Concours "Les petits papiers de Chloé" : le bonheur est ailleurs - Texte 3
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LES PETITS BONHEURS DE VIOLETTE
La dentelle d'un feuillage, l'odeur du café, la saveur d'un carré de chocolat, la douceur de son peignoir, le chant d'un oiseau, les roses d'un ciel matinal, autant de petits bonheurs qui s'offraient le plus souvent à Violette peu après son lever.
Il arrivait à Violette de regarder défiler les nuages et de trouver en eux l'écho de sa légèreté intérieure.
Jour après jour, elle renouvelait ses remerciements au destin pour les cadeaux qu'il lui avait accordés.
Ce matin-là, elle était montée dans le train et s'était assise en face de deux femmes qui bavardaient. Violette avait l'impression de partager malgré elle quelque chose de leur intimité. Le bonheur d'une de ces femmes tenait, disait-elle, à un déménagement, plus précisément à l'achat d'une maison entourée d'un magnifique jardin.
Violette jeta un coup d'œil sur le paysage. Dehors, quantité d'herbes folles et de fleurs sauvages frémissaient un peu sous le souffle du vent. Cette beauté gratuite n'était-elle pas partie intégrante de la magie du moment ? Observant le paysage et écoutant les deux femmes, Violette se pencha sur son propre vécu : serait-elle plus heureuse si la terrasse de son studio était plus grande ? Non, conclut-elle.
Ce qui est désarçonnant avec le bonheur, pensa-t-elle, c'est que chacun en a une approche différente. Il n'y a pas une recette universelle. C'est tellement personnel. Il ne se définit pas une fois pour toute ni de la même manière pour chacun.
Violette regarda sa bague. Aussitôt, elle replongea dans le passé et revécut des instants de grâce. Elle fut transportée ailleurs et affleura en elle le souvenir de sa grand-mère la lui offrant pour ses dix-huit ans. Des sensations affluèrent : la voix douce de sa grand-mère, ses yeux bleus, son sourire, le délicat mouvement de sa main, le frémissement de ses narines. Elle pouvait presque toucher du doigt l'infinie joie d'autrefois. Ce bonheur-là, c'était son trésor, un trésor d'amour reçu sans condition. C'était bien plus que l'espèce de gri-gri que sa mère appréhendait dans ce bijou de famille.
Pourtant, se dit Violette, le bonheur ne se conjugue-t-il pas d'abord au présent même si de tendres ou forts souvenirs l'habitent à l'occasion. L'instant suivant ne sera du bonheur que si l'on y met une part de soi et pour cela il faut se connaître, être conscient de ce qui fait vibrer et aussi de ce qui entache la qualité de son ressenti.
L'espoir d'un avenir meilleur n'est pas le bonheur, songea-t-elle. Non, espérer c'est juste donner un coup d'accélérateur pour avancer.
Le bonheur passé comme le bonheur futur ne sont pas de vrais bonheurs. Ce qui a un réel prix c'est le temps actuel dans toute son intensité et sa fièvre. Encore faut-il apprendre à le cueillir…
Le train entra en gare. Violette se leva, se dirigea vers la porte, elle sentit des effluves de jasmin apportés par le parfum d'une voyageuse et le bonheur l'envahit tout entière.