Concours : "catastrophes climatiques" Texte 3
Un nouveau monde
Comme tous les matins, je n'ai guère envie de me lever. Et comme tous les matins, maman surgit dans ma chambre avec sa fureur, ses insultes et sa canne prête à se fracasser sur mes draps. Je me lève et me faufile dans la salle de bain. Le climatiseur souffre en sifflant. Il fait déjà vingt-cinq degrés à l’intérieur et cinquante à l'extérieur. Non maman, ce n’est pas ma faute ! Enfin, je ne suis pas le seul responsable…
Depuis que la canicule fait rage et que le plan de survie a été mis en place, il y a déjà près de dix ans, maman déverse sa colère sur la seule personne qu’elle croise. Moi. Elle qui était l’incarnation même de la douceur.
Avant de quitter l’appartement, mon regard se perd à travers la fenêtre du salon, celle devant laquelle maman reste assise toute la journée. Dehors, une ville désertique. Rongée par la chaleur. Les bitumes brûlent en bouffées suffocantes et les fissures lézardent les façades. Au loin, la forêt de mon enfance n’est plus qu’un cimetière de souches. Un oiseau gît au sol. Oui, maman, j’y vais !
Nous sommes le premier samedi du mois, jour de réapprovisionnement. J’enfile mes chaussures aux semelles de métal, je respire à fond et je sors. De l’appartement. De l’immeuble. D’un coup d’un seul, la masse chaude m’ensevelit. Puis elle me saisit la gorge, et s’agrippe à mes membres. Quelques pas suffisent à me couvrir de sueurs âcres, à embrumer ma vue et à accabler le moindre de mes gestes, jusqu’à ce que j’entre et m’assois dans le tramway, seul véhicule à pouvoir encore circuler en ville.
L’aide alimentaire. Les sachets d’aliments lyophilisés. Notre survie ne tient plus qu’à cela. A cela et aux climatiseurs que d’autres pays n’ont déjà plus. La population africaine est décimée, comme une grande partie de l’hémisphère sud. La canicule aura raison de nous. De nous tous.
Chaque nuit, je fais ce cauchemar.
Chaque nuit, je sais que c’est bien plus qu'un mauvais songe.
Un horizon.