il se demande s'il a bien entendu...

- Répète ...

- J'veux un enfant...

- T'en as jamais voulu!

- Y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.

- Et le chat?

Voilà tout ce qu'il trouve à dire!

- Quoi le chat? Il pue le chat, il fait des saletés sur la carpette de ta mère et ... il ne remplacera jamais un enfant!

Eh bien, vous me croirez si vous le voulez, on n'a pas commandé, on s'est levés et on est allé le faire ... l'enfant !

J'vous l'dis, une journée catastrophique!

 

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Carton rouge pour un tueur, une nouvelle d'Alain Magerotte

Publié le par christine brunet /aloys

 

Alain

 

 

CARTON  ROUGE  POUR  UN  TUEUR

 

Très énervé, Paul Lapaire empoigne la canette de bière, les yeux rivés sur le téléviseur à écran plat, format 16/9, technologie 100Hz, son nicam stéréo avec effet surround.

D’un coup sec de l’index, il dégoupille la boîte en métal recyclé et colle la brèche contre ses lèvres charnues pour s’envoyer une rasade de liquide frais, «les hommes savent pourquoi», qui le revigore quelque peu.

Cela fait une demi-heure que Paul souffre mille morts en assistant, impuissant, à la domination de son équipe par un adversaire qui maintient la pression depuis le début du match.

«La défense en a plein les pieds», comme se plaît à le répéter un speaker aux accents défaitistes.

Il reste trois minutes à jouer lorsque l’arbitre siffle un coup franc à l’entrée du rectangle. Lapaire retient son souffle, arc-bouté sur les accoudoirs d’un fauteuil gris foncé frappé du sceau de l’Univers du Cuir, patiné par l’usure du temps et les pandiculations de son propriétaire.  Le visage ruisselant de bière et de sueur, de ses doigts boudinés, il s’empare de la télécommande pour baisser le volume du son et le rendre ainsi moins insupportable que l’angoisse qui l’étreint.

Profitant de la tension provoquée par cette phase cruciale, une inquiétante silhouette se faufile derrière lui, foulant subrepticement le tapis népalais authentique «fait main» en laine, et trouve refuge dans les nombreux replis des tentures du salon en tissu Jacquard 100% polyester.

Et le ballon va se loger au fond des filets ! Paul, effondré, se laisse choir dans le fauteuil qui geint sous le choc. Notre homme hurle sa détresse :

« Catastrophe ! Il ne leur restait plus qu’une poignée de minutes à tenir avant le repos... c’est foutu, ils sont éliminés... ils finiront par avoir ma peau...

- Tu ne crois pas si bien dire, bonhomme ! » Mêlant l’acte à la parole, la vraiment très inquiétante silhouette cravate Paul au moyen d’un lacet de chaussure de football.

« Hé ! Qui va là ? s’écrie le supporter angoissé.

- Le marchand de sable, mon gros. Il est temps d’aller dormir » répond la silhouette, de plus en plus inquiétante.

Paul Lapaire ressent une violente brûlure autour du cou. L’air vient à lui manquer. Avec l’énergie du désespoir, il tente de se soustraire de l’étreinte mortelle mais l’astucieuse, vraiment très inquiétante, silhouette, bloquant le dos du fauteuil au moyen de son corps, a coincé ses coudes dans le dossier moelleux, s’offrant ainsi une prise imparable.

L’arbitre siffle la fin de la première mi-temps. Le regard vitreux, Paul assiste pour la dernière fois à la rentrée des joueurs au vestiaire sur le téléviseur à écran plat, format 16/9, technologie 100Hz, son nicam stéréo avec effet surround, avant de s’effondrer sur une carpette 100% polypropylène.

 

Lorenzo Cristaldi, détective privé de son état, gare sa Fiat tipo, moteur diesel, 1900cc, direction assistée, en bordure du trottoir.

Il sort de la poche intérieure de sa veste en Prince de Galles, un morceau de papier toilette tiré d’un rouleau de 200 coupons, double épaisseur, trouvé dans sa boîte aux lettres et sur lequel Paul Lapaire a griffonné un message proposant une rencontre ce mercredi à 22 heures après le match... 22 heures 30 en cas de prolongations,... et 23 heures si les équipes devaient avoir recours aux bottés des penalties.

«Ah, ces footeux !» Lorenzo constate cependant que, malgré le choix d’un horaire élastique, il est à la bourre comme d’habitude, sa rolex indique 23 heures 30.

Cristaldi ferme la portière de sa voiture non sans avoir planqué au préalable, dans la boîte à gants, son autoradio Blaupunkt muni d’un système de recherche RDS.

«Bon sang, j’espère que le gaillard n’est pas déjà couché...» maugrée-t-il.

Notre détective, qui s’engage dans la première rue à droite, ne croit pas si bien dire. Malgré l’heure tardive, il règne une grande effervescence dans le quartier. La présence de la police n’y est pas étrangère, elle attise la curiosité naturelle et méfiante des voisins et des badauds.

Arrivé à la hauteur de la boucherie, Cristaldi croise des brancardiers éprouvant un mal fou à installer dans l’ambulance (un break Mercedes E300 diesel), la civière sur laquelle gît, inerte et recouvert d’un linge blanc, le corps de Paul Lapaire.

Lorenzo médite sur la précarité de la vie lorsqu’il est interrompu par un balèze du genre «on a les moyens de vous faire parler». Compressé dans un vieux trench-coat de couleur incertaine, mais beige à l’origine, le molosse brandit sa carte plastifiée de flic.

« Inspecteur Piet Boule, papiers si iou plaît ! » Cristaldi toise l’arrogant de haut en bas, ce qui lui permet de constater que l’individu porte des chaussures en simili cuir achetées en soldes «Chez Berca».

« Pardon ? » Le doberman monte dans les aigus :

« J’ai réclamé vos papelards poliment... z’êtes sourdingue ?

- Ne vous méprenez pas, j’avais bien compris, mais, je n’en vois pas la nécessité...

- Je vous tiens à l’oeil depuis un moment, votre attitude est suspecte…

- Si je vous suis bien, vous me houspillez pour délit de réflexion…

- Je suis flic, et c’est mon job de demander les papelards quand ça me plaît et à qui ça me chante, point à la ligne.

- Pourquoi tant d’agressivité ?... Ma tête ne vous revient-elle pas ?

- Ici, c’est Bibi qui pose les questions », grommelle le bouledogue.

Désirant mettre un terme à cette stupide algarade, le privé décline son identité. Le rottweiler s’obstine :

« Vous pouvez me raconter ce que vous voulez, j’exige de voir vos papiers !

- Lorenzo ! Mais que faites-vous ici ? » s’écrie soudain une voix amicale.

« Commissaire Malowski ! Je suis doublement content de vous revoir » répond Cristaldi au nouvel arrivant qui porte avec une élégance raffinée un costume brun en velours côtelé de «Chez Rampant».

Piet Boule, contrarié, regarde les deux hommes se serrer la main chaleureusement. Après les banalités d’usage, Lorenzo s’inquiète auprès de son ami :

« Paul Lapaire m’avait filé un rencard, je crains d’être arrivé trop tard. Dites-moi, commissaire, comment est-il mort ? » Tout en posant sa question, il allume une Chesterfield.

Le roquet saisit la balle au bond :

« Comment vous savez qu’il est mort ? »

Cristaldi ne se démonte pas et regarde l’animal droit dans les yeux :

« L’ambulance est partie sans actionner la sirène. S’il y avait eu une chance de survie, si ténue fût-elle, elle n’aurait pas manqué de le faire.

- Mouais, marmonne Piet Boule, dubitatif. C’est peut-être aussi parce qu’à cette heure-ci, y a pas beaucoup de circulation...

- Cela suffit, inspecteur, l’excès nuit en tout, même pour le zèle » tance le commissaire qui se tourne à nouveau vers son ami :

« On l’a retrouvé, étranglé avec un lacet. Au fait, Lorenzo, quel était le motif de son appel ?

- Je ne sais pas, tout ce que je peux dire, c’est qu’il réalisait le meilleur cacciatore du coin. Dorénavant, où vais-je trouver du saucisson d’une telle qualité ?

- Oui, fameux problème en perspective... qui n’est pas loin d’être aussi épineux que celui de découvrir l’auteur de ce crime crapuleux... enchaîne, ironique et perplexe, Malowski.

- Aujourd’hui le foot tue à domicile, il n’est même plus nécessaire de se rendre au stade pour se faire trucider... » constate Cristaldi.

L’irascible Piet Boule saisit l’opportunité :

« Au fait, tagliatelle, tu t’intéresses, toi, à ce sport de dingue ? M’étonnerait qu’à moitié…

- Pas vraiment... je ne vois pas où vous voulez en venir, réplique Lorenzo, un brin d’ironie dans la voix.

- Très simple. En fait, ton copain, le boucher, te propose de venir assister au match chez lui. Un match important, vu le nombre de cadavres de canettes qu’on a comptabilisé. Pris tous les deux par l’ambiance et sous l’effet de l’alcool, la soirée se termine en pugilat, en rixe entre supporters. Je suppose que t’as été assez malin pour effacer tes empreintes digitales… en outre, ta présence ici me surprend qu’à moitié… l’assassin revient toujours sur les lieux de son crime… alors ? Y en a là-dedans, hein ? » A l’énoncé de cette question, il se martèle le front à l’aide de l’index.

Malowski juge urgent de couper court à cette pitoyable mascarade :

« Inspecteur Boule, je vous propose d’aller vous reposer. Revenez-moi demain, frais et dispos. La nuit porte conseil, vous verrez. Je suis certain que vous l’aurez, votre assassin mais, surtout, pas de précipitation, je vous l’ai déjà dit cent fois… »

Le Piet boule maugrée des paroles inintelligibles et s’éclipse. Le commissaire agrippe Lorenzo par le bras, l’invitant ainsi à effectuer une promenade de réflexion dans un quartier où le calme est revenu.

« Ne lui en veuillez pas trop, c’est un impétueux... il fait preuve d’une audace rarement payante mais qui mérite le respect... vous savez, il n’aime pas sentir de la résistance quand il demande quelque chose «poliment»…

- Je ne l’avais jamais vu...

- Il a été parachuté récemment… son oncle est Ministre de l’Intérieur...

- Dans ce cas, pas utile d’être futé. Pour en revenir au crime, qui a découvert le corps de Lapaire ?

- Le fils de la voisine du dessus, un certain Roman Noir... il désirait présenter ses condoléances à Paul, suite à l’élimination de son équipe.

- Charmante et heureuse initiative… ce gars-là est aussi boucher ?

- Non. Il travaille au Ministère des Finances. En état de choc, il a sollicité la faveur de faire sa déposition demain matin. Nous avons accepté, on n’est pas chien dans la police...

- A part Piet Boule, bien entendu. Tiens, au fait, c’est marrant ce que vous me dîtes là, commissaire, figurez-vous que j’ai été contacté, il y a deux semaines, par un certain Jean-Philippe Homard, précisément directeur au Ministère des Finances, qui m’avait donné rendez-vous dans un bistrot de la Rue Royale.

- Intéressante, cette rencontre ?

- Peut-être... » Cristaldi rallume une cigarette. La fumée s’évapore dans la douceur du soir. L’attention du détective est attirée par une lumière en provenance d’une fenêtre en PVC double vitrage d’un appartement situé au deuxième étage d’un immeuble. Une lumière qui semble vouloir entretenir la flamme de la vie dans une obscurité qui étend, sans complaisance, son manteau de couleur néant sur la ville. Lorenzo poursuit son récit :

«... Un drôle de zèbre, en fait. Au téléphone, il en impose par le ton tranchant qu’il adopte. Mais, lorsque je me suis trouvé face à lui, quelle ne fut pas ma surprise de rencontrer un bonhomme ne payant guère de mine avec une tête d’épingle vissée sur un cou décharné; son corps malingre étant à l’avenant. Ses bras me sont apparus démesurément longs. Avantageux, me direz-vous, pour qui ne manque point d’ambitions dans un Ministère. Me fixant d’un oeil critique, il commença par me reprocher mon retard tout en écorchant mon nom. Crisalti, s’ingéniait-il à prononcer. Au fil de la conversation, je me rendis à l’évidence : ce gibbon microcéphale ne doutait de rien et possédait une très haute opinion de sa personne. J’apprenais, entre autres, qu’il était président d’un club de foot amateur, le Royal Sporting Club, familièrement appelé R.S.C. »

Lorenzo se tait soudain, gagné par la sensation d’être suivi. Le principe des vases communicants joue son rôle à la perfection car le commissaire Malowski est habité du même sentiment.

Les deux hommes se consultent du regard et se retournent de concert pour n’apercevoir que le défilé des maisons qui se perd dans le noir. Malowski et Cristaldi reprennent leur marche, toujours persuadés qu’on leur file le train.

Le détective, qui n’a pas besoin de porter un nom de chien pour posséder du flair, se demande s’il n’y a pas un lien étroit entre la fenêtre éclairée et la perception d’être filé. Aussi, fait-il demi-tour pour aller s’enquérir de l’identité de l’insomniaque qui habite au deuxième étage… un certain Jean-Philippe Homard !

« Hé dites donc, commissaire, figurez-vous que le gars dont je vous parle, habite ici…

- Ah, ça, pour une coïncidence !

- Coïncidence ? Pas sûr…

- Mais, pourquoi vous a-t-il appelé au juste ?

-... Il craignait pour sa vie. Parce que sa haute compétence dans de multiples  domaines suscite d’effroyables jalousies…

- Rien que ça ? Des menaces de mort ?

- Oui… il m’a montré un papier froissé sur lequel étaient dactylographiés les mots «j’aurai ta peau !», le document est chez moi...

- Non signé, je suppose ? » Lorenzo élude la question de Malowski :

«... Ce bonhomme, qui ne doute de rien, s’est également arrogé le poste de trésorier du club, et cela en grand gestionnaire qu’il se targue d’être. Côté biffetons, Monsieur le directeur au Ministère des Finances les lâche «avec des élastiques». Pour preuve : il a émis le désir de régler ma consultation à tempérament et les consommations ont été pour ma pomme…

- Non ? Quel radin ! Et parano par-dessus le marché... euh, vous avez accepté ?

- Oui... attendez, ce n’est pas tout, c’est ici que cela devient très intéressant. Paul Lapaire fait... ou plutôt faisait partie du conseil d’administration du R.S.C., Homard me l’a présenté comme un homme aux idées progressistes mais suicidaires pour le club.

- Ils devaient se heurter...

- Souvent... quelques franches engueulades se terminant devant un bon verre. Ils étaient, paraît-il, des amis de longue date. Ce qui est curieux... » Cristaldi allume une énième cigarette et achève :

«... C’est qu’il craignait aussi qu’on attente à la vie du boucher…

- Tiens, tiens... et ce dernier désirait ardemment vous rencontrer... pour vous entretenir d’une éventuelle menace de mort, probablement...

- Si c’était le cas… Homard a vraiment tout à craindre pour sa peau… »

Ce n’est pas la première fois que les deux hommes travaillent sur une même affaire. Ils en ont déjà élucidé plusieurs à coups de logiques déductives agrémentées de marches roboratives. Mais ici, l’écheveau est particulièrement difficile à démêler.

En effet, peut-on imaginer un règlement de comptes, entraînant la mort d’un homme, dans un milieu aussi propre que celui du football amateur ?

Il faut dès lors chercher la solution de ce crime odieux dans d’autres sphères. Au cœur de la cellule familiale, par exemple ? Bof ! Paul Lapaire était célibataire, il n’avait ni frère, ni sœur et ses parents étaient morts depuis longtemps. La vengeance d’un client mécontent ? La boucherie est réputée pour la qualité unique de sa marchandise. On ne tue pas pour un morceau de viande, à moins d’avoir la gale aux dents et puis, rien n’a été dérobé dans la boutique.

Un crime gratuit ? Fort peu probable, dans une société de fric où tout se vend, où tout s’achète…

Après d’intenses réflexions mettant sur la sellette une substantielle quantité neuronale, il paraissait logique, après ce tour d’horizon, de remettre le cap vers le domaine de la discipline sportive; l’éthique de cette noble activité dût-elle en prendre un coup.

La cause de ce crime impuni, aussi dur à croquer qu’un nougat de Montélimar, pourrait bien trouver son explication dans les premières lignes d’un récit, décrivant une mise à mort particulièrement atroce. Rappelez-vous… il est fait allusion à la qualité de produits de consommation divers car, de nos jours, toute entreprise, quelle qu’elle soit, est vouée à l’échec si elle ne bénéficie pas d’un support publicitaire conséquent. Même le sport amateur est gagné par cette foire aux réclames.

Alors, Lorenzo Cristaldi, désirant rester digne de ses illustres prédécesseurs, Hercule Poirot et Miss Marple, met en branle sa ravageuse puissance déductive. Il constate tout d’abord que dans son dialogue avec Malowski, il n’est fait référence à aucun produit de consommations. Conséquence : nos deux fils de pub, qui n’ont cependant pas eu le choix de leur génitrice, tournent en rond. Il n’y a, dès lors, plus à tergiverser, Lorenzo s’engage dans le seul raisonnement capable d’apporter un heureux dénouement à l’affaire et qui fera aussi le bonheur des amateurs de publicité jamais rassasiés. Suivons-le :

Paul Lapaire, membre actif et visionnaire, émet le désir de sponsoriser le club cher à son coeur. Rompu au sens des affaires, il est prêt à débourser gros pour faire apparaître le logo de sa boutique sur le maillot des joueurs.

L’idée est intéressante : Boucherie Lapaire. Dans le contexte viril et moderne du monde du foot, rien ne doit être négligé pour en imposer à l’adversaire.

Le projet est refusé par Homard qui voit dans cette initiative, un essai de mainmise sur toutes décisions présentes et à venir pour le R.S.C. C’en serait trop pour son prestige déjà écorné par de vaines approches auprès d’une secrétaire qui lui file entre les mains comme une anguille.

Le boucher insiste, se fait plus pressant. La coupe est pleine, Homard décide d’en finir avec ce personnage devenu encombrant. Mais comment venir à bout d’un homme qui lui rend 60 kilos ?

Il n’existe pas, à sa connaissance, de potion magique qui aurait le don de décupler sa force même si, il en fait une idée fixe en consultant, via Internet, la liste des produits pharmaceutiques aux pouvoirs toniques dont la plupart ne sont pas remboursés par la Mutuelle. Près de ses sous, qu’il engrange comme l’écureuil de la Caisse d’Epargne, Homard abandonne cette démarche ainsi que celle consistant à s’offrir les services onéreux d’un tueur à gages.

«Bon sang, mais c’est bien sûr !» se dit Cristaldi, toujours en référence à de célèbres devanciers, comme le commissaire Bourrel qui élucidait un mystère dans les cinq dernières minutes. Roman Noir, voilà l’homme providentiel de Jean-Philippe Homard…»

Lors de son entretien avec le directeur au Ministère des Finances, Lorenzo se souvient que ce dernier s’était notamment vanté d’avoir donné à Roman Noir, huissier dans son service, une place d’homme à tout faire au sein du R.S.C. Un lourdaud, passionné de foot, qui habite avec sa mère dans un appartement au-dessus de la boucherie.

L’homme à la tête d’épingle n’éprouve aucun mal à monter le bourrichon de l’homme à tout faire du R.S.C. contre Lapaire, en lui faisant croire que le boucher cherche à l’évincer du club sous prétexte qu’il ne convient pas. Dans la foulée, l’homme à la tête d’épingle rappelle à l’homme à tout faire du R.S.C. qu’il peut lui être d’une aide précieuse dans une carrière toujours perfectible. Monsieur le directeur possède, on s’en souvient, de longs bras…

Enfin, notre conspirateur s’empresse de faire appel aux services d’un détective privé sous prétexte qu’on veut attenter à sa vie ainsi qu’à celle de son «ami» Lapaire. Le décor est planté.

Homard choisit un soir de match de coupe d’Europe pour abattre son joker et son ennemi. Il sait que le boucher sera absorbé par la rencontre et que rien ne pourra le distraire de la partie.

Tout se passera suivant le plan conçu dans sa petite tête, y compris l’alerte donnée aux flics par un Roman Noir commotionné par «ce qui est arrivé». Quand le calme sera revenu dans le quartier, l’homme à tout faire du R.S.C. devra rejoindre l’homme à la tête d’épingle qui, comme point de repère, laissera la lumière de son appartement briller. D’où, cette sensation de Cristaldi d’être suivi… car, le détective en est persuadé maintenant : sa promenade nocturne avec le commissaire Malowski contrarie la bonne marche à suivre… Roman Noir est derrière eux, prenant soin de ne pas se faire repérer !

Bravo Lorenzo pour ta perspicacité ! Mais ce que tu ignores, c’est que… l’irascible Piet Boule est aussi dans le coup…

Quand le commissaire Malowski lui a suggéré de rentrer pour se reposer, le molosse, prêt à évacuer le terrain, obéissant ainsi aux injonctions de son supérieur, s’aperçoit soudain du manège de l’homme à tout faire du R.S.C. et entreprend aussitôt une filature. Pourquoi ce lourdaud suit-il le commissaire ? Qui est-il ? Que veut-il ?

On en arrive ainsi à cette situation biscornue où l’inspecteur Boule file, sans le savoir, l’assassin, filant lui-même, sans le vouloir, le détective et le commissaire devisant sous le clair de lune.

Lorsque Cristaldi et Malowski rebroussent chemin, Roman Noir vient juste de s’engouffrer dans l’immeuble à la fenêtre éclairée, Piet Boule aux trousses.

Lorenzo, guidé par la certitude d’avoir éclairci le mystère de l’assassinat de Paul Lapaire, pénètre à son tour dans le bâtiment, le commissaire sur les talons.

Arrivés au deuxième étage, les deux hommes ont l’attention attirée par un corps allongé sur un faux tapis persan devant une porte en bois du Japon entrouverte et traitée par une substance ininflammable.

Cristaldi se penche sur le gisant et reconnaît... Piet Boule !

« Il est mort ? s’inquiète Malowski.

- Non, son pouls bat…

- Tant mieux, je pourrai lui botter les fesses plus tard. »

Un bruit leur parvient de la salle de séjour, les deux hommes s’y précipitent.

Devant leurs yeux ébahis, dans un combat inégal, ils voient l’homme à la tête d’épingle, soulevé de terre, agitant bras et jambes pour tenter de se soustraire à l’étreinte puissante de l’homme à tout faire du R.S.C., hurlant TRAÎTRE tout en lui serrant le cou.

Malgré la sommation d’usage, l’homme à tout faire du R.S.C. ne veut pas déposer sa proie qui vire au cramoisi. Le commissaire expédie alors une balle dans le bras de l’homme à tout faire du R.S.C. qui lâche prise, s’affale et pleure de douleur en invoquant sa maman.

L’homme à la tête d’épingle reprend peu à peu ses esprits. Il déboutonne le col de sa chemise puis, ouvre la bouche afin d’y laisser pénétrer un maximum d’air en lançant un regard de chien battu à l’adresse de Cristaldi qui s’est approché.

« Je vous avais bien dit que je craignais pour ma vie... » lâche-t-il sans vergogne.

« Ce gars-là ne doute vraiment de rien », soupire Lorenzo.

 

Le lendemain après-midi, à la fromagerie d’un centre commercial.

« Commissaire, quelle bonne surprise ! Alors, quoi de neuf depuis hier soir ? Vous n’êtes pas en plein interrogatoire ? » Cristaldi tend une main toujours aussi chaleureuse vers Malowski.

« Ne m’en parlez pas. Je m’octroie un peu de repos. Bien qu’il ne paie pas de mine, ce Homard est dur à cuisiner. Vous aviez raison, le gaillard ne nourrit aucun complexe. Cuit et même recuit, il continue de nier. Il parle maintenant de machination ourdie par la police pour le faire tomber… par contre, Roman Noir est passé aux aveux…

- Voilà qui est raisonnable et... Piet Boule ?

- Ce crétin n’arrête pas de se tresser des lauriers en rappelant que sans lui, l’enquête tournerait en rond. N’empêche que cet abruti avait provoqué l’ire du lourdaud en lui brandissant sa carte d’inspecteur sous le nez… et cela au moment où Noir pénétrait chez Homard…

- La gaffe ! fait Lorenzo, hilare.

- Résultat, poursuit le commissaire, Roman Noir est persuadé que Homard l’a balancé aux flics... et qu’il désirait lui faire porter le chapeau d’une seconde tentative d’assassinat. Dame, on ne se rend pas chez un particulier à une heure aussi indue, si ce n’est dans un but non avouable. Fou de rage, le lourdaud se jette alors sur le félon pour l’étrangler. On a failli avoir un deuxième macchabée sur les bras…

- Eh, pas si simplet le lourdaud ! Je me demande si Monsieur le directeur avait imaginé une telle chute pour son scénario ?

- M’étonnerait pas que dans sa mégalo, une fois acculé, il s’en arroge l’idée... ricane Malowski.

- Dommage pour mon ami Piet Boule, après cette boulette, je suppose qu’il n’y a pas de promotion prévue ? s’inquiète hypocritement Cristaldi.

- Non, mais dès que son oncle ne sera plus Ministre de l’Intérieur, il aura droit à une mutation... à la brigade canine…

- Vous êtes dur, commissaire... » lance Lorenzo sous un faux air de reproche. Se piquant volontiers au jeu de l’ironie, Malowski conclut :

« Peut-être, mais je lui rendrai service… je n’ai jamais vu un poulet aussi cabot… »

A présent que le plat de résistance est bien digéré, passons au fromage. On ne sera guère étonné si les deux hommes portent leur choix sur cette aguichante petite boîte de forme ovale aux couleurs bleu, blanc, or et qui recèle un trésor d’une saveur incomparable (seulement 60% de matière grasse).

Alors, caprice des deux ?... Caprice des Dieux, voyons…

 

 

Alain Magerotte

A. Magerotte Le démon de la solitude

Publié dans Nouvelle

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