Alexandra Coenraets nous propose un nouvel extrait de "Naissance"
De se rendre compte que, malgré ses efforts pour aller mieux, la blessure archaïque en elle ne se refermait pas, Laurence ne put empêcher un spasme écœurant de surgir dans son estomac, et remonter lentement le long de son œsophage pour distiller, tel un serpent, son venin amer par petits coups de langue acerbe, puis d’inonder sa gorge avec violence, prenant le temps de macérer dans sa bouche et d’en tapisser les parois.
Ah, voilà d’où venait ce goût de saleté pénétrante.
Cauchemars. Dégoût.
Eh oui, j’ai eu une bite dans la gorge à quatre ans.
Le poison se transformait ensuite en colle pour lui clouer le bec.
«Ne dis rien, Laurence, personne ne doit savoir, sinon…»
Il feuilletait distraitement le journal, à la recherche de la gazette sportive, lorsqu’un article qui s’étendait sur deux pleines pages attira son œil.
Etait-ce par hasard ?
Il en lut le titre.
« J’ai été violée par mon père et ma vie fut un enfer pendant longtemps ».
Loïc releva la tête, l’œil noir. Qu’il le veuille ou non, il savait que sa rencontre avec Laurence l’avait sensibilisé à ce traumatisme, et que malgré tout, il se sentait un peu concerné. Cela ne l’empêchait pas de maudire la récupération de ce type d’histoire par une certaine presse.
C’est juste pour le fric qu’ils font ça, ça les amuse de donner en pâture aux gens des histoires sordides.
Le visage de Laurence s’associa dans son esprit à cette dernière pensée.
Au secours, ne me dites pas que ce genre d’histoire arrive près de chez moi, aux voisins, aux amis, dans ma famille peut-être, je ne peux pas le croire !!!
Alexandra Coenraets