Jean-Michel bernos en invité d'Aloys avec un extrait de son premier roman, L'ombre d'une illusion

Publié le par christine brunet /aloys

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 Les jardins oubliés

 

(extrait de L’ombre d’une illusion, éditions Aparis-Edilivre, Paris 2010)

 

 

Malgré le vent froid d’automne qui faisait tournoyer les petites branches sèches au dehors, la grande et longue serre formait un havre de paix où l’on se sentait presque au chaud. J’y étais parvenu de façon étrange.

 

   Ce jardin lumineux, un peu à l’abandon et traversé par des ruisseaux, gardait une allure coquette et harmonieuse. Les plantes après avoir gagné leur liberté, s’y étaient développées naturellement. Elles avaient su ciseler une harmonie que seule la nature sait toujours trouver, cette fois encouragée par un certain appui. 

 

   Je me trouvais dans une expression de monde protégé, un jardin qui pourtant ne durerait qu’un temps… celui de l’obstination des éléments à garder cette construction vertueuse.

 

   On imaginait seulement le bruissement du vent à l’extérieur, car la serre restait silencieuse, si ce n’est quelques oiseaux qui la traversaient en sifflant.

 

   Il n’y avait pas de chemin dans ce paysage sauvage, mais j’avançais tranquillement. Je sentais un air de paradis renforcé par le milieu protégé.

Je ne voyais pas encore le bout de cette construction et son origine gardait son mystère, mais je ne me sentais pas le courage de me soustraire au besoin d’aller au bout.

 

   Le soleil déclinait déjà, la douce chaleur persistait. Le ciel léger continuait d’éclairer mon jardin d’hiver. Je sentais ce bonheur simple et serein me combler, avec la ferme volonté de ne pas m’abandonner.

 

   Je m’assis un moment sur un tronc bas et parallèle au sol. La création avait joué ici un récital de fantaisie. Je crois que je me serais assoupi, si un doux appel ne m’avait soudain sorti de ma torpeur.

 

   « Je suis le lutin des jardins oubliés… »  Me dit la petite voix !

 

   Avec son minuscule bonnet rouge, ses joues écarlates et son nez pas plus gros qu’un grain de maïs, le bonhomme me toisait, intrépide, turbulent et audacieux.

 

   Je ne vous rapporterai pas l’histoire de cette serre gigantesque, car je veux garder ce secret pour Etienne, mais Biquet-Tom m’en conta toutes les couleurs, les formes et les genres.

 

  L’éblouissante et féerique histoire de la serre des jardins oubliés demeure déjà dans le fond de tous les hommes au cœur pur, qui entrevoient le jardin d’Eden dans tout lieu propice à la méditation.

 

   On y trouve la paix et dans la création, les êtres les plus beaux, les plus sincères et les plus empressés. Fées et petits lapins, agneaux et petits lutins.

 

   Quand les hommes abandonnent leurs projets d’édification, pour méditer sur son sens profond, ils perçoivent l’harmonie et la beauté de la fondation de la vie. La vie reprend ses droits et ses devoirs sans avoir besoin de les lire dans un manuel. L’être qui reste attentif aux valeurs de l’équilibre, s’y fond et s’en abreuve, trouvant en lui-même les forces vives, les chemins et les instruments de la félicité.

 

   Il n’en est qu’un maillon. 

 

 

Jean-Michel Bernos

 

Jardins-oublies.jpg

 


 

Publié dans l'invité d'Aloys

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