Jean-Marie Mottoul chronique "Poèmes Inédits" de Jacques Degeye

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-Marie Mottoul   chronique "Poèmes Inédits" de Jacques Degeye

A propos des « Poèmes inédits » de Jacques Degeye

Dans sa dernière publication, Jacques Degeye se livre à l’exercice de la poésie pour délivrer à notre monde, des messages d’alerte. Jérémie des temps modernes, il fait œuvre de vigilance sans laquelle, dit-il, nul poète ne peut être inspiré. Voilà une condition qui ne fera pas défaut à notre poète en herbe, au regard tourmenté, dont le tempérament porté au pessimisme, nous avait déjà été révélé dans son ouvrage sur le suicide. Un pessimisme moral, en filiation de la philosophie de l’absurde d’Albert Camus, qui traduit une souffrance face aux misères de la vieillesse, aux accidents qui fauchent des vies aveuglément, à des hommes capables de torturer leurs semblables, de maltraiter nos amis les animaux, de souiller la nature, alors que nous en partagerions la même essence, de s’aveugler et s’étourdir dans le brouhaha des messages futiles noyant le bon grain dans l’ivraie, de sombrer dans la barbarie au nom d’un patriotisme faussement rassembleur par la haine de l’autre. Du poète, est-ce la vocation de parler de ces malheurs ? Au barde, ne revient-il pas de magnifier le monde ? Et Jacques nous répond que ce n’est pas un acte déplacé, mais la célébration de ces vies cassées.

Mais ce recueil dépasse ce souci. Son enjeu est dans ce cri étouffé de la salamandre qui reste sans réponse, dans cette peur qui habite le poète face aux ténèbres qui s’annoncent, dans cette nostalgie d’un monde rural immobile qu’un capitalisme cupide n’aurait pas encore corrompu en un mouvement sans fin porteur d’angoisse, dans ce souhait de la suite du film sans aléas qu’il nous réserve , dans cet effroi d’un passage brutal des bras de la mère à la cour des nonnes.

Nous y voilà ; toutes ces vitupérations ne seraient-elles pas qu’un symptôme d’une altérité secrètement blessée, au plus profond de l’âme d’enfant par cette dame, pas vraiment inconnue, surgissant de nulle part comme l’aigle de Barbara, faussement disparue à tout jamais, mais toujours présente, déesse vicieuse? Convertissons-nous dans des entreprises moins frivoles, conseille Jacques, sans conviction. Non, ce qu’il faut, c’est tuer cette déesse ; ce recueil de poèmes en est la tentative qui parait réussie parce que parole a été dite, avec un accent d’authenticité, gage d’une libération de l’empreinte du prince des ténèbres qui est angoisse nous renfermant sur nous-mêmes. L’empreinte de Dieu, ce n’est pas la croix, ni les stigmates, c’est son amitié qui nous dit « lève-toi et marche » Et cet enchantement s’avoue dans l’image de l’eau salvatrice perçue comme une fontaine d’où coule un filet d‘eau mince et limpide qui évoque celle de Siloé, dans ce poème dédié au petit-fils sauvé du mal dont le ton de bonheur tranche avec le reste du recueil

Il faut imaginer Jacques Degeye apaisé.

Jean-Marie Mottoul Jambes, ce 7 juin 2015

Publié dans Fiche de lecture

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M
Je me demande parfois qui de l'auteur ou du lecteur a les pensées les plus noires ? Je me demande également s'il existe un être humain préservé de telles pensées ? L'expression de celles-ci se traduit par l'Art, je crois...Mais c'est vrai l'être humain est plein de ressources, c'est ce qu'on appelle "la résilience" et écrire est un de ses membres. On peut écrire avec de l'encre noire et vivre la vie en rose :) J'ai pu lire des poèmes de Monsieur Jacques Degeye : c'est pour moi, de la Grande Poésie.
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