Le chevalier noir, le feuilleton de Christian Van Moer. Episode 4

Publié le par christine brunet /aloys

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LE CHEVALIER NOIR

 

feuilleton par   Christian VAN MOER

 

 

 

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Au temps des heaumes et des hauberts,

il était une fois la forêt du Mauroi…

 

 

 

épisode 4 : La Goule du Causse

 

         « Mais où donc cette maudite tombe peut-elle bien se nicher ? Depuis que Beau m’a guidé jusqu’ici, j’erre, je patauge ! Durant toute la journée d’hier, j’ai fouillé le terrain à la recherche d’une ruine, d’une grotte, d’un amas de pierres, en vain. L’aube est proche : aucune apparition, aucune trace de cette maudite goule qu’il me faut éliminer à tout prix. Et le temps passe ! Les barres de fer que j’ai emportées pour desceller la tombe si nécessaire sont là, inutiles, sacrebleu ! »

 

         Ainsi maugrée le Chevalier Noir qui, pour la première fois, sent le vent de la défaite lui souffler à l’oreille :

 

         − Tarpéa sait que tu es là pour elle. Elle restera bien au froid dans son tombeau et ne se montrera pas !

         − Mais Sargasse m’a certifié que cette créature infernale a impérativement besoin de sa ration de sang humain chaque nuit ! Et je suis bien sur le causse où elle se cache durant le jour !

 

         Gilles s’assied dans la mousse, adossé au tronc d’un rouvre pour se reposer quelques instants tout en réfléchissant à ce qu’il convient de faire. Sarah ne peut se passer de sa dose d’antidote ! L’évocation de son enfant plongée dans un maléfique sommeil l’entraîne dans la rêverie et il finit par s’assoupir.

         Il se réveille brusquement, cloué au tronc de l’arbre par une force irrésistible qui lui écrase les épaules. Impossible de se dégager de cet étau. Un visage de femme, blême, haineux, bouche grande ouverte, se penche vers son cou, dans l’intention manifeste de lui planter ses canines effilées dans les jugulaires. Mais la goule pousse un cri larvé en constatant que sa proie est protégée par un solide haubert. De dépit, elle lâche aussitôt prise et, prenant la forme d’une grande chauve-souris blanche, s’envole.

Gilles, tout secoué par cette attaque imprévue, se relève d’un bond pour observer la direction prise par l’avatar du monstre.

« Plein nord ?  Ma ligne de recherches est désormais toute tracée », s’exclame-t-il, reprenant espoir.

         Il se met aussitôt en route. Au bout d’une bonne demi-heure de marche, il entend un faible gémissement dans les fourrés. Il s’en approche avec prudence et y découvre un pauvre diable, livide, agonisant. Il lui donne à boire du vin de son outre et l’homme trouve alors encore la force de lui dire ce qui s’est passé.

 

         − Je reviens de guerre, Messire, et j’ai cru bon de prendre le raccourci du Mauroi pour rentrer chez moi plus vite. J’ai été agressé et vidé de mon sang par une femme d’une force inouïe. Je vous remercie pour le vin, mais je sens que ma dernière heure est venue. Si d’aventure vous passez par Aiguesfortes, mon village, veuillez, je vous en prie,     annoncer ma triste fin à mon père, Colas le forgeron.

         − Promis, soldat. Dites, êtes-vous en mesure de m’indiquer par où le monstre a filé ?

         − Oui, droit vers le nord, Messire.

         − Merci, soldat. je me lance à sa poursuite… je vous laisse un peu de vin. Qui sait ? Peut-être vous en sortirez-vous.

 

         Mais le Chevalier Noir a beau arpenter le plateau en tous sens, pas le moindre semblant de sépulture.

 

         « Rien, toujours rien ! Cela devient inquiétant. Et nous voilà presque au terme de la journée. Tarpéa, maudite goule, montre-toi donc, sacrebleu ! »

         Alors qu’il est au bord du désespoir, Gilles remarque un tertre aplati, de forme ronde, recouvert entièrement par les herbes folles.

         Serait-ce là ? S’armant d’une de ses grosses barres de fer, il inspecte et sonde l’endroit. Aucune ouverture visible, mais partout, sous un pied de terre, l’épieu est arrêté par de la pierre.

 

         « Ça doit être là ! Mais comment m’en assurer ? Je peux me tromper et je ne peux pas perdre mon temps à défoncer cette calotte en pure perte !... Du calme, réfléchissons posément. La nuit va bientôt tomber. Si la goule crèche bien là, je vais la voir sortir : elle n’est pas invisible. C’est cela, je cours le risque : je me planque dans les taillis et j’attends. Si j’ai vu juste, j’ai encore toutes mes chances. »

 

         L’attente est longue et Gilles ronge son frein. Le croissant de lune éclaire suffisamment le tertre pour qu’on ne puisse en sortir sans être vu. Enfin, à minuit, la dame blanche apparaît. Son corps traverse sans difficulté l’épaisseur de pierres ! Sans bruit, le Chevalier Noir tire son épée du fourreau et se tient prêt à bondir. Mais la spectrale apparition reprend sa forme de chauve-souris et disparaît dans la nuit.

 

         « Le monstre part à la chasse !... Bon, après tout, cela vaut peut-être mieux. Aurais-je pu frapper assez vite et sans faillir ? Mais si les renseignements de Sargasse sont exacts, la goule ne peut sévir de jour : la lumière lui serait fatale. J’attendrai donc le matin et la tuerai dans son lit de mort. »

         L’attente est longue, et après deux nuits sans sommeil, Gilles doit lutter pour rester éveillé jusqu’au retour du monstre.

         Un peu avant l’aurore, la noctule blanche reparaît, reprend sa forme humaine et rentre dans le tumulus.

         Le soleil se lève. Il s’annonce généreux. Muni de ses épieux, debout sur la calotte du tertre, Gilles creuse une large ouverture. La couche de terre est vite enlevée par ses mains fébriles. La pierre est dure et la tâche s’annonce longue et ardue, mais l’homme est costaud. Sous ses coups rageurs, les moellons se fissurent, se fendent, éclatent. Enfin, peu avant midi, les dernières pierres de la voûte cèdent, ouvrant d’un coup un large trou béant. Le soleil inonde le caveau de sa lumière. C’est bien une sépulture, une crypte antique que le Chevalier Noir vient de mettre à jour et à l’intérieur de laquelle il saute aussitôt sans hésitation. Au centre du tombeau, un sarcophage de granit. Fermé, mais non scellé, par un lourd gisant. L’épée entre les dents, Gilles engage la pointe d’un épieu dans la jointure et, par des mouvements de levier, fait glisser la lourde dalle jusqu’à la faire tomber.

La goule est enfin à sa merci. Mais il ne doit pas la frapper : le soleil fait le travail pour lui. En quelques secondes, ses rayons consument le monstre et le Chevalier Noir s’empare de l’amulette encore brûlante.

 

         « Allons, plus un instant à perdre. Au grand galop, mon vieux Jais. Tu auras ton amulette, sorcière, et ma petite Sarah son précieux remède. Mais je dois reconnaître que cette fois-ci, j’ai frôlé la défaite. »

[ ©  Christian Van Moer  & Chloé des Lys ]

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à suivre   demain                      

 

épisode 5 : La Nymphe de la Source

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A
Et de deux. C'est bien connu, Christian, tu connaîs tes classiques : les vampires n'aiment pas le soleil (ni les miroirs, ni les eaux vives, ni les croix, ni l'ail !).
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B
J'imagine noss Christian avec son canotier sur une Rosinante... allez hop !
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E
Oui en effet, par rapport au hop là d'hier, ici ce fut rude... Il ne se reposera pas, le chevalier, je le sens d'ici...
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C
Tiens, je me suis demandée une seconde si, cette fois, notre preux chevalier serait victorieux !
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C
L'amulette est entre ses mains! Plus que 24h ...
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J
Diable, à l'inverse d'hier, aujourd'hui la tâche fut plus ardue pour ton preux Chevalier Noir, Christian!<br /> La goule quelque peu draculéenne s'est absentée bien longtemps de sa crypte à l'ombre de toute lumière, et puis quelle adresse de s'esquiver ainsi en chauve-souris? Maligne la bibiche!
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