Je retrouve ce style un peu ampoulé, poli, qui vous décrit les situations les plus cocasses comme les pires horreurs avec des mots choisis, un rien vieille France… je reconnais les nombreuses considérations personnelles, souvent très drôles qui émaillent ses récits, mais il y a autre chose…. Les mots sont plus durs, les appartés plus cinglants, le ton plus acide… comme si derrière le nounours se profilait un homme différent, beaucoup moins sociable, beaucoup moins ‘tout l’monde il est beau, tout l’monde il est gentil’, un homme qui nous explique en filigrane que sans l’écriture il trouverait la vie bien terne, insipide…. Ajoutant même que sans cette évasion, il risquerait de plonger dans la dépression ? « je le confesse : c’est la voix de l’expérience qui me fait parler de la sorte, ayant vécu, durant la majeure partie de mon existence, en harmonie parfaite parmi ces zombies dont les préoccupations majeures se résument à manger, à boire, à dormir et à ne pas trop se torturer le ciboulot… » « La lutte pour la survie de mon équilibre mental au sein de cette jungle féroce peuplée de ces ‘beaufs’ m’apparaît aussi ardue, aussi vaine, que le combat mené par Don Quichotte contre les moulins à vent… » Et puis ce paragraphe horrifiant sur un personnage frappé de tics et de tocs, et obsédé par l’hygiène : « Odilon répugne à se nourrir, sachant que cela l’amènerait à déféquer. Une activité naturelle qui horrifie ce maniaque de la propreté. Hélas quand l’ estomac crie famine, que faire sinon manger ? » Et ça continue comme ça. On en reçoit plein la gueule ! On est loin des bisounours ou des détectives minables à la recherche de femmes infidèles. Le théâtre de marionnettes de Magerotte est soudain envahi par des poupées sombres et grimaçantes, paranoIaques, shizophrènes, autistes, déjantées et…. J’ADORE. L’ ‘après’ Magerotte me semble extrêmement prometteur et ce que j’ai lu dans ‘la part d’ombre’ me donne l’impression (mais c’est évidemment très subjectif) qu’ Alain a décidé de casser son carcan d’homme civilisé et conforme pour exploser et libérer sa…. sa quoi ? Sa colère ? Son ennui ? Sa libido ? L’inanité des choses ? « ‘Etronnons’ de concert dans un puissant arôme de défécation conservatoire. Nous conjuguons le son et la lumière dans une symphonie de pourfendeurs de bidules… » etc… etc… Bon, dans ce dernier paragraphe, c’est un personnage de « Beauf blues » qui parle et non Magerotte. Mais ça sort quand même de sa tête, non ? De sa plume ? Puis enfin, comme perdu, égaré au milieu de ces nouvelles délirantes, un bijou ! ‘La maison’. Dix pages pour évoquer la bâtisse de ses grands parents quelque part au fin fond des Ardennes où il passait avec sa sœurs des vacances ou des séjours inoubliables. Un texte d’une sensibilité rare qui apparaît dans ce livre comme un immense coup de ciel bleu dans la morosité générale. Très curieux, étrange. Un très très bon livre. Pour moi, son meilleur. Et je me demande déjà, s’il y aura encore un ‘après’, après cet ’après’…. Pour le reste, c’est comme tous les recueils d’ Alain Magerotte, un livre d’une bonne centaine de pages (10 nouvelles ) avec une couverture en noir et blanc sur laquelle on a oublié de déposer le logo de Chloe des Lys ( ?) et un détail qui m’a un peu énervé… un texte publié avec de larges interlignes. Mais bon sang, qu’ est-ce qui lui a pris ? Amen |