Régine Laprade est l'invité d'Aloys
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Ce n'est pas la première fois que Régine Laprade (c'est son pseudo d'auteur) passe dans notre blog... Toujours un plaisir de l'inviter !
Pour rappel, une petite biographie...
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Régine POISSON est née le 4 mars 1946 à Carlux , en Périgord, dans la maison où sa mère et sa grand-mère ont-elles mêmes vu le jour :cette maison qui s’appelle La Prade.
Elle a passé son enfance et son adolescence à Casablanca , au Maroc, où ses parents sont partis enseigner. En 1962 elle arrive à Bordeaux où elle entame ses études de médecine.
Médecin,Régine a complété sa formation par un diplôme de physiologie du travail puis d’ergonomie et fera toute sa carrière professionnelle à Brive. Passionnée par l’analyse des conditions de travail et leur amélioration, elle s’implique dans des études sur le bruit, le port de charges,la psychopathologie du travail etc…
Divorcée,retraitée depuis 2006, elle partage sa vie entre Brive et La Prade dont elle a pris le nom pour écrire.
Son premier roman « Le collier d’ambre » est paru en avril 2011 chez Pierregord. Il dépeint le portrait d’une femme insoumise et rebelle,libre avant l’heure.
Le second « Le camion blessé » paru en octobre 2012 aux Monédières , trace le portrait d’un Creusois qui après avoir rêvé sa vie a vécu son rêve jusqu’au cauchemar.
Elle a présenté « Le bois de mon père » à la foire du livre de Brive 2013.Ce roman édité aux Monédières, ouvre une fenêtre sur le passé,nous ramène à l’été 1944 et relate une histoire qui rejoint l’Histoire.
Cette année encore elle sera présente à la foire du livre de Brive les 7,8 et 9 novembre avec « Le vieux cahier » ,sorti le 12 octobre aux Monédières.
L’amour, la jalousie, le crime, le bagne, le suspense, le mystère s’entremêlent dans ce quatrième roman.
Je vous propose de découvrir à présent un extrait du dernier roman de Régine "Le vieux cahier"
Pierre n’avait pas tort, cette petite allait déboussoler les mâles du village de tous âges.
Lorsque j’étais enfant ,à l’évocation de Mathilde, les vieux parlaient encore de ce tourbillon.
Imaginez un mélange d’imperfection et de beauté, un personnage tout en contraste un teint mat ensoleillé par des yeux clairs pailletés, couleur de topaze. Des paupières bordées de longs cils, des cheveux bruns qui tantôt couronnent de grosses nattes un front droit,tantôt flottent en désordre sur des épaules rondes. Une poitrine menue aux tétons provocants,agressifs sous le corsage de coton léger,et des hanches généreuses. A la fois enfant et femme. Une bouche un peu trop fendue,un écrin corail pour des dents aussi parfaites que des perles .Un sourire dont on se demande s’il est féroce ou enjôleur .Insolent ,c’est sûr. Naïf, pourquoi pas ?
Elle pousse hardiment les brouettes de linge jusqu’à la Vézère. Elle pourrait retrouver les femmes du village au lavoir,mais préfère le bord de la rivière. L’eau n’est pas profonde mais bien courante. Pour installer son lavendeirou,elle piétine l’herbe:ça sent la menthe.Les genoux sur un coussin de paille,manches retroussées,croupe en l’air,elle frappe vigoureusement serviettes et torchons de son battoir de frêne. Son corps tout entier semble danser sur un rythme primitif,sauvage,sensuel.
Elle rince quelques chemises de toile épaisse dans l’eau vive. La cendre de bois qui a fait office de détergent laisse dans le courant une traînée laiteuse.Demain il faudra repasser avec un fer énorme, lourd,garni de braises. Sa lessive terminée, jupe retroussée jusqu’en haut des cuisses,elle patauge dans l’eau comme une enfant,s’éclabousse,s’esclaffe. Son rire comme ses cheveux coulent en cascade.
Les femmes en passant lui jettent un coup d’œil torve et murmurent :
- Ca finira mal ! Cette fille est le diable personnifié.
Les hommes ont le regard qui s’allume, s’embrase,caresse ses jambes,ses cuisses,ses hanches. Ils s’attardent, s’appuient au parapet du pont pour la contempler plus longtemps. Elle ne rougit pas.
- Elle n’est pas farouche, disent-ils.
Les nouvelles à la campagne se propagent à une vitesse télégraphique. Point n’est besoin comme aujourd’hui de téléphone. Le vent sans doute emporte les mots .Jeunes et vieux entendent parler d’elle,la rêvent,l’imaginent. Ils veulent la voir, l’avoir.
Régine Laprade