Texte n°2 "Les petits papiers de Chloé"

Publié le par christine brunet /aloys

Texte n°2 "Les petits papiers de Chloé"

POUR JUSTINE


Justine, jusqu'à la fin de ta vie, tu te souviendras de ce premier courrier anonyme trouvé dans ta boîte aux lettres. C'était un simple cœur rouge découpé dans un carton, glissé dans une enveloppe rouge sur laquelle était collée une étiquette "Pour Justine". Avant de découvrir le contenu, tu as pensé que c'était une carte envoyée à l'occasion de la fête des secrétaires puisque c'est le poste que tu occupes à l'école Marie Curie. Quand tu as vu, tu as imaginé que c'était un amoureux timide qui s'adressait à toi. Tu as vingt-cinq ans, tu es fiancée à Vivien, tu es jolie, enjouée et sociable. Tu as envisagé une dizaine de noms et tu as souri. Tu as rangé le carton dans le premier tiroir de ton bureau. Tu as commencé alors à considérer quelques collègues, voisins et même un élève redoublant de terminale d'un regard neuf. C'était comme une devinette qu'il te fallait résoudre. Tu étais vigilante, mais considérais les choses d'un œil amusé. Ce qui était sûr : l'inconnu connaissait ton adresse et n'avait pas eu besoin de recourir aux services de la Poste.


Puis il y a eu l'enveloppe rose avec un bouquet de fleurs découpé dans la couverture glacée d'un magazine de décoration que tu connaissais bien, car tu le lisais parfois chez ton coiffeur. Tu as souri de nouveau et cet envoi a rejoint le premier. N'était-ce pas charmant ? Naïve Justine !


Ensuite il y a eu l'enveloppe noire avec la photo d'un couteau de chasse. Au verso, tu as lu "Chaque jour, le risque est présent". Là tu n'as plus souri. Il ne pouvait plus s'agir d'amour, mais de haine, de vengeance, peut-être de déception amoureuse mal assumée. Tu as pensé à des histoires anciennes, à des garçons dont tu avais repoussé les avances. Tu as eu envie de t'épancher. Mais auprès de qui ?

 

Une semaine plus tard, c'était une enveloppe blanche et d'autres menaces : "Si tu ne romps pas avec Vivien le pire t'arrivera !" C'était écrit en lettres noires découpées dans un quotidien. Le collage assez artistique était agrémenté çà et là de cœurs et de ballons multicolores. Il ne s'agissait donc plus d'histoires anciennes. Parler à une autorité et non plus à un ami devenait impératif. Tu hésitais pourtant à te rendre au commissariat. Comment allais-tu être reçue ? T'accorderait-on une attention réelle ? Le hasard a placé sur ta route Daniel B., inspecteur de police, ancien voisin.

 

Tu as abordé Daniel. Il n'était pas en service. Tu lui as proposé de venir boire un café avec toi pour lui parler de ton problème. Tu lui as expliqué ta situation : Tu côtoies beaucoup de gens. Tu es suis fiancée à Vivien qui travaille actuellement à l'étranger. Vous communiquez par skype, vous ne vous rencontrez que toutes les six semaines et comptez vous marier quand il retravaillera au pays. Tu n'éprouves aucune difficulté de relation avec qui que ce soit au collège ou dans ton voisinage. Tu ne tiens pas à entreprendre une démarche officielle. À vrai dire, tu ne crois pas que cela puisse aboutir et sera pris au sérieux.


Daniel t'a conseillé de porter plainte en cas de nouveau message, ce qui selon lui risquait de se produire. Il t'a assuré que la police considérait toujours avec prudence les lettres de maître-chanteur.

 

Plus tard, est venu une nouvelle missive : "Romps. Sinon…" Une part de tes certitudes se perdait, tes points d'appui étaient moins fermes. Cette fois, tu as décidé de te confier à la sœur de Vivien.

 

"Montre-moi le message…"

 

Ce fut rapide !

 

"Ne cherche pas plus loin. Pour moi, c'est clair. C'est Pierrick, mon jeune frère. C'est un ado complexé, mal dans sa tête, mal dans ses baskets et sans doute un peu amoureux de toi. Maintenant, je ne suis pas certaine à cent pour cent !"

 

Trois messages et quelques semaines plus tard, tu as retrouvé Mozart ton vieux chat mort sur le pas de ta porte… Coïncidence, tu as croisé Pierrick avec des traces de griffure sur les mains.

 

À partir de là, il n'y a plus eu de lettre. Mais tu as reçu l'un ou l'autre appel sur ton téléphone. Tu décrochais, tu entendais une respiration et quelques mots à peine audibles avant qu'on ne raccroche.


Finalement tout s'est arrêté et tu as songé : "Tiens, Pierrick s'est déniché une copine et c'est fini !"

 

Aujourd'hui, matin de ton mariage, dans ta boîte aux lettres, une enveloppe avec une étiquette "Pour Justine". À l'intérieur, des cœurs rouges, une photo de chat encadrée d'un trait noir, le mot pardon et en guise de paraphe, un simple "P" au graphisme complexe…

 

À la fin du banquet, comme le veut la tradition, les invités signent le menu des mariés. Dans un coin, tu aperçois l'initiale P que tu ne reconnais que trop bien. Le menu arrive devant toi. Tu lis le nom, Patricia, ta belle-mère…


 

Publié dans concours

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Ah ! la vilaine belle-mère ! je ne m'y attendais pas ! <br /> Un bon texte ! Ah ! si seulement il n'y avait pas le premier !
Répondre
P
C'est terrible surtout pour le chat !!!<br /> Dramatique !
Répondre
S
Voilà une belle-mère bien comploteuse... et tueuse de chat... Grrrrr !!!
Répondre
C
Sniffff !
Répondre
M
Pauvre Justine ! Son avenir ne sera sans doute pas très rose...
Répondre
E
Voici un mariage qui commence bien... Belle-maman est charmante!
Répondre
C
Ah les belles-mères, j'vous jure!
Répondre