Une Nouvelle en deux partie signée Albert Niko : "Colline" - Première partie

Mon ombre me tire jusqu'au train qui me conduira au centre de formation où je suis supposé apprendre un nouveau métier...
C'était une ville traversée par une route toute droite. D'ordinaire j'aime le matin mais d'être rattrapé par tous ces gens montés sur roulettes, plus une caravane de cartables qui s'emballaient à l'approche du bus, je me suis cru aspiré dans le tourbillon d'une cuillère à café et j'ai pas eu un regard pour les collines.
Juste avant d'arriver à la gare, je me suis baissé pour refaire mon lacet et mon ombre était ramassée au pied d'un panneau marquant une voie à sens unique.
Trois semaines plus tard on faisait cercle autour de la manager en chef qui nous servait le débriefing matinal – le genre de femme qu'on s'attend pas à croiser aux cabinets – et le sourire de la mascotte à l'entrée du restaurant me rappelait tante Adrienne quand elle me regardait becter ses gâteaux. Des filles ont applaudi en apprenant que le chiffre d'affaire de la veille était en progression – pour autant nous ne devions pas oublier que le vendredi était un jour de forte affluence et maintenir le cap. Et bien sûr il y avait toujours des places de cinéma pour l'employé du mois. Les filles applaudissaient...
En dépit des rotations de poste, on me trouvait le plus souvent derrière le gril à garder l'oeil sur une bonne dizaine de viandes alignées comme des suppliciés (présentant l'avantage non négligeable de ne pas chercher à rencontrer votre regard) et dont il fallait bien faire gaffe à qui telle et telle devait revenir – les étiqueter en quelque sorte sur tel ou tel visage... Et je vous mets au défi de ne pas vous emmêler les pinceaux quand dans le feu de l'action vous deviez composer avec quatre ou cinq variétés de pièces de boeuf, et trois formats différents de steak haché, et tous ces clients qui s'envolaient à peine leur commande lancée pour ne réapparaître que dix minutes après en objectant que cette entrecôte un peu noirâtre ne pouvait leur être destinée, et vous en relanciez une nouvelle en serrant les dents pendant que dans le même temps un steak haché prenait le même chemin...
J'ai raccroché au bout de quinze jours, sans préavis à observer ni incidence sur ma pension. Prends un gâteau !
Reste que la fraîcheur des nuits d’avril était une bénédiction pour qui sortait du taf en nage et je regrettais jamais de remonter en vélo jusqu'à la gare.