Bob Boutique: j'suis pas un écrivain, j'suis un conteur !
J'ai beaucoup hésité avant de demander à Bob de me raconter sa manière d'écrire... J'ai lu les critiques de son bouquin, l'interview donné pour Monde du Livre... Je l'ai regardé interroger avec brio des auteurs pour l'Actu TV... link
On sent son regard affûté. Son site est éclectique... Un regard particulier sur le monde de la culture qu'il développe avec toute l'équipe enthousiaste de l'Actu TV...link
Un humour à fleur de peau, piquant, déstabilisant qui intimide...
J'ai tergiversé et puis le titre du livre, la personnalité de Bob m'ont convaincue... Contes bizarres... J'aime les contes, tous les contes... J'avais donc envie de les lire mais un peu peur aussi... Le monde de Bob me paraissait si... bizarre...
Et voilà, c'est fait: pas déçue un instant ! J'en ai encore le sourire aux lèvres en repensant aux textes que j'ai dévorés, aux héros qui les traversent comme une claque à l'uniformité ! Et dans la foulée de l'enthousiasme, j'ai osé... Je ne lui ai pas posé des dizaines de questions, juste trois...
Je vous livre texto ses réponses... Rien à ajouter... Enfin, pas encore...
« Tu gères ton texte comme tu veux », qu’elle m’a dit la p’tit Brunet. Je l’ai jamais vue, ni même entendue, rien que des mails échangés, mais j’ai sa photo et ma foi… elle est plutôt jolie. Une auvergnate qui vient en réalité d’Aubagne, le pays de Pagnol.
Moi je suis de Belgique, avec des parents hollandais. C’est très différent. Mais on a quand même un point commun. On adore les voyages. J’ai pas mal bourlingué avant de devenir « sache comme une imache » . Qui sait ? P’têt que je l’ai croisée sur un sentier de l’Everest ou au détour d’une piste kenyanne ?
Bon, c’est pas tout ça.
« J'aimerais que tu me parles de ta façon d'imaginer tes histoires et de les écrire. Comment t'est venue l'envie, où tu prends ton inspiration… » et tous ces trucs qu’on raconte dans les conférences de presse pour faire l’important.
Mais qu’est-ce que j’en sais Christine ? Quand j’entame un conte bizarre, je ne sais même pas comment il va se terminer. Et pour commencer, j’écris pas… je raconte. J’suis pas un écrivain, mais un conteur. J’ai une copine qui habite près de new-York et publie des textes que tous on peut les lire dans le grand auditoire de l’université, même qu’il faut prendre des notes pour en discuter après. Elle aligne deux mots, et elle a le prix Concours.
Moi, j’ai une image qui me saute aux yeux, comme ça, un truc qui m’émeut… et zou… c’est parti. J’en fais une histoire et je papote et je papote, comme on raconte un truc qui vient de vous arriver, à table à des amis, entre la poire et le fromage.
La syntaxe en prend un coup bien sûr, le vocabulaire aussi, car lorsque je ne trouve pas le mot qu’il faut, je l’invente et puis, comme j’ai commencé ma vie en allemand et en flamand, de temps en temps, je dérape et je mélange. Mais en général, on comprend. Voilà.
On comprend, c'est sûr... On s'amuse, on apprend... On fronce parfois les sourcils, on relit et on sourit un peu plus à l'humour fin, presqu'ironique du conteur...
« Je me demande pourquoi tes histoires finissent toujours mal... » qu’elle insiste mon interviouweuse… comme si j’étais le mec ravagé qui répand sa bile et son fiel autour de lui.
(Ni bile, ni fiel, Bob... un juste retour des choses lorsque les méchants 's'en prennent un coup derrière les oreilles', comme on dit chez moi!).
Faux mam’selle. Faux. Mes contes sont plein de mecs tordus, de crapaudes et de pauv’types… mais je les aime tous, tous, parce qu’ils sont lamentables comme la plupart d’entre nous… parce que le monde est un univers de fous qui n’est lucide que quelques jours par an, pendant la période du carnaval ! Même que c’est dans ma préface.
Et tac, dans les dents ! pensais-je... J'entends la petite voix de Bob m'avertir qu'il faut toujours lire les préfaces... Bon... Mais je préfère sauter à pieds joints dans les textes, sans les avertissements de l'auteur... Son univers, je veux le découvrir seule pour le savourer tout à loisir...
Mon monde à moi,- poursuit-il, c’est celui de Breugel ou mieux … celui de Bosch, avec des tas de personnages ridicules qui gigotent comme des marionnettes au bout de leurs fils et tout au fond du tableau, dans le lointain, tout petit, un berger immobile au milieu de ses moutons, qui observe en s’appuyant sur un long bâton.
Non, non, je ne suis pas le berger… moi, je danse avec les paysans et les madames aux gros seins et je suis (du verbe suivre) leur procession qui mène tout droit vers l’enfer. M’en fous, j’y crois pas.
Des histoires qui finissent mal ? Mon petit vieux qui tchate avec une gamine de treize ans ne l’a jamais agressée que je sache… et la jeune folle qui s’envole vers la Suède pour y rejoindre un correspondant du net… bon je vais pas tout dévoiler, mais… ça finit… bon vous verrez bien. Et le grand connard qui rate son suicide…
D’accord. Parfois mes personnages s’énervent un peu et assassinent ou se flinguent. Mais jamais gratuitement, par folie, par désespoir, par vengeance… et tous iront au paradis comme dans la chanson de Polnareff, car tous (sans exception) ont été des petits bébés à leur maman avant de virer adultes. Je vous interdis de les juger.
Sur ce, j’ vais me faire un p’tit café. Elle m’a énervée la Brunet…
ça va, Bob, je m'incline devant la force... même si je n'ai pas encore dit mon dernier mot...
Vrai que tes personnages, on ne peut que les aimer, les plaindre, les comprendre... Moi, je les trouve profondément humains, complexes... et très modernes... tellement éloignés des caricatures de Breugel ou de Bosch, trop restrictifs à mon sens...
Situations cocasses, grinçantes, cruelles se succèdent au fil de tes contes dans un délire éminemment humain qui tire les personnages hors de leur statut d'êtres sensés. C'est sans doute ça, l'art du conteur ! Non ?
Mais je vous laisse seuls juges...
Christine Brunet
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