Souvenirs, une nouvelle de Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

 

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SOUVENIRS

 

Les voisins disaient qu'Olga était folle. Moi, je n'avais que dix ans mais je n'étais de cet avis.

 

Ce n'est pas parce qu'une vieille dame parle seule à voix haute en se promenant dans le quartier, parce qu'elle habille son chien d'un manteau en dentelle, en velours ou en fourrure selon la saison, parce qu'elle se maquille comme une jeune actrice qu'elle est folle.

 

Moi, j'allais souvent passer le mercredi après-midi chez Olga. Elle m'offrait des cakes et du jus d'oranges, elle me racontait sa vie, et moi je regardais son petit musée. Dans sa vitrine, il y avait quantité de figurines : pères Noël, couples de mariés, enfants Jésus, animaux, premiers communiants, personnages folkloriques,… Tous ces personnages lui rappelaient des voyages, des mariages, des fêtes.

 

Il suffisait que je demande : "Qui c'est ?" en montrant du doigt l'une des figurines pour qu'Olga me raconte un événement de sa vie.

 

Pour les gens ordinaires, un père Noël en plastique équivaut à un autre, un couple de mariés en plâtre ne se distingue pas d'un autre. Pour Olga, chacun était associé à une date, à un instant de bonheur ou à un moment chargé d'émotions.

 

Olga me parlait souvent de sa petite Françoise, morte des suites d'une rougeole. Un jour, elle me montra le faire-part de naissance de sa fille. Ainsi, Olga ne collectionnait pas seulement les figurines, elle collectionnait aussi les faire-part.

 

À onze ans, j'avais insisté auprès de mes parents pour qu'ils invitent Olga à mon repas de communion. Je savais qu'avec elle tout prendrait un relief particulier. C'est ainsi qu'Olga fut du nombre des convives. Bien entendu, avant qu'elle ne quitte la maison, je lui offris la figurine de communiante qui avait orné le gâteau.

 

Olga ne déçut pas mes attentes. Plus tard, quand je lui rendais visite, il lui arrivait de montrer ma figurine et de détailler le menu servi ou bien de rappeler la musique d'ambiance passée durant le repas. Plus encore que les photos prises ce jour-là et que mes propres souvenirs, le récit d'Olga me replongeait dans la magie d'une étape capitale de mon enfance. Ma vie perçue avec les yeux d'Olga avait le charme infini des vies de grands personnages. Écouter Olga m'aidait à comprendre quelles formes peut prendre l'amour. 

 

Micheline Boland

micheline-ecrit.blogspot.com

boland photo

Publié dans Nouvelle

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P
<br /> Un beau personnage cette Olga, j'aurais aimé la rencontrer !!!<br />
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M
<br /> Merci Gauthier, Alain, Carine et Edmée pour vos commentaires.<br />
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E
<br /> Au fond la vitrine d'Olga était la BD de sa vie... alors que pour d'autres ce n'était qu'une vitrine!<br />
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C
<br /> Emouvant. <br />
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M
<br /> Olga Proust ? Bravo Micheline et bravo Olga !<br />
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G
<br /> Aaaah le souvenir... parfois la vue d'un simple objet ou une mélodie entendue peut vous ramener des années en arrière. C'est un sujet très intéressant, ma foi. On connait tous une vieille Olga.<br /> Dans mon dernier bouquin, "mon" Olga se prénomme Vito et lui aussi s'est construit une petite vitrine dans sa tête.<br /> <br /> <br /> Bravo pour la nouvelle, Micheline.   <br />
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