Marie-Noëlle FARGIER présente son roman "La Bukinê d'Anna"

Publié le par christine brunet /aloys

Marie-Noëlle FARGIER présente son roman "La Bukinê d'Anna"

Mon histoire et celle que j’ai écrite se déroulent à Vals près le Puy (autrefois « la Val du Cros » : la vallée du tombeau) sur un site appelé le Crouzas (le Grand Tombeau) où de drôles de logis en pierre sèche, de forme ogivale se prélassent sur un sentier « canyoneux ». Ils se nomment chibottes. Monsieur Albert BOUDON LASHERMES , érudit de la région, attribue à ces chibottes une existence vieille de plus de mille ans avant Jésus Christ. D’après lui, c’est un peuple ligure qui les aurait construites. A mon tour, j’ai attribué à ce peuple un nom, des visages, des pensées, des rites…en offrant à ces étranges logis, des hôtes. L’histoire qui se passe plus de mille ans avant Jésus-Christ pourrait exister aujourd’hui et demain. L’être humain a t-il tellement changé ? L’histoire est basée, si je puis dire, sur la nature humaine et sur ce que je crois être son principal fléau : la séparation (la séparation inéluctable, la séparation exigée, la séparation subie) qui, terriblement, rime avec la discrimination sous toutes ses formes. Pour étayer ceci, j’ai souhaité mêler ma « biographie » (banale, similaire à tant de personnes) au récit de mon manuscrit.

Il y a 51 ans, je vivais dans un ventre pointu, non pas rond, pointu : laissant présager la venue au monde d’un petit garçon…après deux jolies petites filles : Edith et Josiane, c’était de bon augure. Le nom restait ainsi sur le livret de famille. Par une nuit enneigée et verglacée, le 27 décembre 1963, dans une petite chambre qui abrite encore mes songes, je naissais.

Belenda donne la vie en abandonnant la sienne, à une petite fille, Matobe, l’enfant est aveugle et la tribu d’Hélios sacrifie les enfants malformés. Matobe n’a pas de père, Belenda est morte en emportant avec elle ce secret.

…C’était une nuit d’hiver éblouie par un ciel étoilé, les arbres luisaient de paillettes d’une pureté immaculée. La terre verglacée craquait, se fissurant comme pour ensevelir toutes les souillures.

Varna, fille aînée, était restée toute la nuit auprès de sa mère, Belenda qui enfantait…

Cinq ans plus tard, ma grand-mère Anna, mon miroir, après une longue maladie, me faisait quitter l’enfance. Puis ce fut des années rythmées par les journées écolières dont une seule phrase subsiste « tu es encore dans la lune Marie-Noëlle » (chez moi on m’appelait Nono ou Noëlle) mais égayées par les patins à roulettes qui glissaient sur les rues et sur tous les chemins avec mes amis du quartier.

…Elle, qui aime courir jusqu’au rempart en s’imaginant aigle volant au-dessus du monde. Il lui arrive de se pincer les joues pour être sûre de bien exister tant elle aime la vie, la musique, le soleil, la pluie, la neige, le froid. Elle se fond parmi les chênes, les saules pleureurs, les ormeaux, les noyers, tous ces arbres majestueux, elle danse autour d’eux pour leur rendre grâce...

Mais cette liberté allait prendre fin quelques années plus tard en échouant dans un pensionnat où les poupées et les robes étaient interdites. Par contre cette année là, j’allais rencontrer l’Egypte, les pyramides et l’algèbre où les problèmes n’existaient plus. Cette rencontre allait me réconcilier avec l’école et faire naître mes premiers poèmes.

Inanna et Varna, les sœurs de Matobe, décident d’enfreindre la loi meurtrière et de cacher leur petite sœur à la forêt de l’ombre, lieu maudit et interdit aux habitants de la tribu.

…Sept ans que Varna vit comme une recluse et pourtant elle a atteint une sérénité de l’âme, les Dieux la suivent à chacun de ses pas. Toutes ces années passées près de sa sœur à la câliner, à lui donner ce que Belenda n’avait pas su lui donner : la tendresse maternelle. Matobe a sept ans aujourd’hui, Matobe si pleine de lumière…

Bachelière, mariée et maman, j’enchaîne les petits boulots avant de tenir un petit bar où la fréquentation des nantis et des plus démunis me réveillent (j’écris) puis je travaille dans un hôpital psychiatrique comme agent de service avant de devenir aide-soignante et secrétaire médicale (j’écris). Face aux patients et à leurs souffrances, j’écris. Face aux douleurs de la vie, deuils, séparations, arrachement d’être cher, j’écris.

…Inanna n’a pas revu Matobe depuis le jour de sa naissance. Grâce à Varna elle peut l’imaginer aisément. Il lui arrive même qu’elle surgisse dans ses songes : elle la berce dans ses bras. Ce rêve est si réel qu’elle connaît Matobe dans la douceur de sa peau, dans la couleur de ses yeux, dans son odeur. Quand elle rêve d’elle, elle combat pour retenir son rêve contre l’éveil qui l’arrachera à ce moment d’amour. Quand Matobe était encore bébé, elle lui créait des poupées dans ses étoffes. Avant de les transmettre à Varna, trait d’union des deux sœurs, elle serrait la poupée contre elle pour l’imprégner de tout son amour, comme si ce jouet que Matobe allait tenir dans ses bras transmettrait à son tour tous les sentiments qu’Inanna éprouvait pour sa petite sœur, une façon de combler ce manque infini, et peut être aussi un peu…comme les papillons d’Elhonna…

Face à tous les visages connus et aimants qui s’effacent, semblables à la tribu d’Hélios, ou qui ont pris le nom de « Buluc », j’écris. J’aspire pour eux au dénouement de mon manuscrit. Aujourd’hui, je regarde et garde seulement les quelques visages aidants et combien Sages qui ont été et seront toujours là, sans jugement… Sagesse que porte beaucoup de mes personnages, dont un, Varna, qui répond à sa sœur, Inanna qui ne comprend pas le rejet des gens de son peuple :

- … Le malheur épuise les hommes Inanna. Quand père est parti, ils nous ont plaintes, notre malheur était neuf, inhabituel et pour cela attirant pour notre petit peuple, ils aimaient le partager mais quand le malheur s’enracine comme avec la mort de mère et mon départ, il devient alors une malédiction. Il est terrorisant, incompris. Les hommes préfèrent penser que les Dieux nous ont abandonnés ou que nous sommes nous-mêmes responsables de tant de douleur…

Comme je le dis précédemment, la rencontre avec les Dieux m’a fascinée, et s’est poursuivie toute ma vie. Obligatoirement, le temps a pris une autre dimension, est devenu insaisissable, confus, désordonné. J’ai souhaité transmettre dans mon manuscrit cette notion jusqu’aux dernières phrases de « la Bukinê d’Anna », qui invitent le lecteur dans un autre espace-temps qui sera la suite de ce manuscrit. On entendra donc encore le son de la Bukinê avec, à ses côtés, la suite de ma biographie…si les Dieux l’autorisent… J et je Vous écris…

Marie-Noëlle FARGIER présente son roman "La Bukinê d'Anna"

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M
Étant plutôt adepte de romans de science-fiction / fantastique / heroic-fantasy (harry potter, tara duncan, eragon, twilight, etc), ce livre n'était pas un choix habituel pour moi. Pourtant, j'ai très vite été charmée par le style très particulier de l'auteure, d'une grande beauté et rempli de poésie. Ceci rend la lecture d'autant plus plaisante, et autorise beaucoup d'empathie avec les personnages principaux, touchants et attachants. Enfin, le message véhiculé par le livre : paix et amour, m'a beaucoup touchée. J'attends la suite avec impatience !!
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M
Bonjour Miléna,<br /> J'aime également beaucoup la science fiction/ fantastique...et j'adhère à tes références. Oui, la suite arrive ! et j'espère qu'elle te plaira autant. Merci de tes mots, c'est un réel plaisir quand l'alchimie "écriture-lecture" aboutit :)
M
Le livre de M-Noëlle Fargier a tout d'abord la qualité première que l'on attend d'un livre : on le commence et on ne le lache plus avant de l'avoir fini. Une fois fini (trop vite !) on réfléchit à l'alchimie qui permet cet effet : une belle histoire qui commence avec une forte intensité dramatique et qui révèle des personnages attachants, un contexte historique juste évoqué sans alourdir le récit, un parti pris de l'auteur de se focaliser sur les ressentis des acteurs de cette histoire. Sur ce dernier point, l'authenticité et la justesse des émotions et réflexions humaines en font un récit à portée universelle -au dela des 3000 ans qui nous séparent de ces trois sœurs. Pensée magique, résilience, tolérance et diversité : l'essentiel y est. Super !
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M
Merci Marie-Lise pour cette belle "pensée magique"
L
En une après-midi, je me suis plongée dans cette histoire, sentiment, amour,fragilité,humilité .. .Un roman facile à lire, je me suis" glissée" dans les paysages au milieu des chibottes, et de toutes ses fleurs et ses senteurs,avec ses personnages si attachant et si différent. Merci, M-Noëlle pour cette lecture qui me laisse songeuse...
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M
Merci Laurence d'avoir été sensible à ces quelques mots. J'aime beaucoup la nature et je souhaitais faire partager toutes les sensations qu'elle nous procure. je suis comblée quand je vois que les lecteurs "répondent". C'est bon d'être songeuse :)
C
une écriture toute en poésie, des mots tout en douceur, j'ai fait un merveilleux voyage accompagné de personnages avec leurs différences. Lorsque je retournerai voir nos chibottes je ne les verrai plus avec le même œil, j'y entendrai je crois la Bukiné qui me soufflera que la différence des autres fait notre richesse à tous. Merci Nono pour ce livre, j'attend la suite avec impatience. Bisous
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M
Merci Hélène de ton commentaire. Oui, nous aimons nos chibottes. Et je suis heureuse que le son de la Bukinê te soit parvenu. Merci à toi de ta généreuse lecture. Bisous
S
Marie-Noëlle,<br /> Je viens de terminer votre roman (lecture d'une traite !) J'ai vraiment passée un moment très agréable à la lecture de cette belle histoire riche de détails qui nous transporte dans l'environnement de ces 3 soeurs. Un beau voyage et une belle morale sur la différence. Merci
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M
Merci Saïda, heureuse que vous ayez pris du plaisir avec "La Bukinê d'Anna". J'ai toujours été très sensible à "la différence" dont certains en font une pauvreté alors qu'elle est une si grande richesse. C'est un bonheur lorsqu'on écrit de voir qu'un de ses messages a été perçu.
I
Comment ne pas se laisser transporter par ce voyage. Je rejoins le commentaire de Clotilde. Une histoire, un message, une poésie, tout cela entrelacé dans la mythologie.
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M
Merci Isabelle d'avoir accueilli ce voyage. La mythologie me fascine et j'avais envie de partager, en toute simplicité, cet univers, que je trouve tellement ressemblant aux vieilles pierres du "Crouzas" que je nomme "la Cité d'Hélios" dans mon roman.
V
A travers ce roman, j'ai vraiment ressenti l'important travail d'écriture fourni par l'auteur : le style est travaillé et le vocabulaire riche. Les descriptions détaillées nous permettent de très bien visualiser les personnages auxquels on s'attache très vite, les lieux, les chibottes, la flore... L'histoire qui se déroule dans un passé lointain, nous entraîne dans une intrigue dont on a hâte de connaître le dénouement. Les références à la mythologie apportent une spiritualité qui est une partie importante de l'histoire et des personnages. Bien que se déroulant il y a 3000 ans, ce roman décrit des comportements humains très actuels. En résumé, voilà un premier roman très prometteur et un auteur à suivre.
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M
Merci à tous et à chacun :)
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M
Merci Clotilde pour votre commentaire. J'ai souhaité que "La Bukinê d'Anna" soit d'abord un hommage à la nature que j'aime tant et aussi un témoignage sur ce que l'homme est ou peut-être quelque soit l'époque dans laquelle il vit. Merci de vos encouragements.
P
Je suis également attiré par la présentation de cet ouvrage.
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J
Je ne peux mieux ajouter que de dire tout l'intérêt que suscite cette présentation, je rejoins le commentaire de Carine-Laure et ceux de mes collègues.
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C
Pas mal, ce parallèle entre la vie de Matobe et celle de l'auteur... Ce scénario me ferait presque penser à un film de Lelouch que j'avais beaucoup aimé ! :)
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E
Moi aussi je suis séduite par la présentation et la nature de l'auteur!
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C
Cette présentation me donne envie de lire le livre... A suivre, donc !
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C
Un roman qui mérite que l'on s'y attarde. L'histoire est originale, un retour dans le passé, le parallèle entre deux mondes, en somme. Et ce thème, celui de la séparation, véhiculé entre ces lignes creusées dans une anthropologie.
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