Paris Dakar, une nouvelle extraite de "SABLES", le nouveau recueil de Laurent Dumortier

Publié le par christine brunet /aloys

Paris Dakar, une nouvelle extraite de "SABLES", le nouveau recueil de Laurent Dumortier

PARIS DAKAR

L'enfant n'avait été que blessé mais ça ne s'était pas déroulé aussi facilement que les autres fois... Le père n'avait rien voulu entendre et encore moins accepter l'argent qui était utilisé à ces fins...

Philippe Moreau, lui, n'en avait cure. Il était dans les pilotes les mieux placés et il avait fallu que ce sale gamin traverse la piste au moment où il filait à toute allure en direction de l'arrivée. Par chance, il avait pu redresser son engin à temps et éviter une chute qui l'aurait fait échouer si près de la victoire...

Il avait vaguement jeté un coup d'oeil en direction de l'enfant, mais sans plus...

Tandis qu'il redémarrait en trombe, la mère voulut se lancer à sa poursuite, mais le père l'en empêcha, le regardant s'éloigner...

Alors que le sportif mangeait tranquillement en compagnie de ses coéquipiers, un brouhaha éclata à l'entrée de leur tente. Un homme fit irruption dans la pièce et se dirigea vers le pilote.

Le visiteur se mit alors à l'injurier et finit par lui cracher dessus. D'un bond, Moreau saisit l'homme à la gorge mais ce dernier parvint à se dégager. La haine transpirait sur son visage. Il tendit son index en direction du pilote, murmura une suite de paroles incompréhensibles et quitta les lieux, en jetant un dernier coup d'oeil vers son interlocuteur.

Moreau était prêt à jurer que l'homme avait esquissé un sourire...

Le lendemain matin, alors qu'il allait reprendre la course, il fut soudainement pris de coliques et n'eut d'autre choix que de sortir se soulager. Mais un phénomène curieux se produisit : ses excréments ressemblaient à s'y méprendre à un mélange de mortier...

Il n'y prêta guère attention – mettant cela sur le compte de la nourriture locale - et démarra en trombe en direction de la ligne de départ...

Cela faisait maintenant plus d'une heure qu'il roulait lorsqu'il fut pris de nausées. Il jeta – plus qu'il ne gara sa moto et courut à quelques mètres de là. Les vomissements semblaient ne jamais vouloir s'arrêter et Moreau constata, avec stupéfaction, qu'il crachait... du sable, en quantité de plus en plus importante.

Il se redressa promptement mais retomba aussi vite : ses pieds avaient disparu, s'enfonçant (se transformant ?) dans l'étendue sableuse. Ses mains disparurent à leur tour, puis ses cuisses et ses bras et ainsi de suite jusqu'à ce que...

De Philippe Moreau, il ne restait désormais plus que quelques larmes de sable, emportées par le vent...

Laurent Dumortier

gsl.skynetblogs.be

Publié dans Nouvelle

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J
Récit qui dénonce, j'adore ! Plus que faille d'un système, c'est la racine du projet même qu'il faut déterrer, et le père , sans pouvoir déterrer la hache de guerre, n'a que sa colère et la dignité de sa misère pour " pointer " l'horreur et l'injustice ! Bravo Laurent , pour ce texte qui DENONCE une triste réalité, pour cette amenée que tu réalises toute littéraire et voulue choquante d'une parmi tant nombreuses injustices qui déséquilibrent ouvertement, aux yeux des organisateurs, des participants, des téléspectateurs friands de ce type d'événements qui, manifestement baignent dans l'opulence de l'argent et des ego malades ! J'aime ce cri que tu as écrit !
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D
Histoire angoissante mais super ! J'ai beaucoup aimé.
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M
Une histoire qui donne à réfléchir. J'ai adoré !
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C
Justice immanente...
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S
J'ai beaucoup aimé ! Au début je trouvais le style trop lisse et puis après j'ai été prise dans le récit. Comme happée...<br /> Et puis, ça pique de curiosité quant aux autres nouvelles dont le point commun serait selon toute vraisemblance LE SABLE...
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J
Cette utilisation de la magie donne au récit une autre dimension et lui fait dépasser le simple fait divers.
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E
Un récit qui comporte une belle vengeance - bien méritée - et particulièrement bien mise en scène. Carine-Laure, tu émerges du terril?
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C
@ Marie-Noëlle: je sais à peine lire et écrire depuis la lecture de ce texte. Je disparais sous les terrils de Charleroi. Heeeeelp.
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M
Ce n'est pas raisonnable de lire à 6 heures du mat ! Le retour du marchand de sable, enfin nouvelle version (je plaisante )
M
Bonjour Carine-Laure, Heureusement, les petits oiseaux chantent à 6 h du mat :), c'est magique. Disons qu'avec ce texte ça ressemble plutôt à de la magie noire. Sérieusement, j'ai pensé à tous ces accidents sur les populations lors de ces rallyes. Ce pilote qui "vaguement" jette un oeil à l'enfant...et d'une certaine façon la terre à laquelle il n'appartient pas, lui rend bien son dédain....
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C
Une lecture angoissante, là, vers 06 h du mat.
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