Marcelle Dumont se raconte...

Publié le par christine brunet /aloys

Marcelle Dumont se raconte...

Marcelle Dumont se raconte


En avant pour l’équivalent d’une d’interview, même si j’ai fait à la fois les questions et les réponses.

Je suis née en Hainaut, comme mon père qui était un vrai Wallon, blagueur et bon vivant. Tel aussi mon grand-père paternel, le seul aïeul que j’aie connu.

Maman a vécu son enfance et son adolescence à Ixelles dont sa mère était originaire. Son père était venu exercer son métier dans la capitale, mais il était né dans un petit patelin proche d’Ypres. C’était un pâtissier accompli que Maman a secondé la nuit, dès l’âge de douze ans. Elle trouvait le temps, entre deux régiments de petits pâtés, d’embrasser sa poupée cachée dans un placard. Quelques printemps plus tard, elle a rencontré un « joli petit brun à moustache », venu se perfectionner dans le métier. Ils se sont mariés et ont eu six filles, dont je suis le dernier numéro. Ils ont beaucoup travaillé tous les deux et j’espère, comme dans les contes de fées, qu’ils ont été heureux ensemble.

Entre la rigueur et le réalisme de ma mère, relevés d’une pointe d’humour bruxellois, la gouaille pleine d’esprit de mon wallon de père et son humanité profonde, je me sens très belge.

Je comprends pas mal de patois, du picard au borain, du wallon de Charleroi à celui de Namur, sans être capable de les parler couramment. Mais le français est vraiment ma langue. L’amour de la langue et de l’écriture ne m’a jamais quittée. Il s’est emparé de moi vers les treize ans et il me tient toujours. Donc, à cet âge, j’ai écrit des poèmes satiriques, à la métrique hasardeuse, dont mes proches faisaient les frais.

Un an plus tard, mon inspiration avait changé et je plongeai dans un romantisme naïf. Etape éphémère, là aussi. Servie par un grand sens de l’observation, je suis passée ensuite à la prose, avec des récits, des impressions, des nouvelles. En même temps, je travaillais sur un premier roman, tapé sur stencils. D’autre part, Jean, et moi avions débuté notre collaboration bilatérale. Il assemblait les textes que j’avais tapés sur mon Hermès Baby et j’ai écrit le commentaire de son premier film, sur une coopérative agricole en Hainaut.

De 1960 à 1980 j’ai eu une activité littéraire soutenue. Parution de nouvelles et récits dans Marginales, Le Thyrse et Audace. Sortie de mon roman La Veuve en 1969, chez Pierre De Méyère, adaptations et pièces originales pour le Théâtre de l’Equipe.

Mon activité de journaliste indépendante continuait à me requérir. J’écrivais aussi des textes pour enfants qui ont paru dans Libelle et Femmes d’Aujourd’hui.
Parallèlement, je fus l’assistante de Jean. J’écrivais les dialogues et commentaires de ses films. Je l’ai accompagné plusieurs fois, aux Iles Féroé et au Groenland. Lors de l’un des voyages au Groenland, le but était d’atteindre le plus puissant glacier de ce pays. Ce ne fut pas une sinécure, comme j’en ai témoigné à mon retour, dans Pour un fleuve de glace. Ce récit est inclus dans le coffret que le Ministère de la Culture a consacré à l’œuvre cinématographique de Jean, sous le titre : « Des Marolles au Groenland, Jean Harlez, un homme qui voulait filmer à tout prix ».

A présent, après la parution chez Chloé des Lys de Nuageux à couvert, certains lecteurs ou lectrices s’étonnent de mon long silence littéraire, entre 1980 et 2016.

Mon activité de journaliste indépendante, d’abord à Spécial de 1978 à 1980, puis de 1980 à 2002 au Soir, me laissait peu de temps libre. Mais ça ne veut pas dire que je ne m’épanchais plus dans une écriture plus intime. Et qu’il n’y avait pas d’inédits dans mes tiroirs. La difficulté de trouver un éditeur qui m’accepterait, sans être ruineux, m’a certainement freinée. Enfin Chloé des Lys m’a ouvert la porte et je l’en remercie! Mais il a fallu retrousser mes manches pour réaliser la maquette texte et la maquette couverture. Maintenant en avant pour le second challenge, celui de la promotion. Le vin est tiré. Il faut le boire et non s’y noyer !

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Autour du comptoir (extrait de Nuageux à couvert-page 51)


Willy était de taille moyenne, quand il se déplaçait comme tout le monde sur le sol carrelé de son bistrot. Dès qu’il se retranchait derrière le comptoir, il gagnait vingt centimètres, grâce au plancher. Il n’en fallait pas plus pour qu’il regarde tout le monde de haut.

Il avait commencé par travailler en usine et par contribuer, chaque samedi et chaque dimanche, à la prospérité d’autres cabaretiers. Cela sans compter les lundis de kermesse. Les jeunes filles pouvaient se désoler de voir ce garçon bien fait, aux beaux yeux gris bleu, délaisser la danse ; lui tenait à vivre sa jeunesse.

Un jour, las de s’imbiber comme une éponge et de ne conserver d’appétit que pour les frites et les pickles, il s’était laissé annexer par une future mémère. Il s’était marié, n’avait plus bu que du café fort et, grâce aux largesses de ses beaux-parents, il s’était payé un comptoir dont il allait enfin connaître la bonne face, celle qui aligne les pompes à bière et le tiroir-caisse.

Publié dans présentations

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S
Bravo pour ce beau parcours littéraire et beau succès pour ce nouveau roman Marcelle!
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J
Une vie peu banale, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle ne le dit pas ici, mais elle a collaboré au Peuple et à Germinal, ce qui me la rend sympathique. Sa bibliographie est bien fournie :<br /> <br /> La veuve, roman, Pierre De Méyère, Bruxelles, 1969<br /> <br /> Adaptation de Boule de suif, théâtre, 1973, jouée par le Théâtre de l'Équipe à Bruxelles et en décentralisation<br /> <br /> Les Menottes, théâtre, 1975, jouée par le Théâtre de l'Équipe à Bruxelles et en décentralisation<br /> <br /> Ceux de la bécasse, théâtre, 1980, jouée par le Théâtre de l'Équipe à Bruxelles et en décentralisation<br /> <br /> Adaptation nouvelle de Boule de suif, théâtre, 1993, jouée par le Théâtre de l'Équipe à Bruxelles et en décentralisation<br /> <br /> Regrets éternels, théâtre, 1994, pièce en un acte jouée par le Théâtre de l'Équipe à Bruxelles et en décentralisation
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M
Merci à Jean-louis et à Edmée de me manifester une nouvelle fois leur sympathie. Dès demain je commande Villa Philadelphie car Edmée a également éveillé ma sympathie et me curiosité.
E
J'ai déjà manifesté ma grande curiosité pour cette auteure, qui a eu une vie bien peu banale jusqu'à présent!
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