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L'auteur est Carine-Laure Desguin !

Publié le par christine brunet /aloys

L'auteur est Carine-Laure Desguin !

Une blondasse dans la mouscaille

Le grand effiloché au teint blafard et aux binocles sur le nez soupire, manipule quelques pages d’un dossier désordonné, se penche vers la droite, ouvre un tiroir du bureau en bois laqué et en retire un paquet de feuilles, referme le tiroir et rive ses yeux de poissons morts sur son client, un p’tit gars aux allures de voyou, casquette de travers, sweat-shirt maculé de cambouis, la totale.

— Un truc qui coince, m’sieur ?

Quelques secondes de silence.

D’une voix faussement tremblante, le blanc bec reprend :

— Un truc qui coince, m’sieur ?

— Je ne suis pas sourd, jeune homme, rassurez-vous. Je rassemble les documents. Ceux que je vous lirez et que vous signerez, si dans le meilleur des cas il vous est possible d’enfiler une lettre à la suite d’une autre. Ces documents sont le symbole d’une vie qui glisse vers une autre vie, souvenez-vous en…

— Ah, okay, lance le blanc bec d’un air soulagé, tout en s’essuyant le front d’un geste désinvolte.

— Vous n’avez rien à craindre, reprend le binoclard sur le ton de la confidence. A moins que votre conscience soit lourde d’un certain poids.

— Ma conscience ? Ma conscience se fout pas mal de son poids ! Elle n’en n’a rien à cirer ! Et moi je m’en tamponne la coquille de tous ces trucs !

— C’est bien ce qu’il me semblait…Ma situation ne m’autorise à aucun jugement, hélas. Voyons, voyons, ah oui, voilà cette enveloppe.

Le binoclard ouvre l’enveloppe et d’une voix monocorde lit une dizaine de lignes d’une lettre manuscrite. Et puis il continue :

— J’ai bien vérifié. Jeff Shadows, c’est bien vous. Votre photo sur cette carte d’identité le confirme, en tout cas. Et de plus mais ceci n’est qu’une parenthèse, je vous aperçois parfois dans le parc de la résidence de Miss Shadows. Pauvre femme. Une vie fastueuse, une vie qui a brillé autant que ses diamants, une vie de reine. Et une mort tellement brutale. Mourir au printemps…La nature qu’elle aimait temps renaissait. Et elle, pauvre Miss Shadows, voilà que sa Jaguar s’engouffre sous ce poids lourd. Morte par décapitation. Je connaissais très bien votre tante. Comme vous voyez, nous sommes presque voisins…Vous êtes donc le fils de son défunt frère. Oui, c’est ça, je me souviens à présent. Miss Shadows me parlait parfois de son enfance, à Londres et de ce frère qui avait épousé une française, la sœur de son défunt mari. Cher ami, deux questions. Ferez-vous vos adieux à Pigalle et habiterez-vous la résidence principale, ici, à Neuilly ? Et le personnel, que ferez-vous du personnel ? Dany, le jardinier et Emma, la cuisinière sont très inquiets de leur sort, ils m’ont fait part de leur désarroi.

Le blanc bec répond, tout en mâchouillant son chewing-gum :

— Le personnel ? Il valse dehors, bien entendu ! J’ai une meuf, ça fera bien l’affaire pour les fourneaux.

— Bien sûr, je m’en doutais un peu. Et le parc ? Qui entretiendra ces arbustes magnifiques ? Ces parterres dignes du château de Versailles ? Je pense à ces pauvres fleurs qui n’ont fait de mal à personne, en somme…

— Ben…Ma meuf ne restera pas la journée devant ses casseroles…

— Oui, c’est certain. Voilà, Monsieur Shadows, vous êtes le seul et unique héritier. Une résidence ici, à Neuilly, une autre dans le centre de Londres. Vous êtes actionnaire de plusieurs holdings…Tout est spécifié dans ces documents que vous venez de signer. Madame votre épouse sera ravie, toutes mes félicitations.

— Merci, m’sieur. Tout le plaisir est pour moi, comme on dit…Mais pour moi seul. Je ne suis pacsé à personne. A présent, on verra. Tout ce pognon me donne une envie dinguo de faire une fiesta d’enfer ! Avec des feux d’artifice, de la gnole qui coule à flot et une musique techno qui ferait vibrer les caves de l’Elysée, traverserait la Manche et s’attaquerait à Buchkingam Palace !

— Au revoir, Monsieur Shadows. Et à bientôt, puisque nous sommes désormais voisins, soupire le notaire d’une voix blanche et monocorde.

Devant le grillage de la résidence, Tina, une espèce de blondasse boudinée là où il convient de l’être fume une clope, la xième clope depuis une demi-heure.

— Et alors ? fulmine-t-elle en voyant arriver son Jeff Shadows.

— Tout est à nous, baby, tout est à nous ! hurle-t-il en lançant les clés et les documents et en prenant par la taille cette Tina qui pousse tout à coup un cri de hyène.

— Tu es certain ? Ce vieux con ne t’a trouvé aucun pou ? On n’sait jamais, avec ces richards. Parfois, ils sont traversés par des espèces d’idées tellement malsaines et saugrenues.

— Oh, baby, à nous la belle vie ! Une vie d’enfer ! Fêtons ça ! Ça va péter !

— Ben tu vois mon minet, j’ai pensé à tout ! rétorque-t-elle en roulant des hanches tout en ramassant un sac à présent bien chaud d’avoir passé une trentaine de minutes sous le soleil ardent de cet après-midi de mai.

— Ah, le bruit de ces bouteilles, ce cliquetis….Fiesta ma belle, c’est la fiesta ! T’es vraiment une sacrée gonzesse, tu penses à tout !

— A tout mon trésor d’amour, vraiment à tout, tu ne devineras jamais jusqu’où ma cervelle peut gamberger, susurre-t-elle d’une voix sensuelle.

Le printemps est croquignolet, les arbres sont en fleurs et les rayons de soleil pétaradent comme si eux aussi, ils préparaient une farandole dans un grand circus. Fébriles, les tourtereaux n’admirent même pas leur castel et le parc fleuri qui l’entoure, ils ouvrent direct les lourdes de ce Versailles, font trois pas dans le hall gigantesque encore tout blinquant et lèvent les bras en l’air, en signe de victoire. Ils se font des grimaces tout en se regardant dans un grand miroir auréolé de feuilles dorées et passent la langue à une photographie (signée Harcourt) de Miss Shadows. Trente secondes plus tard, ils s’affalent sur un canapé british style Chesterfield.

— Alors, baby, une coulée de pinard ?

— J’ai ce qu’il nous faut ! Savourons cet instant…dit cette Tina de sa voix sulfureuse et t’as pas envie d’autre chose ? continue-t-elle en tortillant son corps grassouillet contre celui ce Jeff Shadows.

— Ah, baby, on a toute la vie devant nous pour la baise et tout ça…

— Okay, dit-elle en se dirigeant vers le bar. Et puis, tout ce stress m’a chauffé les sangs. Désaltérons-nous !

— On voit que tu connais tous les coins du castel, baby.

— Tu rigoles ou quoi ? rétorque-t-elle sur un ton moqueur tout en tirant sur sa minijupe en jean.

— Oh oui, je rigole, baby. On n’a plus que ça à faire, rigoler, baiser, tuer le temps !

— Voilà les verres tout frais sortis du bar de ta vioque et le pinard est là, dans le sac en plastique.

— Entamons la gnole du bar ! Profitons de tout ça !

— Inutile, le pinard est là, je te dis, là, insiste-t-elle en montrant du doigt le sac en plastique avec inscrit dessus Auchan.

— Allez baby, les glass, on s’en tamponne après tout, profitons un max !

— Yes, au goulot !

— Par la même occase et puisque c’est la journée des bonnes nouvelles, j’aime autant te dire que tu tarderas pas à voir la tronche de m’sieur l’maire…

— Oh Jeff, tu es si chou…

— J’te l’fais pas dire, rétorque le blanc bec. Ça s’appelle régulariser les choses. Ce qui est à moi sera à toi, les castels, le pognon et tout ça.

— Oh Jeff, oh Jeff, je suis si heureuse…

— Ouais, et tout ça grâce à cette vieille peau qui s’est tranchée la cervelle. Fini le gourbi, vive le castel !

Le pinard coule à flot et les deux infâmes, bientôt ivres morts, titubent dans le living room, s’enroulent au passage dans une nappe couleur vermeil, prennent pour un ballon de foot les pieds d’une commode Louis XV, lancent des ding-dong devant la pendule du comte d’Artois et renversent un guéridon porte-girandole.

— Y’a plus d’pinard, gueule Jeff de sa voix nasillarde. Tina, y’a plus d’pinard !

Tina est plongée dans les bras de Morphée et derrière les couches de mascara qui enflamment ses paupières de nouvelle princesse défilent des chars d’or, des robes cousues de diamants et des princes d’Arabie qui se bousculent pour se prosterner devant elle.

Dans le bar de la vioque, d’un geste sec, Jeff attrape une boutranche de rhum et sur sa lancée, se l’enfile en une seule goulée. Ou presque. Soudain, il sent que son palpitant commence à battre la breloque, le décor du castel chavire et toutes ces couleurs rutilantes virent au noir le plus total.

— Tiiiiiina ! a-t-il la force de gueuler encore une fois tout en s’écroulant sur sa belle.

— Oh Jeff, pas maintenant, il fait si chaud…

Mais sentant ce poids inerte, la blondasse sort de sa léthargie et n’en croit pas ses yeux en voyant les pupilles de Jeff se révulser et…

— Oh non, Jeff, pas celle-là, pas celle-là !

La blondasse sent tout à coup ses sangs qui se glacent et ce soleil qui se la pète derrière les grandes fenêtres du castel ne parviendra pas à réchauffer cette gnace de pacotille.

— Pour…quoi ? a encore la force de murmurer cet enfoiré au visage à présent vérolé, de l’écume sortant de la bouche et le corps se raidissant de plus en plus.

— C’est la boutranche de la vieille ! Il y a dedans un poison…C’est moi qui ai précipité la mort de cette vieille peau…Oh Jeff, et nous ne sommes même pas mariés ! Oh Jeff, pas maintenant, ne meurs pas maintenant ! Pas aujourd’hui ! Oh Jeff ! hurle-t-elle en secouant la caboche inerte de Jeff Shadows qui à l’instant même vient de franchir les eaux malsaines du Rubicon.

CARINE-LAURE DESGUIN

http://carineldesguin.canalblog.com/

L'auteur est Carine-Laure Desguin !L'auteur est Carine-Laure Desguin !L'auteur est Carine-Laure Desguin !

Publié dans auteur mystère

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Qui est l'auteur de cette nouvelle ????

Publié le par christine brunet /aloys

Qui est l'auteur de cette nouvelle ????

Une blondasse dans la mouscaille

Le grand effiloché au teint blafard et aux binocles sur le nez soupire, manipule quelques pages d’un dossier désordonné, se penche vers la droite, ouvre un tiroir du bureau en bois laqué et en retire un paquet de feuilles, referme le tiroir et rive ses yeux de poissons morts sur son client, un p’tit gars aux allures de voyou, casquette de travers, sweat-shirt maculé de cambouis, la totale.

— Un truc qui coince, m’sieur ?

Quelques secondes de silence.

D’une voix faussement tremblante, le blanc bec reprend :

— Un truc qui coince, m’sieur ?

— Je ne suis pas sourd, jeune homme, rassurez-vous. Je rassemble les documents. Ceux que je vous lirez et que vous signerez, si dans le meilleur des cas il vous est possible d’enfiler une lettre à la suite d’une autre. Ces documents sont le symbole d’une vie qui glisse vers une autre vie, souvenez-vous en…

— Ah, okay, lance le blanc bec d’un air soulagé, tout en s’essuyant le front d’un geste désinvolte.

— Vous n’avez rien à craindre, reprend le binoclard sur le ton de la confidence. A moins que votre conscience soit lourde d’un certain poids.

— Ma conscience ? Ma conscience se fout pas mal de son poids ! Elle n’en n’a rien à cirer ! Et moi je m’en tamponne la coquille de tous ces trucs !

— C’est bien ce qu’il me semblait…Ma situation ne m’autorise à aucun jugement, hélas. Voyons, voyons, ah oui, voilà cette enveloppe.

Le binoclard ouvre l’enveloppe et d’une voix monocorde lit une dizaine de lignes d’une lettre manuscrite. Et puis il continue :

— J’ai bien vérifié. Jeff Shadows, c’est bien vous. Votre photo sur cette carte d’identité le confirme, en tout cas. Et de plus mais ceci n’est qu’une parenthèse, je vous aperçois parfois dans le parc de la résidence de Miss Shadows. Pauvre femme. Une vie fastueuse, une vie qui a brillé autant que ses diamants, une vie de reine. Et une mort tellement brutale. Mourir au printemps…La nature qu’elle aimait temps renaissait. Et elle, pauvre Miss Shadows, voilà que sa Jaguar s’engouffre sous ce poids lourd. Morte par décapitation. Je connaissais très bien votre tante. Comme vous voyez, nous sommes presque voisins…Vous êtes donc le fils de son défunt frère. Oui, c’est ça, je me souviens à présent. Miss Shadows me parlait parfois de son enfance, à Londres et de ce frère qui avait épousé une française, la sœur de son défunt mari. Cher ami, deux questions. Ferez-vous vos adieux à Pigalle et habiterez-vous la résidence principale, ici, à Neuilly ? Et le personnel, que ferez-vous du personnel ? Dany, le jardinier et Emma, la cuisinière sont très inquiets de leur sort, ils m’ont fait part de leur désarroi.

Le blanc bec répond, tout en mâchouillant son chewing-gum :

— Le personnel ? Il valse dehors, bien entendu ! J’ai une meuf, ça fera bien l’affaire pour les fourneaux.

— Bien sûr, je m’en doutais un peu. Et le parc ? Qui entretiendra ces arbustes magnifiques ? Ces parterres dignes du château de Versailles ? Je pense à ces pauvres fleurs qui n’ont fait de mal à personne, en somme…

— Ben…Ma meuf ne restera pas la journée devant ses casseroles…

— Oui, c’est certain. Voilà, Monsieur Shadows, vous êtes le seul et unique héritier. Une résidence ici, à Neuilly, une autre dans le centre de Londres. Vous êtes actionnaire de plusieurs holdings…Tout est spécifié dans ces documents que vous venez de signer. Madame votre épouse sera ravie, toutes mes félicitations.

— Merci, m’sieur. Tout le plaisir est pour moi, comme on dit…Mais pour moi seul. Je ne suis pacsé à personne. A présent, on verra. Tout ce pognon me donne une envie dinguo de faire une fiesta d’enfer ! Avec des feux d’artifice, de la gnole qui coule à flot et une musique techno qui ferait vibrer les caves de l’Elysée, traverserait la Manche et s’attaquerait à Buchkingam Palace !

— Au revoir, Monsieur Shadows. Et à bientôt, puisque nous sommes désormais voisins, soupire le notaire d’une voix blanche et monocorde.

Devant le grillage de la résidence, Tina, une espèce de blondasse boudinée là où il convient de l’être fume une clope, la xième clope depuis une demi-heure.

— Et alors ? fulmine-t-elle en voyant arriver son Jeff Shadows.

— Tout est à nous, baby, tout est à nous ! hurle-t-il en lançant les clés et les documents et en prenant par la taille cette Tina qui pousse tout à coup un cri de hyène.

— Tu es certain ? Ce vieux con ne t’a trouvé aucun pou ? On n’sait jamais, avec ces richards. Parfois, ils sont traversés par des espèces d’idées tellement malsaines et saugrenues.

— Oh, baby, à nous la belle vie ! Une vie d’enfer ! Fêtons ça ! Ça va péter !

— Ben tu vois mon minet, j’ai pensé à tout ! rétorque-t-elle en roulant des hanches tout en ramassant un sac à présent bien chaud d’avoir passé une trentaine de minutes sous le soleil ardent de cet après-midi de mai.

— Ah, le bruit de ces bouteilles, ce cliquetis….Fiesta ma belle, c’est la fiesta ! T’es vraiment une sacrée gonzesse, tu penses à tout !

— A tout mon trésor d’amour, vraiment à tout, tu ne devineras jamais jusqu’où ma cervelle peut gamberger, susurre-t-elle d’une voix sensuelle.

Le printemps est croquignolet, les arbres sont en fleurs et les rayons de soleil pétaradent comme si eux aussi, ils préparaient une farandole dans un grand circus. Fébriles, les tourtereaux n’admirent même pas leur castel et le parc fleuri qui l’entoure, ils ouvrent direct les lourdes de ce Versailles, font trois pas dans le hall gigantesque encore tout blinquant et lèvent les bras en l’air, en signe de victoire. Ils se font des grimaces tout en se regardant dans un grand miroir auréolé de feuilles dorées et passent la langue à une photographie (signée Harcourt) de Miss Shadows. Trente secondes plus tard, ils s’affalent sur un canapé british style Chesterfield.

— Alors, baby, une coulée de pinard ?

— J’ai ce qu’il nous faut ! Savourons cet instant…dit cette Tina de sa voix sulfureuse et t’as pas envie d’autre chose ? continue-t-elle en tortillant son corps grassouillet contre celui ce Jeff Shadows.

— Ah, baby, on a toute la vie devant nous pour la baise et tout ça…

— Okay, dit-elle en se dirigeant vers le bar. Et puis, tout ce stress m’a chauffé les sangs. Désaltérons-nous !

— On voit que tu connais tous les coins du castel, baby.

— Tu rigoles ou quoi ? rétorque-t-elle sur un ton moqueur tout en tirant sur sa minijupe en jean.

— Oh oui, je rigole, baby. On n’a plus que ça à faire, rigoler, baiser, tuer le temps !

— Voilà les verres tout frais sortis du bar de ta vioque et le pinard est là, dans le sac en plastique.

— Entamons la gnole du bar ! Profitons de tout ça !

— Inutile, le pinard est là, je te dis, là, insiste-t-elle en montrant du doigt le sac en plastique avec inscrit dessus Auchan.

— Allez baby, les glass, on s’en tamponne après tout, profitons un max !

— Yes, au goulot !

— Par la même occase et puisque c’est la journée des bonnes nouvelles, j’aime autant te dire que tu tarderas pas à voir la tronche de m’sieur l’maire…

— Oh Jeff, tu es si chou…

— J’te l’fais pas dire, rétorque le blanc bec. Ça s’appelle régulariser les choses. Ce qui est à moi sera à toi, les castels, le pognon et tout ça.

— Oh Jeff, oh Jeff, je suis si heureuse…

— Ouais, et tout ça grâce à cette vieille peau qui s’est tranchée la cervelle. Fini le gourbi, vive le castel !

Le pinard coule à flot et les deux infâmes, bientôt ivres morts, titubent dans le living room, s’enroulent au passage dans une nappe couleur vermeil, prennent pour un ballon de foot les pieds d’une commode Louis XV, lancent des ding-dong devant la pendule du comte d’Artois et renversent un guéridon porte-girandole.

— Y’a plus d’pinard, gueule Jeff de sa voix nasillarde. Tina, y’a plus d’pinard !

Tina est plongée dans les bras de Morphée et derrière les couches de mascara qui enflamment ses paupières de nouvelle princesse défilent des chars d’or, des robes cousues de diamants et des princes d’Arabie qui se bousculent pour se prosterner devant elle.

Dans le bar de la vioque, d’un geste sec, Jeff attrape une boutranche de rhum et sur sa lancée, se l’enfile en une seule goulée. Ou presque. Soudain, il sent que son palpitant commence à battre la breloque, le décor du castel chavire et toutes ces couleurs rutilantes virent au noir le plus total.

— Tiiiiiina ! a-t-il la force de gueuler encore une fois tout en s’écroulant sur sa belle.

— Oh Jeff, pas maintenant, il fait si chaud…

Mais sentant ce poids inerte, la blondasse sort de sa léthargie et n’en croit pas ses yeux en voyant les pupilles de Jeff se révulser et…

— Oh non, Jeff, pas celle-là, pas celle-là !

La blondasse sent tout à coup ses sangs qui se glacent et ce soleil qui se la pète derrière les grandes fenêtres du castel ne parviendra pas à réchauffer cette gnace de pacotille.

— Pour…quoi ? a encore la force de murmurer cet enfoiré au visage à présent vérolé, de l’écume sortant de la bouche et le corps se raidissant de plus en plus.

— C’est la boutranche de la vieille ! Il y a dedans un poison…C’est moi qui ai précipité la mort de cette vieille peau…Oh Jeff, et nous ne sommes même pas mariés ! Oh Jeff, pas maintenant, ne meurs pas maintenant ! Pas aujourd’hui ! Oh Jeff ! hurle-t-elle en secouant la caboche inerte de Jeff Shadows qui à l’instant même vient de franchir les eaux malsaines du Rubicon.

Publié dans auteur mystère

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Barbara Flamand a lu "2401", le nouveau roman de Bob Boutique

Publié le par christine brunet /aloys

Barbara Flamand a lu "2401", le nouveau roman de Bob Boutique

"2401" de Bob Boutique

une lecture de Barbara Flamand

Un roman policier, bien sûr, mais aussi un roman d’aventures et d’aventures étranges. Cela n’étonnera pas le lecteur qui connaît les œuvres précédentes de Bob Boutique : « Contes bizarres » volumes I et II et « Les dix petites négresses »

« Ce bouquin est un mystère » écrit l’auteur dans son prologue et « …en le commençant je n’avais aucune idée de la façon dont il finirait. » C’est bon signe. Une fois les personnages campés, c’est eux qui, à travers les événements, vont mener l’auteur sur le chemin final.

Où cette histoire se passe-t-elle ? D’abord à Chamy et puis ailleurs. Chamy ?! Ce petit village de quelques centaines d’habitants dont le passé est clair. Mais pour sept d’entre eux, le passé n’est pas si limpide, il cache un secret qui rendra leur avenir très hypothétique. C’est pourquoi B.B. ajoute en sous-titre : policier/thriller.

Il n’y a pas une petite histoire d’amour dans les 448 pages ? Si. Elle se glisse discrètement parmi toutes les tribulations.

Roman policier, roman d’aventures… J’ajoute roman populaire : des héros, des héroïnes ; des bons, des mauvais ; les forces du bien s’opposant aux forces du mal. .. Bob Boutique garde ses cartes dans la manche jusqu’à la fin de cette histoire rocambolesque. Mais l’énigme sera révélée in extremis.

Le style ? Dans un récit d’aventure, le style ne prime pas. Toutefois, B.B. a sa façon d’écrire. Humour, gouaille sont connus. Il interrompt le récit pour s’adresser au lecteur. Ainsi, lors d’une scène, il lui dit : » Voyez le jardin des délices de Jérôme Bosch », en précisant l’endroit du tableau, ce qui ne l’empêche pas au chapitre suivant de décrire lui-même de façon saisissante une autre scène du même genre.

Autre caractéristique : sa familiarité avec le lecteur : « je vous raconte une histoire, entendu que c’est une histoire. » C’est pourquoi le lecteur va accepter de bonne grâce quelques longueurs, la répétition de portraits et attitudes des héros, d’autant plus que la foule d’événements et de personnages peuplant le chemin sur lequel il est conduit par l’auteur jusq
u’à l’issue, exige une solide structure et…du souffle.

Barbara Y. Flamand.

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Jonathan Lenaerts se présente...

Publié le par christine brunet /aloys

Jonathan Lenaerts se présente...

Attaché de presse du BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival), Jonathan Lenaerts est définitivement un passionné de cinéma. La faute à sa mère qui l’a emmené voir Blanche-Neige et les Sept Nains alors qu’il n’avait que deux ans. L’amour des bouquins, par contre, il le doit à son père qui lui a gentiment refilé sa collection de Bob Morane alors qu’il était en pleine phase de transition Lego-Playmobil. Depuis lors, ces deux passions éminemment complémentaires n’ont cessé de le suivre, aussi bien dans sa vie privée que professionnelle, écrivant par ailleurs des recueils, des critiques de cinéma, et des scénarii. Accessoirement, sa plus belle réalisation reste son fils, Charlie, né le 25 mars 2015.

D’abord, les bases : qu'est-ce qu'un Jean-Pierre ?

Un spécimen humain, autrement dit une créature insignifiante en transit sur une masse de plus de 4,5 milliards d’années d’âge. Un gadget futile d’une espérance de vie moyenne de 70 ans, ce qui représente à peine cinq dixièmes de secondes s’il fallait comparer l’âge de la Terre à une année humaine comptable. Même pas un battement de cil, à peine un début de respiration d’asthmatique en soins palliatifs, juste ce qu’il faut pour une réaction dans les terminaisons nerveuses de l’index après deux bières. Un être qui ne peut vivre qu’avec une température corporelle comprise entre 34° et 42°, qui réussit à respirer chaque jour grâce à dix malheureuses molécules perdues au milieu des millions d’autres qui forment la couche d’ozone. Un être pareil ne peut décemment affirmer avoir de l’importance. Il ne s’agit que d’une misérable poussière sur un globe qui tourne à 1500km/h dans une galaxie qui fait un million et demi de kilomètres par jour sur un axe en spirale de soixante-cinq mille kilomètres par heure dans une galaxie qui compte à peu près cent milliards d’étoiles, cent mille années lumière d’un bout à l’autre, dans un univers qui s’étend de vingt millions de kilomètres chaque minute.

Le Jean-Pierre, conscient de sa petitesse, a dès lors pour habitude de se taire en toutes circonstances, de faire passer cette humilité maladive pour une paresse dans l'affirmation de soi, et de subir la vie jusqu'à ce que...

Publié dans présentations

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Christophe Meseure présente son roman "Juste pour lui dire au-revoir"

Publié le par christine brunet /aloys

Christophe Meseure présente son roman "Juste pour lui dire au-revoir"

Biographie

Christophe Meseure est né en 1972, dans le Nord de la France.

Après des études scientifiques qui se soldent par l'obtention d'un diplôme d'ingénieur, il prend part à de nombreux projets industriels en tant que prestataire de service.

En 2007, il prend un nouveau départ et se lance dans l'enseignement afin de pouvoir partager plusieurs de ses passions, comme l'histoire, l'écriture et les sciences.

« Juste pour lui dire au revoir » est son premier roman.

Résumé :

Sylvain a perdu sa fille de huit ans dans un accident de la route.

Particulièrement touché par cette épreuve, il s'abrutit de travail pour tenter d'échapper à l'impitoyable réalité qui compose désormais son quotidien.

Alors que sa vie se banalise dans une routine basée sur le principe du métro boulot dodo, il fait la rencontre inopinée d'une étrange centenaire qui lui dévoile un improbable secret et lui redonne par là même l'espoir.

Cette rencontre fera renaître en lui des souvenirs chargés d'émotions et bouleversera implacablement son existence.

Les rebondissements se succéderont à un rythme effréné, entremêlant la réalité et le surnaturel.

Le secret révélé par la vieille dame finira-t-il par tenir toutes ses promesses?...

EXTRAIT

Des larmes embuèrent peu à peu ses yeux. Une première goutte ruissela le long de son visage et alla s'écraser sur le parquet, dispersant sa peine circulairement. D'autres la rejoignirent bientôt à un rythme accéléré, à la manière des premières gouttes de pluie d'un orage d'été.

Non, il n'oubliait pas.

Comment aurait-il pu?

Ce qui lui était arrivé ne pouvait s'effacer.

Soudain animé d'une détermination nouvelle, il détourna son regard du cadre, se précipita vers la salle de bains, ouvrit un placard situé à côté d'un miroir qu'il n'osa pas regarder en face, puis saisit une boîte de médicaments et en vida le contenu dans la main. Sans se laisser distraire, il s'acquitta d'un détour jusqu'au bar pour y empoigner une bouteille de whisky à peine entamée. De retour dans le living, il ingurgita la totalité des comprimés tout en avalant plusieurs gorgées d'alcool.

Après la dernière déglutition, comme soulagé d'avoir enfin trouvé le courage qui lui avait jusque là fait défaut, il retrouva son calme et coupa l'éclairage, se contentant d'une pénombre à peine altérée par les insinuations des illuminations extérieures. La bouteille toujours en main, il démarra un projecteur vidéo placé à quelques mètres d'un écran blanc et se laissa tomber lourdement dans un fauteuil.

En quelques secondes, il retrouva sur cet écran ce qu'il avait perdu... Une naissance tant attendue; une fillette soufflant avec difficultés deux bougies posées sur un gâteau d'anniversaire; une sortie chez Mickey un soir de réveillon; une petite fille adossée au cheval blanc d'un manège; un regard admiratif devant un premier aquarium à la maison; encore un anniversaire...

Imperceptiblement, il s'enfonçait dans un sommeil profond, sans réveil probable. Il se sentait de mieux en mieux: un abîme allait l'emporter et l'éloigner enfin de cette souffrance quotidienne.

Au moment de perdre conscience, les paroles d'une petite fille de sept ans, le jour de la fête des pères, résonnait dans la pénombre de la pièce:

Je voudrais te dire papa,

Merci de m'avoir tant aimé...

Je ne te remercierai jamais assez...

Pour tous ces jours passés à tes côtés.

Ce furent les dernières paroles qu'il perçut avant de sombrer. La bouteille, à laquelle il s'accrochait avec une ténacité de moins en moins prononcée, tomba sans se briser et répandit son fluide à ses pieds.

Il ne bougeait plus, ne respirait presque plus...

Un étrange sourire se dessinait sur ses lèvres. Pas un rictus, seulement le témoignage de sa délivrance: le soulagement d'un homme enfin affranchi d'un poids trop lourd à porter.

***

Depuis deux mois, elle ne le quittait pas. Elle observait tous ses mouvements, tous ses gestes dans leurs moindres détails.

La détresse émanant de cet homme était tellement palpable qu'elle en éprouvait un sentiment de culpabilité profond.

Elle aurait voulu le rassurer, le réconforter, le convaincre de ne plus se conduire ainsi. Elle ne supportait plus son comportement, cette tendance à vouloir s'autodétruire, même si, au fond d'elle-même, elle comprenait les raisons de sa soudaine métamorphose. Il ne ressemblait en effet plus en rien à celui qu'elle avait connu et tant aimé.

Le voir continuer à vivre une vie heureuse lui aurait procuré un réel soulagement. Elle aurait tant aimé le lui dire. Malheureusement dans la prison qui était dorénavant la sienne, elle semblait condamnée à devoir l'observer sans pouvoir agir. C'était dans l'ordre des choses. Cela n'aurait servi à rien de s'en révolter.

Pour ce soir, il ne lui restait qu'une option: attendre et espérer une issue plus favorable, même si, au fond d'elle-même, elle savait que plus rien n'était désormais possible pour le sauver.

Publié dans présentations

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Un interview de Didier Fond pour son nouveau roman "La ballade des dames à poussette"

Publié le par christine brunet /aloys

Un interview de Didier Fond pour son nouveau roman "La ballade des dames à poussette"

Ce quatrième roman publié chez CDL ne ressemble vraiment pas aux précédents. Ces derniers pouvaient passer pour des ouvrages « sérieux », avec une intrigue solide, des secrets à découvrir, etc. Je ne veux pas dire que l’intrigue de La Ballade est inexistante ; il y en a une mais peut-être est-elle un peu moins rigoureuse et s’efface-t-elle plus volontiers derrière le comportement, les réflexions et les idées véhiculées par les personnages.

Un roman didactique, La Ballade des dames à poussette ?

Certainement pas. Déjà rien que le titre vous montre que l’on entre dans un univers qui n’est pas vraiment sérieux ou qui ne veut pas se prendre au sérieux, malgré les dérapages malhonnêtes de ces dames…

Le titre, justement. Comment un roman peut-il être une « ballade », ce genre poétique hérité du Moyen-Age ?

Evidemment que ce n’en est pas une au sens strict du terme. Mais je me suis beaucoup amusé à structurer le roman comme une ballade, c’est-à-dire qu’il y a trois « strophes » (en fait, 3 parties), un refrain entre chaque « strophe » et à la fin, un « envoi ». Au niveau de la forme, je fais référence aux poètes du Moyen-Age, Villon par exemple. Mais la ressemblance s’arrête là.

Car le contenu, lui, n’a rien à voir avec la poésie ?

« Rien à voir » c’est le moins qu’on puisse dire. Ne cherchez aucune trace de poésie là-dedans, vous n’en trouverez pas. Ou alors, vous avez une idée une peu particulière de la poésie. En fait, le contenu n’est pas toujours « politiquement correct ». On peut même le trouver parfois très provocateur mais l’avertissement qui ouvre le récit permet d’une part de prendre une certaine distance par rapport à ce qu’on va lire et d’autre part de choisir son camp : soit c’est la condamnation de la cupidité, soit c’est l’apologie de la malhonnêteté. Au lecteur de décider.

Elles sont donc si atroces, ces dames ? Pourtant, la couverture les représente en train de danser, elles semblent pleines de joie de vivre…

… Et de fric car si vous regardez bien, vous verrez qu’elles dansent sur un tapis de pièces d’or… Car l’argent est le moteur de leur existence. Et elles sont prêtes à tout pour « gagner plus » ; elles peuvent même aller jusqu’au meurtre. Elles sont redoutables quand on a le malheur de se mettre en travers de leur route, les voisins vont vite s’en apercevoir, ces malheureux qui les jalousent et passent leur temps à les espionner.

Finalement, elles sont bien moins sympathiques qu’elles le paraissent.

Je serais plus nuancé à leur égard. C’est vrai qu’au début, ce sont des dames fort respectables mais qui montrent vite qu’elles n’ont aucun scrupule ; il ne faut pas chercher à savoir ce qu’elles font avec leurs poussettes. Mais honnêtement, je n’arrive pas à trouver mes dames antipathiques, bien que je sois féroce avec elles… Pour preuve, la fin, qui va surprendre plus d’un lecteur et me faire peut-être taxer de totale immoralité…

Mais le roman ne se limite pas à présenter des dames peu fréquentables. Le personnage de Maurice, par exemple, se charge de faire passer quelques critiques plus générales qui révèlent peut-être la pensée de l’aueur ?

Oui et non. Encore une fois, l’avertissement est là pour dire « attention, il s’agit d’un roman, le trait a été forcé, le personnage peut dire des horreurs mais l’auteur ne partage pas son extrêmisme et, disons le mot, sa misogynie. Par contre, il peut partager son avis sur des comportements que l’auteur a observé dans la rue ou dans les transports en commun. » En fait, la question fait allusion au vieux problème qui se résume en une phrase : l’auteur est-il son personnage ? Réponse : évidemment non, nous sommes dans la littérature, pas dans la réalité et pas non plus dans l’autobiographie, même si certaines critiques sont communes à l’auteur et au personnage. Donc on peut également sans problème trouver mes dames amusantes et pas si odieuses que ça.

La Ballade, si l’on en revient à la forme, c’est aussi un roman polyphonique ?

Tout à fait. Je m’étais déjà essayé à cette forme un peu partiulière dans La Maison-Dieu. Mais il n’y avait que trois voix et elles n’étaient pas vraiment caractérisées. Là, c’est très différent. Dans La Ballade, on entend huit voix différentes en alternance : quatre personnages parlent au « je » et ont chacun leur façon de s’exprimer ; les quatre dames à poussette, elles, ne font pas entendre directement leur voix et c’est un narrateur qui prend le relais : leurs interventions sont donc au « il » mais j’ai introduit pour chaque dame un mot, une expression récurrente. Par exemple, pour France, c’est le terme « adorable » qui revient sans cesse. Elles ont donc chacune un tic de langage qui les caractérise, sauf une, Lydia. C’est la plus intelligente, la plus énergique, celle qui échafaude tous les plans pour éliminer les obstacles ; j’ai voulu la différencier des autres, montrer qu’elle n’avait pas en elle ce snobisme sous-jacent qui se révèle dans les tics de langage. Cela n’a pas été facile à faire, je le reconnais, et je ne sais pas si le résultat est concluant.

D’où l’idée d’écrire un roman comme celui-ci t’est-elle venue ?

Je n’en sais strictement rien. En fait, j’ai pris un stylo, une feuille de papier, j’ai écrit les noms des personnages, leurs caractéristiques, et puis j’ai commencé à rédiger, sans savoir où j’allais. L’intrigue s’est construite petit à petit, d’où les nombreuses rectifications qu’il a fallu faire. Ce n’est pas du tout ainsi que je travaille d’habitude : j’ai besoin d’un canevas solide et détaillé pour pouvoir écrire un roman. Là, tout s’est fait tout seul, au gré de l’inspiration, si j’ose dire. Cela vient peut-être du fait que je trouve ce roman moins « sérieux », comme je l’ai dit auparavant, que les précédents ; je me suis énormément amusé en l’écrivant, et j’espère que les lecteurs s’amuseront aussi. Il y a longtemps que je voulais écrire un roman « léger », où les personnages feraient un peu n’importe quoi. C’est fait.

Le mot de la fin ?

Il est évident : mes dames ont besoin de lecteurs. Courez vite acheter leur roman.

Extrait

CHRISTIAN SPECTATEUR

Le trottoir d’en face est de plus en plus à la masse. Passons sur le fait que Sophie se balade à dix heures du soir en pantoufles dans la rue, ce n’est qu’une excentricité de plus. Encore que venant d’elle, c’est quand même étonnant.

J’sais pas (pardon : je ne sais pas) si la confrérie des niaises a avalé un tombereau de piles électriques, mais elles sont d’un surexcité ! Et je te promène mon gamin dans tous les sens, à n’importe quelle heure, et j’te fais (oh zut, je te fais) trois fois dans la matinée le trajet villa - jardin des Treilles, le regard vissé à terre au cas où un éléphant échapperait à ma vue, tout ça en comptant le nombre d’enjambées qui me sépare du parc et de ma piscine, ou de mon jacuzzi… Quant aux papotages, ils ont pris une dimension cosmique. Elles n’arrêtent pas de se chuchoter des âneries (cela peut-il être autre chose ?) à l’oreille. Avec leurs poussettes à la con, elles vont finir par créer un embouteillage dans la rue à force de passer, repasser, s’arrêter, discutailler, etc.

Ce qui est un indice encore plus sérieux qu’il y a quelque chose de bizarre, c’est que France ne sort plus son quatre-quatre. D’habitude, il lui sert à aller chercher sa baguette de pain à la boulangerie du coin. Maintenant, elle utilise ses jambes. Je rêve. Et le mieux, dans tout ça, j’le dois (oh, fait chier ! Je le dois) à la curiosité de Sylvie. Est-ce qu’elle ne s’est pas mis en tête de surveiller tout ce beau monde histoire d’occuper son temps libre ? Elle ferait mieux de consacrer ses loisirs à autre chose, à moi par exemple, mais je reconnais qu’elle fait des découvertes intéressantes.

Pour avoir une idée de l’atmosphère délirante qui règne dans les rangs de ces tapées, il faut examiner le cirque auquel elles se livrent dans le jardin des Treilles. Elles essaient tour à tour tous les bancs, se font des p’tits signes (putain ! des petits signes), semblent poser des jalons ou faire du repérage. Mais repérage de quoi ? A peine une est-elle installée qu’elle se lève d’un bond, comme si elle s’était enfoncé une punaise dans le cul, regarde autour d’elle, agite la main en direction des autres, éparpillées aux quatre coins du parc ; on lui répond par des grimaces et puis tout le monde se lève, on prend sa poussette et on passe sur le banc d’à côté. Nouveau cinéma : l’une fait « non » de la tête, l’autre « oui », l’autre sans doute « chais pas » (connerie ! Je ne sais pas) et ça recommence.

Ra-va-gées, les petites mères.

Sylvie prétend qu’elles ont trouvé un nouvel amusement pour attirer les regards sur elles. Elles devaient penser que l’admiration du quartier s’essoufflait et qu’il fallait inventer un nouveau truc chicos-tendance pour en mettre plein la vue aux voisins. Jouer les débordées actives. Se montrer des mères comme on n’en voit plus, avec un M majuscule. Outre leur nouvelle manie de tester tous les bancs du jardin, il paraît qu’elles passent leur temps à se pencher sur leur poussette pour remettre la couverture en place, tripoter le gamin, faire semblant de glisser quelque chose sous les draps… On jurerait, d’après Sylvie, qu’elles répètent un rôle.

Publié dans interview

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Perrine Marlière présente son roman "Sur le fil"

Publié le par christine brunet /aloys

Perrine Marlière présente son roman "Sur le fil"

Perrine MARLIERE est née en 1980 à Dijon où elle a passé son enfance et ses premières années d’études d’histoire à l’Université de Bourgogne.

Après l’obtention d’une licence en développement rural elle a posé ses valises en Limousin où elle vit et travaille depuis 2006. Elle y exerce les fonctions d’adjoint administratif à la Ville de Saint-Yrieix.

À l’arrière-plan d’une activité professionnelle au service des administrés, se découvre une passionnée d’art, de littérature et d’écriture qui compose poèmes, nouvelles et les illustre au pastel et à l’encre de Chine. L’écriture la suit depuis l’adolescence, les choses s’articulent sur des carnets, se griffonnent, se gribouillent et c’est en 2010 qu’elle a commencé à réfléchir à l’exposition de ses textes au regard des lecteurs.

Sur le Fil est son premier travail publié en intégralité. Certains de ses poèmes ont déjà fait l’objet de publication dans la revue « Friches Cahiers de poésie verte », (n°115 et 119).

Résumé

Enchevêtrer, entremêler des poèmes à une histoire est la particularité de cet ouvrage. Construction singulière marquant une façon de travailler propre à l’auteure qui met ainsi un point d’honneur à « faire entrer » la poésie dans la vie. Ce qui pour le lecteur est un exercice peu commun que de passer de l’un à l’autre, va devenir très vite une habitude. Une nécessité addictive qui incite à suivre, sur le fil, l’histoire de Louisa et son secret.

« Sur le fil » est un processus de reconstruction oscillant donc entre prose et poésie. Une renaissance se profile, les pieds nus dans le sable d’une plage familière ou d’une plage jamais foulée. Lorsque l’on a réduit votre cœur à l’état minéral, comment lui redonner les pulsations nécessaires à la reconquête des couleurs ? Louisa, tiraillée entre folie et résilience se déploie au fil des pages, sur un fil tendu, qui à tout moment peut rompre.

L’auteure nous livre dans ce premier travail d’écriture rédigé entre novembre 2012 et juin 2013 « quelques tableaux colorés d'émotion, brossés en quelques mots. Un peu de rêve, chaque fois une petite histoire en soi »* où la lumière trouve définitivement sa place.

(*avis du comité de lecture Chloé des Lys).

Extrait

« Regarde autour de nous. Il n’y a plus que du sable, de l’eau, du vent.

Il y a longtemps que je voulais faire ce voyage avec elle. Lui montrer les lieux, l’endroit où le débarquement s’est produit. Lui raconter l’histoire.

« Bloody Omaha » nous accueille, elle nous berce de sa lumière et nous enivre de ces silences. Assises toutes les deux dans le sable, l’horizon nous appelle et nous retient en même temps. Entre nous il n’y a plus de barrières, j’ai l’impression d’être nue à ses côtés, de n’avoir pour tout habit que mes vieilles cicatrices et ma peau moins ferme qu’il y a vingt ans. Elle voit bien dans mes yeux qu’il y a quelque chose qui cloche. Elle pose sur moi un regard inquiet.

J’ai cinquante ans. C’est pour moi une première, je ne suis jamais venue, je n’en ai jamais eu l’occasion. A une époque j’aurais pu, mais la vie en a décidé autrement. Alors bien que découvrant la blancheur des côtes normandes, j’ai l’impression d’être ici depuis des lustres, de n’être jamais partie, d’avoir vécu toutes ces années dans la roche, dans le sable, ici, sur ces plages.

« - Tu vas bien maman ?

- Oui

- C’est un peu triste ici, je trouve

- C’est vrai, tu veux qu’on bouge ? »

Nos deux corps ont alors migré vers le surplomb. Nous avons quitté un environnement minéral pour un champ de croix. De notre petite promenade au cimetière américain de Colleville-sur-Mer j’ai pu me libérer d’une oppression pour en trouver une autre. L’alignement des sépultures confère à ce lieu une perspective toute particulière et donne une sensation d’infini. L’infini de la barbarie humaine. Soixante-dix hectares de recueillement. Alors mettant nos mains dans nos poches nous sommes restées en contemplation, comme si l’atmosphère nous absorbait. »

Publié dans présentations

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Emmanuel Serdet nous présente son roman "Le testament"

Publié le par christine brunet /aloys

Emmanuel Serdet nous présente son roman "Le testament"

RÉSUMÉ :

C’était l’année de mes quinze ans. J’avais repoussé d’année en année la cérémonie de ma communion solennelle, et j’étais devenu aux yeux de la famille une sorte de chrétien attardé. C’est alors qu’en ce printemps 1974, mon grand-père se décida à me prendre sous sa coupe.

Dans le huis clos de son petit atelier de lutherie, chaque mercredi, il allait m’initier petit à petit à son art, et en même temps à l’histoire des religions. J’allais découvrir les mythes fondateurs sumériens et babyloniens, persans et égyptiens, ou encore ceux de nos ancêtres celtiques. Mais surtout, de révélation en révélation sur l’Ancien et le Nouveau Testament, j’allais finalement découvrir le mystère de la « Rê-surrection ».

Et lorsque mon grand-père me proposa de quitter notre petite ville vosgienne de Mirecourt pour un périple vers la Bretagne, j’étais loin d’imaginer que j’allais connaître l’ultime Révélation. En plein cœur de la forêt de Brocéliande, dans une cérémonie perpétuée depuis la première Croisade par neuf Templiers initiés, j'allais devenir à mon tour le gardien du Testament.

EXTRAIT :

« Je dois vous le dire, ce fut là le vrai commencement de cette longue « initiation » comme je l’ai déjà appelée, parfois pénible, souvent surprenante. Un drôle d’apprentissage, slalomant dans l’histoire, percutant les dogmes religieux, débusquant les mensonges millénaires, et se frayant une voie jamais explorée.

Mais je ne regrette rien, non je ne regrette rien. Car en cours de route j’ai rencontré celle qui est devenue l’âme-sœur de ma vie, Aura. Et au bout du chemin j’ai trouvé ma vérité. Pas la vérité absolue, je ne crois pas, mais un petit bout de certitude sur la vie et la mort qui va avec, un morceau de conviction, vous savez cette part rassurante sur la suite ultime que l’on enfouit au plus profond de soi de peur qu’elle vous échappe. »

Publié dans présentations

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Philipe Desterbecq a lu "La robe en soie bleue ensablée" de Laurence Amaury

Publié le par christine brunet /aloys

Philipe Desterbecq a lu "La robe en soie bleue ensablée" de Laurence Amaury

Après ma chronique sur "Le vertige empaillé", Laurence Amaury m'a gentiment offert un autre recueil de nouvelles "La robe en soie bleue ensablée". Cette robe sera le lien entre les différentes nouvelles.

"Océane" comme un hymne à la mer, la mer du Nord où se déroule ce récit. On y découvre cette fameuse robe qui donnera le titre du recueil.

Trois jeunes gens squattent une maison, "Océane", dans laquelle ils vont trouver des souvenirs des anciens occupants. Ceux-ci influenceront leur existence jusque dans le prénom de leurs futurs enfants...

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Dans "Légende tzigane pour violon", un homme se rend au cimetière sur la tombe de sa mère. Là, il aperçoit une jeune femme qui enterre un paquet au pied d'une tombe sans nom. Intrigué, curieux, il ne peut résister à la tentation et déterre le paquet. Il ne le sait pas encore mais le contenu l'intéressera au plus haut point...

Secrets de famille et suspense...

Je pense que c'est la nouvelle que j'ai préférée.

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Dans "Gaillardmont", Laurence Amaury plonge ses lecteurs dans les arcanes de l'amour. L'amour et ses mystères.

Pourquoi tombe-t-on amoureux(se) d'une personne plutôt que d'une autre? Comment s'en sortir si on s'est trompé de partenaire, si l'amour éprouvé pour quelqu'un n'est pas vraiment de l'amour?

Si l'auteure invite le lecteur à démêler les écheveaux du sentiment amoureux, elle l'invite aussi à visiter sa chère ville de Mons. Après la lecture de cette nouvelle, je n'ai qu'une envie : parcourir les différentes rues décrites par Laurence.

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Avec "Simonne", Laurence Amaury rend hommage à sa famille côté maternel et invite le lecteur à feuilleter avec elle un album de photos familial. J'avoue m'être un peu perdu dans son arbre généalogique, mais qu'importe, puisque Simonne est l'héroïne de ce récit.

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Dans "Tarziblotte", mot surgi dans la tête de l'auteure, Laurence Amaury met en avant son amour de la lecture et de l'écriture. Et la robe en soie bleue attend son heure au fond d'une valise...

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Enfin, "Les demoiselles de Honfleur" emmènent le lecteur dans cette cité portuaire de la fin du XIXe siècle où il pourra rencontrer le peintre Eugène Boudin, le musicien Erik Satie et l'humoriste Alphonse Allais, tous originaires de la cité.

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Et dans chaque nouvelle, le lecteur se régalera de l'écriture parfaite de Laurence.

Philippe Desterbecq

Philipe Desterbecq a lu "La robe en soie bleue ensablée" de Laurence Amaury

Publié dans Fiche de lecture

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Jean-Claude Texier nous propose une présentation originale de son nouveau roman

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-Claude Texier nous propose une présentation originale de son nouveau roman

Chloé des Lys :

Jean-Claude Texier, trois ans après la publication de votre premier roman, L’Élitiste, quelles sont vos impressions de nouvel auteur ? Diriez-vous qu’être publié et lu constituent chez une personne, une étape cruciale de sa vie, avec un avant et un après ?

Jean-Claude Texier :

Absolument. Écrire, c’est naître une seconde fois. Comme le disait Balzac, c’est faire concurrence à l’État-Civil en ce sens que l’on crée des personnages qui n’ont jamais existé et auxquels on prête vie par la magie de la littérature.

Mais c’est aussi devenir soi-même quelqu’un d’autre. Même si vous ne choisissez pas un nom de plume, votre identité est liée à la qualité d’écrivain. Vous êtes devenu romancier, un créateur de mythes. Vos personnages vous habitent, vous hantent, prennent possession de vous et s’imposent comme des créatures autonomes peu concernées par les intentions de l’auteur. Bien souvent, j’ignore jusqu’où ils me mèneront.

CDL :

Qu’est-ce que cela change dans votre relation à autrui ?

JCT :

On dit qu’un écrivain est reconnu quand il est accepté par un grand nombre de lecteurs comme quelqu’un qui mérite ce titre. Dès que votre livre est publié, vous entrez dans la catégorie des candidats à la notoriété, et vous êtes proposé comme tel à l’étalage des libraires. Vous êtes remarqué ou passez inaperçu. On parle de vous, ou l’on vous ignore.

Le plus étrange, c’est que ce phénomène se reflète aussi dans votre entourage et vos relations. Certains vous félicitent, se réjouissent de votre nouveau titre comme d’une nouvelle naissance, d’autres vous traitent comme si votre bébé n’existait pas. Ils accueillent les louanges ou les critiques vous concernant avec la même impassible indifférence. Il faut dire, cependant, que se présenter comme écrivain vous honore aux yeux de la majorité, et vous montez dans l’estime des gens.

CDL :

Comment L’Élitiste a-t-il été reçu ?

JCT :

Bien, dans l’ensemble. Mais il eut aussi de fervents détracteurs, non pas en raison de sa valeur littéraire, mais de sa connotation politique, bien que je me défende de tout parti pris. Le récit se déroule durant la campagne présidentielle de 2OO7 et décrit ses répercussions sur la vie interne d’un lycée de banlieue. Revivre cette époque, c’est aussi agiter les passions, exacerber les rancœurs et attiser les préjugés. Mais ce que certains ressentirent comme un défaut s’avéra chez d’autres une qualité. Ils y virent un document saisissant de l’état d’une société en période de changement électoral dans un milieu rarement décrit de l’intérieur. Les lecteurs qui l’apprécièrent le mieux furent sans doute ceux qui ignoraient tout de l’Éducation nationale, et découvrirent les rouages d’un monde clos et refermé sur lui-même, avec ses codes et ses rites. Ce fut le cas, en particulier, de lecteurs étrangers francophones.

CDL :

Loozie Anna, le volume 2 de l’Élitiste, exploite la même veine ?

JCT :

Loozie Anna est un roman très différent. Bien qu’il se déroule dans le même milieu et que l’on retrouve quelques-uns des personnages du premier livre, il en introduit de nouveaux et se situe à une époque antérieure à 2007. Il raconte la vie d’une héroïne romantique dont l’aventure sentimentale illumine la banalité de son quotidien. L’ascension du proviseur élitiste du lycée Édith Cavell accompagne les péripéties qui orientent le destin d’Adélaïde. Ici, le mythe n’est plus politique mais personnel et se trouve lié au théâtre. Parce que son père a souhaité qu’elle joue le rôle d’un personnage historique un jour de carnaval, lorsqu’elle était enfant, elle s’identifiera à ce rôle et incarnera deux fois son personnage, d’abord en 1989, lors du bicentenaire de la Révolution française, et trois ans plus tard pendant le Mardi Gras à La Nouvelle-Orléans. C’est aussi pour réaliser un vœu de son père qu’elle s’évertuera à jouer en soliste le concerto pour violon de Tchaïkovski. Son destin sera donc déterminé par l’enfant qu’elle a été et qui survit en elle.

CDL :

Votre héroïne est enseignante et L’Élitiste raconte l’histoire d’un lycée français. Pourriez-vous écrire sur un autre monde ?

JCT :

C’est un milieu que je connais bien pour y avoir vécu la majeure partie de ma vie. Je crois que l’univers qui vous est familier est d’une inépuisable richesse. L’enseignement est très proche de l’écriture en ce qu’il requiert un don total de soi à la jeunesse, comme l’écrivain se voue entièrement à son œuvre pour la faire vivre chez ses lecteurs. Adélaïde est une linguiste obsédée par les mots, car c’est par eux qu’elle communique avec ses élèves. C’est une passionnée, en quête perpétuelle d’elle-même et une assoiffée d’amour. Comme la plupart d’entre nous, elle a besoin des autres pour se construire et son évolution personnelle sera aussi professionnelle, dans une voie tout à fait inattendue.

CDL :

Voilà qui est très intéressant et donne envie de lire Loozie Anna. Quel autre projet préparez-vous ?

JCT :

La suite, évidemment.

Publié dans interview

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