Le chevalier noir, le feuilleton de Christian Van Moer. Episode 1
LE CHEVALIER NOIR feuilleton par Christian VAN MOER http://christianvanmoer.skynetblogs.be/
Au temps des heaumes et des hauberts, il était une fois la forêt du Mauroi…
épisode 1 : La forêt du Mauroi
Depuis son retour de croisade et la mort tragique de son épouse, inconsolable, Gilles Le Galois, baron de Valembourg, s’habille de noir de la tête aux pieds et ne monte plus qu’Ebène, un fougueux pur-sang à la robe noire et luisante, ou Jais, son puissant destrier de même poil. Dans son manoir qui menace ruine, il vit avec quelques fidèles serviteurs et sa fille Sarah, une poupée de dix ans, plus blonde que l’Iseut de Cornouailles, aux yeux ambrés comme le miel, aux lèvres roses comme le vin du pays. Le baron est fou de son enfant et tient à l’instruire lui-même. Le matin, il lui donne des leçons de grec, de latin et de mathématiques. L’après-midi, si le temps le permet, il l’entraîne dans de longues randonnées à cheval, sinon, il lui conte les exploits des héros d’antan. Les Ulysse, Thésée, Jason, Siegfried et autres Lancelot enflamment l’imagination et enchantent les rêves de l’enfant, qui adore ces heures passées avec son père. En ce beau jour de printemps, sans s’en rendre compte, les deux cavaliers ont pénétré trop avant dans l’hostile forêt du Mauroi. Ils s’arrêtent près d’une source pour abreuver leurs montures et se délasser un peu. Ils ne remarquent pas que dans la futaie, deux yeux noirs les observent longuement avec attention. Une vieille femme sort enfin de l’affût. Voûtée, presque cassée en deux, un gros fagot de branches mortes sur l’épaule, elle se dirige vers eux. A quelques pas de la source, elle trébuche et laisse tomber son fardeau. Gilles se précipite pour le ramasser et s’offre à lui porter son bois jusqu’à sa chaumine. Là, pour la peine, la vieille offre à boire : du vin frais pour l’homme, du jus d’airelles pour sa fille. Mais quelques minutes après avoir vidé sa timbale, la fillette s’effondre, sans connaissance. La vieille se redresse, soudain rajeunie de trente ans, et son rire incongru fait bondir le baron, qui dégaine son épée pour frapper.
− Tout doux ! Maîtrisez-vous, Messire. Rengainez votre glaive si vous ne voulez pas voir mourir cette enfant. − Tudieu ! maudite sorcière, que lui avez-vous donc fait boire ? − Un philtre de ma composition, qui la plonge dans un profond et long, très long sommeil. − Mais pourquoi donc ? Qui êtes-vous ? Qu’avez-vous à lui reprocher ? Qu’attendez-vous de nous ? − Qui suis-je ? La fée Sargasse, la maudite sorcière si vous préférez, heureuse et fière de l’être. Ce que j’attends de vous ? Votre aide. J’ai besoin de votre concours. − Mais dans quel dessein, morbleu ? Et pourquoi vous en prendre à ma petite Sarah ? − Ecoutez-moi sans m’interrompre, Baron. Car vous êtes bien Gilles Le Galois, baron de Valembourg, que les gens du pays appellent le Chevalier Noir, n’est-ce pas ? − Oui. Et alors ? − Alors, Baron, votre renommée est grande, l’écho de votre audace et de votre bravoure au combat est parvenu jusqu’à moi. Et je désire que vous mettiez votre vaillance et votre savoir-faire à mon service jusqu’à la prochaine lune. J’ai sept adversaires redoutables à éliminer : c’est vous qui allez vous en charger. Le mois prochain, la nuit du solstice d’été, se tient notre grand sabbat quinquennal. Sous le patronage de Léonard, le Grand Bouc Cornu en personne, on y élit pour cinq ans celui ou celle qui sera le guide suprême de ses serviteurs régionaux. Je compte briguer cet honneur, mais un rival, le Mauleu, est fermement décidé à me le disputer. Avec lui, six hôtes de cette forêt portent au cou l’amulette d’argent qui permet de prendre part au vote. Je veux que vous leur arrachiez et m’apportiez ces amulettes. Tous les trois jours, votre enfant aura besoin d’une dose d’antidote pour ne pas mourir. Je ne vous remettrai cette dose qu’en échange d’une amulette. Vous ne disposez donc que de trois jours pour chacun de vos duels et votre mission doit absolument être bouclée dans les vingt-et-un jours. Si vous terminez dans les temps, lorsque vous me livrerez la septième et dernière amulette, je vous remettrai l’élixir qui réveillera votre fille. Vous n’avez guère le choix, Baron. Ramenez votre enfant à votre manoir à présent. N’ayez crainte, son sommeil est doux, paisible et ne requiert aucune attention particulière. Mais ne tardez pas, surtout. Revenez ici aussitôt après, que je vous désigne un premier adversaire. − Je n’ai pas le choix, c’est vrai, sorcière, mais je vous jure que si ma petite Sarah meurt, je vous réduis en charpie !
[ © Christian Van Moer & Chloé des Lys ]
à suivre demain épisode 2 : L’Ogre du Marais
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