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Avis de lecteur pour "Rue Baraka" de Carine-Laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

 

Rue Baraka

 

Lettre à Carine-laure Desguin



Carine-Laure DESGUIN, je viens de lire ton roman Rue Baraka et je tiens à te faire part de mes impressions. Chère Amie, je te tire mon chapeau pour ce roman, rappelons-le, ton tout premier. Je trouve l'histoi
re fascinante et les différents thèmes bien choisis... Je trouve aussi ton choix des personnages ainsi que leurs interactions pertinents. Pour une poète, tu maitrises les techniques d'écriture propres au roman et je t'en félicite. Je donne pour exemple l'introduction récurrente des dialogues entre les personnages, ce qui rend ton texte fluide et compréhensible, les flashbacks peu réguliers, mais qui accrochent le lecteur si celui-ci se perd dans les dédales de ton imagination. 

J'aime ton style d'écriture. Le maniement de la langue est impeccable (à part quelques fautes d'inattention...)

PS; si tu as encore le livre à portée de main, relis la page 14, « Le soleil se devine et bientôt sourira à ces effluves printaniers... », la page 23 « un tourbillon rose prend son élan et s'aplatit benoitement » .Tu verras que tu as l'art de créer des images, ce que j'ai beaucoup aimé. Cela s'entend, tu crées beaucoup plus que Georges, le vieux peintre (personnage du roman). Aussi, chose importante, l'intrigue, bien que concevable, est bien tenue par des divagations qui détournent subtilement l'avidité du lecteur en berçant son obsession de découvrir la boucle de l'histoire. L'on ne saura tout, absolument tout qu'en lisant le livre en entier, magnifique chute. Belle technique ! Je voudrais simplement te dire que tu écris bien, très bien.



Pour finir, comme un Tarek venu d'Algérie, pays où la parenté commence par le voisinage et où le salamalec est adressé à tous ceux que l'on rencontre dans la rue, je referme ton livre avec la ferme volonté de dire merci, bonjour, bonne nouvelle, succès et chance aux passants que je rencontrerai dans ma rue, dans toutes les rues. J'essayerai, même si je sais qu'ici, au pays de Georges, on ne parle presque pas aux inconnus .....

Carine-Laure DESGUIN, si tu veux me croire, ton livre est à l'image du monde. Il n'est pas parfait, mais nous nous y plaisons. Je t'encourage et je reste convaincu qu'avec d'autres opus, tu nous cloueras le bec, à nous autres critiques.

Mes salutations

Ayi HILLAH

Publié dans avis de lecteurs

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Claude Colson : poème calligraphié...

Publié le par christine brunet /aloys

 

Léna

 

 

Un petit poème calligraphié pour participer à un concours sncf et ville de Tours : Invitation au voyage poétique;  il s'agissait de s'inspirer des 18 fresques céramique de M. Simas (1898) de ladite gare. Claude Colson est parti de celle de Vic sur Cère.

 

 

calli-vic-sur-cere.jpg

 

Claude Colson

claude-colson.monsite-orange.fr

claude colson-copie-2

Publié dans Poésie

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Christine Brunet a lu "La mise entre parenthèses" d'Henri Puffet

Publié le par christine brunet /aloys

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"La mise entre parenthèses" est un roman de presque cinq cents pages qui se dévorent au fil des paysages et des rencontres surprenantes.

C'est un voyage initiatique qui pulse ses épisodes un peu comme les battements d'un coeur, avec ses hauts et ses bas, ses affolements et ses accalmies. 

Un accident presque banal oblige le héros à faire une pause dans sa vie. Un pas en arrière pour  contempler ce qu'est son existence, l'évaluer pour finalement la disséquer et remettre en question tout ce qui en fait le fondement.

Famille, métier... un frein à la découverte de l'essentiel... un essentiel auquel nous aspirons tous : la sérénité et, au-delà, le bonheur.

Il suffit juste de sauter le pas.

Henri Puffet nous propose un voyage géographique qui nous entraîne du Simplon au Sud de la France, de la Belgique à l'Ecosse puis sur le continent américain. Chaque rencontre apporte une pierre à l'édifice de la "re-construction" du héros.

Chaque étape amorce une réponse aux questions qui tournent en boucle et laisse entrevoir, peu à peu, la sortie du tunnel. 

Voici un ouvrage porté par un style agréable, qui sait embarquer le lecteur au coeur de paysages grandioses. Je les ai parcourus, je les ai reconnus, j'ai retrouvé en effort l'atmosphère des hauts plateaux chiliens, de l'Atacama, de La Paz, des vastes espaces nord américains.

Le héros trouvera-t-il la paix ? Il trouvera, sans doute, l'essentiel...

 

Christine Brunet

www.christine-brunet.com

nid

Publié dans Fiche de lecture

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Le mineur avait quelque chose à dire… une nouvelle signée Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

mineur-1.jpg

Le mineur avait quelque chose à dire…

 

 

Vingt-cinq décembre 1990. J'habite rue Claessens à Bruxelles et je rejoins ma famille dans un restaurant de la rue des Palais. C'est un trajet que je fais chaque jour pour me rendre à mon travail. En ce jour férié, la ville est quasiment déserte. Arrivée à hauteur du Monument au Travail, je m'y attarde. Il est onze heures quarante-cinq, nous avons rendez-vous à midi quinze, j'ai donc un peu de temps à perdre…

 

Je ne connais quasiment rien de cette œuvre de Constantin Meunier. J'en fais le tour lentement, prenant quelques photos avec mon téléphone portable. Je frissonne bien que quelques pâles rayons de soleil réchauffent un peu l'atmosphère,

 

Je viens de quitter le mineur des yeux lorsque je sens un regard posé sur moi ! L'impression d'être épiée. Il y a là quelque chose de troublant. Je me retourne. Je reviens sur mes pas. Je suis seule face au mineur. Ses yeux fixent l'horizon. Impossible qu'il m'ait remarquée ! Pourtant, il n'y a personne d'autre. Lui seul peut donc m'avoir surveillée ! J'observe ses lèvres, son nez : entre nous, existe une certaine ressemblance. Je reste en tête-à-tête avec lui sans parvenir à m'en éloigner. Nous sommes seuls au monde. Les minutes passent. Je suis anesthésiée. Je n'ai plus froid. La fatigue du réveillon s'est estompée. J'ose me perdre dans la musculature de l'homme, dans les plis de son vêtement. Je l'imite, je porte la main gauche au menton et lui adresse un clin d'œil de connivence.

 

C'est le début d'un jeu : je m'accroupis pour prendre sa posture. Je fais un signe de la main, puis je feins de partir. Je reviens et je m'immobilise face à lui.

 

Il me semble repérer peu à peu de légères modifications dans la tension des lèvres, elles s'entrouvrent imperceptiblement et en s'entrouvrant, elles deviennent plus charnues. Le torse se soulève à peine, sa respiration est très lente. Le pouce s'écarte du menton. Les paupières ont un tremblement infime. C'est une parole susurrée pour moi seule qui s'échappe, mais les mots sont incompréhensibles. Progressivement, tout se remet en place. Le temps s'égrène à un rythme habituel sans que j'en sois consciente. Le manège n'a semblé durer qu'une minute ou deux… J'ai le désir de toucher l'homme, de frôler son pantalon pour que sa puissance passe en moi. Sur son piédestal, il est bien trop haut pour moi. J'y renonce.

 

Un groupe de quatre jeunes s'avance. Il y a des commentaires, des éclats de rire. Rien de bien méchant.  J'entends juste : "Les vieux mecs ont encore leur succès…"

 

mineur-2.jpgDe nouveau, nous sommes seuls, le mineur et moi. J'en ai fini de mes mimiques. Je lui parle comme à quelqu'un de mon entourage. Je lui demande comment il a fait pour endurer son travail tandis que moi, simple secrétaire, suis si souvent stressée. À bientôt trente ans, je ne suis nulle part dans ma vie sentimentale. Je lui demande donc de m'inspirer aussi une recette de sagesse. Spontanément, je porte de nouveau la main gauche au menton. L'index de l'homme pointe quelque chose devant lui. Je vois là une invitation à poursuivre mon chemin.

 

C'est alors que je pense regarder l'heure. Midi dix. Il est temps de gagner le restaurant où ma vieille Tante Agnès, ses enfants et petits-enfants m'attendent pour le traditionnel repas de Noël.

 

J'arrive à plus de midi vingt. Tante Agnès interroge : "Tu t'es perdue en chemin ou tu as fait une belle rencontre ?" Je me justifie : "J'ai regardé le mineur du monument. Je n'y avais jamais vraiment prêté attention. Pourtant, je passe devant tous les jours…"

 

Tante Agnès réagit : "Il paraît que c'est mon grand-père qui a posé pour Constantin Meunier. Du moins, c'est ce que mon père m'a raconté… Une légende familiale."

 

À mon retour, je m'arrête de nouveau près du mineur.

 

La bouche s'entrouvre, prend un volume nouveau. Son menton semble s'affiner tandis que je fixe son visage. Sa main s'élève pour faire un signe. Un adieu, peut-être ? Je me laisse glisser dans une sensation tiède et douce. Ainsi, l'homme m'attendait pour un rendez-vous fixé à travers plusieurs générations et a repris vie pour moi à l'occasion de Noël.

 

En 1991, je trouve un emploi dans une agence de voyage de Namur et je déménage. 

 

Le 26 octobre 2012, je vais à Charleroi pour l'incinération de Tante Agnès. J'ai pris le train plutôt que ma voiture. Mon cousin m'a fixé rendez-vous, sur le parking de la place Albert 1er. De là, nous partirons pour le crématorium de Gilly.

 

Il pleuvine, une péniche passe sous le pont où je croise quantité d'autres personnes. J'assiste aux préparatifs de départ de mon mineur. C'est un tel choc de voir dans cette sculpture la réplique exacte de celle de Bruxelles. C'est la première fois que j'établis le parallèle entre lui et le mineur du monument, le long du quai à Laeken ! Je m'informe. Il a été enlevé de son socle pour permettre les travaux. La statue est posée sur le sol, prête à être emmenée en lieu sûr. Je pourrais tenter de le toucher, mais la magie n'est plus là.

 

Je tourne autour de lui, puis l'examine de face. Une statue de bronze représentant un mineur qui est peut-être un de mes ancêtres. C'est une évidence : je reconnais chez lui les joues de ma grand-tante. Il est trop tard pour en parler avec elle. Ces départs simultanés m'apparaissent alors comme d'étranges coïncidences !

 

 

Micheline Boland

micheline-ecrit.blogspot.com

Des bleus au coeur

Publié dans Nouvelle

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Camille Delnoy à l'honneur dans www.america-latina.be

Publié le par christine brunet /aloys

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"Tentacule..." un poème de Victor Lebuis

Publié le par christine brunet /aloys

 

http://www.bandbsa.be/contes3/lebuistete.jpg

 

 

Tentacule et testicule
Sont du genre masculin,
Les mots sont toujours malins
Ils nous choquent, nous bousculent

S'entremêlent et simulent -
Nous sommes entre leurs mains,
Agités tels des pantins
Que la rime manipule.

Ce sonnet irrégulier
N'a pas les pieds de travers,
De la tête à la cheville
Les mots vibrent dans ses vers.

 

Victor Lebuis

http://www.bandbsa.be/contes3/abbatialerecto.jpg

 

 

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Mon oncle d'Amérique, une nouvelle extraite de BRASERO, le nouveau recueil de Patrick Beaucamps

Publié le par christine brunet /aloys

 

Brasero.jpg

 

Mon oncle d’Amérique

 

 

    Je bataillais ferme contre une virgule récalcitrante lorsque mon smartphone a vibré. Texto de Laurent : « J.D. Salinger est décédé hier soir… Vraiment désolé L. » Plus par curiosité que par inquiétude, je me suis immédiatement connecté aux actualités. La nouvelle se confirmait par des titres circonstanciés : « L’attrape-cœurs s’est arrêté de battre », « Le père d’Holden Caulfield a disparu », « L’illustre reclus n’est plus »,… J’ai lu quelques articles et souri en quittant Explorer.

    Un cliché de lui trône sur mon bureau. Pas celui où il brandit le poing à l’encontre des journalistes, non, celui que j’ai pris à New York. La photo d’un gosse de quatre-vingt-cinq ans. Il est assis aux côtés d’Andersen, regarde en direction de Conservatory Water et s’égaye du brouhaha causé par la compétition de bateaux miniatures. On peut voir qu’il prend un réel plaisir à regarder les enfants jouer. À Cornish, l’hiver, il les laisse faire de la luge sur les pentes de sa propriété et il leur ouvre sa porte pour Halloween. Je me souviens qu’une année, Colleen et lui avaient oublié les bonbons. Ils ont distribué des crayons à la place.

    Reclus ? Cinglé asocial ? Chaque année, je passe trois semaines de vacances là-bas et je peux vous certifier qu’on ne rate pas un seul dîner hebdomadaire de l’église d’Hartland. On arrive toujours plus d’une heure à l’avance afin d’avoir une place en bout de table. Le rôti de bœuf et les tartes sont toujours excellents et les discussions animées. Il ne manque jamais d’y prendre part tout en griffonnant quelques notes dans un petit carnet à spirales. Mais le temps que durent mes petits congés, il n’écrit pas vraiment. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu le sourire aux lèvres : « Je peux bien m’arrêter trois semaines. Mes éditeurs ne m’en voudront pas. » Il arrive qu’on parle un peu de mon travail. Très peu du sien. On a bien d’autres choses à faire. Balades dans son Land Cruiser beige sur les routes du New Hampshire, pêche à la truite, longues séances de méditation dans le jardin en répétant sans arrêt le nom de Dieu. « Apprivoise le rythme, me répète-t-il inlassablement, apprivoise le rythme. » Au grand dam de mes parents, c’est à cause de lui que m’est venue l’envie d’écrire. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je devais avoir vingt-quatre, vingt-cinq ans et les écrivains que je lisais ne parvenaient plus à m’étonner. Je lui en fis part un soir, sur sa terrasse, et sa voix a fendu l’obscurité comme un faisceau de lune salutaire : « Eh bien, écris-le ! Ecris toi-même le livre que tu souhaites lire. » Le sort en était jeté.

    La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, il était heureux de l’issue de son procès contre Fredrik Colting. Soulagé mais fatigué par toutes ces stupidités. Par ce nouveau ramdam autour de son existence et de son œuvre. Par cette recrudescence de curieux autour de la vieille grange. Je ne serais pas étonné qu’il ait de nouveau trouvé le moyen de gagner cette paix merveilleuse, cette vraie tranquillité qu’il chérit tant.

    Il doit me rejoindre au printemps. L’occasion pour lui de revoir Paris et Londres. D’ici là, une seule question subsiste pour moi : Où vont les canards de Central Park lorsque le lac est gelé ? 

 

 Patrick Beaucamps

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Avis de la revue "Gens de robe, gens de plume" pour Ethers noirs, de Michel Westrade

Publié le par christine brunet /aloys

 

http://www.bandbsa.be/contes3/ethersnoirs.jpg

 

Revue "Gens de plume, gens de robe"


Ethers noirs, par Michel C.J. Westrade, Mouscron, Chloé des Lys (www.editionschloedeslys.be ), 2013, 122 pages, 13,5 €.

 

 

« … tant il est vrai que l’homme est insaisissable, à nulle circonstance réductible et que les lois qu’il se forge, qu’elles soient de nature ou autres, se réduisent en éclats insignifiants ».

Les hommes et les femmes, Michel C.J. Westrade essaie pourtant d’en capter l’essence. Pas celle des livres d’histoire, qui repose sur « des suppositions, des insinuations ayant prétention à dire la vérité mais, la plupart du temps, travestissant le réel ». Celle que l’on trouve dans les regards, dans les lézardes des murs, dans de vieilles photographies jaunies : traces et souvenirs.

Des hommes et des femmes qui viennent de terres noires, d’horizons plombés, sous des nuages éthérés. Ils s’appellent Henri, Jeanne, Judith, Amédée, Joseph ou Félicien. Parfois on les nomme par leur sobriquet, leur fonction ou, tout simplement, par un nom que les rend communs : l’abbé, le trimardeur, l’enfant …

Ils ont vécu une guerre perdue qui fut pourtant gagnée. Soit eux-mêmes, soit par procuration. Aucun n’en est sorti indemne. Ils ont souffert. Ils ont ri. Ils ont pleuré. Ils ont vécu.

La plume de Michel C.J. Westrade se fait souvent pinceau pour les décrire, pour les restituer, pour les dépeindre. Il a besoin de plusieurs mots pour que nous saisissions leur épaisseur, comme si aucun n’était jamais assez précis, qu’il fallait toujours en accoupler plusieurs, pour qu’ils s’entrecroisent, s’entremêlent, et que ce soit entre eux que l’on devine ce qu’il veut nous donner à voir, ou à sentir.

Ethers noirs est donc un petit recueil qu’on absorbe comme on se pénètre d’un tableau, en se laissant pénétrer là par une touche de noir, ici par la lumière d’un sous-bois luisant sous le soleil couchant, tantôt par la mélancolie qui sourde d’une fontaine à l’abandon, tantôt par la moiteur d’une vide après-midi d’été.

Michel C.J. Westrade a de la tendresse pour ces gens, pour ses gens. Et il nous invite à y trouver l’humanité.

 

Patrick Henry

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La fête des voisins, une nouvelle de Louis Delville

Publié le par christine brunet /aloys

 

Petites et grandes histoires

 

 

LA FÊTE DES VOISINS

 

 

Cette année là, Paul et Lili fêtent leurs trente ans de mariage et profitent de la Fête des Voisins pour inviter plusieurs amis et connaissances.

 

"Bonjour Lili, bonjour Paul…

 

- Jean ?, c'est Lili qui réagit la première.

 

- Eh oui, Jean ! Je viens d'emménager dans la rue et j'ai reçu votre petite invitation… Et alors, qu'est-ce que vous devenez ?

 

- Oh, tu sais, nous menons une vie tranquille, j'ai repris la librairie de mes parents, rue saint Étienne. Quant à Paul…

 

- Quant à Paul, il végète comme conducteur de bus à la STU (Société des Transports Urbains)".

 

Paul a répondu machinalement. Jean continue :

 

"Oh moi, je suis devenu prof de langues comme mon père. Je suis célibataire et j'ai toujours bon pied, bon œil.

 

- Tu ne t'es pas marié ? Paul n'a pu retenir la question…

 

- Non, voyons, tu me connais, Paul. J'ai toujours aimé papillonner de filles et filles, je n'ai pas changé !

 

- À l'époque, elles étaient toutes amoureuses de toi, je me souviens. Même Lili ! N'est-ce pas Lili ?

 

- De l'histoire ancienne, Paul. Tu sais combien je t'aime et comme je tiens à toi !" Lili a presque crié…

 

Paul rentre quelques instants dans ma maison, il a entendu que Bijou, son petit caniche blanc aboyait à l'intérieur. Par la fenêtre, il aperçoit Jean et sa femme en grande conversation. Ses vieux démons remontent à la surface… Jean, ce bellâtre aux yeux bleus qui collectionnait les conquêtes féminines. Jean, un élève moyen comme lui, à part que… C'est vrai, il n'a jamais redoublé. Évidemment, un fils de prof, on le laissait passer !

 

À l'époque Lili et Jean avaient eu un flirt passager puis Paul avait osé parler à Lili dont il était secrètement amoureux et Jean était parti vers d'autres amourettes ou peut-être avait-il fait semblant de partir ?

 

"Le salaud, je me souviens encore de son sourire quand je lui ai annoncé que je sortais avec Lili. Plus j'y pense, plus je me dis qu'il ne l'a pas oubliée. Il parade, il s'enflamme, il charme. Ah, si je n'avais pas confiance en Lili…

 

Paul a sursauté, Jean vient de prendre Lili par les épaules et se rapproche d'elle pour lui chuchoter à l'oreille.

 

"S'il continue, je le tue !"

 

Paul est sorti. Lili commente :

 

"Toujours le même, ce brave Jean !

 

- Brave n'est pas le mot qui convient. Tu l'as vu, il t'a tenu. Il t'a dit quoi ?

 

- Rien, de bêtises !

 

- Tu es toujours amoureuse de lui ?

 

- Tu es fou, c'est de l'histoire ancienne !"

 

Jean revient vers eux, un verre dans chaque main.

 

"Santé, les amis ! À nos retrouvailles…"

 

Paul va vers le bar et en revient avec un verre de vin rouge…

 

"À ta santé, Jean ! Et au bon vieux temps !"

 

Jean boit son verre d'une traite…

 

"Encore un petit verre ?

 

- Volontiers, il est bon ce vin !"

 

Les verres succèdent aux verres et Jean boit. Et Paul regarde…

 

Entre ses dents, Paul murmure : "Je me demande si un flacon entier de comprimés pour le cœur va le guérir ? C'est vrai que la médecine fait de réels progrès : Aucun goût et ça se dissout parfaitement même dans le vin rouge…"

 

 Louis Delville

http://louis-quenpensez-vous.blogspot.be/

delvilletete

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Ma jumelle de sang, une nouvelle de Philippe Wolfenberg

Publié le par christine brunet /aloys

 

Les états d'âme de la Lune et du Soleil

Ma jumelle de sang

 

 

Sur le guéridon en acajou, près de la grande baie du salon, dans la céramique blanche d’un diffuseur ouvragé, une bougie exhale ses senteurs mélangées de citron vert et de vanille.

Au pied de la falaise, sur laquelle est accroché le manoir, les vagues, furieuses parce qu’impuissantes à la dompter, s’écrasent sur des écueils affleurants.

Depuis le Chesterfield où elle est occupée à savourer chaque gorgée du verre de limoncello qu’elle tient d’une main nonchalante, elle m’offre la vision de ses beaux yeux de félin qui, en cette fin de jour, à la lumière des flammes dansant dans la cheminée de marbre, ressemblent à deux agates de feu. Le sourire qui flotte sur ses lèvres pulpeuses a, pour elle et pour moi, la même signification : « Tu m’appartiens comme je t’appartiens ».

Alors, je me rappelle notre rencontre.

 

*

 

A l’époque, une sordide affaire de meurtres en série défrayait la chronique. On retrouvait, à intervalles réguliers, des cadavres exsangues abandonnés sur la plage jouxtant la discothèque dont j’étais le propriétaire. L’enquête piétinait. Ce qui ne manquait pas d’intriguer la police, c’était les deux petits orifices dans le cou des victimes… Le médecin légiste n’en démordait pas : ils avaient été pratiqués, disait-il, afin de pomper le sang. On se perdait en conjectures. S’agissait-il de l’œuvre d’un dément, de crimes rituels, d’un trafic ? Un journaliste alla même jusqu’à prétendre – par le biais de son canard – que la ville était, peut-être, devenue le repaire d’une bande de vampires. Un lecteur lui rétorqua que, hormis les politiciens du cru…

Contrairement à mes concitoyens, je ne m’intéressais pas vraiment à cette histoire aux relents surnaturels. Celle-ci, d’ailleurs, loin d’effrayer les clients de mon établissement, semblait, paradoxalement, en augmenter le nombre. Et pourtant, au milieu de cette marée humaine qui, tous les soirs, se trémoussait au son de la new wave et de l’electro body, il m’aurait été difficile de ne pas la remarquer. Depuis un mois, environ, elle passait ses nuits à onduler sensuellement, au milieu de la piste, sous les regards admiratifs des hommes et ceux envieux et assassins des femmes. Toujours habillée de noir, souvent en pantalon et veste, le chemisier entrouvert juste ce qu’il faut, elle paraissait indifférente aux réactions qu’elle suscitait.

 

*

 

Le verre, posé sur la table basse, ne contient plus qu’un fond de limoncello. Dans la cheminée de marbre, les flammes dansent encore. J’ai pris place dans le Chesterfield. Elle s’est allongée et, la tête sur mes genoux, m’observe à travers le voile de ses paupières mi-closes. Un doux sourire hante sa bouche charnue. Je caresse les boucles de sa chevelure aile de corbeau et, ce faisant, lui arrache, de temps à autre, un soupir d’aise. Le citron vert et la vanille se mêlent à son parfum aux essences de mûre sauvage.

Les souvenirs se bousculent de plus belle au portillon de ma mémoire.

 

*

 

Elle délaissait son terrain de jeux peu après minuit. Arrivée seule, elle repartait, invariablement, en compagnie d’un homme… Jamais le même. Avant de sortir, à la manière d’un rituel immuable, elle se retournait : nos regards se croisaient pendant quelques secondes qui avaient un goût d’éternité. Mais pourquoi avait-elle l’air triste alors qu’elle obtenait, chaque fois, ce qu’elle était, apparemment, venue chercher ?

Quand les journaux et les chaînes de télévision avaient diffusé les photos post mortem des protagonistes involontaires de cette farce macabre, une théorie, aussi logique

que déplaisante, s’était imposée à moi. Surtout lorsque j’avais cru reconnaître certains chevaliers servants de cette jolie brune énigmatique.

 

*

 

Elle s’est endormie. Je la prends dans mes bras. Elle pousse quelques gémissements mais ne se réveille pas. Dans la céramique blanche, la bougie achève de se consumer. A travers la grande baie du salon, j’admire une dernière fois la mer dans laquelle s’écrase le soleil, au milieu de couleurs semblables à celles du métal en fusion. Je dépose mon agréable fardeau dans la douceur satinée des draps. M’aime-t-elle autant que je l’aime ? Je le crois… Sans en avoir aucune certitude.

Les images de cette nuit particulière où ma vie a changé défilent sur l’écran improvisé que forment les rideaux occultant la porte-fenêtre de la chambre.

 

*

 

Les oreilles saturées de new beat, j’avais décidé de rentrer pour profiter, sur la terrasse du château, de l’air tiède de cette merveilleuse soirée d’été et des fragrances du large qui étaient un appel à s’en aller parcourir d’autres univers.

Elle était apparue dans le faisceau lumineux des phares de la Ford Mustang alors que je quittais l’allée qui menait au dancing. Je m’étais arrêté.

* C’est une splendide décapotable… Vous m’emmenez faire un tour ?

* Pourquoi pas ? Montez !

Nous avions roulé longtemps, sur des routes sinueuses, à flanc de falaise. Puis, finalement, sans qu’elle s’y opposa, je l’avais ramenée chez moi. Nous avions fait l’amour avec la frénésie de ceux qui n’attendent plus rien de l’existence et profitent des moindres parcelles de plaisir qu’elle leur octroie quand elle est bien disposée. Cependant, le moment de jouissance passé, elle s’était écroulée sur moi et m’avait fixé de ses prunelles mordorées.

* Tu veux bien devenir mon compagnon éternel ?

* Eternel ?

Elle était restée silencieuse et m’avait souri, découvrant une dentition parfaite où trônaient deux canines démesurées et acérées.

* Tu vas me tuer ? Comme les autres ?

* Non ! Au contraire… Je veux te rendre immortel… Comme moi…

J’avais posé ma main sur sa nuque, guidé son visage jusqu’à mon cou puis ressenti une intense brûlure…

 

*

 

Je me couche à ses côtés. Instinctivement, elle se blottit contre moi. Avant de la rejoindre dans nos rêves maudits, je lui murmure à l’oreille : « Tu m’appartiens comme je t’appartiens, petite sœur… Mon adorable jumelle de sang… »

 

Philippe Wolfenberg

philippewolfenberg.skynetblogs.be

http://www.bandbsa.be/contes3/wolfenbergtete.jpg

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