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Les quatre-vingt ans de mamie Rose. Au cours du succulent repas, les rires fusent. On attend avec impatience le gâteau de mamie Rose mais cette dernière s’est éclipsée ? On l’appelle. On la cherche dans toutes les pièces, en vain. — Maman est peut-être dehors, suggère Anne, la cadette. — Que ferait-elle dans le jardin alors qu’il fait déjà nuit ? rétorque Paul, un des jumeaux. — Avec son étrange peur, pour ne pas dire sa phobie, de fêter ses anniversaires, maman a sans doute eu besoin de s’isoler avant de souffler ses bougies. Tout à l’heure, en nous voyant tous arriver à l’improviste, elle a failli s’évanouir. Depuis, elle fait la tête comme si on venait d’enterrer l’un de nous. C’est à nous dégoûter de lui faire une surprise ! Je vais voir dans la cour, dit Marie l’aînée. À peine est-elle sortie, qu’elle crie «au secours !». Tout le monde accourt. La faible lumière du perron laisse entrevoir une faille de plus d’un mètre de large qui s’est ouverte au seuil de la maison. Marie a les pieds et une partie du corps dans le vide. Ses mains glissent. Jean attrape sa sœur avec poigne. Il la tire hors du trou béant puis il va chercher la lampe torche dans le cellier. Tandis que des «mamie Rose !» résonnent, le vif éclairage révèle un sol zébré de fissures. Une chaussure abandonnée de l’octogénaire fait penser au pire. De discrets mais incessants craquements se font entendre. Un arbre s’écroule, avant d’être avalé par la terre morcelée qui a sans doute déjà digéré l’aïeule. Effrayés, tous les membres de la famille se réfugient à l’intérieur. Les murs se mettent alors à bouger. Un cadre tombe. Plus aucun téléphone ne fonctionnent. Anne allume la télévision. Ce serait-il produit quelque chose pendant qu’ils faisaient la fête ? Pourtant, aucun flash spécial n’est diffusé. Soudain ! De grands cris de frayeur s’élèvent. Le courant vient de se couper et la lampe torche montre des signes de faiblesse. Jean garde son calme. Il descend à la cave où les bougies sont rangées. — Et si ? — Tais-toi Anne ! ordonne Marie en grimaçant à cause d’une contusion à la jambe. Jean est long, trop long. Denise, sa femme, panique. Marie tente de rassurer sa belle-sœur. Des enfants pleurent. Les adultes prostrés chuchotent « Et si mamie Rose leur avait menti ! » Jean revient enfin. Il chancèle. Il jette des bougies sur la table. Il sent l’alcool. Il a bu. Il s’installe dans le fauteuil où il continue de vider une bouteille de vieille prune. Des lueurs dévoilent des murs et un plafond lézardés. Une eau noire suinte un peu partout. L’air devient glacial. Jean est dans un état semi-comateux. Au lieu de répondre aux questions, il laisse échapper un interminable rire nerveux. La panique monte. Certains se serrent en se disant des mots d’amour, comme s’ils pouvaient être les derniers. Mais « chut ! », il ne faut pas effrayer les plus jeunes. Paul décide d’aller voir dans la cave. Il remonte blême et tremblant. Le verdict tombe : — Au lieu d’écouter papa, nous l’avons fait interner. Le visage maléfique du mur de la cave existe bel et bien. Il est réapparu et il m’a parlé, dit Paul d’une voix chevrotante. — Et je peux vous dire que ce qu’il raconte est effrayant. N'est-ce pas Paul ? dit Jean. — Oui. Et vous avez tous le droit de savoir. À trente ans, après la découverte de sa stérilité, maman a donné son âme pour guérir et nous avoir. Elle ne devait jamais fêter son anniversaire avec ses quatre enfants réunis, sous peine d’entraîner la mort de tous ses descendants. C’est pour cette raison qu’elle s’arrangeait toujours pour partir en vacances ou pour être soi-disant malade à cette date. — Ou pour se fâcher avec l’un d’entre nous, ajoute Jean. Je n’aurais pas du venir aujourd’hui mais une voix m’a soufflée : «Ta maman est malade et affaiblie. Sa mort est proche. Va fêter ses quatre-vingt ans et pardonne-lui !». Ce qui arrive ce soir est de ma faute. — Non Jean ! C’est le diable qui t’a piégé. Il y a dix ans, quand il a fait des révélations à papa, il a procédé de même. Comme Maman n’avait pas le droit d’avouer ce pacte, pour ne pas signer notre arrêt de mort, elle a accusé papa de folie. Cela a été une peine supplémentaire infligée par le démon. — Alors, je pense que le diable ne doit pas être étranger à cette idée de repas d’anniversaire qui m’est soudainement venue, dit Anne au bord de l’évanouissement. — Vous racontez n’importe quoi, rétorque Marie. Le diable n’existe pas. Nous allons vivre. Aussitôt, un rire maléfique et une fumée noire monte de la cave. Le lendemain, le facteur a découvert l’effondrement partiel de la ferme. Le corps de mamie Lucienne n’a jamais été retrouvé. Seules les dépouilles de ses descendants ont été découvertes. Papy Guy avait toujours été saint d’esprit mais cette tragédie lui a finalement fait perdre la raison. Les belles-filles et les beaux-fils, rescapés de ce funeste repas de famille, ont subit le même sort. | ||