Séverine Baaziz nous dévoile le début de son nouveau roman « L’astronaute ». Parution en septembre 2019 !

Publié le par christine brunet /aloys

J’ai beaucoup hésité avant d’écrire ce qui va suivre. Je ne voulais ni choquer, ni déranger, mais dans l’état où je me trouve, je sais que je n’ai plus le choix. C’est maintenant ou il sera trop tard.

Ce matin, j’ai perdu deux dents. Ma vue se trouble. Bientôt mes doigts se mettront à gonfler. J’espère tenir jusqu’au point final, mais une chose est sûre, je vous livrerai tout de ce que j’ai vécu, sans mensonge ni compromission.

Je me dis que de moi, au moins, il restera ça.

 

Voilà, je me lance.

Tout a commencé dans le bureau de Berthier. Mon responsable. Convoqué au micro, j’ai foulé les marches qui me séparaient de lui, avec nonchalance. Je n’espérais plus rien de mon emploi. Pour tout dire, plus rien de la vie.

Affalé sur le siège à roulette, à une longueur de bras de son visage, j’attendais qu’il ouvre la bouche. Le nez me démangeait, chatouillé qu’il était par l’odeur mi-poivrée mi-mentholée de sa peau fraîchement rasée. Soudain, il a souri. A pleines dents.

Il a encore gardé son regard plongé dans le mien un moment, tout en continuant à sourire et, d’un coup, comme piqué par une guêpe, il s’est redressé, a frappé son bureau plein de paperasse du plat de ses deux énormes mains, avant de prononcer la phrase la plus improbable que la vie m’ait donnée à entendre :

Sacré Michel ! C’est votre jour de chance !

Ma femme venait de me quitter. Je vivais dans un minuscule appartement entièrement peint en vert têtard avec cinq cartons, deux valises et quelques centaines de cloportes.

— Ah ?

SACRE MICHEL ! Vous doutez, je le vois bien, vous doutez ! Attendez de savoir ce que la haute autorité vous offre comme perspective.

J’attendis.

— Michel, arrêtez-moi si je me trompe. Vous n’avez pas d’enfant et vous venez de vous séparer. En d’autres termes : aucune obligation familiale ?

— Non.

— TRES TRES BIEN !

Berthier hurlait comme si j’étais sourd. Ses mots ne s’articulaient pas, ils jaillissaient de sa bouche. Si bien que son haleine fétide en devenait insupportable. Des soufflantes de hareng et de persillade. Je n’avais alors qu’une hâte, c’est que tout cela se finisse au plus vite.

— Les espaces exigus ne vous posent pas problème ?

A choisir, je préférais les grands espaces.

Non.

PARFAIT !

Pitié.

Là, Berthier m’annonça ce qui aurait dû me combler de bonheur. Le Graal dans la profession. J’étais sélectionné, nommé, non, désigné à l’unanimité comme l’homme de la situation. Je décollais le lendemain. Félicitations.

Mais j’y pense, j’ai oublié de vous dire : je m’appelle Michel Bracowski, je suis astronaute.

 

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S
Quel accueil, merci beaucoup ! Sous son casque, sourire ému, Michel Bracowski, vous dit à bientôt pour un nouvel extrait de ses aventures...<br /> Bel été à vous tous ;-)
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M
Un magnifique extrait ! Bravo !
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J
Extra, Séverine, ça décolle magistralement et sans traîner ! Extrait très enthousiasmant ! Félicitations à toi, me réjouis d'en savoir plus ... Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
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J
Ben ça commence bien. Un petit tour dans l'espace, histoire de voir notre boule de très haut? Alors, bon voyage, lecteur.
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C
Super, la chute ! Cet extrait suffirait à faire une excellente nouvelle !
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