Adam Gray nous propose un extrait d'Euphoriques et Désespérées

Publié le par christine brunet /aloys

 

euphoriques

 

Extraits choisis du prologue de …Euphoriques & Désespérées

 

« Qui crois-tu être ? Qui crois-tu être pour oser prétendre offrir au monde un recueil de… poésie ? Qui crois-tu être, hein ? Poe, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine ? Sois maudit, sinistre inconnu ! Et brûlez donc, toi et tes mots !… »

 

Je ne suis pas un poète, non. Mais suis-je seulement quelqu’un ?

Le recueil que vous tenez entre les mains n’est composé que de cela : des chansons écrites sur une période de vingt-deux années.

Je ne suis personne mais, pourtant, j’ai moi aussi mon histoire, comme vous la vôtre, et c’est l’un des chapitres de cette histoire, qui est aujourd’hui clos – gardez bien cela à l’esprit –, que je voudrais partager avec vous. Sera-t-il digne d’intérêt ? Ne le sera-t-il pas ? Il vous appartiendra d’en juger. Mais, pour comprendre le « pourquoi du comment », l’abc, et ainsi mieux appréhender la plupart des textes composant ce recueil, il est nécessaire que je vous ouvre mon cœur aussi sincèrement que je le puis, que je vous laisse pénétrer dans mon âme aussi profond que possible, sans fausse pudeur, sans concession aucune, même si l’introspection peut être des plus douloureuses, et que je vous entraîne sur les chemins tortueux d’une adolescence meurtrie.

 

 

Tous les dimanches, mémé Nana, qui se levait toujours aux aurores, organisait des repas gargantuesques pour toute la famille. Et, bien souvent, nos voisines étaient de la partie, elles aussi ! Je m’étonne encore qu’autant de monde ait pu tenir dans une si petite habitation, d’ailleurs…

À la fin de l’année 1994, elle se hâta de vendre l’appartement pour une bouchée de pain. Elle savait une chose que ma mère et moi ignorions encore : qu’elle n’en avait plus pour très longtemps à vivre (on l’avait déjà sauvée d’un cancer, en 1987). Par-dessus tout, elle redoutait que le frère de ma mère ne nous jetât à la rue, et s’était confiée à l’une de mes cousines quant à ses craintes.

Je ne puis dire si elle avait raison… Je ne puis dire si elle avait tort… Le doute subsistera toujours. Elle voulut nous protéger.

Nous quittâmes donc notre « chez nous » dans le silence et la résignation, dans l’incompréhension et la torpeur ; dans une colère muette, pour ma part. L’argent récolté grâce à la vente, partagé en parts égales, suffit à peine pour acheter ces espèces de meubles fragiles qu’on monte soi-même, afin de remplacer ceux que nous avions depuis des lustres et qui avaient, il est vrai, fait leur temps.

Quelques semaines plus tard, pris au piège d’un appartement que je haïssais et qui était, au sens propre, glacial, nous découvrîmes l’horrible vérité : avec des cotons, des mouchoirs, mémé Nana, des mois durant, avait dissimulé…

Comment appeler ÇA, Seigneur ?

Elle avait un trou, un véritable trou, à la place du sein. Une gangrène… Elle était tellement terrorisée de devoir retourner à l’hôpital qu’elle avait tu une souffrance que je ne peux deviner qu’épouvantable. Elle avait réussi, même, à tromper la vigilance de ma mère, qui, pourtant, la surveillait de très près depuis son premier cancer.

Sa dernière phrase fut la suivante : « Pardon pour la vie que je vous ai fait mener. »

En un mois, ce fut terminé.

Il est évident que la nuit, parfois, quand le sommeil ne vient pas et que nous avons tout le temps de repenser, retenir ses larmes est impossible, et l’on se demande :

« Pourquoi ? »

Avec des si, je serais peut-être toujours chez moi, heureux.

Qui sait ?

Oh ! Bien sûr, je ne souffre plus comme autrefois d’imaginer que quelqu’un d’autre puisse évoluer dans les pièces où j’ai ri, où j’ai joué, où j’ai pleuré, sans doute. Mais un relent de colère demeure…

Point de haine, non ; la haine est le credo des imbéciles.

Parfois, naïvement, je me surprends à rêver de reconquérir ma maison de poupées un jour même si, au final, il me semble que ça ne m’apporterait rien de positif, sinon la souffrance de ne plus rien reconnaître du tout. Et ceux que j’aime ne seraient plus là…

Pourquoi se torturer, alors ? Inutilement, qui plus est.

Ce que je sais, ce qui est sûr, c’est qu’une partie de mon âme est morte le jour où mon sanctuaire m’a été arraché.

Qu’importe la raison. Qu’importe à cause de qui.

 

 

J’eus la chance – ou la malchance ( ?) – d’être chaleureusement encouragé par des professeurs qui eurent mes textes en main, et qui les trouvèrent fan-tas-ti-ques. Quand Monsieur Delfino me dit que mes poèmes seraient formidables sur de la musique, il ne m’en fallut pas plus pour entrevoir, dans mon avenir, le bonheur.

J’ai essayé, oui. Timidement. J’ai d’ailleurs enregistré l’un de mes nombreux textes, Promis à l’Exil, en studio, en septembre 1999. Égocentrique, Pécheur et Que Dieu me pardonne auraient dû suivre, mais développer cela et évoquer les échecs ne m’intéresse pas.

Au fil des ans, j’ai écrit l’équivalent d’une quinzaine d’albums. Peut-être davantage si je devais compter tous les textes que j’ai jetés à la poubelle, parce que trop maladroits ou trop agressifs.

Mes chansons, intimes, bien souvent, reflètent d’anciennes blessures et des joies éphémères. Elles sont empreintes d’amour et de mélancolie, d’effronterie, également, de puérilité et de gravité, de provocation, accessoirement, d’espoirs déçus et d’espoirs tout court. Il me tenait à cœur que nous partagions cela, vous et moi. Une petite voix me dit que c’était ça, finalement, ma voie : l’écriture.

J’espère qu’elle s’ouvrira vers des lendemains plus beaux…

 

 

Nous sommes le jeudi 15 janvier de l’année 2009. Il est 19 heures 47 et je viens de mettre un point final (?) à mon recueil, …Euphoriques & Désespérées. Ça fait très bizarre de se dire que c’est terminé.

Vingt-deux années d’écriture. Un rêve fou avorté…

La page qui se tourne laissera-t-elle place à de nouvelles pages, un peu plus colorées ?

Je ressens une certaine angoisse, je l’avoue.

 

 

Adam Gray

adam-gray.skyrock.com

Publié dans Textes

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A
<br /> Merci à vous, Edmée, Philippe, Micheline, pour vos retours...<br />
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M
<br /> Vraiment émouvant. Merci Adam pour ce partage.<br />
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P
<br /> Merci de nous avoir ouvert ton coeur, Adam. <br />
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E
<br /> C'est très touchant et bouleversant. Mais Adam, te rends-tu compte de l'amour que tu as reçu, cette discrétion dans la mort et la souffrance pour que tu ne saches pas, c'est un cadeau magnifique.<br /> Beaucoup d'amour et de protection, et l'accès à jamais à de précieux souvenirs....<br />
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A
<br /> Parce qu'un jour il faut parler de soi pour avancer...<br /> Merci Martine...  <br />
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M
<br /> Merci pour ces moments de vérité. Touchée! En plein dans le mille! Quelle difficulté que de parler de soi. Merci Adam.<br />
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A
<br /> Bonjour à toutes et tous, et une bonne rentrée également.<br /> Merci Christine - ravi de te retrouver, et j'avais oublié que je t'avais envoyé cet extrait... (C'est tout moi !)  <br /> Merci Carine-Laure, Silvana et Claude...<br /> Christine, à titre d'information, j'ai supprimé mon blog, et j'ai aussi pris la décision de reprendre mon nom réel pour ma/mes prochains ouvrages (espérant recevoir une réponse, je l'espère<br /> positive, de Chloé des Lys quant à mon dernier). Nouvel e-mail aussi - je te l'enverrai.<br /> Belle journée à toutes et tous, et merci... <br />
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C
<br /> Ce n'est pas une présentation commune, que cet article. Envie de le lire, ce bouquin...<br />
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S
<br /> Cher Adam, tes mots jaillissent de la source de ton coeur. Je te souhaite du soleil sur ta route. Et aussi la force de croire en toi.<br />
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C
<br /> Adam Gray, un auteur d'une grande sensibilité. Un parcours de vie assez poignant. <br />
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