Loozie Anna de Jean-Claude Texier, une chronique de Jean-Michel LEOST
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LOOZIE ANNA, roman de Jean-Claude TEXIER, présenté
par Jean-Michel Léost dans le
N° 478 de l’AGREGATION
(Décembre 2015-janvier 2016)
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Voici le second volume de L’Elitiste, Loozie Anna. Même cadre : le lycée Edith Cavell de Saint-Sauveur sur Marne ; même milieu : professeurs et administration ; mais le moment du récit est antérieur à l’arrivée de Roméo de Rivera, ce chef d’établissement qui, par sectarisme et par opportunisme, prendra plaisir à détruire l’œuvre de son prédécesseur. Tout cela sur fond d’actualité, d’un monde en mouvement, où se croisent les interrogations, les doutes des enseignants, et de multiples thèmes comme l’amitié, l’amour, l’homosexualité, l’adoption et la filiation.
Mais s’arrêter à ces aspects serait s’attarder sur les voies secondaires qui mènent à l’essentiel. Certes, on voit Charvache, ce proviseur d’apparence autoritaire et élitiste, s’employer, pour réparer les effets de Mai 1968, à rendre son lycée exemplaire, cherchant à y attirer les meilleurs élèves et à faire germer les talents cachés ; certes, on y retrouve les petites intrigues propres à tout établissement, les oppositions entre les tenants de la transmission des savoirs et les héritiers de l’idéologie soixante-huitarde, ainsi qu’une réflexion sur la vocation et l’engagement d’un professeur ou d’un chef d’établissement. Mais ce roman est d’abord un roman d’amour ou, plutôt, un roman sur la naissance de l’amour, ses illusions, ses incertitudes et, plus généralement, sur l’être et le sens de l’existence.
Qui est véritablement Adelaïde Romeuf, agrégée d’anglais, et pourquoi ce surnom étrange et ensorcelant de Loozie Anna, forgé sur le nom du pays où pour elle tout a commencé : Louisiana ? Quel est cet étranger rencontré par hasard en Amérique, ce don Juan, ce prétendu universitaire qui se révélera un escroc ? Après l’avoir séduite à La Nouvelle-Orléans, il la délaissera sans savoir qu’il est père, la retrouvera et la quittera comme si elle n’était pour lui qu’un objet de distraction et de plaisir. Sait-il seulement lui-même qui il est ? Adélaïde a beau faire, elle ne peut se séparer du personnage de Loozie Anna dont elle voudrait tantôt se détacher, avec lequel tantôt elle se confond. Car ce roman est aussi un roman d’apprentissage où l’héroïne se cherche et se transforme : un roman sur la quête de soi, le sens de la vie et le secret du bonheur. A la fois une recherche du temps perdu et une recherche d’identité.
« La vie n’est qu’un théâtre », écrivait Shakespeare. Dans ce roman, comédie et vérité s’entremêlent, avec pour apothéose un Mardi gras à La Nouvelle-Orléans. Les personnages jouent la comédie, ils se jouent la comédie, ils mentent aux autres comme ils se mentent à eux-mêmes : c’est ainsi qu’ils se révèlent. Jusqu’au professeur de musique, secrètement amoureux, qui veut dissimuler ses sentiments et garde jusqu’au bout l’espoir que son fol amour se réalisera.
Ce roman retrace le destin d’Adélaïde. Destin inachevé : les dernières lignes laissent entendre que rien n’est jamais fini. Adélaïde se perpétuera-t-elle dans la mélancolie de l’acteur qui, ayant quitté son masque, revient à la réalité ou se métamorphosera-t-elle en son double obsédant, Loozie Anna ?
Jean-Michel Léost
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