Le visiteur d'avril, un conte de Micheline Boland
LE VISITEUR D'AVRIL
Depuis le décès de Georges, Madeleine vit seule dans sa belle villa. Tous les jours à quinze heures, elle s'installe dans la véranda située devant sa terrasse, elle y boit un bon café en dégustant une pâtisserie, une crème faite maison ou un carré de chocolat. Elle vit là de délicieux moments, au plaisir gourmand s'ajoute le plaisir visuel. Quelle que soit la saison, son jardin lui paraît magnifique.
Madeleine n'a plus ni chien ni chat ni poisson rouge ni perroquet. Elle est ainsi plus libre de passer quelques jours chez sa sœur ou chez un de ses enfants établis dans d'autres régions. Elle a des contacts assez réguliers avec ses voisins, des personnes de son âge. Ils s'entraident à l'occasion et parlent volontiers de choses banales mais il n'y a aucune réelle amitié entre eux. À gauche, vivent les Lemeure, des personnes qui voyagent beaucoup. À droite, Paul Thomas, un professeur retraité, homme discret qui participe ici et là à des animations dans des écoles de devoirs. Enfant unique, Paul a hérité de la villa de ses parents. Il a beaucoup de relations mais peu de famille. Il possède une chatte prénommée Minouche qui se réfugie volontiers chez Madeleine quand son maître reçoit du monde. C'est le plus souvent à Paul que Madeleine demande conseil quand elle rencontre un problème pratique. Un simple coup de fil et la solution est trouvée !
Un après-midi d'avril, alors qu'elle sirote son café, Madeleine, entend un drôle de bruit venant de l'extérieur. Elle jette un coup d'œil dehors mais ne voit rien de particulier. La météo est calme, il n'y a pas de vent, les Lemeure l'ont avertie qu'ils allaient à Venise et elle a vu Paul sortir sa voiture du garage.
Le bruit cesse. Quelques minutes plus tard, Madeleine l'entend de nouveau. Elle se lève, à la recherche de sa source. Il n'y a rien qui l'explique ! Même pas un oiseau ou Minouche sur la pelouse.
Madeleine lit un roman policier lorsque le bruit se fait encore entendre. Elle pense alors à un éventuel cambrioleur et se souvient de ce qu'a dit Paul : "Un jour mon père qui était un brave homme fut victime d'un pickpocket. Il était sur un marché. On l'avait bousculé et il se rendit rapidement compte qu'on lui avait volé son portefeuille, voyant un jeune garçon se sauver à toutes jambes, il cria à son intention : "Je te le donne, je te le donne." " Ainsi, concluait Paul, mon père épargnait au gamin le poids d'un délit…"
Madeleine réfléchit. Que fera-t-elle si elle se trouve nez à nez avec un cambrioleur ? Quinze heures trente… Est-ce vraiment l'heure que choisirait un voleur ?
Madeleine ouvre sa porte-fenêtre, fait quelques pas sur sa terrasse et n'en croit pas ses yeux : une vieille marmite en aluminium se déplace provoquant un cliquetis. Madeleine soulève à peine la marmite et découvre un hérisson ! Elle redépose la marmite, va chercher ses gants de jardin et très précautionneusement dépose la petite bête apeurée à l'ombre d'un arbre. Elle lui laisse un peu d'eau dans une écuelle et quelques morceaux de pomme et attend le retour de Paul.
Sitôt qu'elle entend la porte du garage, Madeleine se précipite chez son voisin et lui explique ce qui est arrivé. Léon a mis la bête dans une boîte à chaussures et lui a donné la nourriture prévue pour Minouche.
Deux jours plus tard, Madeleine retrouva la boîte renversée. L'animal avait disparu et on ne le revit jamais dans le quartier.
Micheline Boland
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