Jean-Claude Texier nous propose un extrait de son dernier roman "Loozie Anna"

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-Claude Texier nous propose un extrait de son dernier roman "Loozie Anna"

Loozie Anna, c’est l’histoire d’une seconde naissance dans la recherche de soi-même. Son corps prend une nouvelle vie lorsque sa grand-mère Audrey la sculpte dans l’argile.

Loozie Anna, c’est la recherche d’une identité. Au début du roman, elle part à la recherche de ses racines américaines. Dans la vie sociale, elle s’appelle Adélaïde. Audrey lui suggère qu’elle a une illustre descendance, qui remonte au fondateur la Massachusset Bay Colony Edward Winslow d’où sont nés les États-Unis.

Dans sa vie privée, elle a incarné dans une représentation théâtrale d’Adélaïde de France, la fille aînée de Louis XV, qui fut condamnée à l’exil par la Révolution. C’est ce mythe personnel, qui la lie à son père, qui sera exploité par son amant lors d’un Mardi Gras à la Nouvelle Orléans.

Dans sa vie professionnelle, c’est une brillante linguiste obsédée par les mots, une érudite à la recherche de tous les accents de la langue anglaise. Son aventure amoureuse lui permettra de donner un nouveau sens à sa vocation.

Mais c’est par le biais de l’art musical et de l’amour sincère que lui porte un musicien qu’elle découvrira sa personnalité et par l’intermédiaire duquel elle exaucera le vœu de son père : interpréter comme violoniste le concerto en Ré mineur de Tchaïkovki lors d’une fête du lycée.

UN EXTRAIT...

QUI ES-TU, ADELAÏDE ?

Qui es-tu Adélaïde ?

Es-tu comme tu te rêves à la Nouvelle-Orléans, « fille de colon avant la guerre civile, courant au pied des colonnes, à l’ombre des chênes, entre les orchidées et les gardénias, native d’une terre orgueilleuse, élégante, dont la resplendissante beauté a miraculeusement échappé aux griffes du machinisme dévorant. » ?

Ou la réincarnation de cette Adélaïde de France, fille aînée de Louis XV, musicienne et cavalière, en laquelle ton père voulait te déguiser pour le carnaval ?

Es-tu cette princesse royale véhémente, incarnée lors d’une célébration théâtrale, adjurant sa race insouciante de se réformer avant le séisme de la Révolution ?

Ou encore cette violoniste, animée de piété filiale, accomplissant le vœu de son père de la voir exécuter un jour le plus difficile concerto au monde ?

Serais-tu, comme l’évoque De Rieu, l’Adélaïde de Beethoven, issue de ce poème de Friedrich von Matthisson, celle dont le nom brillera dans les fleurs sur la tombe de son adorateur ?

Es-tu la douce princesse de ton séducteur, ou la hautaine aristocrate rejetant ses avances dans le langage précieux d’une fille de roi sur une scène imaginaire, avant de succomber au bonheur d’aimer ?

Ton nom n’indiquerait-il pas plutôt une descendance mystique, ta noblesse serait-elle d’origine chrétienne ?

Ou bien n’es-tu, comme Edna le devine, comme Alsom le prétend, comme un graffiti le proclame, qu’une adulte qui rêve en vain redevenir enfant ?

Nais-tu réellement dans l’argile sous les doigts d’Audrey, la grand-mère sculptrice, éveillant ta chair à la sensualité avant de t’inviter à l’offrir aux hommes ?

Es-tu cette poupée habillée de chiffons que tu dis sentir en toi dans la solitude et l’abandon, ou bien l’immigrée royale dans sa robe d’apparat, resplendissante sous les trainées multicolores du feu d’artifice d’un Lundi Gras à La Nouvelle-Orléans ?

Et en amour, qui es-tu ?

L’amoureuse de Sébastienne, celle d’Alsom ou de De Rieu ? Parmi toutes les fleurs qui t’environnent, les magnolias et les roses, est-ce l’iris de Louisiane offert par ton amant qui t’identifie le mieux ?

Et que cache ce poème de Yeats prédisant les futurs regrets d’une vieille femme d’avoir ignoré dans sa jeunesse le seul homme qui la comprit et l’aima vraiment ?

Et cet autre poème de Longfellow, que tu cries à Bar Harbour au vent de la mer, t’avertissant d’un bonnet de bouffon dont une belle demoiselle veut te coiffer, est-ce le destin qui se moque de toi ?

N’es-tu, comme le dit la noble visiteuse de ton rêve, qu’une usurpatrice d’identité prestigieuse, et faute de te connaître vraiment, faudra t-il nous résoudre au désenchantement de ton état-civil : Adélaïde Romeuf, irlandaise par sa mère, américaine par sa grand-mère, française par son père, professeur de lycée à Saint-Sauveur par vocation, hantée par les mots, leur sens et leur prononciation ?

N’es-tu simplement et pour toujours, que ces paroles d’une chanson nostalgique de Billie Holiday :

N’as-tu jamais regretté La Nouvelle Orléans

Après y avoir laissé ton cœur ?

Je regrette les vignes vierges couvertes de rosée,

Les grands pins où chantait l’oiseau moqueur.

Et celles que tu répètes lentement, les larmes aux yeux à la fin du rêve, comme une leçon apprise de ton aventure, entourée des souvenirs qui ont illuminé ta vie : Loozie Anna, Loozie Anna ?

Jean-Claude Texier

Publié dans Textes

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E
I am sure that this story will interest the readers with its depth and penetration. An excerpt of the novel suggests a non-standard approach to the subject.
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M
Très belle écriture, beaucoup d'élégance !
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M
Jean-Claude a une très belle écriture.
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