Texte 3 : concours "Les petits papiers de Chloé" ; "Lâcheté(s)"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Lâcheté ou pas ?

 

Marie a rencontré Thomas à l'occasion d'une soirée de mariage. Dès le premier regard, dès les premiers mots de Thomas le cœur de Marie s'était mis à battre la chamade. Elle l'avait trouvé parfait et pour tout dire, il lui a avoué que lui aussi l'avait trouvée parfaite. Ils étaient beaux et jeunes comme le sont les princes et les bergères dans les contes pour enfants. Ils s'étaient revus régulièrement. Au fil des mois, ils avaient gardé des papillons dans le ventre. Ils s'étaient fiancés puis mariés.  

 

À présent, restent en eux tendresse, désir, émerveillement, prévenance, amour l'un pour l'autre. Le point fort de Thomas c'est l'expression orale. Quand ils échangent leurs points de vue, Marie renonce à lutter, car Thomas est le plus fort. Au début de la discussion, quand leurs avis divergent, par avance elle le reconnaît vainqueur et au fond d'elle-même elle s'avoue vaincue. Pourtant, elle est une perdante heureuse, comblée. Elle laisse les arguments de Thomas la pénétrer comme peuvent la pénétrer les effluves délicats apportés par une rafale de vent. Ses certitudes vacillent alors comme le feraient des fleurs sous une brise légère. Elle remet en doute ses opinions, mais ce ne sont pas des opinions essentielles, car  elle et Thomas ont tant de points communs. Elle se sent même souvent assez d'accord avec ses propos. Il déploie ses arguments comme le font des ténors du barreau. C'est un spectacle enchanteur. Elle est fascinée par l'audace de Thomas, par sa facilité à argumenter face à leurs amis et leurs parents, par son sens des nuances, mais aussi par sa facilité à rebondir. Quand ils s'étaient rencontrés, elle n'avait pas résisté à son beau regard bleu, mais surtout, à sa voix tellement agréable. Elle avait alors suivi la pente délicieuse de sa conversation, intervenant assez peu, n'ajoutant qu'un détail, une infime précision…

 

À présent, depuis qu'ils vivent en couple, la mère de Marie a formulé plusieurs fois le constat qu'elle est devenue lâche. "Tu te laisses mener par le bout du nez. Tu capitules face aux desiderata de Thomas. J'ai l'impression que son bagout te fait perdre la tête. Tiens, l'autre fois, il avait envie d'un week-end à la mer, tu avais envie d'aller à Paris. Résultat : vous êtes allés à la côte.", a-t-elle remarqué dernièrement. Marie avait répondu : "Je ne suis pas lâche, je suis juste amoureuse, Maman. Nous irons à Paris, un autre week-end, quand Thomas sera moins fatigué. C'est seulement une visite qui a été reportée." Pourquoi se battre pour défendre un choix qui n'est finalement pas réellement important puisque que ce qui compte c'est de goûter à de petits plaisirs aux côtés de Thomas ? Est-ce lâcheté ou amour ? N'est-ce le cœur et la sensibilité qui l'emportent simplement ? Sa mère dit qu'il la manipule. Mais non, c'est la simple caresse des mots qu'il choisit qui l'envoûte, pense Marie.   

Publié dans concours

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A
L'amour est aveugle, c'est bien connu. Mais vivre une vie de couple où seul l'autre a le droit de penser me semble être une vie bien solitaire en définitive. S'en contenter est-il de la lâcheté, ou simplement de la peur?<br /> Voilà un petit texte qui pose de grandes questions...
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E
C'est joliment dit... Le jeune époux qui a toujours raison devant son épouse trop heureuse de lui faire plaisir et de penser qu'au fond... lui faire plaisir est plus important que l'amener à ce qu'il lui fasse plaisir ici ou là aussi... Aaaaaah, l'amour! C'en est, certes, mais cette douce violence risque d'amener des bleus à l'âme...
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J
L'éternelle question dans l'amour... S'abandonner à l'autre, à ses désirs, est-il de la faiblesse ou simplement l'amour inconditionnel ? On a tous connu ça, "dominant" ou "soumis" (je n'aime pas ces mots, mais je n'en trouve pas de meilleurs...) Très joli texte, vrai, en tout cas.
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S
Un texte tout en douceur sur la psychologie du couple... et le regard familial. Joli !
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P
C'est "la caresse des mots" qui me plait dans ce texte...
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