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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille" : les résultats !

Publié le par christine brunet /aloys

 

Quatre auteurs se sont frottés à la citation de Tristan Bernard "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille".

 

Texte 1 Carine-Laure Desguin   1 vote

Texte 2 Philippe Desterbecq      2 votes

Texte 3 Micheline Boland          1 vote

Texte 4 Christian Eychloma        3 votes

 

Les lecteurs ont plébiscité le texte n° 4. ... ;-)

 

Bravo Christian et merci aux participants !

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille" : dernier texte, le n°4

Publié le par christine brunet /aloys

La tante d’Amérique

 

Tom ne comprit que vers ses treize ans la nature du « voyage » d’Adèle. 

Depuis qu’il était en âge de poser des questions, il s’était toujours entendu répondre que cette tante avait, peu après le décès de son mari et pour en oublier le traumatisme, rejoint un mystérieux correspondant en Amérique du Sud. Bon… « traumatisme » et « correspondant » n’ayant probablement pas été les mots utilisés au début !

Il avait appris à l’école que l’Amérique, même limitée à l’Amérique du Sud, c’était grand. Très grand. Pourtant, chose un peu surprenante, ses parents ne lui avaient jamais révélé où précisément elle s’était établie, ni avec qui, bien qu’elle leur fît parvenir des nouvelles de temps en temps.  Sa mère, la sœur de tante Adèle, née Dupuis, lui lisait régulièrement des lettres assez brèves dans lesquelles  cette dernière parlait sobrement d’une vie de rêve dans un environnement exotique. 

Courtes missives toujours très commentées, d’autant plus qu’elles se trouvaient parfois agrémentées d’une photo d’Adèle prise devant un paysage à couper le souffle. Trop jeune à l’époque où elle était partie pour pouvoir se souvenir de ce à quoi elle ressemblait, ces photos étaient tout ce qui lui permettait de se la représenter. Sans surprise, elle était visiblement plus âgée que sa mère que ses grands-parents avaient eue « sur le tard », comme on le lui avait dit.

On en discutait souvent à table et, au fur et à mesure que les années passaient, Tom trouvait les explications de sa mère de plus en plus indigentes, celle-ci revenant sans cesse sur les mêmes observations enthousiastes  tout en éludant les questions trop précises. Quant à son père, Tom trouvait qu’il participait trop peu, se contentant en général d’approuver ce que disait sa mère. Sans parler de ces allusions énigmatiques et de ces fréquents sous-entendus qui l’excluaient de fait de la conversation. 

A onze ans, Tom se mit à collectionner les timbres.  Et demanda tout naturellement à voir l’enveloppe lorsque le facteur déposerait dans la boîte une lettre de tante Adèle. Il lui sembla alors remarquer, sans y faire trop attention, l’air gêné de son père. Une semaine après, pourtant, celui-ci lui tendit avec un grand sourire une « enveloppe par avion » décorée tout autour d’un liseré bleu, blanc, rouge du plus bel effet, avec leur adresse à l’encre violette et un magnifique timbre de Rio de Janeiro. Même pas oblitéré ! Tom sauta de joie.

Les lettres de tante Adèle continuèrent à rythmer la vie de la famille, provoquant les commentaires habituels à l’heure du repas. Le timbre, toujours brésilien mais toujours différent, n’était jamais surchargé d’un tampon de la poste, ce qui finit par intriguer Tom qui, trop heureux de pouvoir enrichir sa collection, se garda d’en faire la remarque. Un peu comme il avait préféré faire semblant, à six ou sept ans, de croire encore au père Noël…

Un dimanche, au salon avec ses parents, il fut surpris de les entendre échanger très vite quelques mots en anglais, une étrange manie qu’ils conservèrent par la suite. Un anglais qui ne leur était certes pas naturel, qui ne ressemblait pas vraiment à celui que son professeur avait commencé à lui enseigner dans sa classe de sixième.  Mais dont la prononciation lui parut du même coup bien plus claire ! Devinant que l’objectif était de faire en sorte qu’il ne comprît pas, il décida de prêter discrètement l’oreille. 

Un mot par ci, un mot par là… « Go », par exemple, ne présentait pas de difficulté, ce qui était rarement le cas. Il finit tout de même par remarquer que « health » revenait souvent et se demanda bien pourquoi. Il questionna alors son professeur pour savoir ce que « health » pouvait bien signifier. Celui-ci, s’étonnant d’abord de la question,  lui épela le terme en suggérant que, s’il avait bien compris,  ceci se traduisait par « santé ». Santé ? 

Plus il y réfléchissait, plus cette bizarrerie l’intriguait. Et puis un jour, ses parents, radieux, brandirent une lettre dans laquelle sa tante annonçait son intention de rentrer au pays. De rentrer sans tarder. D’abord réjoui par cette nouvelle inattendue, il fut quelque peu surpris de cette décision soudaine. Remettant à plus tard les questions, il se saisit de l’enveloppe pour aller en décoller le timbre. 

Même s’il ne comprit pas pourquoi il n’avait pas réagi plus tôt, ce fut à ce moment précis qu’il commença à réaliser qu’on lui racontait des histoires. Des histoires à dormir debout, forcément destinées à lui cacher un truc qu’il ne devait pas savoir. Ces timbres non oblitérés, cette écriture ressemblant tellement à celle de sa mère, ce langage codé, ces sourires en coin, la pâleur du visage de tante Adèle, pourtant photographiée devant une nature tropicale exubérante… Ou du moins un décor le suggérant ! On l’avait pris pour un imbécile… Il en fut mortifié. 

La pâleur d’Adèle… Il se souvint de cette allusion revenant régulièrement dans les brefs échanges de ses parents lorsqu’ils ne souhaitaient pas qu’il puisse comprendre.   « Santé », c’était ce que lui avait traduit son professeur, mot dont il avait par la suite confirmé le sens dans le dictionnaire… Un banal problème de santé, alors ? Une maladie dont aurait souffert Adèle ? Mais auquel cas, pourquoi tant de mystère ?

Ce fut en regardant un téléfilm policier qu’il eut soudain comme une révélation. Et si Adèle avait passé toutes ces années bien plus près d’eux que ce qu’on lui avait fait croire ? Ce qui expliquerait du même coup les absences répétées de sa mère qui avait toujours fermement insisté pour ne pas être accompagnée. 

Il fut persuadé d’avoir enfin décrypté l’essentiel de ces messages codés et découvert le pot aux roses, mais décida néanmoins de mener sa petite enquête. 

Peu de temps après, à l’heure du repas, il posa triomphalement au milieu de la table un journal local ouvert à la bonne page. Une page où un gros titre indiquait qu’une certaine Adèle Dupuis, condamnée à une lourde peine de prison et incarcérée à la Santé pour le meurtre de son mari,  allait être mise en liberté conditionnelle.

À la Santé… Eh oui ! Quoi de plus merveilleux qu’un long séjour à la Santé ? 

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille" : texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

LE REPAS DU PREMIER MAI



 

Premier mai. Traditionnel repas de famille. Auberge espagnole à midi chez Mamy Juliette et Papy Pierre. Ces agapes sont le principal pilier de la cohésion familiale. 

Les règles sont tacites : on ne parle ni argent, ni religion, ni politique. Oui, ici comme ailleurs, il y a des sujets tabous. Quoi de plus simple que de les éviter ? Durant quelques heures, chacun met entre parenthèses son esprit critique. On présuppose que tout le monde est beau et tout le monde est gentil. Bien sûr, chacun est conscient qu'il y a des sujets sur lesquels certains ne s'accorderont jamais. Tout le monde le sait et par conséquent tout le monde les contourne.  

Les petits plats apportés par les uns et les autres sont jugés parfaits avant même d'y avoir goûté. Les liens qui les unissent tous ce sont des liens familiaux, des souvenirs alimentés par Papy et Mamy. 

Qui parmi les cousins seraient devenus de vrais copains ? Dans un autre cadre, ils auraient à peine échangé quelques mots et n'auraient pas sympathisé. 

Parfois, Marie, l'aînée des filles, se dit que quand Mamy Juliette ne sera plus là, ce sera à elle de prendre le relais. Mamy n'avait-elle pris le relais de Tante Simone, sa sœur unique, célibataire endurcie, morte sans descendance et soucieuse de rester attachée à ses racines ? Tante Simone tenait tant à ce repas du premier mai instauré après la disparition des parents dans un accident de la route l'année des quatre-vingts ans de leur père. Tante Simone vivait encore avec ses parents, son grand chagrin l'avait portée à croire à la magie réparatrice des liens familiaux.  

Marie, Thérèse et Lise, l'épouse de leur frère Claude, prennent de plus en plus les choses en main au fur et à mesure que le temps passe. Ce sont elles qui achètent les nappes et les serviettes en papier, ce sont elles qui sortent assiettes, couverts et verres de l'armoire, qui dressent la table et qui rangeront la vaisselle ainsi que les sièges à la fin du repas. 

Marie, Thérèse, Lise et Claude veillent au bien-être de Papy et Mamy. Ils prennent en charge certaines réparations et certaines tâches que ne peuvent effectuer l'aide-ménagère et son mari.   

Papy Pierre et Mamy Juliette adorent le premier mai. Des photos de ce repas mémorable sont prises par Claude. Papy et Mamy sont ravis de la présence de toute cette tribu. Ils sourient, ils racontent des anecdotes mille fois évoquées précédemment. Ils sont à l'affût du moindre fait amusant, du moindre bon mot qui pourra enrichir leur boîte aux souvenirs.  

Papy et Mamy font comme si aucun mensonge n'avait été commis, comme si le commerce de Thérèse et de son époux était vraiment florissant, comme si Paul ne fumait pas de joint, comme si Marie n'avait pas dû changer de boulot suite à des erreurs répétées, comme si Lise et Claude ne vivaient pas au-dessus de leurs moyens. 

Ces choses-là, Papy et Mamy n'en ont eu connaissance que par une cousine éloignée, commère bien informée qui leur rend visite le premier janvier et le 15 août.

Mamy sent les larmes monter aux yeux quand elle entend de tels ragots, c'est pourquoi elle se force à ne pas y croire. Si c'était vrai, cela lui serait un crève-cœur ! Elle préfère se voiler la face plutôt que d'y ajouter foi. Sa famille n'est-elle pas une famille modèle où l'on se régale de petits plats succulents, où l'on s'entraide lors de la rencontre du premier mai ?  

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille" : texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

Chloé est installée devant son PC. Elle regarde une vidéo. « Bruno, un nouveau message » est un programme qui l’intéresse beaucoup. Même si le médium a été très décrié, elle a tendance à lui faire confiance. Il raconte des choses très personnelles aux gens qu’il rencontre, des choses sur leur vie ou la vie de personnes disparues qu’il ne peut pas inventer. Il est possible que l’émission soit truquée et que l’équipe du médium se soit renseignée sur la personne mise sur la sellette, mais Chloé préfère croire que tout est vrai, que Bruno est quelqu’un de spécial, un peu comme elle…

En effet, depuis de nombreuses années, Chloé sent des présences chez elle. Elle reçoit parfois des messages intérieurs, mais rien n’est clair, c’est un peu comme une pensée qui lui est étrangère, mais qui s’impose à elle. Petite, ça lui faisait peur. Maintenant, elle s’habitue à ce qu’elle appelle des esprits visiteurs. La jeune femme ne pense pas être une médium ou alors ses dons ne se sont pas encore affinés, car les messages qu’elle reçoit sont vagues, elle ne peut pas en tirer grand-chose. 

Chloé est mariée depuis plusieurs années et, chaque fois qu’elle retourne chez ses parents, une certaine angoisse l’étreint. Elle ressent une présence insistante : quelqu’un veut communiquer avec elle, elle en est sûre. Elle n’a jamais fait le pas. Elle ne s’est jamais rendue chez un médium afin de parler de ses intuitions. Elle n’en a même jamais parlé à un psy. Elle a trop peur d’être prise pour une folle. Un jour, elle en a touché un mot à ses sœurs, Maryline et Sophie, mais elles l’ont de suite charriée, et elle s’est tue à jamais.
Son mari est quelqu’un de très cartésien. Inutile d’intégrer le paranormal dans leurs conversations, il l’enverrait de suite sur les roses. 

Alors, aujourd’hui, en regardant cette vidéo sur Youtube, Chloé prend une décision : elle va contacter Bruno. Avec un peu ou plutôt beaucoup de chance, elle sera sélectionnée et pourra participer à l’émission. Elle ouvre sa boite mails et envoie directement un courriel au médium. Bien sûr, elle gardera sa démarche secrète. 

3 semaines plus tard…

En ouvrant sa boite mails, Chloé remarque directement le message émanant de Bruno ou d’un de ses partenaires. Il l’invite à le rencontrer dans un endroit de son choix.
Chloé hésite. Alors qu’elle avait une folle envie de rencontrer un médium, elle a subitement très peur. Dans quoi se lance-t-elle encore ? Ses sœurs diraient qu’elle n’a jamais eu la tête sur les épaules.
Tant pis, elle va répondre positivement et inviter Bruno chez ses parents. Ils partent souvent dans leur appartement à la Côte. La maison est souvent vide. C’est là que Chloé ressent cette présence qui la met mal à l’aise, c’est là qu’elle doit rencontrer Bruno. 

3 semaines passent encore…

Bruno entre dans la salle à manger. Chloé a allumé un feu de bois. Elle est plutôt tremblotante. Non seulement, elle ne sait pas à quoi s’attendre, mais, en plus, elle sera filmée et la vidéo sera vue par des milliers de gens. Il y a peu de chance que ses sœurs ou son mari tombent sur l’enregistrement, mais quelqu’un pourrait la reconnaitre et leur en parler. Tant pis ! Elle ne peut plus reculer. 

- Je sens un froid dans cette pièce. Malgré le feu qui crépite dans la cheminée, je sens de l’air froid. Ça vient de par-là, dit le médium en regardant en direction de la pièce adjacente. Il y a un escalier par là ?

- Oui. Les chambres sont en haut. 

- On peut y aller ? 

- Bien sûr…

Chloé, suivie de Bruno et de toute l’équipe monte les marches. 

- C’est là ! s’exclame le médium. Il y a une âme. Il y a même plusieurs personnes. Je vois une figure maternelle, pas maman, une grand-mère peut-être…

Chloé ne dit mot. Elle écoute religieusement. Son esprit vagabonde. Sa grand-mère est morte voici trois ans…

- L’âme qui semble hanter ses lieux (et Bruno mime des guillemets), c’est un jeune enfant. Il y a eu un petit garçon décédé brutalement dans votre famille ?

- Pas que je sache…

- Pourtant, je vois un très jeune garçon, il me montre qu’il étouffe. Je me demande s’il n’est pas mort noyé…

Bruno continue comme ça pendant de longues minutes. Chloé n’a pas le souvenir que ses parents lui aient parlé d’un enfant mort dans cette maison. La chambre vers laquelle Bruno s’est dirigé est inoccupée, c’est un genre de débarras.
Une fois le médium parti, Chloé se met à fouiller la pièce. Ses parents lui ont-ils caché quelque chose ? Bruno s’est-il trompé ? Chloé est sûre d’une chose : une âme erre dans cette pièce. 

La jeune femme se met à fouiller partout, dans les armoires, dans des caisses et finit par dénicher la photo d’un petit garçon. A ses côtés posent ses parents. Au dos de la photo, un prénom et une date : Claude, 1976. Ses parents sont jeunes sur la photo. Chloé est née en 1985, elle est l’ainée des trois filles. Qui est ce garçon dont elle n’a jamais entendu parler ? Se pourrait-il que ses parents aient eu un autre enfant plusieurs années avant sa propre naissance ? Ils lui ont dit qu’elle était née bien tard, qu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfants et puis qu’un miracle avait eu lieu : sa mère s’est retrouvée enceinte trois fois sur sept ans. 

Chloé doit en avoir le cœur net. Elle emporte la photo, prend sa voiture et se rend à la  Côte retrouver ses parents. Ceux-ci sont étonnés, mais très contents de la voir. Ils le sont moins quand elle leur montre le cliché. 

- Où as-tu déniché cette photo ? lui demande son père. 

La jeune femme raconte tout : ses impressions que quelqu’un d’invisible se trouve auprès d’elle, la visite du médium chez eux, la fouille de la pièce inoccupée depuis toujours. 

Sa mère éclate en sanglots. 

- Tu as donc tout oublié ? lui demande-t-elle. C’est normal, tu avais 2 ans quand… Raconte, toi, dit-elle à son mari.

Chloé, ton frère est né en 1976. Il est resté enfant unique jusqu’à ta naissance en 1985, un véritable miracle comme on te l’a toujours dit.  Tu avais deux ans quand on t’a laissée à sa garde. Il avait 11 ans, il pouvait s’occuper de toi. Il t’a emmenée dans le jardin. Tu es tombée dans l’étang. Il a plongé pour te rattraper. Il t’a jetée sur la berge où on t’a trouvée, mais lui, s’est enlisé dans la vase. Quand on est arrivés, alertés par tes cris, il flottait sur l’eau et on n’a rien pu faire…
On nous a conseillés d’avoir un autre garçon, mais tes sœurs en ont décidé autrement. Et on vous aime toutes les trois tellement fort qu’on a voulu vous protéger de ce deuil familial… 

- Vous n’auriez pas dû ! Non, vous n’auriez pas dû ! On avait le droit d’être au courant…Vous nous avez menti ! 

Depuis ce jour, Chloé parle à son frère. Elle ressent toujours sa présence, mais elle lui est douce, comme si cette âme avait toujours manqué à sa vie et Chloé vit en harmonie avec elle-même. 

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : "Le mensonge et le silence arrangent bien des drames de famille" : texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

Unique en son genre

 

Janvier 2023, Cristel et Dan sont heureux. Très heureux. Dans quelques mois, ils tiendront dans leurs bras leur tout premier enfant.  

— Il aura des yeux bleus comme toi, chéri.

— Non, des yeux noisette et brillants, comme les tiens. Ils diront l’orage avant qu’il ne gronde, ah tes yeux révolver, comme je les aime !

— Il n’aura pas que des yeux cet enfant-là. Et depuis deux heures on ne parle que de ça, ses yeux. 

— Ah les yeux, c’est hyper important. Tellement d’émotions passent par les yeux, tellement d’expressions aussi. Les yeux, c’est très révélateur. Et c’est par ses yeux qu’il connaîtra le monde, notre enfant. 

— Oui mais que ses yeux soient jaunes, noirs ou rouges, notre enfant connaîtra quand même le monde. 

— Ah tu es irrésistible et convaincante. J’ai envie de t’ennuyer et de te contrarier, tu es si belle quand tu essaies d’affirmer tes désirs. Parlons chevelure, tiens. Il aura des cheveux roux !

— Roux ?

— Ah ah j’étais certain que tu t’esclafferais quand je dirais roux et je le redis, roux !

— Roux comme ta mère ? 

— Ben oui, roux comme ma mère. Il peut ressembler à sa grand-mère, non ? Ce sera notre enfant quand même ! 

— Oui c’est pas la question, mais roux… Quand il ira à l’école, les autres enfants se moqueront de lui. Il sera la risée de tous. Tu connais la méchanceté des enfants. Pire, il sera peut-être leur souffre-douleur ! 

— Vu comme ça, tu as raison, chérie. Mais tu sais, nous disons il, il, il. Ce sera peut-être elle, non ? 

— Ah oui, nous sommes deux idiots ! Et dire qu’il y a des femmes qui veulent déterminer le sexe de leur enfant par tous les moyens. Elles s’empêchent de manger ceci ou cela ou…

— Ou se forcent à grignoter ceci ou cela !

— Exactement ! Et nous, nous spéculons sur la couleur des yeux, des cheveux et le sexe, qu’importe, on s’en moque de tout ça. 

— Qu’importe, qu’importe, quand même. 

— Comment ça quand même ? 

— Je ne te l’ai jamais dit… J’aimerais une petite fille. 

— Ah ah, je vous imagine déjà toutes les deux, nippées comme des princesses et déambulant dans les allées des grands centres commerciaux de Montréal. 

— Montréal ? Pourquoi Montréal ? 

— Oh je sais pas, je disais ça comme ça, une première idée qui a jailli. Envie de vacances à Montréal, voilà tout. 

 

Janvier 2030, la petite Tania lit une BD. Sa maman supervise la lecture et aide Tania quand celle-ci hésite sur un mot. À sept ans, certaines syllabes restent un mystère. La BD raconte l’histoire d’une petite fille perdue dans une forêt. Tania s’énerve, la lecture lui semble interminable. Elle digresse…

— Dis maman, mes yeux sont verts comme la petite fille sur les dessins, là.

— Oui ma chérie, tu as de magnifiques et grands yeux verts. Tu en as de la chance ! 

— Mais ils sont verts comme ceux de qui alors ?

— Tu es unique ma Tania. Tu es toi et tu ne ressembles à personne ! 

 

Cristel s’attendait à cette question. Cette question ou une autre, toute ressemblante. Tous les enfants posent des questions au sujet de leur origine. Dan et elle n’était pas d’accord au sujet de la vérité à dire ou pas à Tania. Comment expliquer à une petite fille qu’un soir son papa et sa maman se sont mis devant le clavier de leur ordinateur et qu’ils ont répondu à un questionnaire. Sexe ? Couleur des yeux ? couleur des cheveux ? Taille adulte ? Poids ? Dispositions pour études littéraires ? Dispositions pour études juridiques ? Aucune disposition pour les études ? Aimera les pommes de terre ou les pâtes ? La mer ou la montagne ? La communauté ou la solitude ? Hétéro ou homo ? 

Comment expliquer à une petite fille qu’après l’encodage de toutes ces réponses, il n’a suffi qu’une seule nuit à l’ordinateur pour effectuer la programmation et la réalisation en 3D de cette demande ? 

Cristel et Dan ignorent combien d’enfants sont nés de ce programme qu’on appelle Programmation de grossesse assistée. L’institut dans lequel l’ordinateur se trouvait fut incendié le mois dernier. L’attentat n’est à ce jour pas encore revendiqué. 

 

— C’est dommage répondit Tania sur le ton de celle qui voulait en savoir plus, j’aurais tellement voulu ressembler à quelqu’un. 

 

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Résultats concours "Les petits papiers de Chloé" sur le thème "Terreurs nocturnes"

Publié le par christine brunet /aloys

Pour notre revue, "Les Petits papiers de Chloé", cinq auteurs ont participé au concours sur le thème :

"Terreurs nocturnes"

 

Texte 1 : Micheline Boland

Texte 2 : Carine-Laure Desguin

Texte 3 : Philippe Desterbecq

Texte 4 : Christine Prévi

Texte 5 : Martine Platarets

 

Le texte ayant obtenu le plus de voix est celui de Philippe Desterbecq !

 

BRAVO !!! et merci à tous les participants !

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : TERREURS NOCTURNES dernier texte, le n° 5

Publié le par christine brunet /aloys

VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER



 

J'ouvre les yeux. Je me trouve en haut d'une montagne. Je tourne la tête : je suis seule à côté d’une voiture que je ne connais pas et dont je possède les clefs. Je n’ai plus conduit depuis des années. À qui peut-elle bien appartenir ? J’appelle : « Ohé ! Y a-t-il quelqu’un ? ». L’écho revient vers moi. 

 Je suis seule, abandonnée. Qui m’a amenée ici ? J’ai la tête qui tourne, l’altitude, je suppose. L’air est très frais. Personne ne vit dans ce coin. Un léger bruit sur le bas-côté me fait sursauter. Je m’empresse de monter dans cette grosse voiture et je m’enferme. Je fouille la boite à gants et j’en sors une lame de couteau cassée que je glisse dans ma poche. Est-ce l’instinct de survie ou bien la peur d’être agressée ?

 La nuit tombe et la panique commence à s’emparer de moi. Je me décide à démarrer la voiture. Comment vais-je m’en sortir ? J’ai envie de pleurer. Les phares enfin allumés, le moteur tournant, et après avoir réglé le siège et le rétroviseur, je baisse tout doucement le frein à main. Non ! J’arrête tout ! Je ne suis pas capable de conduire cette grosse machine. Pas de panique. Je ferme les yeux, un instant.

Je fouille dans mon sac. J’en sors une petite bouteille d’eau. Je bois à petites gorgées. Je remets la voiture en marche et je commence ma descente doucement.

 Une route étroite s’ouvre devant moi, très tortueuse. J’ai peur mais il faut que j’y arrive. Où ? Je n’en sais rien…

Les virages deviennent interminables. J’ai le vertige. Je me déporte légèrement sur la gauche. Il n’y a personne. J’accélère. Je n’ai plus froid, des gouttes perlent sur mon front.

Je sens ma gorge se serrer, je n’y vois pas grand-chose. J’essaie de mettre « plein phares » et je cherche à tâtons. La panique s’empare de moi. À cet instant, une bête surgit d’un talus. Je freine et m’arrête d’un coup. Les pneus crissent. C’est un lapin. Le pauvre, il est hypnotisé par mes phares. Il est figé. Je klaxonne, il s’enfuit. 

 Je souffle, rejetant ma tête en arrière. Je ferme les paupières et toutes sortes de scenarios défilent en moi. Je me sens engourdie. Mes jambes ne veulent plus bouger. Je me masse, remue mes pieds, étire mes bras. Je baille comme je le fais chaque fois que je suis angoissée.

Il faut que je reparte. Quelques pierres roulent au bord de la route, j’ouvre la vitre pour mieux respirer… À présent, je pleure sans pouvoir m’arrêter. J’ai si peur de tomber. J’ai si peur de mourir. J’ai si peur de ne plus exister.

Soudain, la descente se fait plus douce. Après environ trois heures de descente et de virages, j’aperçois, au loin, de minuscules lumières. Ce doit être un village ? 

Je continue, il faut que j’y arrive ! Je parviens enfin sur une place. Une immense maison se dresse devant moi. Je sonne à la porte. Un homme vêtu de blanc ouvre et me tend la main.

 Est-ce un hôpital ? Je suis si fatiguée que je me laisse guider. Arrivée devant une chambre, il me pousse violemment à l’intérieur.

  Je sors de ma poche la lame de couteau trouvée dans la boîte à gants.  Mes poignets sont en sang. Je me réveille en sursaut. Il est trop tard…

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : TERREURS NOCTURNES texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

Intrusion.



 

   Mon mari étant absent pour raison professionnelle et nos grands enfants, installés récemment hors du nid familial, cette soirée est toute à moi ! Je la savoure avec délectation, devant un bon verre de vin, une musique douce en fond sonore, et un livre passionnant. Vers onze heure, Je regagne ma chambre et me blottis au creux des oreillers, où je reste plongée dans ma lecture jusqu’à ce que le sommeil m’envahisse. La nuit est tranquille, l’air est doux, et la fenêtre entrouverte imprime un léger balancement aux doubles rideaux, qui filtrent une obscurité dense, mais pas totale. Ce temps est idéal pour passer une bonne nuit  ! 

   Vers les trois heures du matin, un bruit suspect me réveille et m’inquiète… Je me soulève précipitamment, le cœur battant la chamade, le front en sueur, l’oreille aux aguets. La chair de poule couvre mes bras et un frisson me parcourt le bas du dos. Je n’ai pas rêvé, j’en suis certaine ! Je repasse en boucle mes gestes de la soirée : j’ai tourné deux fois la clé dans la serrure. Les fenêtres du bas sont closes et la porte, à l’arrière de la maison, se ferme par un système de verrouillage intérieur ; il est impossible de l’ouvrir du dehors sans avoir la clé adéquate et je suis sûre de l’avoir bloquée, elle aussi ! 

  Néanmoins ces vérifications mentales ne me rassurent pas, car à l’instant même, je perçois un craquement, que je reconnais comme étant celui de la troisième marche de l’escalier. Quelqu’un s’est introduit dans la maison, je n’ai plus de doute et mon téléphone portable est resté au salon ! Vite, un objet pour me défendre ! J’empoigne le tabouret près de la commode et m’approche de la porte, entrouverte. J’ai le cœur qui se décroche, et mes paumes sont moites, au point que je dois reposer le tabouret qui me glisse dangereusement des mains !

  L’œil rivé à l’angle du couloir, je distingue une ombre qui progresse lentement, immense, énorme ! Certainement celle d’un homme grand et fort ! C’est bien ma veine… J’ai envie de hurler mais je reste muette de stupeur, mes muscles sont tétanisés, ma langue est sèche, ma gorge douloureuse. Mes forces s’envolent, ma tête s’affole et l’écho de mes battements de cœur emplit ma poitrine qui se soulève anarchiquement… Et je m’écroule. 

« Ça va maman ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ? » Il me secoue, me tapote les joues… Je reprend lentement conscience, profitant de la situation, jaugeant son inquiétude à mon sujet, et je lui susurre : « Adrien ? Mais qu’est-ce qui t’as pris ? Tu ne pouvais pas t’annoncer ? Tu m’as fais une de ces peurs ! » 

« Mais, maman, je ne voulais pas te réveiller ! La dernière fois, tu m’as dit de garder ma clé au cas où... Comme je passais dans le coin et qu’il fait nuit, j’ai voulu profiter de ma chambre et je suis entré en catimini pour vous faire la surprise demain matin… Papa n’est pas là ? « Et non, ton père n’est pas là, mais ta surprise, elle, a été bien réelle ! J’en garderai une bosse sur le front en souvenir ! Mais si tu savais, Adrien, comme je suis heureuse que ce soit toi qui soit là !  »

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : TERREURS NOCTURNES texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

1h13

 

Je me réveille en sueur. Il est 1h13 du matin. Pas besoin de regarder l’heure. Je sais qu’il est une heure et treize minutes. 

Chaque nuit, je me réveille à la même heure en proie à des terreurs nocturnes. J’ai le front moite, les cheveux humides, le cœur qui bat beaucoup trop fort, la peur me broie l’estomac, j’ai le sentiment d’étouffer. 

J’allume ma lampe de chevet, je m’assieds dans mon lit. Je me verse un verre d’eau que j’avale tout doucement. Je respire profondément, fais quelques exercices de respiration comme me l’a appris ma sophrologue. Quand mon rythme cardiaque s’apaise, je prends le livre qui m’attend sagement sur ma table de nuit et je lis quelques pages. Je me remets lentement d’un cauchemar que j’ai oublié. 

Que se passe-t-il chaque nuit à la même heure pour qu’une telle terreur me réveille et me laisse en sueur ? Tout ça a commencé le jour où mon père a été officiellement porté disparu quelque part, en Afrique, dans une forêt infranchissable peuplée d’animaux tous plus dangereux les uns que les autres. Ça fait deux mois que ma mère et moi n’avons plus aucune nouvelle de lui. Son dernier SMS nous disait que tout allait bien, qu’il avait rencontré un peuple à évangéliser très réceptif, une sorte de tribu primitive tout à fait inoffensive qui l’avait accueilli à bras ouverts. 

Ah oui ! J’oublie de vous dire que mon père est missionnaire. Sa vie, ce n’est pas sa famille ni ses amis, ce sont ces sauvages inconnus qu’il rencontre un peu partout dans le monde. Etant médecin de formation, il arrive chez ces gens avec ses remèdes et ses vaccins. Il se fait accepter avant de leur parler de Jésus et tutti quanti. Moi, la religion, je m’en tape. Mon père n’a jamais réussi à m’évangéliser. Ma religion à moi, c’est la vie, la joie, les amis, les rencontres, les voyages, la découverte du monde, pas des peuples qui y habitent. 

Depuis le coup de téléphone du collègue de papa nous annonçant sa disparition dans la brousse, ma mère a sombré dans la dépression et moi, chaque nuit, je cauchemarde. Je vois une montre au cadran fêlé, je vois les aiguilles trotter comme si elles voulaient faire avancer le temps plus rapidement. Soudain, elles s’arrêtent. Il est 1h13. Je ne me souviens de rien d’autre, juste cette montre qui s’arrête. 

Je suis allé en Afrique. J’ai traversé avec des guides locaux les immensités de la forêt à la recherche de mon père ou d’une trace qu’il y aurait laissée, mais je suis rentré bredouille. Mon paternel a disparu, tout simplement, comme un flocon de neige qui se pose sur une surface chaude. C’est comme s’il n’avait jamais existé. 

Quand je suis rentré au pays, j’ai découvert la maison vide : ma mère avait été hospitalisée pour tentative de suicide. Elle ne peut vivre sans lui ! J’ai trouvé ça un peu fort de café ! Mon père n’a jamais été présent. Il devait être là le jour de ma conception, mais après ? Oui, il était là lors de mon baptême, des photos le prouvent. Il était là le jour de ma communion solennelle, mais il a dû repartir avant la fin du diner. Une urgence ! Un noir qui avait avalé de travers sans doute ! Il fallait qu’il prenne l’avion au plus vite. 

Alors que ma mère ne puisse vivre sans lui, je ne peux pas le comprendre. Ça fait 26 ans qu’on vit sans lui, à deux. On forme une famille à nous deux. Mon père  n’a sans doute pas eu le temps de faire un deuxième enfant ! 

Le téléphone sonne. Je décroche. C’était le collègue de mon père. On a retrouvé sa montre au bord d’un fleuve infesté de crocodiles. Le cadra en est prisé. Les aiguilles se sont arrêtées à 1h13 exactement. Je pourrai peut-être dormir calmement maintenant…

 

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Concours pour la Revue, Les petits papiers de Chloé : TERREURS NOCTURNES texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

Toute la musique que j’aime



 

Ce soir-là, c’était un soir comme les autres. Ou presque. La lune avait un drôle d’habit, un pantalon trop large, une casquette de rappeur, et elle grimaçait. Je suis rentré chez moi et j’ai claqué la porte, une façon de dire merde à la journée de turbin. Car au boulot, moi, j’en faisais le moins possible. Fallait pas rire non plus. J’aurais pas une médaille à la fin de ma carrière et de toute façon, j’en avais rien à foutre des honneurs. Très peu pour moi. Ça rendait furax Marie-Odile mais ce qu’elle pensait, du balai. Donc ce soir-là, c’était un soir pas trop comme un autre. J’étais aussi odieux que les autres soirs, ça oui. J’ai bouffé comme un dératé et j’ai tout laissé sur la table, ça oui. Marie-Odile était là pour ramasser mes merdes, chacun son rôle. Vers deux heures, j’ai entendu du bruit, des grincements de porte. J’ai repensé à la lune et à ses grimaces à la con. Elle s’était quand même pas glissée dans la baraque cette andouille et elle aurait pas osé ouvrir la porte à de futurs désastres, ses suppôts à la con ? J’sais pas, j’avais comme une envie de pisser dans mon lit pour me réchauffer. Mes sangs se glaçaient. J’étais mort de trouille. Et les grincements de la porte avaient fait la place à des espèce de claquements qui ressemblaient aux claquettes de Fred Astaire. Non mais ! J’entendais des musiques et je ne pouvais déterminer si elles venaient de ma tête, du dehors, ou de la cave. Du rap macéré dans une marmite huilée au folk, épicée au disco, des trucs comme ça, innommables, à vomir. J’ai voulu secouer Marie-Odile. En vain. Son pyjama était à mes côtés, vide. Le tintamarre du rez augmentait. À présent c’était du rock que j’entendais et sur les murs, des hologrammes de Chuck Berry. Effrayant. Je déambulais dans la baraque, je suivais les sons. J’ai commencé à danser tout en descendant les escaliers. Je n’étais plus maître ni de mes bras ni de mes jambes. Ma tête commençait à ne plus m’appartenir. Sur les murs, des flashs, des hologrammes multicolores de musiciens comme Soprano, Franck Sinatra, un méli-mélo de tout quoi. Tant bien que mal, j’ai descendu les escaliers de la cave. Mon corps tourbillonnait comme une toupie. Quelque chose ou quelqu’un avait pris possession de mes mouvements, de moi quoi. J’ai trébuché et quand j’ai relevé la tête, un spectacle de dingue. Des guitares s’agitaient dans les airs, des batteries se claquaient les unes contre les autres, des saxos violaient des trombones et c’était une trompette qui jouait du piano. Des croches et des crochets m’ont cloué au mur. Je n’étais plus qu’à demi-conscient. Marie-Odile twistait nue avec Dick Rivers. Salope. Miles Davis a ricané et Johnny Halliday a écarté les jambes, m’a pointé de sa main droite et m’a gueulé : « vois ta gueule, vieux. Là, tout ce brouhaha, cette effervescence hologrammée, tu comprends pas ? t’aurais dû devenir toi aussi une idole des jeunes, t’as préféré glander dans l’administration. Putain de merde. Toute cette musique que tu entends, c’était celle qui ne demandait qu’à naître de tes doigts, connard. Tu piges tout ce que t’a zappé ? »

Alors le piano s’est soulevé et est resté suspendu dans les airs, la trompette s’est plongée dans ma gueule et do ré mi fa sol la si do m’ont giflé jusqu’à. 

 

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