"J'ai vu passer...", un poème signé Alfred HERMAN

J'ai vu passer...
J'ai vu passer d'étranges visages
A Ostende, un jour de carnaval,
J'ai entendu d'étranges langages,
J'ai vu, d'Ensor, l'affreux festival.
J'ai vu cet homme aux longues oreilles,
J'ai vu la femme au nez retroussé,
J'ai vu le gosse aux lippes vermeilles
Sur un singe au regard d'enfoiré.
J'ai vu l'homme au masque de squelette,
J'ai vu la femme au masque chinois,
J'ai vu le gosse au masque à sonnettes,
Taquinant Pierrette au frais minois.
J'ai vu passer le cortège aux masques,
Comme un régal de saintes horreurs,
Le vent l'éructait dans ses bourrasques,
La mer digérait mal ces clameurs.
J'ai vu passer les mêmes visages,
Chaque jour, après le carnaval.
J'ai reconnu les mêmes langages,
Chaque jour, après le festival.
La vie est cet étrange cortège
Qui passe devant nous sans arrêt,
Et chacun, dans ce sot cortège,
Fait, de son masque, son vrai portrait…