Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Edmée de Xhavée a lu "Légende indienne" de Rubenia Timmerman

Publié le par christine brunet /aloys

Très difficile de mettre l’eau à la bouche sans en dire trop, puisque sur ce livre de 266 pages, c’est à la page 70 qu’on sait dans quoi on a mis les pieds. Donc très vite…

On a Elisa, qui se retrouve au bout d’une liaison. Une fille moderne, libre, avec les copines, un boulot qui lui plaît, une famille peu présente, un collègue qui soupire avec patience et un zeste d’agacement parfois. Et puis les choses deviennent soudain très compliquées et mouvantes dans sa vie, après la rencontre du beau Joachim. 

Pas banal, Joachim. Pas banal du tout. Du mystère, de la beauté, du savoir-faire entre les draps, et une aisance dans la vie qui rassure et épate. Il voyage beaucoup, et ma foi… le voir revenir est un tel bonheur que notre Elisa s’abandonne à la frénésie de cette relation. Jusqu’à l’arrivée, en tant que nouvelle collègue, de la belle et sulfureuse Amarante. Une femme grande qui n’hésite pas à porter des talons. Sûre d’elle comme ce n’est pas permis. 

Et belle, et séduisante, et envahissante aussi. Et terrifiante, au final. Mais là… attention, arrive un autre séducteur, Theron. Blond, musclé et riche, très riche. Un connaisseur de la grande vie. Très fort et … à la poursuite de Joachim depuis longtemps, le lecteur découvrira enfin pourquoi l’un traque l’autre. 

Ca rend les choses très intenses mais aussi impose la fuite, la vie au secret… 

Et l’amour, il faudra bien le choisir, entre le chasseur, le collègue qui a enfin droit à sa récompense, et le chassé. Et Amarante ne se laisse pas jeter hors de l’histoire sans combattre, car la frémissante créature ne veut qu’un seul homme : Joachim. 

Un livre plein de rebondissements, de voyages dans le temps et l’espace, dans l’incroyable aussi. Un livre qui a du mordant…

EDMEE DE XHAVEE

 

Publié dans avis de lecteurs

Partager cet article
Repost0

Carine-Laure Desguin a lu pour actutv "Le tilleul du parc" de Jean Destrée

Publié le par christine brunet /aloys

Le Tilleul du Parc, Jean Destrée, Editions Chloé des Lys, 2013

 

Jean-Michel est prof de français dans un établissement d’une petite ville proche de Charleroi. L’auteur ne cite pas le nom de ce lieu mais par recoupement, grâce aux noms des rues (rue des Houillères par exemple) et surtout par le fait que se trouve dans cette cité minière une clouterie, je pense situer cette histoire. Quant à l’époque, Jean Destrée ne cite qu’une seule date, mars 1968. L’histoire se déroule donc vers les années 67-68. Jean-Michel est un prof de français qui vit seul, il est séparé de son épouse et tout son univers tourne désormais autour de ses cours, de ses élèves qu’il adore et de ses amis. Un soir pourtant il rencontre Fabienne et son univers bascule. Par un triste concours de circonstance Fabienne n’a pas la garde de son fils Pierre qui est placé en maison d’accueil. Jean-Michel et Fabienne unissent leurs deux solitudes et une belle histoire d’amour se profile. Grâce à Fabienne, le caractère de Jean-Michel s’affirme et de son côté Fabienne, jeune femme humiliée par son époux puisqu’il l’avait obligée à se prostituer, reprend confiance en elle. Ensemble ils se battront pour récupérer la garde du petit Pierre.

Mais Le Tilleul du Parc, c’est bien autre chose que cette histoire d’amour et c’est cela que j’ai aimé. C’est un livre que tout carolo devrait lire. Et pourquoi me demanderez-vous ? L’histoire se passe d’après moi à Fontaine-L’évêque, petite cité minière à deux pas de Charleroi. L’auteur relate un coup de grisou et le désarroi des femmes et des enfants face à ces jeunes pères décédés. Dans la classe de Jean-Michel, deux orphelins et une solidarité voit le jour envers ces familles d’émigrés. Dans ce roman, il est question d’amour mais aussi d’amitié sincère, de profonde fraternité et surtout d’implication syndicale. Jean-Michel sera enrôlé par ses amis professeurs dans le nécessaire combat syndical de ces années-là. L’auteur met en évidence les véritables raisons de ces luttes, de ces grèves qui furent essentielles puisqu’il s’agissait de défendre les droits basiques des travailleurs face à la voracité du patronat dévastateur.

Et le Tilleul du Parc dans tout ça, me demanderez-vous ? 

Ça, je ne peux le dévoiler, j’en ai déjà bien trop dit. 

 

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com 

 

Publié dans avis de lecteurs

Partager cet article
Repost0

Aubes lunesques... Notre rendez-vous poétique signé Carine-Laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

L’opaline pâle

reflets incertains des cieux

les saules pleurent



 

Au clair de l’azur

la lune voile ses feux

un phare s’allume



 

Les embruns s’étiolent

l’amer des vagues brumeuses

les falaises caquettent







 

Les ailes du temps

fignolent les encres bleues

les seiches sourient



 

Dors petit ruisseau

dans le lit de tes remous

s’allument des bruits



 

Sourires pleureurs

des branchages courroucés

coule la sève

 

Publié dans Poésie

Partager cet article
Repost0

Carine-Laure Desguin est l'invitée d'Aloys avec une chronique d'Edmée de Xhavée pour "Misha, le poisson rouge et l'harmonica"

Publié le par christine brunet /aloys

Misha, le poisson rouge et l’harmonica

 

Oui, cet Adopuscule est, au départ, habillé comme un livre pour ados. Jeunes ados, même. Après tout, Misha a un ciré rouge, un carnet rose toujours ouvert à la page « Aujourd’hui », et son aventure commence alors qu’elle parle à tu et à toi avec un poisson rouge qui ne va pas trop bien. 

 

Ici, les jeunes ados peuvent certes continuer la lecture, mais aussi inviter les grands au régal des mots.

 

La conversation prend fin, et c’est un somptueux défilé d’images en cinémascope qui prend la relève, accompagnant la petite Misha le long de fleuves, rus, canaux et rivières aux noms pleins de couleurs et d’odeurs – il y a même, tenez-vous bien, celles de ces laines vagabondes trempées par des mains gercées et rougies dans la Vesdre verviétoise – et aussi des wagons au bruit si triste, remplis de visages aux regards morts et de souvenirs de vies d’avant l’étoile. L’affreuse étoile. 

 

Un envol d’oiseaux déposés sur leurs fils en une mélodie écrite sur le ciel pépie et bruisse, Misha semble enlever le gris des choses et les rendre plus belles, parfois plus légères, les souffrances éphémères, les surprises dignes de figurer à la page « Aujourd’hui ». Comme le noble Thibault de Géramont qui, ma foi, se déplace avec une étrange escorte et une requête administrative bien précise. 

 

Tout ça – et plus encore ! – au son de l’harmonica. Jusqu’au canal des suicidés où Yvan joue de l’harmonica. Olga l’écoute. Elle entend, dans le souffle joyeux d’Yvan, arriver l’enfant au ciré rouge…

 

Edmée de Xhavée

 

Partager cet article
Repost0

Pascale Gillet-B a lu "L'envers du miroir, Amour, Mirage ?" de Rolande Michel

Publié le par christine brunet /aloys

L’envers du miroir Amour, mirage ? , Rolande Michel, Chloé des Lys. 

 

Sarah, employée d’une librairie de quartier serait-elle la femme de la vie de Marc, jeune ingénieur brillant et  ambitieux ? L’histoire commence par cette question. Après presque trois cents pages d’une subtile analyse psychologique, l’auteur nous mène à une terrible constatation : Sarah est devenue  le seul obstacle au bonheur de Marc. 

 

Sarah est jeune et belle mais elle est pauvre et grincheuse. Elle vit un quotidien morose et sans surprise coincée entre ses deux parents aussi mornes qu’elle. 

Marc est jeune et riche. Il est passionné par son travail et vit un bonheur sans histoire, entouré d’une famille heureuse. 

Marc rencontre Sarah et succombe à ses charmes. Ils se fréquentent à travers une passion physique brûlante. D’emblée, Sarah semble égarée face à la vie facile de Marc. Y trouvera-t-elle une place ?  Quand l’attirance charnelle s’éteint, Marc découvre l’envers du miroir. Sarah ne lui fait plus perdre la tête et leurs centres d’intérêts partagés sont en réalité inexistants.  Une relation sans amour s’installe. Pourtant, une grossesse précipite l’engagement de Marc envers Sarah. 

A ce moment, le lecteur veut y croire. Un fragile espoir renaît.

Le couple se marie mais leur histoire appartient au passé et meurt avec l’enfant que Sarah portait. 

Marc s’éloigne, vit d’autres aventures tandis que Sarah se perd dans l’alcool et la solitude. Elle refuse leur terrible échec et hait la femme qu’elle est devenue. 

Ces deux personnages attirant par leurs différences vont se détruire l’un l’autre au fil de la lecture. 

C’est là qu’on découvre le talent de Rolande Michel qui parvient à nous livrer un récit réellement passionnant et par-dessus tout sans jugement sur un thème si délicat.  

Un roman profond qui ne laisse pas indemne.

Bravo et merci, Rolande ! 

Pascale Gillet-B

 

Publié dans avis de lecteurs

Partager cet article
Repost0

Emilie Decamp est interviewée pour son dernier recueil "il n'y aura pas de fumée blanche" dans l'émission Direct en jeu

Publié le par christine brunet /aloys

Publié dans vidéo

Partager cet article
Repost0

Carine-Laure Desguin en invitée avec cette note de lecture signée Pascale Gillet-B pour "Misha, le poisson rouge et l'harmonica"

Publié le par christine brunet /aloys

Misha, le poisson rouge et l’harmonica, Carine-Laure Desguin, Adopuscule#07, Lamiroy



 

Une histoire imagée et fantasque. Un récit singulier où la mémoire jaillit des cours d’eau.  

Dans ce conte irréel, une petite fille suit les courbes des routes d’argent, des rivières enchantées et torrents bruyants pour retrouver les souvenirs qui y sont emprisonnés. Une petite fille parle aux oiseaux et aux poissons avec une force poétique et une imagination sans limite. Une petite fille qui  ne vit qu’ « aujourd’hui » rencontre pourtant le passé, heureux ou douloureux parfois, par la magie et la musicalité des mots de Carine-Laure Desguin. 

Véritable poétesse, l’auteur nous emmène sur des chemins inconnus, d’une berge à l’autre d’ondes fabuleuses, dans les trains de la vie, de la mort, à travers une mélodie omniprésente, à la recherche d’une eau pure. Du début à la fin, le lecteur navigue avec bonheur dans la poésie, la fantaisie et la mélancolie. 

Un petit livre à mettre dans toutes les mains ! 

 

Pascale Gillet-B

 

Publié dans l'invité d'Aloys

Partager cet article
Repost0

Séverine Baaziz nous propose un extrait de son roman, "La petite fille aux yeux d'or"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Un simple mot sur la table de la cuisine disant que je m’en allais faire du vélo, un jus d’orange bu tout rond, un croissant englouti entier, et j’ai filé plus vite que mon ombre à bord de mon vélo à panier. Le plus chouette, je trouve, quand on grandit, c’est que la liberté grandit avec nous.

Maintenant que j’avais onze ans, j’avais l’autorisation d’aller jusqu’à l’extrême limite du village. Pile devant le panneau. Pile au niveau du grand champ de lavande. Et j’adorais la lavande ! On pourrait croire que c’était pour l’odeur, mais non, pas du tout. J’aimais la lavande parce que les papillons en raffolaient. D’où ma robe du jour.

Je me suis allongée dos au sol, j’ai respiré à fond les narines, j’ai raconté tout un tas de trucs à ma mère, des machins hyper intéressants et des bidules sans importance, puis j’ai attendu que les papillons se posent sur moi, déroulent leurs trompes et m’aspirent comme si j’étais une vraie fleur. J’aurais pu passer des heures à les admirer, les papillons, leurs ailes pleines d’écailles invisibles, sauf pour moi. Des fois je plisse très fort les paupières pour m’amuser à les compter, mais ils ne restent jamais assez longtemps pour me laisser finir.

Et là, pour la première fois, j’ai découvert un de leurs secrets. Totalement incroyable ! Les petits butineurs offraient un peu de leurs couleurs. Celles de leurs ailes. Oui, je vous jure ! En fait, à y regarder vraiment bien, j’ai compris un truc complètement fou : les papillons déposaient des gouttes microscopiques et colorées sur les fleurs, un peu comme le soleil nous recharge en vitamine D. Vrai de vrai !

J’en étais là de mes explorations du jour quand une voix m’a fait sursauter.

—    Bonjour Fleur !

De peur, tous les papillons sur ma robe se sont envolés.

Moi, sur le coup, j’ai pas vraiment eu peur, surtout que je pensais que c’était la voix d’Hagrid, mais j’ai jamais eu l’oreille très fine.

C’est quand je me suis retournée que mon cœur, franchement, a failli tomber en panne. Non seulement c’était pas Hagrid, mais l’inconnu qui connaissait mon prénom n’était pas seul. Ils étaient trois.

 

Séverine BAAZIZ

Publié dans extraits

Partager cet article
Repost0

"Et les vieux dans tout ça", un texte en 4 parties signé Carine-Laure Desguin... Part 4

Publié le par christine brunet /aloys

 

Et les vieux dans tout ça ( 4, suite et fin)

 

Quelle poésie, écoutez tous cet artiste ! Écoutez-le ! Car vous êtes artiste n’est-ce pas ? Oh, dites oui, dites oui ! Écoutez cet homme mes amis, écoutez-le !

  Non, je ne suis pas un artiste, je suis quelqu’un qui a des idées, voilà tout ! Et j’aime la poésie, celle qui bulle dans les cafés refroidis et …

  Fred ne continue pas, il se sourit car il vient d’inventer un mot, bulle, bulle utilisé en tant que verbe. Il est content de cette idée.

   Vous êtes un artiste alors, il n’y a aucun doute ! Et ces idées, vous les vendez ? Vous avez une galerie d’idées ? Vous avez des albums d’idées ? Des livres d’idées ? Vous les encadrez, dites, ces idées ?

   Non, ce sont des idées, voilà tout. Seulement voilà, je ne veux plus voir pleurer les vendeuses et pour ma prochaine idée, j’ai une autre idée.

   Les phrases de Fred provoquent un attroupement et tout le monde écoute l’homme qui marche pieds nus sous le dôme.

   Je vous photographie, s’exclame un journaliste !

   Quelle bonne idée ajoute l’épouse de l’architecte !

   Clic clac clic clac. Six ou peut-être sept appareils se mettent à crépiter, car si un journaliste a l’idée de photographier un homme aux pieds nus, c’est que l’idée peut s’avérer géniale.

   À présent la nuit s’installe et des lumières de toutes les couleurs jaillissent d’un peu partout, du haut du dôme, des ascenseurs, et des lits médicaux électriques. Une vision de toute beauté.

   Quel jeu de lumières, entend-on de droite et de gauche, quel jeu de lumières, ils ont pensé à tout ! Des étincelles de lumières qui s’étoilent en provenance des lits électriques, quel art, quel art !

   À propos, les œuvres ne sont pas encore visibles ? questionne le journaliste.

   Monsieur Désarbre prend la parole et madame Holter approuve chaque mot que monsieur Désarbre expulse.

   La demande est telle que nous avons lancé un tirage au sort, vous voyez l’ampleur de cette idée ! Une seule œuvre est arrivée, les autres seront présentes demain, c’est promis. Ce fut toute une organisation. Chaque établissement a procédé à un tirage au sort. Obligatoire car les postulants étaient si nombreux. On ne peut quand même pas les entasser les uns sur les autres. Nos œuvres d’art doivent respirer !

  À ces mots, les regards cherchent l’endroit où l’on a placé la première œuvre.

   La première œuvre arrivée est allongée au quatrième étage ! Montez, montez chers amis, je vous en prie ! crie monsieur Désarbre, avec dans la voix des tonnes d’exaltations.

   Devant le lit, une plaque de cuivre pareille à celle que l’on trouve sur le bord inférieur des tableaux, dans les musées. Une infirmière astique du mieux qu’elle le peut la plaque de cuivre.

   L’épouse de l’architecte s’approche et lit Firmine Lesage. C’est bien ça ? demande-t-elle à l’infirmière.

   Oh je ne sais pas, je n’ai pas encore eu le temps de lire le nom de cette œuvre, j’astique ! Attendez. L’infirmière rive ses yeux vers la plaque de cuivre et puis dit oui c’est bien ça, l’œuvre s’appelle en effet Firmine Lesage.

   Des exclamations fusent. On s’approche de l’œuvre endormie, on se bouscule, on prend des selfies. Oui, c’est ça, attendez, je recule, essayez de prendre le visage de l’œuvre, j’aimerais nos deux visages sur la photo. L’infirmière sourit et sur le lit de l’œuvre, prend des poses suggestives. 

   Une odeur nauséabonde est à présent perceptible. Et du lit s’écoule un liquide brunâtre, plic, ploc, plic, ploc. Firmine Lesage s’éveille et s’écrie je viens de pisser, y’a-t-il quelqu’un pour me changer oui ou merde ?

 

   Au rez-de-chaussée, Fred et Phil, bras dessus bras dessous, zigzaguent entre les visiteurs.

   Fred, toutes ces lumières, ça me rend folle.

   Viens m’man, laissons cette idée sur la place du Manège, j’ai une autre idée qui me carrouselle dans la tête.

 

Carine-Laure Desguin

Publié dans Textes

Partager cet article
Repost0

"Et les vieux dans tout ça", un texte en 4 parties signé Carine-Laure Desguin... Part 3

Publié le par christine brunet /aloys

Et les vieux dans tout ça ( 3 )

 

Bonjour mademoiselle, vite, vite, je désire cette paire de baskets mauves, celles exposées dans la vitrine centrale, entre les bottillons orange et les bottillons vert pomme. Vite, vite, je vous en supplie.

   Oui, monsieur, bien entendu, ce sont des baskets pour femmes, de préférence.

   De préférence ? Vous voulez dire que ce n’est pas obligatoire ?

   Oui, c’est ça, si vous voulez…

  Si je veux ? Oh moi, ce que je veux, c’est que vous vous pressiez et surtout je ne veux pas entendre des sanglots en provenance d’une arrière-boutique.

   Monsieur, vous êtes certain que tout va bien pour vous ?

   Je ne veux pas vous entendre pleurer et surtout je désire au plus vite cette paire de baskets mauves, celles de la vitrine, ne cherchez pas plus loin.

   Bien, voilà.

   La vendeuse se dépêche, attrape les baskets et les emballe au plus vite. Ce n’est pas tous les jours qu’elle entend ça, un mec qui désire ne pas la voir pleurer. Les hommes qu’elle connaît aiment les larmes, les sanglots, et les mouchoirs.

   Merci mademoiselle. Et j’espère que vous n’avez pas de grand-mère car c’est terrible vous savez, une grand-mère qui n’est pas tirée au sort. Si elle n’est pas tirée au sort, quel sort peut-on encore lui réserver ? Merci et gardez la boîte, je vous en prie, je les consomme au plus vite.

   S’il vous plaît monsieur, voici une paire de baskets mauves pointure trente-neuf.

   Trente-neuf ?

   Oui, vous n’aimez pas ce chiffre, trente-neuf ?

   Oh moi, vous savez les chiffres, ils m’importent si peu. Je les aime ces chiffres, uniquement lorsqu’ils sont écrits en lettres. Ce que j’aime plus que tout, ce sont les idées, les projets, et puis les idées qui deviennent des dômes. Je chausse du quarante-deux. Mais deux trente-neuf feront bien l’affaire, ça nous fait septante-huit si je compte bien et dans septante-huit, on place au moins une fois quarante-deux. Au revoir mademoiselle. Et merci de ne pas avoir pleuré.

   Fred se demande si deux trente-neuf, ça prend un s, ou pas. Il se dit que l’idée est poétique. Il la retient. Qui sait, cette idée sera-t-elle un jour un projet. Et l’occasion d’inaugurer l’acte. Et puis de s’acheter un costume, un polo. Et une paire de baskets mauves très flashy.

   Le soir de l’inauguration, le soleil n’a pas encore capitulé. C’est le printemps, après tout. Et tout le monde est là au rendez-vous. Certains amènent des fleurs et d’autres, des sourires. Des airs satisfaits s’inscrivent sur leur visage, comme si l’idée venait d’eux, comme s’ils s’octroyaient le droit d’une revendication quelconque. Par chance, pas trop de manifestants sur la place du Manège puisqu’à la télé l’audimat explose. Téléréalité : des peoples qu’on enferme dans les cuisines d’un hôtel cinq étoiles à Paris, lequel trouvera la roquette parmi toutes les salades proposées ?

  Au milieu de tous ces gens bien sapés, Fred et Phil sont perdus, presqu’hébétés. Phil pense que l’idée de Fred étant devenue un projet et puis une réalité, un dôme donc, Fred recevrait encore une fois les honneurs, de beaux mots, un discours, puisqu’il est l’auteur de cette idée. Non, ça ne se passe pas comme ça. C’est monsieur Désarbre, l’échevin de la culture et madame Holter, la directrice de tous les hôpitaux de la ville, qui croulent sous les félicitations et se tordent les bras à cause des poignées de mains des uns et des autres, des ministres et tout le gratin de la ville et du royaume.

   Un verre de champagne à la main, Fred et Phil déambulent parmi tous ces gens. Ils écoutent. Les phrases qu’ils entendent sont surprenantes, vraiment. Et des idées jaillissent aussi. C’est facile à présent de pondre des idées, quand l’idée de départ est là, un dôme haut de quatre étages, tout en verre : une coupole en verre, des murs en verre. Des miroirs grossissants sont même suspendus au-dessus du dôme, pour qu’un maximum de gens profite de ce haut lieu culturel. Sur les toits des immeubles avoisinants, des dizaines de personnes sont là, jumelles entre les mains. Ils regardent. Acharnés. Surtout, ne rien perdre du spectacle. Une répétition. Puisque toutes les œuvres humaines ne sont pas encore installées, ce geste, tenir les jumelles bien serrées entre les mains, ils le répèteront souvent.

  C’est facile de se pavaner sous ce dôme quand au départ, l’idée est de quelqu’un d’autre. Un grand type sûr de lui s’approche de monsieur Désarbre et demande : Vous pensez essaimer l’idée ?

   Ah, mon cher, ce n’est plus une idée, c’est un dôme !

   Phil et Fred écoutent. Une fois qu’ils entendent le mot idée, ils sont attentifs, on ne sait jamais, on pourrait citer le nom de Fred.

   Oui, suis-je bête ! Et ce dôme, pourrait-il se trouver dans d’autres villes ?

   Celui-ci, non ! Il restera ici ! C’est notre dôme ! Avec notre personnel et surtout nos œuvres d’art, ah ah ah !

   Vos œuvres d’art ?

   Oui, c’est l’essence même de l’idée. Des vieux hyper-visibles de l’extérieur ! Un musée de chairs humaines ! Les vieux seront à l’honneur, toujours ! On ne pourra plus leur faire aucun mal, ils ne subiront aucun sévices puisque les soins seront donnés sous le regard de tous ! Vous voyez, quelle évolution ! Les vieux seront protégés, ici, sous ce dôme ! Quel Art ! Et les visites, vous avez songé aux visites ? Les vieux se plaignent, dans ces maisons de repos traditionnelles, de ne recevoir aucune visite. Ils tombent dans l’oubli, reçoivent le morceau de tarte le jeudi soir, en prévision du dimanche après-midi. Ici, il n’est plus question d’être oublié ! Le musée d’art de chairs humaines attirera beaucoup de visiteurs chaque jour, même le dimanche !

  Et le week-end également ? demande l’épouse de l’architecte.

  Bien entendu ! On ne peut abandonner les vieux durant le week-end, sous prétexte que c’est le week-end ! Car le dimanche, chère dame, c’est le week-end !

   Oh, fabuleux, s’écrie l’épouse de l’architecte, tout en se tournant vers son mari qui lui, d’un air convaincu dodeline de la tête, pour signifier qu’il approuve.

   Phil se sent rassurée, apaisée. Le dôme sera ouvert chaque jour. Chaque jour, Fred pourra donc lui rendre une petite visite et il lui soufflera ses nouvelles idées. Fred a préféré ne pas trop parler de ce tirage au sort. Il n’est pas certain que ce soit une bonne idée. Quoique. On ne peut surcharger le dôme. Les vieux, ça se respecte, faut pas les étouffer.

   Le soir s’avance et les rayons du soleil s’orangent de part et d’autre des grandes surfaces de verre. Quelqu’un s’écrie regardez comme c’est beau, c’est d’une beauté, ces faisceaux de lumière orangée et verdâtre et bleutée, un signe du ciel, c’est certain. Des dizaines de regards observent les hauteurs du dôme et les smartphones se déclenchent. C’est d’une poésie… Et puis c’est classique, dans les inaugurations, les artistes s’expriment et un rien, la moindre petite chose, une exclamation, un soupir, le battement d’ailes d’une mouche devient de la poésie. Un rien, ce peut-être aussi un chien qui lève la patte sur un pied de tabouret ou quelque chose comme ça, un verre qui s’éclate contre le carrelage, tout quoi.

   Vous n’avez pas froid aux pieds ?

   Fred baisse les yeux, regarde ses pieds et lâche : Je n’ai pas froid aux pieds.

   Regardez, regardez, quelle poésie, un homme aux pieds nus ! Vous êtes un artiste je suis certaine que vous êtes un artiste, dites-moi oui, dites-moi oui ! La dame au chapeau jaune questionne. De grandes certitudes sont ancrées au fond de ses yeux, elle est certaine de se tenir devant un artiste, un vrai, un vivant, un qui parlerait de ses idées.

   Je suis pieds nus car les baskets mauves ont la pointure trente-neuf, que je chausse du quarante-deux, que deux fois trente-neuf n’égaleront jamais quarante-deux et que je ne voulais plus voir pleurer une vendeuse.

   Quelle poésie, écoutez tous cet artiste ! Écoutez-le ! Car vous êtes artiste n’est-ce pas ? Oh, dites oui, dites oui ! Écoutez cet homme mes amis, écoutez-le !

  Non, je ne suis pas un artiste, je suis quelqu’un qui a des idées, voilà tout ! Et j’aime la poésie, celle qui bulle dans les cafés refroidis et …

  Fred ne continue pas, il se sourit car il vient d’inventer un mot, bulle, bulle utilisé en tant que verbe. Il est content de cette idée.

 

À suivre …

 

Carine-Laure Desguin

Publié dans Textes

Partager cet article
Repost0